Interview de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France et candidat à l'élection présidentielle, à RTL le 11 avril 2007, sur la durée du travail, l'impôt sur la fortune, la sélection à l'école et la représentation proportionnelle.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q- Bonjour, P. de Villiers. La campagne électorale que vous menez se déroule-t-elle selon vous dans des conditions de loyauté qui vous permettent de faire entendre ce que vous avez à dire ?
R- Tout à fait, il y a maintenant l'égalité des temps d'antenne, l'égalité des temps de parole. On découvre d'ailleurs que 18 millions de Français, d'après certains chiffres, sont encore indécis.
Q- Je croyais que vous ne croyiez pas aux sondages !
R- Et donc justement, ça, c'est l'anti-sondage qui montre bien que les Français, en fait, n'ont pas choisi. Donc, ce n'est pas la peine de choisir à leur place.
Q- Vous proposez la "suppression pure et simple - je vous cite - des 35 heures ; par quoi voulez- vous les remplacer ?
R- Par une négociation, comme dans tous les grands pays modernes, au sein des entreprises et des branches professionnelles. Je vous donne un exemple : il y a quelques heures, j'étais avec des gens qui travaillent dans la saisonnalité de la pomme, et ils me disaient : "Nous, on n'a pas du tout les mêmes horaires en été, en hiver, etc. On voudrait adapter nos horaires". Dans les grands pays modernes, ce n'est plus l'Etat qui fixe la durée légale du travail. Il y a un côté un petit peu soviétoïde ; c'est vieux comme les années 60, le siècle dernier. Dans les grands pays modernes, c'est aux salariés et aux entrepreneurs de s'accorder, de s'accorder et je dirais même...
Q- Et s'ils ne s'accordent pas ?
R- Bien sûr il y a une durée minimale. Il y a même une durée de 48 heures au niveau européen. Mais à l'intérieur de cette durée maximale plutôt, il est évident que c'est aux entreprises d'aller à leur rythme en fonction de la productivité et aux salariés. Et je pense en cet instant aux salariés les plus modestes qui profiteront de cette liberté pour libérer leur pouvoir d'achat, c'est-à-dire pour pouvoir travailler plus que beaucoup demandent et vous avez beaucoup d'entreprises qui donneront le choix suivant : travailler plus, gagner plus ; travailler moins, gagner moins.
Q- Vous proposez la suppression de l'impôt sur la fortune, pourquoi ?
R- Parce que c'est un impôt de délocalisation fiscale. Moi ce qui m'a fait changer d'avis, c'est un ami, un voisin, qui est ouvrier dans une entreprise, chez Jeanneau, aux Herbiers, et qui a hérité d'une petite bicoque à Noirmoutier ; qui a lui-même une maison très modeste à Mortagne-sur-Sèvre en Vendée ; et qui dit : "Je me retrouve à payer sur l'impôt sur la fortune". C'est absurde. On voit bien que c'est plus l'impôt sur la fortune. D'ailleurs, même S. Royal le paye. Et donc, en fait, on voit que l'impôt sur la fortune rapporte...
Q- Et vous, vous ne le payez pas ?
R- Non, moi je ne le paye pas ; je ne suis pas assujetti.
Q- Vous parlez de S. Royal, mais ce n'est pas une tare de payer l'impôt sur la fortune...
R- Non, pas du tout, justement pas du tout. Mais je dis simplement que, à partir du moment où les socialistes le payent, c'est plus l'impôt sur les grandes fortunes puisque, comme vous le savez J, les socialistes sont généreux et pauvres. Voilà. Donc il est paradoxal que la droite comme moi ne paye pas l'impôt sur la fortune. Soyons sérieux. L'impôt sur la fortune, vous savez ce que ça coûte : 100 milliards d'euros d'évasion de richesses fiscales.
Q- Donc, il faut le supprimer, d'après vous. Vous souhaitez- vous le dites comme ça dans votre programme -le rétablissement de l'autorité à l'école. Concrètement, qu'est-ce que cela veut dire ?
R- Cela veut dire l'autorité des maîtres, l'autorité des savoirs, et l'autorité des diplômes. Alors l'autorité des maîtres, cela veut dire que quand un maître entre dans une école, les élèves se lèvent. Et c'est la raison pour laquelle je suis, moi, pour le retour de la blouse et de l'uniforme sous une forme ou sous une autre, pour mettre fin à l'excentricité vestimentaire...
Q- Ce n'est pas très moderne, le retour de la blouse ?
R- C'est très moderne, dans la plupart des grands pays ; c'est ce qui se passe soit de manière traditionnelle, soit de manière nouvelle, parce que vous avez un problème dans nos écoles aujourd'hui ; ce sont les excentricités communautaristes, et d'ailleurs aussi bien que le racket et les disparités sociales. L'autorité des diplômes, cela veut dire qu'il faut réintroduire à l'école l'excellence ; c'est pour ça que je suis pour la suppression du collège unique, la notation et la sélection. Parce que si ce n'est pas l'école qui fait la sélection, c'est la vie et le piston. Moi je suis contre le piston ; je suis pour l'égalité des chances républicaines. Et enfin l'autorité des diplômes. Je suis tout à fait hostile à la discrimination positive prônée par N. Sarkozy qui fait que, par exemple, quand vous appartenez aux minorités visibles des banlieues, vous entrez à Sciences Po sur un quota. Alors que sinon, si vous sortez de la Mayenne ou de Marseille, vous entrez par un concours. Moi je suis pour le concours, l'égalité républicaine de tous.
Q- J. Rivière, député UMP qui préside votre comité de soutien dit : "La question d'un accord avec le Front national ne doit plus être taboue". Quelle est votre opinion ?
R- J. Rivière est député de l'UMP et il pose une question...
Q- Mais il préside votre comité de soutien...
R- Oui, absolument. Et il pose la question à l'UMP ; donc c'est à N. Sarkozy de répondre à cette question.
Q- Non, il préside votre comité de soutien, et c'est en tant que président de comité de soutien de P. de Villiers qu'il dit que la question d'un accord avec le Front national...
R- C'est la question d'un député UMP dans un livre qu'il a écrit il y a deux mois.
Q- C'est une question qui vous gêne, la question d'un accord avec le Front national [qui] ne doit plus être taboue ?
R- Pas du tout. Moi, je vais vous dire ce que je ferais pour que tous les courants de la vie politique soient représentés, pour que le Parlement soit un Parlement représentatif : c'est la proportionnelle. Voilà. Moi j'étais plutôt contre pendant des années parce que je pensais qu'il fallait un lien avec le territoire. Mais compte tenu du fait qu'aujourd'hui depuis la victoire du non au référendum, on a un Parlement qui n'est plus représentatif, il faut introduire au Parlement les sensibilités qui n'y sont pas.
Q- La proportionnelle, c'est la représentation ; je vous posais la question d'un accord avec le Front national. C'est une autre question.
R- Non, c'est la représentation au Parlement de toutes les sensibilités.
Q- J.-M. Le Pen a dit hier, il l'avait déjà dit ce week-end : "Etre français de souche c'est un atout pour briguer la présidence de la République". Quelle est votre opinion ?
R- Je ne me situe pas par rapport à monsieur Le Pen.
Q- Alors ma question, c'est : est-ce que être un Français de souche, c'est un atout pour briguer la présidence de la République ?
R- Etre français, ce n'est pas une race, une ethnie, une couleur de peau, un âge, un sexe. Etre français, c'est la citoyenneté. Je suis citoyen français. Je suis citoyen français et j'aime la France. Voilà la bonne définition. Donc peu importe d'où je viens. A partir du moment où on ajoute je suis français, virgule, avec une caractéristique d'ordre physique, ethnique, etc., par rapport à l'origine, par rapport à je ne sais quelle caractéristique, alors on entre dans une logique communautariste, et moi je suis tout à fait défavorable à cette logique. Puisque vous faites allusion à la polémique entre Le Pen et Sarkozy, j'ai bien compris. Je vais vous dire ce que je pense. Moi, je reproche à N. Sarkozy d'avoir failli en matière d'immigration puisqu'il est entré 300.000 personnes en moyenne depuis 2002 sur le territoire français. Il a régularisé en fait à tour de bras, sans le dire. Il n'a rien fait de vraiment ferme sur le problème de l'immigration. Et dans son livre "Témoignage", que j'ai relu ce week-end, il prône la discrimination positive, le droit de vote des étrangers aux élections locales, et le financement public des mosquées. C'est là-dessus que moi, je critique N. Sarkozy et non pas sur son origine.
Q- Donc être Français issu de l'immigration, c'est un atout pour briguer pour la présidence de la République ?
R- Mais attendez, moi je suis ni pour la xénophobie, ni pour la xénophilie. Je suis français, j'aime la France. Point final.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 avril 2007