Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, président de l'UMP et candidat à l'élection présidentielle de 2007, sur sa campagne électorale et sur l'histoire et les valeurs de la France, Paris le 29 mars 2007.

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Circonstance : Meeting de M. Nicolas Sarkozy dans le cadre de la campagne électorale pour le premier tour des élections présidentielles, à Marseille le 19 avril 2007

Texte intégral

Mes chers amis,
Je veux vous dire mon bonheur d'être ici ce soir à Marseille pour cette dernière réunion publique avant le premier tour.
Marseille, cette ville qui ne ressemble à aucune autre, cette ville qui n'a eu d'autres rivales qu'Alexandrie, Gênes, Naples et Barcelone.
Marseille, vieille cité grecque qui depuis 26 siècles brasse les religions, les races et les cultures.
Marseille, jamais obéissante mais toujours fidèle.
Marseille, révoltée contre le comte, contre le roi, contre Paris, mais toujours patriote.
Marseille, c'est Mirabeau, ce géant qui lui ressemblait tant dont elle fit son député aux états généraux.
Marseille, ce sont les fédérés qui le 10 août montent à l'assaut des Tuileries en chantant la Marseillaise.
Marseille, c'est une offrande au ciel et à la mer. C'est une prière. C'est une histoire d'amour et un bonheur de vivre qui durent depuis 26 siècles.
Marseille, vieille cité coloniale, porte ouverte de la France sur l'Orient et sur l'Afrique, Marseille qui ressuscite toujours, Marseille qui se bat pour qu'on la désire.
Marseille, grand rêve de fraternité offerte à tous les hommes qui veulent la partager, je viens au terme d'une longue campagne puiser à ta source la force, l'énergie, l'enthousiasme sans lesquels nulle victoire n'est possible.
Nous voici à deux jours du premier tour.
Cette campagne qui aura été une épreuve de vérité.
Une épreuve de vérité pour moi. Parce qu'aller durant des mois à la rencontre des Français, à la rencontre de leurs joies et de leurs peines, de leurs espoirs et de leurs souffrances, oblige à aller jusqu'au bout de soi-même, jusqu'au bout de ses propres sentiments, au bout de son engagement et de sa sincérité.
Les joies et les peines, les espoirs et les souffrances auxquels on se trouve confronté on ne peut pas se contenter de les observer de loin, on ne peut pas les garder à distance. Pour les comprendre on doit les partager, les faire siennes.
Dans une campagne présidentielle on ne peut pas tricher, on ne peut pas faire semblant.
La rencontre d'un homme et d'un peuple, ce miracle de l'élection présidentielle par lequel un homme cesse d'être l'homme d'un parti pour devenir l'homme de la nation, c'est le fruit d'une exigence, d'une exigence humaine, d'une exigence morale davantage que d'une exigence politique.
La rencontre d'un homme et d'un peuple, pour y parvenir il faut ouvrir son âme et son coeur. C'est une communion, c'est un acte d'amour. Pour unir les Français, pour pouvoir parler en leur nom à tous, pour pouvoir les gouverner, il faut les aimer. Mais aimer c'est prendre le risque de souffrir parce que c'est abolir toutes les barrières, toutes les distances, c'est devenir plus sensible, plus vulnérable.
C'est prendre le risque de souffrir de la souffrance de l'autre, d'être malheureux des malheurs de l'autre, de nourrir son désespoir du désespoir de l'autre.
C'est prendre le risque d'ajouter la souffrance, le malheur et le désespoir de l'autre à sa propre souffrance, à son propre malheur, à son propre désespoir.
C'est prendre le risque que les blessures, les fragilités, l'interrogation de l'autre réveillent les blessures, la fragilité, les interrogations qui sont au fond de soi.
On ne sort pas indemne d'une telle campagne à cause de ce qu'elle contribue à révéler de soi-même, à cause de la profondeur des sentiments, de l'intensité de l'engagement qu'elle exige, beaucoup plus qu'à cause des insultes et des mensonges, des procès d'intention et des insinuations qu'elle oblige à subir.
Les insultes, les mensonges, j'en ai eu mon lot.
Les insinuations, les procès d'intention, j'ai été étonné qu'on puisse en inventer autant me concernant. Mais c'est, si j'ose dire, la loi du genre. Quand des candidats n'ont pas d'idée, pas d'argument, pas de conviction, quand ils ne croient en rien et ne travaillent pas, ils n'ont pas d'autre recours que l'insulte, le mensonge et l'insinuation. Je ne crois pas que les Français sont dupes de tels comportements, de telles pratiques.
Mais l'important n'est pas là, il est dans le lien mystérieux qui se tisse avec le peuple. Il est dans le mystère indicible de la métamorphose de l'homme politique en homme d'Etat.
Oui, une campagne présidentielle c'est rude, c'est éprouvant, c'est douloureux parfois parce qu'elle oblige à se livrer, à répondre à des questions que dans le dialogue singulier que chacun entretient avec lui-même on avait jusque-là soigneusement éludé.
Mais c'est en allant au bout de sa vérité, au bout de sa sincérité, au bout de sa cohérence que l'on devient capable d'aimer, que l'on devient plus fort, plus à même de devenir le maître de son propre destin.
Celui qui ne s'engage pas, celui qui ne donne jamais rien de lui-même, qui se protège, qui se tient à distance, qui refuse de prendre le moindre risque, celui-là passe à côté de tout ce que la vie a de plus beau et de plus grand, de tout ce qu'elle a de plus intense, de tout ce pour quoi au fond elle mérite d'être vécue.
Cette campagne présidentielle qui n'a ressemblé pour moi à aucune autre, ce fut un moment fort à cause de ce qu'elle m'a appris sur ce qui est au fond de moi mais aussi sur ce que les Français éprouvent, sur ce qu'ils attendent.
Cette campagne telle que je l'ai ressentie ce fut une épreuve de vérité pour moi, mais aussi pour les Français.
Jamais depuis 1981 les Français ne se sont autant passionnés pour une élection présidentielle. On disait que la politique c'était fini, que ça n'intéressait plus les Français, qu'ils n'y croyaient plus, qu'ils n'en attendaient plus rien, qu'on leur avait trop souvent menti. Et c'est le contraire qui s'est produit.
Jamais le doute sur la politique n'a été aussi profond, jamais le jugement sur la politique n'a été aussi sévère. Et pourtant les Français attendent beaucoup de la politique.
Jamais les Français n'ont exprimé le sentiment d'avoir été à ce point trompés, d'avoir été à ce point trahis. Et pourtant ils veulent croire encore en la politique.
Jamais une telle révolte, une telle exaspération n'est montée des profondeurs du pays. Et pourtant le pays ne se résigne pas.
Jamais un nombre aussi grand de Français n'a eu autant l'impression de ne plus être entendu, d'être abandonné, d'être méprisé. Et pourtant jamais depuis vingt-cinq ans une campagne n'a été autant suivie, jamais les gens ne se sont sentis autant concernés.
La France dont le vote protestataire en 2002 et le « non » au référendum sur la Constitution Européenne en 2005 était un cri de souffrance, de désespoir et de colère, la France qui n'est pas frileuse, qui ne manque ni de courage ni d'intelligence, la France qui ne refuse pas l'ouverture au monde, qui ne rejette pas l'Europe mais qui n'en peut plus de subir, qui n'en peut plus que l'on décide à sa place, qui n'en peut plus que l'on fasse comme si elle n'existait pas, qui n'en peut plus de l'arrogance de ceux qui prétendent tout savoir, qui prétendent donner des leçons à tout le monde, qui se sont toujours trompés sur tout et qui ne supportent jamais les conséquences de leurs échecs, cette France malheureuse parce qu'elle a le sentiment que quoi qu'elle fasse elle ne pourra pas s'en sortir, parce qu'elle se sent menacée par l'exclusion ou le déclassement, cette France elle n'a pas disparu, elle est là, elle ne cesse de grandir, cette France je l'ai rencontrée partout où je suis allé et nul ne pourra construire l'avenir sans elle.
Ignorer la France du « non » ou la mépriser ce serait se condamner à l'impuissance.
Opposer la France du « oui » à celle du « non », la France heureuse à la France malheureuse, celle qui a l'impression de s'en sortir et celle qui ne s'en sort pas, ce serait prendre beaucoup de risques avec la démocratie. Si les Français qui souffrent, si ceux qui se sentent humiliés et désespérés deviennent de plus en plus nombreux, si leur souffrance devient chaque jour plus insupportable, alors la France se fermera et se jettera dans les bras des extrêmes.
Jamais à vrai dire les Français n'ont autant attendu de la politique. Jamais ils n'ont autant espéré en elle. Jamais ils ne l'ont autant regardée comme le dernier recours dans un monde où il n'y en a pas d'autre.
Les déceptions, les trahisons n'ont pas conduit les français à attendre moins de la politique mais au contraire à attendre davantage d'elle et avec une impatience plus grande.
On n'a pas le droit de les décevoir. On n'a pas le droit de leur mentir.
Faire une fois de plus au lendemain des élections le contraire de ce que l'on aura promis la veille, mentir délibérément pour ensuite ne pas tenir sa parole, proclamer avant les élections que l'on peut résoudre tous les problèmes et déclarer après que l'on n'y peut rien, ce serait faire la politique du pire. Il ne pourrait en sortir que le pire.
C'est parce que je ne pouvais pas me résigner au pire que je me suis présenté.
C'est pour cela que j'ai voulu tout dire avant pour pouvoir tout faire après.
C'est pour cela que j'ai voulu ouvrir tous les débats même les débats interdits.
C'est pour cela que j'ai été injurié, insulté, traîné dans la boue par tous les adeptes du politiquement correct et de la pensée unique, et par tous ceux qui n'ayant rien à dire voudraient que les autres n'aient rien à dire non plus.
Je ne les suivrai pas. Je ne répondrai pas aux in jures et aux insultes. Ce n'est pas ma conception de la fonction présidentielle et de la dignité qu'elle impose.
Je me suis dès le début de cette campagne imposé comme ligne de conduite de ne pas répondre aux attaques personnelles, de ne pas m'abaisser, de ne pas me laisser entraîner là où l'on voudrait m'entraîner c'est-à-dire dans la politique de caniveau.
Rien ni personne ne me fera dévier de cette ligne.
Les polémiques hystériques ne m'intéressent pas.
Ce qui m'intéresse, ce qui est important pour moi, c'est de parler à la France à laquelle personne ne parle jamais. A la France qui ne brûle pas les voitures et qui ne bloque pas les trains, à la France qui n'a pas de stock-options ni de parachutes en or et qui travaille dur. A la France qui ne demande qu'à travailler et à pouvoir vivre dignement du fruit de son travail.
Ce qui m'intéresse, ce qui est important pour moi, c'est de réconcilier les Français avec la politique.
C'est de réconcilier la France du « oui » et celle du « non ».
C'est de convaincre les Français que la politique peut changer les choses, qu'elle peut les protéger, qu'elle peut leur donner les moyens de réaliser leurs rêves, qu'elle peut leur permettre de redevenir les acteurs de leur propre destin.
Je sais que cette ambition est grande. Je sais que ce sera difficile. Je sais qu'il y faudra beaucoup d'énergie, beaucoup de courage, beaucoup de détermination, beaucoup de persévérance. Mais je le ferai.
Je le ferai parce que rien n'est plus important pour moi que de redonner de la crédibilité à la politique.
Rien n'est plus important pour moi que le respect de la parole donnée.
Rien n'est plus important pour moi que d'être digne de votre confiance.
Je le ferai parce que c'est ma conception du bien commun, parce que c'est ma conception de la politique.
Je le ferai parce que la France m'a tout donné et que je veux lui donner à mon tour.
Je le ferai parce que je le dois. Parce que je le dois à la France. Parce que je vous le dois. Parce que je le dois à nos enfants.
Je le ferai parce que je ne peux pas me résigner à rester sans rien faire face aux difficultés de notre pays.
Je le ferai parce que j'ai toujours rêvé pour la France d'un destin exceptionnel où la médiocrité ne pouvait pas avoir sa place.
La France on n'en parlait plus. La France on n'avait plus le droit de dire qu'on l'aimait.
Pourtant, la France, pendant cette campagne, chaque Français à sa façon ne m'a parlé que d'elle en me parlant de lui.
La France, je n'ai parlé que d'elle et je n'ai entendu parler que d'elle tout au long de cette campagne.
Parce que toutes les difficultés, toutes les angoisses, toutes les crises dans lesquelles se débattent les Français ont une cause commune. Elles sont liées entre elles. Elles forment une seule et même crise qui est une crise morale, une crise d'identité, une crise de la nation et de la République, une crise de l'Etat, une crise des valeurs.
Les Français ont besoin de retrouver la France.
La France c'est le sentiment pour chaque Français qu'il n'est pas seul au monde, qu'il n'est pas seul pour faire face aux accidents de la vie, qu'il n'est pas seul face à la mondialisation, qu'il n'est pas seul pour se protéger et pour agir.
La France c'est le nom de notre destin commun.
La France, c'est la volonté de vivre ensemble et de construire ensemble.
La France ce n'est pas une juxtaposition d'intérêts particuliers. La France c'est un bien commun, c'est l'héritage de tous et c'est l'avenir de chacun.
La France c'est le pays qui le premier a proclamé que c'était le bonheur et non la volonté de puissance qui devait être la fin de toute politique.
La France c'est le pays qui s'est le plus battu pour la liberté.
C'est le pays qui a enseigné aux hommes l'égalité des droits.
C'est le pays qui en hissant la fraternité au même niveau que la liberté et l'égalité a dit à tous les hommes comme Antigone : « Je suis née pour partager l'amour, non pour partager la haine ».
La France c'est notre pays. Nous n'en avons pas d'autre.
La fierté d'être Français c'est ce qui nous unit par-delà nos différences.
J'ai voulu remettre la France au coeur du débat. J'ai voulu parler de l'identité nationale, j'ai voulu parler de la nation, j'ai voulu parler de la République, j'ai voulu parler de l'Etat parce que personne n'en parlait. Parce qu'il était interdit d'en parler sous peine d'être excommunié au nom de la pensée unique et du politiquement correct, comme il était interdit de parler de l'autorité, de la morale, de la famille ou de la valeur travail.
J'ai voulu parler de la France parce que depuis trop longtemps elle était dénigrée et parce qu'à force de l'abîmer, à force de l'abaisser, à force de renier son histoire, sa culture, ses valeurs, à force de tout détester, de détester la famille, la patrie, la religion, la société, le travail, la politesse, l'ordre, la morale, à force on finit par se détester soi-même. Et je pense que la détestation de soi est toujours le commencement de la détestation de l'autre.
A force, c'est notre capacité à nous parler, à nous comprendre, à nous supporter qui se trouve remise en cause. C'est notre capacité à vivre ensemble qui se trouve menacée.
Je déteste cette mode de la repentance qui exprime la détestation de la France et de son Histoire.
Je déteste la repentance qui veut nous interdire d'être fiers d'être français, qui est la porte ouverte à la concurrence des mémoires, qui dresse les Français les uns contre les autres en fonction de leurs origines et qui est un obstacle à l'intégration parce qu'on a rarement envie de s'intégrer à ce que l'on a appris à détester.
Je veux parler de la France parce que je lui dois tout. Oui, je suis un enfant d'immigré. Oui, je suis le fils d'un Hongrois et le petit-fils d'un Grec né à Salonique qui s'est battu pour la France pendant la guerre de 14.
Oui, ma famille est venue d'ailleurs, mais dans ma famille on aime la France parce que l'on sait ce qu'on lui doit.
Oui, je suis un Français de sang mêlé qui pense que l'on est Français en proportion de l'amour que l'on porte à la France, de ce que l'on est prêt à faire pour elle, de l'attachement que l'on porte à ses valeurs d'universalité, de tolérance, de respect de la personne humaine, de fraternité, du souci que l'on a d'opposer toujours la raison à la folie humaine, de défendre la liberté contre la tyrannie.
Oui je veux parler à tous les Français, à tous ceux que la politique a déçu, à tous ceux qui se sentent trahis par une gauche qui ne reconnaît plus le travail, qui ne comprend plus les travailleurs, qui n'écoute plus le peuple dans son aspiration à la sécurité, à l'identité, à la protection, à la promotion sociale, à tous ceux qui se sont tournés vers les extrêmes parce qu'ils l'ont fait comme un appel au secours dans la détresse où ils se trouvent, non comme un acte d'espérance dans l'extrême droite ou l'extrême gauche. Oui, je veux convaincre les électeurs de Jean-Marie Le Pen de revenir dans le champ de la République parce qu'ensemble nous allons changer les choses. Ainsi leur voix sera utile, leur cri sera entendu, leur souffrance sera prise en compte. Mais ma France n'est pas celle de monsieur Le Pen. Ma France ce n'est pas une race, ce n'est pas une ethnie, ce n'est pas l'exclusion.
Ma France c'est une volonté de vivre ensemble, en partageant les mêmes valeurs.
On n'est pas Français seulement par ses racines, par ses ancêtres. On est Français par son âme, par son esprit, par ses sentiments.
Etre Français ce n'est pas seulement un statut juridique. Ce n'est pas seulement un bulletin de naissance. Ce n'est pas seulement un passeport. C'est une façon d'être, la fidélité à un idéal.
Etre Français cela ne s'hérite pas, cela se conquiert, cela se mérite tous les jours par l'amour de la France et par le civisme.
On est Français parce que l'on veut l'être, parce que l'on se sent Français, parce que la France on l'aime, on la respecte, on en est fier. Parce que l'on se sent envers elle des devoirs, parce que l'on éprouve envers elle une gratitude, une reconnaissance.
La France, ce n'est pas fini. La France, elle est vivante dans le coeur de ceux qui l'aiment.
Certains trouvent que l'on a trop parlé de la France dans cette campagne.
Mais de quoi parle-t-on dans une campagne présidentielle si l'on ne parle pas de la France ?
La France, les Français veulent que l'on en parle parce qu'ils sentent bien que derrière toutes nos crises, derrière toutes les difficultés dans lesquelles se débattent un si grand nombre de Français, derrière toutes les peurs, toutes les angoisses, c'est une seule et même question qui se trouve posée : celle de notre conception de la nation. La France, les Français veulent que l'on en parle parce qu'ils ont au fond de leur coeur le sentiment que ce lien mystérieux les rattache à une destinée commune exceptionnelle à la grandeur de laquelle chacun peut avoir sa part.
A tous ceux qui se désespèrent de la France, j'ai voulu dire dans cette campagne que lorsque de nouveau ils rêveront pour elle d'une destinée exceptionnelle, alors la France retrouvera sa grandeur. Lorsqu'ils recommenceront à rêver d'un monde meilleur ce monde deviendra possible.
Aujourd'hui, à la veille du premier tour, je veux m'adresser à tous les Français, pour leur dire que les hommes comme les peuples sont grands quand ils ont de grands rêves et qu'ils se laissent porter par eux.
La France est née du grand rêve des Rois.
La République est née des rêves des soldats de l'An II.
Napoléon dit-on faisait ses plans de bataille avec les songes de ses soldats endormis.
Le Général De Gaulle fut le plus grand des Français parce qu'il fut le seul qui pendant quatre ans en avait « maintenu l'honneur comme un invincible songe ». De cet invincible songe sortirent la France combattante, la France résistante, la France présente au côté des Alliés au jour de la Libération.
Et rappelez-vous de Martin Luther King, ce pasteur noir qui a dit un jour à l'Amérique devant le mémorial de Lincoln à Washington :
« Je rêve qu'un jour sur les rouges collines de Géorgie les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d'esclaves pourront s'asseoir ensemble à la table de la fraternité.
Je rêve que mes quatre petits-enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas à la couleur de leur peau mais à la nature de leur caractère. »
De ce grand rêve de fraternité et de justice sortit une Amérique nouvelle.
La politique n'est rien quand elle n'est plus portée par de grands rêves. La politique qui se contente de gérer, qui est persuadée que rien ne peut être changé, que le monde est tel qu'il doit être, qu'il ne peut pas être autrement, que l'on n'y peut rien, que l'on a déjà tout essayé, que tout a été tenté, que tout a été dit, cette politique-là ne peut rien parce qu'elle n'imagine rien, parce qu'elle ne veut rien.
Je veux être le Président qui fera vivre un nouveau rêve français grâce auquel chaque Français ne regardera plus l'avenir comme une menace mais comme une promesse.
A tous les Français je voudrais faire partager le rêve d'une France qui se lève pour dire « non » à ceux qui n'envisagent pour elle qu'un destin médiocre et un rôle subalterne. Je voudrais leur faire partager le rêve d'une France qui se lève pour dire « non » parce qu'elle croit encore en elle, parce qu'elle croit encore qu'elle peut agir, qu'elle peut créer, qu'elle peut être grande et qu'elle n'est pas condamnée à subir, le rêve d'une France qui se lève pour dire « non » au renoncement, « non » à la fatalité, « non » au déclin.

Je voudrais leur faire partager le rêve d'une France où chacun trouve sa place, où les professeurs n'aient plus peur de leurs élèves, où les adultes n'aient plus peur des jeunes, où les jeunes n'aient plus peur de devenir adultes, où les parents n'aient plus peur que leurs enfants vivent moins bien qu'eux, où l'ouvrier ne vive plus dans la hantise des délocalisations, où la différence ne soit plus vécue comme un danger mais comme une richesse.
Je voudrais leur faire partager le rêve d'un peuple français qui se lève pour que la fraternité ne soit plus seulement un mot gravé sur le fronton des mairies mais devienne une réalité entre les hommes et les femmes de ce pays. Je voudrais leur faire partager le rêve d'une France où personne ne soit jugé sur la couleur de sa peau ou sur sa religion mais sur la nature de son caractère.
Je voudrais leur faire partager le rêve qu'un jour tous les fils dont les familles sont françaises depuis des générations, tous les fils de rapatriés et de harkis, tous les fils d'immigrés, tous les petits-fils d'Italiens, de Polonais et de Républicains espagnols, tous les enfants catholiques, protestants, juifs ou musulmans, tous les enfants de tous les quartiers, de toutes les couleurs, de toutes les religions qui habitent ce pays qui est le leur puissent partager la même fierté d'être Français, les mêmes rêves et les mêmes ambitions, qu'ils aient le sentiment, qu'il n'ont pas toujours aujourd'hui, de vivre dans le même pays avec les mêmes chances et les mêmes droits.
Ce rêve je voudrais que nous le fassions partager à tous les Français quelles que soient leurs origines, leurs croyances, leur parti.
Ce rêve, je voudrais le faire partager à tous ceux qui aiment la France et qui pensent que c'est le bien le plus précieux qu'ils ont à transmettre à leurs enfants.
Il nous reste deux jours encore avant le premier tour. Deux jours encore pour faire partager ce rêve. Deux jours encore pour que ce rêve renverse tous les conservatismes, tous les préjugés, toutes les hésitations. Deux jours encore pour que ce rêve vienne à bout de toutes les angoisses, de toutes les peurs.
Deux jours encore pour rendre ce rêve plus fort que les calomnies, plus fort que les mensonges.
Lorsque de nouveau les Français se sentiront portés par un grand rêve français dans lequel ils se reconnaîtront, dans lequel chacun aura le sentiment d'avoir sa part, ils cesseront d'être les spectateurs désabusés de leur propre histoire pour en redevenir les acteurs.

Je rêve d'une France où l'on ne demanderait plus aux fils d'expier les fautes supposées de leurs pères. Je rêve d'une France qui n'aurait plus honte de son histoire et où l'on se souviendrait que la France n'a commis aucun génocide, ni inventé la solution finale, que durant la guerre tous les Français n'ont pas été pétainistes, qu'ils y a eu aussi les héros de la France libre et de la résistance, que si certains Français ont dénoncé des Juifs à la Gestapo, d'autres, beaucoup plus nombreux, les ont aidés au péril de leur vie, que des mères ont caché des enfants juifs parmi leurs propres enfants.
Je rêve d'une France où l'on reconnaîtrait que la colonisation était un système injuste. Mais où l'on respecterait les hommes et les femmes de bonne volonté qui ont pensé de bonne foi oeuvrer utilement pour un idéal de civilisation auquel ils croyaient. Il faut respecter ces milliers d'hommes et de femmes qui toute leur vie se sont donné du mal pour gagner par eux-mêmes de quoi élever leurs enfants sans jamais exploiter personne et qui ont tout perdu parce qu'on les a chassés d'une terre où ils avaient acquis par leur travail le droit de vivre en paix, une terre qu'ils aimaient, parmi une population à laquelle les unissait un lien fraternel.
Il faut entendre la grande voix de Camus parlant pour tous ceux qui allaient devoir quitter la terre de leur enfance ? Camus disait : « j'ai aimé avec passion cette terre où je suis né, j'y ai puisé tout ce que je suis et je n'ai jamais séparé dans mon amitié aucun des hommes qui y vivent, de quelque race qu'ils soient. Bien que j'aie connu et partagé les misères qui ne lui manquent pas, elle est restée pour moi la terre du bonheur, de l'énergie et de la création. »
A tous ceux d'entre vous qui sont revenus des colonies en ayant tout abandonné, n'emportant avec eux que leurs souvenirs de jeunesse et cette nostalgie qui ne les quittera plus jamais, je veux dire que si la France a une dette morale, c'est d'abord envers eux.
Aux enfants des harkis qui ont servi la France, qui ont dû fuir leur pays et que la France a si mal accueillis, je veux dire que si la France doit des excuses et des réparations, c'est à eux qu'elle les doit et à personne d'autre.
A tous les anciens combattants de nos anciennes colonies, je veux dire la reconnaissance de la France et je veux rendre hommage à jacques Chirac de leur avoir rendu justice.
Aux Algériens, aux Marocains, aux Tunisiens, à tous les ressortissants de nos anciennes colonies qui espérant dans la France sont venus y vivre, je veux dire que la France leur tend la main, qu'elle les accueille fraternellement, qu'elle ne leur offre pas la repentance mais la compréhension et le respect.
A tous celui qui veut devenir Français, d'où qu'il vienne, elle offre l'égalité des droits et des devoirs et la fierté d'être Français. A celui qui veut devenir Français, je dis qu'il doit prendre en partage l'histoire de France, qu'il doit accepter que le pays dans lequel il vient soit un vieux pays qui a commencé d'exister bien avant lui. Il doit comprendre que ce pays est un pays de liberté qui demande simplement qu'on le respecte et qu'on l'aime. Je rêve d'une France où parler de l'identité nationale, condamner la fraude et la délinquance ou vouloir lutter contre l'immigration clandestine ne serait plus considéré comme le signe d'une droitisation extrême, d'un appel du pied à l'extrême-droite mais comme une attitude républicaine.
Je rêve d'une France où l'immigration serait maîtrisée, où l'immigré serait accueilli dignement, où chacun apprendrait à respecter l'identité nationale et les valeurs qui la fondent. Où l'égalité de l'homme et de la femme, la laïcité la liberté de conscience seraient des valeurs non négociables.
Je rêve d'une France où nul ne renoncerait à sa propre identité, à sa propre histoire mais où chacun prendrait en partage l'histoire de France, la langue française et l'identité de la France.
Je rêve d'une France qui aurait tourné la page de mai 68, où l'école reviendrait aux principes Jules ferry, aux principes d'une école qui forgeait une culture partagée et une morale commune.
C'était une école qui voulait parler à l'intelligence et au sentiment. C'était une école qui voulait éveiller les consciences.
C'était une école qui voulait instruire et qui voulait élever chacun le plus haut possible.
Aux enfants, elle voulait leur donner ce qu'il y avait de meilleur.
Certains d'entre vous connaissent sans doute la magnifique lettre de Jules Ferry aux instituteurs sur l'enseignement de la morale, écrite en un temps où les circulaires bureaucratiques qui étouffent notre vie administrative n'existaient pas encore :
« Monsieur l'instituteur,
Vous êtes l'auxiliaire du père de famille : parlez donc à son enfant comme vous voudriez qu'on parlât au vôtre.
Il ne suffit pas que vos élèves aient compris et retenu vos leçons ; il faut surtout que leur caractère s'en ressente : c'est surtout hors de l'école qu'on pourra juger de ce qu'a valu votre enseignement.
Vous avez flétri l'égoïsme et fait l'éloge du dévouement : ont-ils, le moment d'après, abandonné un camarade en péril pour ne songer qu'à eux-mêmes ? Votre leçon est à recommencer. Et que ces rechutes ne vous découragent pas ! Ce n'est pas l'oeuvre d'un jour de former une âme libre. »
Voilà ce qu'était l'école de jules Ferry.
C'était une école qui récompensait le travail et donnait à chacun le moyen d'aller aussi haut que ses talents le lui permettaient, quelle que fût son origine sociale.
Les enfants n'ont pas seulement besoin d'enseignants, ils ont aussi besoin d'éducateurs. Ils ont besoin que les professeurs, et les parents soient aussi des éducateurs.
Mais pour être de bons éducateurs nous devons donner l'exemple.
Nous n'avons aucune chance d'inculquer le courage à nos enfants si nous manquons nous-mêmes de courage. Un jour j'ai utilisé le mot « racaille » en réponse à l'interpellation d'une habitante d'Argenteuil qui désignait ainsi ceux qui rendaient la vie impossible dans son quartier et qui l'obligeaient à vivre dans la peur. On me l'a reproché. C'est mépriser la jeunesse que de lui parler par euphémismes sous prétexte qu'elle ne serait pas capable de regarder la réalité en face. Quels éducateurs serons-nous si les voyous ne peuvent même pas être appelés des voyous ? Et si nous laissons croire à nos enfants que tout est permis ?
Je rêve d'une France où l'on pourrait appeler voyou un voyou, où l'on ne trouverait pas systématiquement d'excuses aux délinquants, où l'autorité de l'Etat serait respectée.
Quels éducateurs serons-nous pour nos enfants si nous nous laissons aller à toutes ces petites lâchetés qui peu à peu ruinent l'autorité ?
On m'a reproché de vouloir sévir contre les délinquants.
Mais quels éducateurs serons-nous si nous devenons incapables de punir les délinquants ?
Quels éducateurs serons-nous si nous cherchons toujours à excuser le crime ou le délit ?
Quels éducateurs serons-nous si nous fermons les yeux sur toutes les fraudes ?
Je veux bâtir une République où les hommes politiques, les fonctionnaires, les juges, les policiers, les patrons, les parents assument leurs responsabilités pour que les jeunes comprennent la nécessité d'assumer les leurs.
On me dit qu'il ne faut pas créer de tension, qu'il ne faut pas donner de prétexte aux casseurs, qu'il faut à tout prix éviter de créer les conditions de l'affrontement.
Veut-on pour cela que la police se dérobe ? Qu'elle ferme les yeux ? Qu'elle laisse les voyous libres d'agir ? Qu'elle n'interpelle pas les fraudeurs ?
Comment allons-nous élever nos enfants ? Quelle éducation allons-nous leur donner ? Quelles valeurs allons-nous leur transmettre si nous acceptons l'idée que toute présence policière est une provocation ?
Si nous interdisons aux policiers de poursuivre des délinquants de peur qu'il leur arrive un accident ?
Si le fait d'être mineur excuse tout ?
Si nous laissons le petit voyou devenir un héros dans son quartier faute de sanction susceptible de faire réfléchir ceux qui seraient tentés de l'imiter ?
Si l'on tolère les petits trafics grâce auxquels l'adolescent gagne davantage que son père qui travaille à l'usine ?
Si l'argent de la délinquance, du vol, des trafics et des combines devient plus facile que l'argent du travail ?
Ne rien faire parce que l'on veut avoir la paix, pratiquer une forme d'angélisme où l'on se voile la face pour ne pas voir ce qui se passe, interdire aux policiers d'intervenir pour éviter tout incident serait totalement irresponsable.
On me reproche d'exciter la colère. La colère de qui ? La colère des voyous ? Des trafiquants ? Mais je ne cherche pas à être l'ami des voyous. Je ne cherche pas à être populaire parmi les trafiquants et les fraudeurs.
Je ne cherche pas à être bien vu des casseurs.
Je n'aspire pas à me faire acclamer par ceux qui empoisonnent la vie des gens.
Et je dis qu'un Président de la République qui ne veut pas regarder en face le problème de l'insécurité, qui ne veut pas regarder en face le problème de la violence et dont la seule préoccupation est de ne pas faire de vague, je dis que celui-là est un démagogue et un irresponsable parce que le rôle d'un Président de la république c'est d'abord de veiller à l'application de la loi et de protéger les honnêtes gens.
Si je suis élu Président de la République je ferai du rétablissement de l'autorité l'une des priorité ma politique. Sans l'autorité il n'y a pas de vie en société possible. Beaucoup d'entre vous se désespèrent de voir partout l'autorité dénigrée, de voir l'autorité non plus simplement contestée mais niée, niée par ceux-là même qui devraient la faire respecter, par ceux-là même qui devraient la défendre. Je ferai pour mettre un terme à cette dérive.
Je rêve d'une France où le civisme serait de nouveau à l'honneur
Je rêve d'une France où les valeurs de la République auraient vaincu le communautarisme. Le communautarisme c'est enfermer chacun dans ses origines et ses croyances.
Le communautarisme c'est prendre le risque que ce qui nous sépare devienne plus important que ce qui nous unit.
Le communautarisme c'est la porte ouverte à l'exclusion, à l'intolérance, à la violence et aux tribus.
Le communautarisme c'est la condamnation de l'universalisme des Lumières. C'est la fin de notre conception universaliste de l'Homme.
Le communautarisme c'est la fin de l'idée que nous nous faisons de la République.
Mais le communautarisme ce n'est pas le fruit d'une fatalité. C'est le fruit d'un renoncement politique.
Je n'accepte pas ce renoncement.
Je veux lutter contre cette dérive.
Je veux que les mêmes lois s'appliquent à tout le monde, dans tous les quartiers, pour toutes les religions.
Je rêve d'une France où l'on n'abandonnerait personne mais où l'on demanderait à chacun de faire un effort.
Je rêve d'une France où l'assistanat n'aurait plus cours, où le droit du travail serait moins rigide, mais où les Français se sentiraient mieux protégés.
Je rêve d'une France où les Français se sentiraient protégés contre la violence.
Je rêve d'une France où les Français se sentiraient protégés contre le chômage parce que le plein emploi serait de nouveau atteint. je veux vous le dire ce soir, le plein emploi ce n'est pas fini, le plein emploi c'est possible. D'autres pays l'ont fait. Il n'y a pas de fatalité du chômage. Une autre politique est possible. Une politique qui valorise le travail au lieu de le dévaloriser. Une politique qui encourage le travail au lieu de le décourager. Une politique qui cherche à créer du travail au lieu de chercher à le partager.
Je veux que ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus puissent le faire. Je veux que les heures supplémentaires soient majorées d'au moins 25% et qu'elles soient exonérées de charges sociales et d'impôts. Je veux que les retraités soient libres de travailler et de cumuler leur retraite avec un salaire. Je veux que le salaire des étudiants qui travaillent soit défiscalisé. Parce que c'est le travail qui crée le travail, parce que le travail des uns fait le travail des autres.
Je veux que l'on fasse payer plus d'impôts sur les bénéfices aux entreprises qui désinvestissent et qui suppriment des emplois et moins à celles qui investissent et qui créent des emplois.
Je veux tout faire pour encourager le travail. Face à la concurrence des pays à bas salaires, il faut taxer autre chose que le travail parce qu'en taxant le travail on le détruit. Je propose que toute réforme fiscale profite d'abord au travail et que toute baisse des prélèvements soit d'abord affectée à l'allégement des charges sur le travail.
Nous ne pouvons pas continuer avec un financement de la protection sociale qui repose presque exclusivement sur le travail. C'est une incitation à économiser le travail et à le délocaliser.
Pour favoriser l'emploi il vaut mieux taxer la richesse produite que la production de richesse, l'homme qui pollue et l'homme qui consomme plutôt que l'homme au travail.
Je rêve d'une France où les Français se sentiraient protégés contre les délocalisations.
C'est la raison pour laquelle je veux expérimenter la TVA sociale et taxer les importations des pays qui ne respectent aucune règle écologique. Il est sain économiquement, et il est normal moralement que les produits qui ne respectent pas les règles environnementales supportent des taxes compensatoires. Si un pays produit en polluant beaucoup alors qu'en Europe les règles sont strictes, il est normal de taxer la pollution contenue dans les importations en provenance de ces pays.
Si la concurrence est déloyale il est normal de pouvoir mettre en place des clauses de sauvegarde pour avoir un moyen de pression dans la négociation commerciale. C'est pourquoi il faut absolument à l'Europe une préférence communautaire.
Si les monnaies de pays comme la Chine ou l'Inde sont très sous-évaluées, il faut faire pression sur eux pour engager une négociation sur le réalignement des parités de change parce que cette est déloyale pour les travailleurs européens.
Si le vin étranger entre librement sans respecter les mêmes normes que nos viticulteurs, nos viticulteurs sont condamnés. Il faut s'y opposer parce que cette situation n'est pas acceptable.
Si on dit que l'aide aux PME grâce à la commande publique est possible pour les Etats-Unis parce qu'ils ont obtenu une dérogation de l'OMC et qu'elle est interdite en Europe faute de dérogation, je dis que c'est aussi inacceptable parce qu'il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures.
Je rêve d'une France où le pouvoir d'achat serait plus élevé, où chacun pourrait vivre dignement de son travail, où il n'y aurait plus de travailleurs pauvres.
Eh bien je le dis parce que c'est la vérité : l'introduction de l'Euro a fait monter les prix et depuis 25 ans le pouvoir d'achat a baissé. Les travailleurs qui n'arrivent plus à se loger, les salariés qui ont des fins de mois de plus en plus difficiles n'ont besoin de personne pour le mesurer.
Et je veux le dire aussi : le salaire n'est pas l'ennemi de l'emploi. Les salaires sont trop bas, les prix sont trop hauts. Si le coût du travail est trop élevé ce n'est pas à cause des salaires mais à cause des charges.
Si les salaires sont trop bas, c'est parce que l'Euro est trop cher et que lorsque l'Euro est trop cher les entreprises pour être compétitives essayent de se rattraper sur les salaires.
Si les salaires sont bas, c'est à cause des millions d'ouvriers pauvres indiens ou chinois qui chaque année arrivent sur le marché mondial du travail.
Si les salaires sont bas, c'est à cause des dumpings sociaux, monétaires, écologiques. Quand la concurrence déloyale donne un avantage de compétitivité artificiel aux concurrents ce sont d'abord les salariés qui en subissent les conséquences.
Si les salaires sont trop bas c'est parce que le chômage tire les salaires vers le bas.
Les salaires trop bas ce n'est pas une fatalité. La baisse du pouvoir d'achat ce n'est pas une fatalité.
Une autre politique est possible. Celle qui par la croissance, le plein emploi, la baisse des prélèvements sur le travail, l'investissement, la formation tirerait les salaires vers le haut.
Celle qui en luttant contre les dumpings atténuerait l'effet déflationniste sur les salaires de la concurrence des pays à bas salaires.
Celle qui en provoquant une baisse de l'Euro et en suscitant la création d'une préférence communautaire permettrait d'alléger la pression qui pèse aujourd'hui sur les salaires comme variables d'ajustement de a compétitivité.
Je rêve d'une France où le travail serait de nouveau une valeur, où le mérite serait récompensé, où les minima sociaux ne pourraient pas être supérieurs aux revenus du travail, où le travail serait moins taxé, moins découragé, où l'on serait libre de travailler plus pour gagner plus, libre de choisir ses rythmes de travail, libre de choisir son rythme de vie, libre de travailler quand on a des enfants, libre de réussir, libre de prendre des risques et de les assumer, libre de sortir de chez soi sans se faire agresser.
Je rêve d'une France où le travailleur et l'entrepreneur auraient de nouveau les premières places dans la société.
Je rêve d'une France où l'impôt ne pourrait pas prendre plus de la moitié du revenu et où chacun pourrait transmettre à ses enfants le fruit d'une vie de travail sans avoir à payer de droits de succession.
Je rêve d'une France où il y aurait encore des usines.
Je rêve d'une France où il y aurait encore des ouvriers, des artisans, des paysans, des viticulteurs.
Pensez- donc qu'un commissaire européen s'est cru autorisé au début de cette année - on se demande à quel titre ? - de conseiller aux agriculteurs de prendre un second métier pour pouvoir survivre dans l'avenir. Je le dis comme je le pense : cette déclaration était parfaitement scandaleuse. L'agriculteur veut vivre de son métier d'agriculteur, et l'Europe a besoin de son agriculture pour assurer son indépendance alimentaire. Madame le commissaire européen aurait mieux fait de se taire.
Je veux le dire ce soir à tous les agriculteurs : pour moi l'agriculture ce n'est pas plus fini que l'industrie. Souvenez-vous d'Alstom ! Pour moi l'agriculture ce n'est pas plus le passé que la sidérurgie.
Pour moi l'agriculture c'est l'avenir. Parce que demain la question de la qualité de l'alimentation sera de plus en plus décisive.
Si je suis élu je ne laisserai pas la Politique Agricole Commune servir de monnaie d'échange dans les négociations de l'OMC. L'avenir du Tiers-Monde n'est pas dans la conquête du marché agricole européen. Elle est dans sa capacité à se nourrir et à développer à la fois son autosuffisance alimentaire et son marché intérieur.
L'Europe quant à elle a besoin d'une agriculture capable d'abord de répondre à ses besoins tout en respectant l'environnement.
Les agriculteurs, ce ne sont pas seulement les travailleurs qui tirent de la terre la nourriture de l'Europe. Ils sont aussi les dépositaires d'une tradition qui remonte loin dans le passé de nos vieux pays. Nul ne peut comprendre la France d'aujourd'hui s'il ne se rappelle pas que c'est une vieille nation paysanne. Nul ne peut comprendre l'attachement charnel de tant de Français à la terre de France s'il ne se souvient pas que coule dans leurs veines du sang paysan voué pendant des siècles à féconder le sol français
Je rêve d'une France où l'on n'abandonnerait plus des pans entiers du territoire.
Je rêve d'une France où l'Etat ne serait plus un frein mais une force d'innovation, de progrès, d'émancipation, de modernisation comme il l'a si souvent été au cours de notre histoire. S'il doit protéger c'est pour mieux inciter à la prise de risque, à l'audace. S'il doit redistribuer c'est parce que la redistribution est la contrepartie d'une société plus ouverte et plus risquée. S'il doit investir c'est parce que la croissance pour être durable a besoin d'investissements à long terme.
Une société de croissance est une société dont les valeurs, la culture, la vision du monde sont tournées vers l'avenir, une société dans laquelle l'envie de vivre et de créer l'emporte sur la prudence et sur la peur. Une société de croissance ce n'est pas seulement une société de la quantité. C'est aussi, c'est avant tout une société de la qualité de la vie et de l'optimisme, une société qui invente et qui espère, une société portée par l'élan vital de la création et l'aspiration au bonheur.
En 1969, Georges Pompidou alors Président de la République disait : « le monde a besoin d'une nouvelle Renaissance ». Aujourd'hui, tout reste à faire pour que survienne cette nouvelle Renaissance, pour retrouver cet état de grâce où dans l'art, dans la science, dans l'économie, dans la société, partout la vie explose, partout l'intelligence humaine se met à féconder l'avenir. Je me souviens de cet historien des idées qui disait : « si je voulais résumer en une phrase la mentalité de la Renaissance, je dirais : tout est possible ». Tout est possible ! C'est exactement ce sentiment qui manque à notre époque, à la France en tout cas. Nous avons besoin d'une nouvelle Renaissance. Nous avons besoin que tout redevienne possible. Tout paraissait possible aux hommes de la Renaissance. Tout paraissait possible à ceux des Lumières. Tout paraissait possible aux capitaines d'industrie, aux savants, aux instituteurs, aux artistes, aux hommes politiques vers les années 1880. Tout paraissait possible aux hommes du Conseil National de la Résistance, aux hommes de 1958, aux hommes des Trente Glorieuses.
Il nous faut retrouver cette foi dans l'avenir, cette foi dans les capacités humaines et dans le génie français. Dans cette France qui a si souvent étonné le monde, qui est si souvent ressuscitée quand on la croyait morte, qui a si souvent précédé le mouvement de la civilisation, si souvent accompli des actes exceptionnels. La France des croisades et des cathédrales, la France des droits de l'homme et de la Révolution, la France des Français libres et de la Résistance, la France de Pasteur, la France de Pierre et de Marie Curie, la France du TGV et de la fusée Ariane, « la France, la vraie France, comme disait Jaurès, la France qui n'est pas résumée dans une époque ou dans un jour, ni dans le jour d'il y a des siècles, ni dans le jour d'hier, mais la France qui est tout entière dans la succession de ses jours, de ses nuits, de ses aurores, de ses crépuscules, de ses montées, de ses chutes et qui, à travers toutes ces ombres mêlées, toutes ces lumières incomplètes, toutes ces vicissitudes, s'en va vers une pleine clarté qu'elle n'a pas encore atteinte, mais dont le pressentiment est dans sa pensée ». C'est ce pressentiment qu'il nous faut faire renaître, contre cet « à quoi bon » sinistre et résigné qui hante notre époque. Nous le ferons ensemble.
Nous le ferons pour nous même, pour nos enfants, et pour tous les hommes qui dans le monde continuent d'espérer dans la France !
Vive la République !
Vive la France ! Source http://www.u-m-p.org, le 20 avril 2007