Interview de M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales, à "France 2" le 14 mai 2007, sur le rôle futur de l'UMP, sa composition, l'évolution de ses statuts.

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Média : France 2

Texte intégral

R. Sicard Bonjour à tous. Bonjour R. Dutreil. C'est aujourd'hui que N. Sarkozy va quitter la présidence de l'UMP. A l'UMP, c'est vous qui vous occupez des règlements et des statuts. Qu'est-ce qui va se passer ? Est-ce qu'il va y avoir un intérim ?

R.- D'abord c'est un grand moment pour l'UMP parce que N. Sarkozy a fait de l'UMP le plus grand parti de France, surtout il en a fait un parti populaire, enraciné dans le peuple français et un parti qui, peut-être à la différence du Parti socialiste, a les idées claires sur ce qu'il veut faire. Il va quitter l'UMP, la présidence de l'UMP et c'est donc un tournant. Et ensuite, on voit bien que l'UMP va jouer un rôle clé pendant tout le quinquennat.

Q.- Alors, justement, quel rôle ? Est-ce que ça sera forcément un parti qui dira oui à tout, est-ce qu'au contraire il pourra y avoir une marge de critiques, qu'est-ce qui va se passer ?

R.- Ce ne sera pas un parti godillot. Pourquoi ? Parce que le président de la République lui-même a dit qu'il voulait que l'UMP garde sa liberté d'expression. Je pense que c'est important qu'il y ait un lieu où on puisse inventer, innover, débattre, trouver des idées un peu différentes, et éventuellement avoir parfois de la distance vis-à-vis de ceux qui gouvernent.

Q.- Donc, l'UMP pourra critiquer.

R.- Bien sûr ! C'est ce que lui-même a voulu, et cette générosité-là elle est sa marque propre, on voit bien qu'il a toujours laissé aux autres leur liberté d'expression. Deuxième élément, cette force elle doit aussi s'élargir, et c'est la raison pour laquelle nous réfléchissons à l'heure actuelle à une autre forme de gouvernance de l'UMP avec une gouvernance plus collégiale qui permettrait à des sensibilités différentes d'être représentées.

Q.- Autrement dit, il n'y aurait plus un président comme N. Sarkozy était président de l'UMP.

R.- C'est une des piste sur laquelle nous réfléchissons, effectivement. La commission des statuts que je préside va se pencher sur cette réforme et le congrès au mois de novembre - puisque nous sommes un parti démocratique, donc ce sont les adhérents qui votent - pourra modifier ensuite les statuts, et cette idée d'une gouvernance collégiale ce n'est pas uniquement pour régler le problème du Président, c'est pour montrer que l'UMP...

Q. -... ce n'est pas une manière de faire qu'il n'y ait pas un seul homme, que le parti soit au service d'un seul homme ?

R.- Non, c'est pour montrer que l'UMP c'est vraiment la France, et la France elle est diverse. Donc, comme la France est diverse, il faut que la direction de l'UMP soit capable d'incarner cette diversité. Je pense donc que c'est une bonne idée.

Q.- Alors, il y aurait qui dans cette direction collégiale ? Il y aurait des anciens de l'UMP, il y aurait des gens de gauche, il y aurait des gens du centre ? Comment ça va se passer ?

R.- Il y aura ceux qui auront été élus démocratiquement par les instances de l'UMP. Nous restons un parti démocratique, c'est très important. La force de l'UMP ça été de redonner aux militants le pouvoir de décider. Par exemple, moi, à Reims, je suis candidat aux élections législatives parce que ce sont les Rémois qui l'ont voulu. Voilà des exemples concrets d'un parti démocrate.

Q.- Il y aura une direction collégiale, il y aura aussi quelqu'un pour faire marcher la machine, un secrétaire général.

R.- Il y aura un secrétaire général.

Q.-Ce sera qui ? B. Hortefeux, J.-P. Raffarin ? Qui est le mieux placé ?

R.- Eh bien, vous le verrez bientôt. Pour l'instant, nous sommes à une étape importante, le conseil national. N. Sarkozy va dire merci aussi à tous ceux qui l'ont aidé à gagner cette campagne. Nous avons été un parti extrêmement efficace sur le terrain, je crois que c'est assez original dans l'histoire de la France de voir ce parti qui n'existait pas en 2002 être devenu aujourd'hui un élément clé de la reconstruction du pays. Et n'oublions pas que ce parti il est d'abord au service des Français et au service de l'action de réformes que N. Sarkozy incarne. Et nous voyons bien autour de nous des Français qui sont impatients, qui veulent que très vite l'espoir énorme qui a été soulevé par l'élection de N. Sarkozy puisse se traduire dans les faits. L'UMP jouera son rôle.

Q.-Alors, dans ce parti ou à côté de ce parti, il y aura des anciens de l'UDF. La plupart des députés UDF ont rallié N. Sarkozy. Est-ce que pour qu'ils obtiennent l'investiture de l'UMP à l'élection législative, il faut qu'ils prennent des engagements ? Est-ce que par exemple ils doivent dire « Je ne voterai pas la censure, je ne voterai pas contre le budget » ? Est-ce qu'il va y avoir des conditions ?

R.- Vous savez, il y a deux façons d'élargir : il y a la façon un peu des socialistes, ce sont des arrangements entre partis politiques, on voit d'ailleurs qu'avec les Verts ça ne marche pas très bien. Et puis il y a la vision un peu à la Sarkozy, ou à la de Gaulle on pourrait dire, parce que de Gaulle aussi voulait rassembler, qui est de rassembler des hommes et des femmes très différents mais sans compromission sur ce qu'on va faire, et quand N. Sarkozy dit « J'ai tout dit avant pour tout faire après », ça veut dire que ceux qui vont le rejoindre ne vont pas modifier son projet, ils vont simplement montrer que c'est toute la France qui se met avec lui pour reconstruire notre pays. Et donc, pour en arriver à votre question, les UDF qui le soutiendront devront s'engager, effectivement, à voter les lois de finances par exemple, puisque c'est la loi essentielle dans la vie d'un Gouvernement...

Q.-... c'est-à-dire le budget.

R.- ... le budget, à ne pas voter de motion de censure, deuxième exemple, donc à être des partenaires loyaux. Mais loyauté ne veut pas dire godillot. Et je pense que cette diversité sera aussi un enrichissement pour cette majorité, et c'est toujours ce souci d'être à l'unisson du peuple, d'être en phase avec les Français. Quand on étouffe un parti, on se coupe des Français. Quand on laisse des UDF, des hommes de gauche, des femmes de gauche, rejoindre une majorité de mouvement comme le veut N. Sarkozy, à ce moment-là, on est plus proche des Français.

Q.- Et quel rapport il va y avoir avec F. Bayrou lui-même, est-ce que par exemple il y aura un candidat de l'UMP contre F. Bayrou aux élections législatives ?

R.- Là aussi les choses sont très claires : ceux qui soutiennent la majorité présidentielle, et donc l'action de réforme de N. Sarkozy, auront l'investiture de cette majorité présidentielle. Ceux qui en revanche se placent eux-mêmes comme des adversaires...

Q.- ... c'est le cas de F. Bayrou ?

R.- ... ce qui semble être le cas de F. Bayrou, mais peut-être changera-t-il, ça ne sera pas la première fois, eh bien à ce moment-là ceux-là auront face à eux un candidat portant les valeurs de l'UMP et la majorité présidentielle.

Q.- N. Sarkozy a dit qu'il voulait un gouvernement resserré, quinze ministres. Qu'est-ce que ça apporte le fait d'avoir seulement quinze ministres ?

R.- D'abord, moi, je trouve que c'est très courageux, parce que la facilité c'est d'avoir de beaucoup de ministres.

Q.- Parce qu'on se fait beaucoup d'ennemis ?

R.- ...On fait plaisir à tout le monde.

Q.- On fait beaucoup de déçus ?

R.- Mais bien sûr et puis il y a des pressions de toutes sortes. Mais, je pense que N. Sarkozy, lui, va résister à ces pressions et surtout que ce format réduit a un sens beaucoup plus fort qu'on ne l'entend jusqu'à présent : c'est la réforme de l'Etat. Premier exemple, le Ministère de l'Economie. Jusqu'à présent, on a scindé l'économie française en deux : vous avez le travail avec le Ministère du Travail, vous avez les PME avec un autre ministère, et puis ces ministères ils se battent entre eux, et on perd du temps, et on perd des réformes. Avec un ministère qui va couvrir l'ensemble du champ de la production, donc de l'emploi et des entreprises, on aura un ministère plus efficace. Même chose pour les comptes de la Nation avec les comptes de la Sécurité Sociale, les comptes de l'Etat, les comptes des collectivités locales qui seront placés sous l'égide d'un seul ministre. C'est donc un Etat qui sera plus efficace au service des Français.

Q.- Il y aura des ministres de gauche ?

R.- Il y aura, je pense, des personnalités compétentes. La compétence sera le critère-clé pour N. Sarkozy et vous avez vu qu'il n'a pas perdu de temps. Déjà des signes très importants sur la politique européenne, il rencontre T. Blair, il va rencontrer A. Merkel. Déjà des signes en direction de la nouvelle politique africaine que N. Sarkozy veut mettre en place ou sur l'Union de la Méditerranée. Déjà sur le plan international, le président de la République est très présent. Donc, je pense que ça va aller très vite et que les Français pourront être heureux de voir ce Président agir parce qu'il a été élu pour ça, agir.

Q.- Vous serez ministre ?

R.- Moi, je ne demande jamais rien. Vous savez, je crois qu'aujourd'hui être ministre c'est être un serviteur. C'est le président de la République qui vous appelle et je n'ai jamais envoyé de CV, je ne le ferai jamais, et c'est aussi mon éthique personnelle. Je me consacre à Reims et c'est passionnant.

Q.- Merci R. Dutreil.

Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 14 mai 2007