Interview de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur le financement de la recherche de défense, la coopération européenne en matière de recherche de défense et le rapport de Mme Martine Lignières-Cassou sur la recherche militaire, Paris le 27 février 2001.

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Texte intégral

Le souhait de voir ces crédits de recherche progresser est-il partagé ?
Le niveau des crédits de recherche amont a certes diminué de manière significative depuis 1990. Cette baisse résulte de plusieurs facteurs : la réduction importante des budgets, l'évolution des besoins de recherche spécifiquement militaires marquée par l'essor des technologies civiles, l'évolution des menaces, l'exigence croissante d'interropérabilité avec les alliés dans le cadre d'opérations en coalition ou encore la consolidation industrielle au niveau européen. Mais à partir de 1997, j'ai réformé le processus de recherche de défense, avec l'objectif de disposer des capacités technologiques clés, assurant la supériorité militaire, au meilleur coût. Cette réforme s'appuie sur trois principes :
. inscrire la recherche de défense dans un processus global de préparation de l'avenir.
. définir, au sein du "modèle technologique 2015", les technologies clés dont nous avons besoin à un horizon de 15 à 30 ans
. s'appuyer sur les politiques industrielles (les "politiques techniques et sectorielles") pour mettre en uvre les programmes de recherche.
Le montant des crédits consacrés à la R T par le ministère a été de l'ordre de 7,7 MdF en 2000, dont 3 MdF consacrés aux études amont, contractées
principalement auprès de l'industrie, et 4,7 MdF consacrés au financement d 'organismes de recherche. Alors que la loi de programmation 1997-2002
correspondait à une période où beaucoup de développements ont été lancés ou menés à bien, la loi 2003-2008 verra de nombreux matériels être fabriqués
en série. Pour compenser ce transfert de charge des bureaux d'étude et laboratoires vers les ateliers de fabrication, le ministère de la défense prévoit d'accroître les budgets d'étude amont et de recherche.
Que pensez-vous de la proposition de création d'un organisme interministériel de Défense ?
Au travers de la recherche de défense, mon ministère vise non seulement à satisfaireses besoins propres en termes de préparation de l'avenir, mais
aussi à apporter une contribution la plus efficace possible à la capacité nationale de recherche. Il bénéficie également de résultats obtenus dans le cadre de programmes de recherche. Nous devons rechercher le moyen le plus efficace et le plus souple pour mener cette concertation. Je suis pour ma part partisan d'une coordination étroite et suivie à tous les niveaux des ministères concernés, mais tout particulièrement demandeur d'une "perfusion" permanente entre les acteurs de la recherche. C'est dans cet esprit que le directeur de la technologie du ministère de la recherche et le directeur des systèmes de force et de la prospective de la DGA ont signé, le 29 janvier, un protocole qui prévoit une concertation régulière et le partage de compétences entre les deux ministères. Ce protocole est une première étape, importante et fondatrice, vers la constitution et la mise en uvre d'une"charte de la dualité".
Comment parvenir à "une véritable prise en charge de la recherche de défense au niveau européen" ?
La dimension européenne est l'une des priorités de notre programme de travail. Je souhaite d'une part que nous développions la dualité au niveau européen :
D'autre part, je souhaite que nous mettions en place un espace européen de la recherche de défense. Nous consacrons d'ores et déjà 20% de notre budget
aux programmes de recherche en coopération. Nous avons engagé des discussions avec les principaux pays contributeurs dans ce domaine, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, afin de coordonner nos politiques, notamment en ce qui concerne les industries transnationales et les technologies clés dont l'Europe veut conserver la maîtrise .
Quelles propositions la France peut-elle faire à ses partenaires de l'Union ?
Nous réfléchissons actuellement, avec nos partenaires de l'OCCAR et de la LoI au meilleur moyen de conduire ensemble des programmes de recherche de
défense. S'agissant des capacités technologiques, la France souhaite proposer, le moment venu et selon les modalités appropriées, à tout ou partie de ses partenaires de l'Union européenne une démarche analogue à celle adoptée à Nice par les Quinze en matière de capacités opérationnelles. Nous souhaitons également recourir plus systématiquement à des démonstrateurs technologiques, qui nous permettent de lancer, au moment opportun, les programmes répondant le mieux aux besoins des armées en tirant le meilleur parti des avancées technologiques. La réalisation de démonstrateurs se prête bien à des coopérations, qui elles-mêmes favorisent
la réalisation en commun des futurs programmes .
Quelles autres observations souhaiteriez-vous ajouter au rapport de Martine Lignières-Cassou ?
Je partage une grande partie des observations de Madame Lignières-Cassou. Nombre d'entre elles confortent d'ailleurs des orientations déjà prises.
La vision à long terme et la politique de recherche du ministère de la défense constituent l'une des améliorations les plus importantes de ces dernières années : la définition d'un modèle de capacités technologiques à l'horizon 2015, actualisé chaque année, permet de préserver l'orientation des programmes de recherche, décidée chaque année à mon niveau, des contingences du court terme. Je m'associe par ailleurs pleinement à l'analyse de Martine Lignières-Cassou sur la nécessité de mieux exploiter le réservoir d'innovations technologiques, de réactivité et de compétitivité que constituent les PME-PMI. Les actions déjà engagées au sein du ministère y contribueront.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 1er mars 2001)