Interview de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, à Radio Classique le 14 mai 2007, sur l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, la configuration d'un gouvernement "d'ouverture", la direction de l'UMP et le dialogue social.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

E. Cugny- Bonjour C. Estrosi. La polémique bat son plein depuis hier et un article manqué du Journal du Dimanche - l'article était prêt mais il n'a pas été publié, le patron de la rédaction du JDD a expliqué qu'il s'était autocensuré - Cécilia Sarkozy n'aurait pas voté au second tour de l'élection présidentielle. Les registres de vote conservés en préfecture sont formels. Réaction ?
 
R.- Je n'ai aucune réponse à apporter puisque je l'apprends et je n'en sais rien. Je veux simplement dire que C. Sarkozy a joué un rôle considérable aux côtés de N. Sarkozy dans cette campagne. C'est un élément précieux pour lui et qu'elle continuera de le demeurer.
 
E. Cugny : Alors si C. Sarkozy n'est pas allée voter, ça fait quand même un petit peu tache dans le décor, non, pour la future première dame de France.
 
R.- Je n'ai aucun commentaire à faire.
 
E. Cugny : Alors on va défiler avec vous cette semaine qui s'annonce chargée pour N. Sarkozy. Rencontre avec les syndicats à partir d'aujourd'hui, conseil national de l'UMP cet après-midi avec les législatives évidemment en filigrane, déplacement à Berlin jeudi et puis bien sûr, entre temps, la passation de pouvoir entre J. Chirac et le nouveau chef de l'Etat, mercredi. S'en suivra l'annonce du Gouvernement, et là, plus l'échéance approche, plus les noms circulent : Kouchner aux Affaires étrangères, J.-P. Jouyet, proche de F. Hollande, aux Affaires européennes, J.-L. Borloo, un grand ministère de l'Economie et de l'Emploi, H. Védrine, C. Allègre... Résolument un gouvernement d'ouverture ?
 
R.- N. Sarkozy a toujours dit qu'il surprendrait dans la constitution de son gouvernement. Il se trouve que ce qui s'est passé le 6 mai dernier est quelque chose d'historique et de considérable dans la vie politique de notre pays. Autant de Françaises et de Français qui se déplacent vers les urnes, on n'avait pas vu ça depuis 1965 et la première élection au suffrage universel du Général De Gaulle. Près 20 millions de voix qui se portent sur N. Sarkozy. Quelque part, cela veut dire que chez tant de Français de toutes conditions sociales, de quelque origine que ce soit, de quelque croyance que ce soit, N. Sarkozy incarne de nouvelles valeurs autour de l'idée de nation, autour du respect, autour d'un besoin de réconciliation nationale. N. Sarkozy souhaite que dans la représentation de son gouvernement, cela se traduise et c'est ainsi qu'il entend le constituer.
 
E. Cugny : Vous allez travailler dans ce prochain gouvernement ?
 
R.- Mais ce n'est pas à moi qu'il appartient de le dire. Je travaille depuis vingt ans aux côtés de N. Sarkozy à construire ce qui se décide et ces profonds changements qu'attendaient les Françaises et les Français. Moi, vous savez, je suis tellement enthousiaste de ce succès, je veux qu'il soit durable. Je veux que les exigences qui sont celles des Français se traduisent dans les faits et c'est à N. Sarkozy et à lui seul qu'il incombera de dire quelle est la place que je dois occuper pour l'accompagner dans ces réformes.
 
E. Cugny : C'est-à-dire que si N. Sarkozy vous demande, enfin par le biais, par l'intermédiaire du Premier ministre qui sera nommé, selon toute vraisemblance F. Fillon, si donc il vous ait demandé de travailler avec messieurs Kouchner, Védrine, C. Allègre, vous y allez ?
 
R.- De toute façon, que ce soit dans cette configuration ou que ce soit au Parlement, puisque je vous rappelle qu'il y a des élections législatives qui sont la priorité désormais en même temps que les premiers gestes du président de la République pour lui assurer une majorité, pour engager au plus vite ces réformes, donc tout ce dispositif, je veillerai modestement, à ma place, à ne pas gêner mais à accompagner, à soutenir le président de la République.
 
E. Cugny : Mais jusqu'où peut aller cette ouverture ? Qu'est-ce que l'on entend par "ouverture" ? Vous l'avez dit vous-même...
 
R.- Mais vous le verrez dans les prochains jours. C'est au président de la République et à son Premier ministre et à eux seuls qu'il appartiendra de le dire.
 
E. Cugny : L'équation est quand même difficile. N. Sarkozy s'est engagé à ne pas prendre plus de 15 ministres - pas un de plus - et d'opter pour la parité parfaite.
 
R.- Bien sûr que c'est difficile.
 
E. Cugny : Très difficile.
 
R.- C'est bien pour cela que nous sommes un certain nombre à ne pas avoir à lui rendre la tâche plus difficile parce que nous estimons que ce qu'il propose aux Français, c'est une meilleure lisibilité et ce qui compte surtout, c'est de rentrer au plus vite dans l'action. Les Français se moquent complètement des équations d'appareils politiques, des problèmes des uns et des autres, des ambitions personnelles. Ils ont élu un nouveau président de la République, ils lui ont fait confiance pour lui permettre d'apporter des profonds changements dont notre pays a besoin. Est-ce que ces profonds changements, il va falloir six mois, un an, deux ans, trois ans ? Sans doute y aura-t-il des étapes prioritaires et puis des étapes à moyen terme mais en tout cas il faut des gestes forts et immédiats, des réformes.
 
E. Cugny : Alors il y a les réformes.
 
R.- Et pour cela, il faut, je le dis juste en une seconde, une nouvelle architecture institutionnelle, 15 ministères ce n'est pas 15 ministres. C'est d'abord une architecture institutionnelle. Des ministres, vous en aurez de désignés aujourd'hui, il y en aura d'autres demain sans doute et d'autres après demain encore. Mais ce qui compte, c'est une nouvelle organisation et architecture institutionnelle de l'Etat qui permette d'engager au plus vite les réformes qu'a promises le président de la République.
 
E. Cugny : Ca se ressentira également au niveau de la composition des ministères ? On sait que N. Sarkozy tient à ce que par exemple, il y ait un portefeuille pour les dépenses, un autre portefeuille pour les...
 
R.- Mais c'est ça l'essentiel.
 
E. Cugny : Donc il donnera des gestes forts à travers la réforme des ministères en tant que tels ?
 
R.- Mais à partir du moment où nous voulons mieux récompenser l'effort et le travail, à partir du moment où nous voulons baisser rapidement les charges qui pèsent sur les entreprises pour leur permettre de relancer la croissance et la création de richesses et d'emplois, à partir du moment où nous voulons ne pas remplacer un certain nombre de départs à la retraite dans la Fonction publique pour pouvoir faire des économies et surtout réduire le déficit de l'Etat et consacrer plus d'efforts à l'investissement, à partir du moment où il y a cette équation à résoudre, ça doit se retrouver dans une organisation, une architecture de l'administration et du Gouvernement qui permette de le faire le plus vite possible.
 
E. Cugny : Logique et complémentaire. Alors aujourd'hui et demain, N. Sarkozy reçoit les partenaires sociaux, les syndicats. C'est la première fois qu'un président de la République tient de telles consultations avant même d'arriver à l'Elysée. Là encore, il faut y voir un signe. N. Sarkozy veut aller vite dans les réformes et les syndicats disent "oh là, attention !". Alors là, déjà petit point d'achoppement entre les deux ?
 
R.- Que le président de la République ait pour geste de vouloir déjà démontrer cette volonté de dialogue et de dialogue social avec les partenaires syndicaux, est un geste qui doit être apprécié à sa juste mesure. Qu'ensuite, les syndicats comprennent une fois pour toutes que le suffrage universel s'est prononcé, que quand même dans notre démocratie - dans une démocratie c'est ce qui prime avant tout, les Français ont fait un choix de projet, ont fait un choix de président de la République et lui ont fait confiance - à partir de là, que ce Président dise : "Voilà, sur la base de cette confiance, je ne veux pas trahir mes engagements, donc je porterai ces engagements devant les Français quoi qu'il arrive, je vous demande simplement d'accepter que nous dialoguions pour pouvoir les accompagner ensemble ces changements". Voilà l'invitation de N. Sarkozy.
 
E. Cugny : Le service minimum c'est s'attaquer quand même à du gros pour le début du mandat !
 
R.- Il vaut mieux le faire ensemble que de ne pas le faire ensemble. Le service minimum est un engagement qui est fort, personne de celles et ceux qui ont fait confiance à N. Sarkozy ne comprendrait qu'il trahisse cet engagement. Les syndicats doivent comprendre que c'est la volonté des Français et que les syndicats ne peuvent pas s'opposer à la volonté des Français. Maintenant, que cela se fasse pratiquement, techniquement, humainement, en parfaite osmose avec eux, c'est notre souhait, c'est le souhait du président de la République et c'est une main tendue qui est très forte de sa part.
 
E. Cugny : C. Estrosi, le rendez vous de ce lundi 14 mai, c'est le congrès national de l'UMP, cet après midi. N. Sarkozy va laisser la présidence du parti à une instance collégiale. Pourquoi pas un président pour succéder à un président ? Tout d'abord c'est J.-C. Gaudin qui va prendre l'intérim, président délégué c'est ça ? Quel titre aura-t-il ?
 
R.- Il est aujourd'hui le vice président qui est amené à assurer un intérim quoi qu'il arrive et qui d'ailleurs pendant la campagne présidentielle, était le vice président délégué.
 
E. Cugny : Mais à terme, il n'y aura plus un seul homme à la tête de l'UMP ? Pourquoi ?
 
R.- Attention, regardez ce qui se passe au Parti socialiste. C'est une image qui est déplorable ? Les règlements de compte : qui, comment, qu'est-ce qu'on va refonder, etc.
 
E. Cugny : Il faut un chef pour l'UMP.
 
R.- Mais chez nous la situation est limpide. Les Français ont choisi un président de la République qui est en même temps le président de la principale formation politique qui doit soutenir la nouvelle majorité présidentielle. Est-ce que les Français pourraient accepter de voir un débat s'instaurer au sein de notre formation politique qui vienne un peu troubler le jeu, au moment...
 
E. Cugny : Vous êtes en train de dire qu'un président, un seul à la tête de l'UMP ça créerait des dissensions internes ?
 
R.- Aujourd'hui, on veut rentrer dans l'action. On veut réformer, on ne veut pas avoir des débats d'appareils et internes à un appareil politique.
 
E. Cugny : Non mais un chef ne suscite pas forcément l'opposition, au contraire.
 
R.- L'UMP est une formidable formation politique. N. Sarkozy a réussi à en faire la première puissance politique de notre pays. Aujourd'hui, tous ces militants qui ont adhéré - plus de 300 000 - l'ont fait pour soutenir un candidat, pour essayer de l'accompagner vers son élection. C'est chose faite. N'offrons pas dans une formation politique qui, somme toute, ne représente que 300.000 adhérents, même si c'est beaucoup plus que toutes les autres formations politiques, l'image d'une formation politique qui se déchirerait pour savoir qui va diriger, comment et dans quelles conditions.
 
E. Cugny : Donc au jour d'aujourd'hui, il n'y a pas le président légitime qui a l'accord de la base ? C'est ce que vous êtes en train de nous dire.
 
R.- La vocation de l'UMP est de soutenir à la fois les réformes qui seront engagées devant le Parlement, de soutenir avant toute chose l'action du président de la République qui aujourd'hui...
 
E. Cugny : Ca d'accord, on a compris.
 
R.- Oui mais à partir de là, nous ne voulons pas que l'image d'un débat à l'UMP vienne troubler l'esprit des Français qui font confiance, avant tout, au président de la République.
 
E. Cugny : Donc N. Sarkozy aurait peur d'une rivalité, d'un poids lourd à l'UMP ?
 
R.- Mais en aucun cas. L'UMP est une grande formation démocratique et de manière tout à fait démocratique, il y aura des propositions qui seront faites au conseil national pour que celui-ci propose une réforme de nos statuts qui, à l'automne prochain, dans le prolongement de la vice présidence assurée par J.-C. Gaudin, nous permette d'avoir une direction collégiale. Et ainsi nous accompagnerons au mieux le président de la République dans les réformes pour lesquelles les Français l'ont désigné.
 
E. Cugny : Les législatives, on sait que l'essai de la présidentielle va être transformé pour la droite. Que répondez-vous à celles et ceux qui craignent une main mise de la droite sur le pays ?
 
R.- Vous ne pouvez pas d'un côté commencer votre interview en me disant : "mais alors cet élargissement vers le centre, un peu vers la gauche, cette représentativité d'un certain nombre de courants de pensée qui se retrouvent incarnés par le président de la République et qui sait être le réconciliateur de l'action politique dans notre pays", et d'un autre côté, craindre une espèce d'hégémonie.
 
E. Cugny : Je ne crains rien, je vous pose la question.
 
R.- Je vous le dis, il n'y a pas d'hégémonie puisque nous respectons déjà en proposant à tous les députés UDF, 22, 23 qui nous ont rejoints et qui ont soutenu N. Sarkozy au deuxième tour d'avoir leur propre groupe au sein de la majorité présidentielle et au sein de l'Assemblée nationale. Ca démontre bien que nous respecterons toutes celles et tous ceux qui formeront des pôles au sein de la majorité présidentielle pour soutenir l'action du président de la République.
 
E. Cugny : Alors des ex UDF qui rejoignent l'UMP, l'UMP présentera un candidat dans la deuxième circonscription des Pyrénées-Atlantiques, celle de F. Bayrou. Vous confirmez ?
 
R.- C'est en tous cas dans ce sens que la commission nationale d'investiture présidée par J.-C. Gaudin s'est, pour l'heure, prononcée. Dans quelques jours de cela, je laisserai le soin à la commission nationale de rendre définitivement ses conclusions sur ce cas.
 
E. Cugny : Dans quel état d'esprit êtes-vous C. Estrosi aujourd'hui, face à F. Bayrou et son Modem ?
 
R.- Je dois dire que je n'ai pas compris F. Bayrou qui pendant des années, avec l'ensemble de ses parlementaires et de ceux qui le soutiennent ont défendu les mêmes projets que les nôtres, ont vu ses députés élus par les mêmes électeurs que les nôtres. Nous avions vocation plutôt à poursuivre notre cheminement ensemble. F. Bayrou a fait un autre choix. Et il se trouve que 70% des députés UDF ont fait le choix plutôt eux de soutenir l'action de N. Sarkozy parce qu'ils se retrouvent dans le projet de N. Sarkozy. Ce sont donc deux directions différentes qui ont été prises, je le regrette mais je ne peux que le constater.
 
E. Cugny : Les couteaux sont tirés ?
 
R.- A aucun moment, puisque la vocation de celles et ceux qui auront des responsabilités autour de N. Sarkozy, et il sera très vigilant à cela, c'est réconciliation, c'est rassemblement, c'est essayer surtout d'apporter à notre pays les profonds changements dont il a besoin. Cette rupture qu'il a prônée, à nous de la mettre en oeuvre aujourd'hui, et en aucun cas nous montrer comme étant sectaires ou hégémoniques à l'égard de qui que ce soit.
 
E. Cugny : Merci C. Estrosi. Vous restez avec nous... Nous poursuivons notre débat sur Radio Classique Info dans un instant avec nos éditorialistes, en l'occurrence A. El Jabri et D. Jeambar.
 
[Pause]
 
E. Cugny : Nous ont rejoint dans studio pour débattre A. El Jabri du service politique de Radio Classique Info. Bonjour Anissa.
 
A. El Jabri :
 
R.- Bonjour.
 
E. Cugny : Et puis D. Jeambar que l'on ne présente plus. Denis bonjour. D. Jeambar :
 
R.- Bonjour.
 
E. Cugny : Cette ouverture que l'on invoque au sujet de l'équipe qu'emmènera très probablement F. Fillon, jusqu'où, on posait tout à l'heure la question à C. Estrosi, jusqu'où peut aller cette ouverture ? Vous êtes un petit peu plus libre que le ministre pour citer des noms évidemment.
 
D. Jeambar : Moi je suis frappé par le caractère novateur des évènements, enfin de ce qu'on observe. Je crois qu'on a un président de la République qui est mû par une sorte de liberté qu'on n'a jamais vue précédemment. Pourquoi ? Parce qu'il a construit sa carrière depuis 10 ou 15 ans envers et contre tous. C'est-à-dire il a du tout seul - certes accompagné par certains de ses amis - mais vraiment je crois qu'il considère qu'il est le vainqueur de cette présidentielle et qu'il a une liberté totale compte tenu du score, par rapport à toutes les contraintes qu'on a pu avoir dans le passé, y compris vis-à-vis de sa famille politique, de ses amis. Il me fait penser...
 
E. Cugny : Il a su construire une véritable machine à gagner.
 
D. Jeambar : Oui mais cette machine à gagner, je pense que N. Sarkozy, dans sa psychologie et en raison de son parcours, il considère qu'elle ne revient qu'à lui-même d'abord. Et donc il entre dans cette fonction avec une liberté sans précédent. Peut-être comparable, au fond, à celle que F. Mitterrand a eue en 1988 après son deuxième succès, ce qui lui a permis d'ailleurs de faire une ouverture assez limitée d'ailleurs mais qui allait contre, au fond, la volonté de ses propres amis. Je crois qu'il a une liberté sans précédent qu'il s'est donnée lui-même - une liberté sans précédent sous la Vème République - pour aborder un quinquennat qu'il imagine pouvoir renouveler. Et il me semble que l'un de ses arguments pour convaincre et attirer, c'est ce que je rappelais tout à l'heure dans ma chronique, c'est ce qu'il a annoncé dans sa campagne, c'est : "Je suis là pour agir, non pas pour garder le pouvoir éternellement. Ce qui est un peu le modèle mitterrando-chiraquien ; je viens là pour dix ans si possible, marquer l'histoire et à partir de ce moment-là, je m'en donne tous les moyens. Tous les moyens". Et tous les moyens, c'est proposer des postes pour essayer d'incarner le rassemblement avec des hommes tels que B. Kouchner sans doute, C. Allègre, J.-P. Jouyet qui, pendant la campagne électorale, d'ailleurs, ont manifesté leur propre liberté, leur propre indépendance par rapport à leur propre camp.
 
E. Cugny : A. El Jabri cette ouverture vous la voyez jusqu'où ? Vous avez suivi vraiment l'ensemble de la campagne électorale pour cette présidentielle, que ce soit du côté PS, du côté de l'UDF. Comment vous voyez cette ouverture ?
 
A. El Jabri : Parmi les choses qui sont intéressantes, c'est qu'on note quand même qu'il y a beaucoup de transfuges, entre guillemets : B. Kouchner ça fait très longtemps qu'il dit lui qu'il faut s'ouvrir à gauche, passer à l'UDF, passer éventuellement au centre ; J.-P. Jouyet c'est le cas un petit peu aussi, on l'a vu pendant la campagne, c'était un des Gracques. Et quelque part, on a un peu l'impression, C. Estrosi, qu'on avait un N. Sarkozy, qu'on décrivait comme le héros d'une droite décomplexée, réaffirmée et puis lui, il appelle des personnalités qui sont plutôt, elles, marquantes d'une forme d'ouverture. C'est un mélange un petit peu pour avoir une image nouvelle ?
 
R.- Vous connaissez l'une et l'autre parfaitement N. Sarkozy, tout comme moi, pour savoir que depuis vingt ans, il n'a réussi à avancer que parce qu'il a toujours surpris. C'est cette liberté que vous rappeliez, cher D. Jeambar, qui lui a permis en toute circonstance de franchir des étapes. Rien ne lui a été donné. Il a tout pris. Et il a tout pris en surprenant systématiquement et en amenant toujours que ce soit ceux qui appartiennent à sa famille politique ou ceux qui appartiennent au camp adverse sur son terrain. C'est toujours lui qui a donné le la de la vie politique ces dernières années. Et une fois de plus, par cette liberté, il démontre qu'il peut aller bien au-delà des frontières dans lesquelles on aurait voulu l'enfermer. On a cessé de le traiter de sectaire, on l'a calomnié, on l'a insulté. Il est resté toujours dans une forme de respect, au-dessus de la mêlée. Et il s'est toujours adressé, je ne sais pas si cela vous a frappé tout au long de cette campagne, mais d'abord aux Français les plus modestes. C'est sans doute celui qui a rencontré le plus d'ouvriers, le plus de paysans, le plus d'artisans, cette France qui se lève tôt à Rungis ou dans les marchés internationaux où on commence à bosser le matin à 1 heure. Permettez-moi de vous dire que quand on est cet homme avec ce coeur, avec cette solidarité, cette générosité, on ne peut pas une fois l'élection présidentielle passée ne pas donner dans cette continuité l'image de celui qui va surprendre en répondant à tous ceux auxquels il a donné une nouvelle espérance et qui n'en avaient plus dans ce pays.
 
D. Jeambar : Cette liberté, elle peut être douloureuse pour tous les hommes qui l'ont accompagné, qui sont quand même assez nombreux. C'est-à-dire que dès lors qu'on constitue un gouvernement très resserré, vous évoquiez tout à l'heure cette nouvelle structure gouvernementale, ça implique des choix et des choix qui, naturellement, peuvent contrarier les ambitions personnelles qui sont légitimes en politique. Et donc, il risque d'y avoir aussi dans le propre camp de N. Sarkozy, des déceptions dès la constitution du Gouvernement, même si on s'inscrit dans une perspective lointaine.
 
R.- Si il y avait des déçus, ça voudrait dire que ce sont de faux fidèles parce que la fidélité, c'est d'abord la fidélité dans des idées. Moi, je ne suis pas un fidèle de N. Sarkozy parce que je suis un fidèle de N. Sarkozy. Je suis un fidèle de N. Sarkozy depuis vingt ans et je n'ai jamais changé de ligne parce que j'ai toujours cru qu'un jour, ce serait celui qui pourrait changer le cours de l'histoire de notre pays.
 
D. Jeambar : C'est-à-dire que vous accepteriez l'idée de ne pas être dans le prochain gouvernement ?
 
R.- Absolument. J'aime mon pays et je sais que nous étions dans une situation où si N. Sarkozy ne se voyait pas apporter la légitimité nécessaire pour lui donner les profonds changements dont il a besoin, nous ne pourrions pas sortir de la nasse dans laquelle nous sommes enfermés depuis près de vingt ou trente ans. Mais écoutez aujourd'hui, c'est quand même la meilleure nouvelle pour l'ensemble de ses amis. Et si ses amis ne sont pas capables de le comprendre, c'est que ce ne sont pas de vrais fidèles. C'est qu'en réalité, ils n'étaient qu'en quête d'une petite récompense le jour où celui-ci accèderait aux plus hautes responsabilités de l'Etat. En tous cas, moi je ne suis pas dans cet état d'esprit et si d'autres sont dans cet état d'esprit, sachant que nous avons aujourd'hui surtout à nous réjouir, dans quelques mois de cela parce qu'il va y avoir des signes très forts donnés tout de suite, nous avons le devoir de l'accompagner et nous avons l'exigence de ne pas le gêner dans cette direction. Et je ne doute pas un seul instant qu'il reconnaîtra d'ailleurs parmi ceux-ci ceux qui sont les plus dignes de l'avoir accompagné et de poursuivre ce chemin avec lui.
 
El Jabri : Il y a un petit moins de noblesse là-dedans mais il y a aussi peut-être la possibilité d'une solution de rattrapage après les législatives. On sait qu'il y aura les distributions de postes de secrétaires d'Etat qui peuvent d'ailleurs, peut-être, éventuellement, alourdir ce gouvernement resserré.
 
R.- Mais vous vous rendez compte que devant ceux qui nous écoutent, vous voudriez me faire rentrer dans un débat de personnes alors que les Français se fichent complètement de ça. Les Français veulent savoir si avant la fin de l'été prochain, on aura supprimé pour 95% d'entre eux les droits de succession, si on aura été capable de mettre en place le service minimum, si on a été capable d'exonérer de charges sociales les heures supplémentaires pour qu'elles soient mieux rémunérées, si en matière de sécurité intérieure, là où N. Sarkozy ministre de l'Intérieur avait gagné une bataille, on s'est donné les moyens de gagner la guerre etc., etc. C'est ça qui les intéresse les Français, ce n'est pas les affaires de personnes. Alors, laissons lui se donner les moyens de tenir ses engagements vis-à-vis des Français.
 
E. Cugny : D. Jeambar rapidement.
 
D. Jeambar : Pas affaire de personnes mais affaire de personnalités souvent. Donc les Français ont toujours besoin d'une incarnation en politique et d'ailleurs le débat présidentiel en a été la preuve. On n'a pas simplement élu un président de la République et un programme, on a élu aussi une personnalité avec son tempérament et son caractère. Et naturellement, un gouvernement est jugé là-dessus aussi.
 
 
R.- Aujourd'hui, les Français ont choisi un président de la République et ils lui font confiance sur les hommes et les femmes qu'il proposera pour administrer notre pays et surtout, j'en reviens à ce que je disais tout à l'heure, ce qui compte plus que les noms qui seront affectés à chaque ministère, c'est la nouvelle architecture des ministères qui devront incarner les grandes réformes et les économies que nous avons besoin de faire pour nous donner les moyens de ces grandes réformes. Pour moi c'est l'essentiel. Après les noms, vous savez, ça va, ça vient.
 
E. Cugny : Merci beaucoup C. Estrosi d'avoir été notre invité ce matin sur Radio Classique Info. Nous aurions eu encore beaucoup de choses, beaucoup de questions à vous poser. Merci Anissa, merci D. Jeambar.
 
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 14 mai 2007