Interview de M. Bernard Accoyer, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à Radio France Internationale le 15 mai 2007, sur la préparation d'un gouvernement d'ouverture et sur la nouvelle organisation de l'UMP.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral

F. Bernard.- N. Sarkozy a fait hier son discours d'adieu à la présidence de l'UMP devant le conseil national du parti. On devinait une émotion générale, comment vous avez ressenti vous, ce moment ?
 
R.- Oui, c'était un moment d'émotion, c'était aussi un moment important dans la vie politique non seulement de l'UMP, mais dans la vie politique de la France. Parce que tout le parcours de N. Sarkozy dans son parti, dans l'UMP, tout son parcours partisan est maintenant derrière lui, il est devenu l'homme de tous les Français, c'est ce qu'il est venu dire hier, au conseil national, aux cadres de l'UMP. Alors c'est un moment où il dit au revoir, où il s'en va, c'est une coupure, mais c'est aussi une coupure dans la continuité, puisque les projets, ce qu'il a proposé aux Français, ce que les Français ont accepté, eh bien, il lui revient, il reviendra à la majorité de les mettre en oeuvre.
 
Q.- Alors de l'émotion aussi, une certaine inquiétude à l'UMP en raison de la volonté d'ouverture de N. Sarkozy. Elle va fermer les portes bien évidemment du Gouvernement à certains fidèles du nouveau Président ?
 
R.- C'était également une partie importante du message de N. Sarkozy hier, au conseil national de l'UMP. Cette nécessité pour celui que les Français ont choisi massivement, parce que jamais ils ont autant participé à un scrutin présidentiel en nombre - jamais, 19 millions de Français se sont retrouvés sur le même nom au deuxième tour des élections présidentielles - et cette masse importante, ce nombre si important de nos compatriotes exige pour N. Sarkozy, c'est sa conviction et nous la partageons, de rassembler bien au-delà de ceux qui se retrouvaient ou qui se retrouvent dans des idées politiques de tel ou tel parti. Et c'est pour cela qu'il veut ouvrir l'équipe gouvernementale, le nouveau gouvernement à des hommes et des femmes dont la sensibilité politique d'origine n'est pas la sienne. C'est vraiment une volonté d'ouverture afin d'avoir la marge de manoeuvre la plus grande, la plus large pour mettre en oeuvre les réformes que les Français ont acceptées lorsqu'il leur a proposé au cours de la campagne.
 
Q.- La possible nomination de B. Kouchner ne fait pas l'unanimité à l'UMP. Le président du groupe parlementaire, que vous êtes, est d'accord avec une nomination comme celle-là, par exemple ?
 
R.- D'abord, il revient seulement au chef de l'Etat de choisir ceux avec qui il conduira le Gouvernement. C'est sa responsabilité. Pour ma part, je considère que l'ouverture, lorsqu'on est en responsabilité, dans quelque domaine que ce soit, mais encore plus dans une responsabilité nationale d'une très grande puissance, l'ouverture, elle doit être recherchée et si elle peut être réalisée, ça n'a que des avantages.
 
Q.- Alors le rassemblement, l'ouverture, ont pour objectif, on l'imagine d'amener une large victoire aux législatives. Est-ce que ça veut dire que vous souhaitez finalement une opposition la plus faible possible ?
 
R.- Certainement pas ! Le dialogue, l'échange, sont une nécessité dans la vie, mais encore plus dans les démocraties et nous avons besoin, toute démocratie moderne a besoin d'un dialogue entre la majorité, l'opposition, le Gouvernement, l'opposition. C'est comme ça que l'action démocratique se concrétise avec une participation, un enrichissement, mais aussi des critiques, c'est la vie, c'est même l'histoire de la politique au cours du temps qu'est le débat. Autrefois, il y a des siècles, on s'entretuait lorsque l'on était en divergence. Aujourd'hui, on discute, on vote et on rediscute encore sur les mesures à appliquer. C'est cela la modernité démocratique.
 
Q.- Donc vous souhaitez une victoire de la droite, mais une victoire modérée ?
 
R.- Je souhaite une victoire de la droite et du centre, parce que c'est la candidature qui l'a emporté. Mais je souhaite aussi que cette victoire ne néglige pas les analyses pertinentes, la participation pertinente des hommes et des femmes de bonne volonté, les partis politiques autres que ceux de la droite et du centre, qui ont bien entendu des analyses et des propositions qui sont intéressantes et qui doivent participer à l'enrichissement des décisions et de l'action du gouvernement.
 
Q.- Alors justement, N. Sarkozy a dit hier et je vais le citer « j'ai voulu que la droite élargisse le socle de ses valeurs à des valeurs universelles dont il n'y avait aucune raison que la gauche s'arrogeât le monopole. » Est-ce que la droite va désormais défendre certaines des valeurs généralement défendues par la gauche ?
 
R.- D'abord, je crois que la campagne présidentielle que nous venons de vivre a été passionnante, elle a été dense. Et les Français ont été passionnés, ils l'ont montré en allant participer comme jamais. Et c'est important que les candidats soient allés au fond des sujets, il faut reconnaître que c'est N. Sarkozy qui le premier est allé sur des thématiques, sur des thèmes, sur des problèmes, des domaines - le travail, la responsabilité, le respect - dont on ne parlait plus suffisamment clairement et dont les Français avaient peut-être oublié, en particulier depuis 68, que c'était autour de ces thèmes que la République s'était bâtie. Notre nation était devenue une grande nation, avant tout une nation qui défend le droit. Je trouve que c'est exaltant, c'est vraiment quelque chose d'heureux pour la France, d'être revenu sur le vrai débat d'idées, parce que la démocratie elle est fondée sur les débats d'idées, sur le choix, contre des convictions et des alternatives qui sont la traduction d'interprétations différentes. Mais ce qui compte c'est de se rassembler sur les valeurs, les valeurs essentielles, les valeurs de liberté, les valeurs d'égalité, les valeurs républicaines, c'est ce qui est ressorti dans cette campagne. Or N. Sarkozy a su autour de ces valeurs, bâtir une analyse et un projet. Les Français se sont retrouvés autour. Je ne doute pas qu'à partir de là, une recomposition politique est en train de se faire dans notre pays.
 
Q.- N. Sarkozy quitte la présidence de l'UMP mais ne souhaite pas que le parti se dote d'un nouveau président. Expliquez-nous, pourquoi ?
 
R.- Mais parce que c'est comme ça dans la quasi-totalité des partis politiques. Regardez les partis politiques français, les partis politiques étrangers. Regardez le Parti socialiste : il y a un premier secrétaire ; c'est généralement une autorité, qui n'a pas le titre de président, qui dirige le parti politique et qui a autour de lui un conseil collégial, parce que par définition, dans les partis, il y a des sensibilités qui doivent s'additionner, débattre et s'additionner entre elles. Donc il y a eu pendant quelques années un président, je trouve que c'est tout à fait normal qu'un grand parti, le plus grand parti politique de France, qui regroupera bientôt 400.000 membres se dote d'une direction collégiale.
 
Q.- On peut quand même s'étonner ou doit-on s'étonner que cette procédure qui avait été mise en place par monsieur Sarkozy, c'est-à-dire l'élection du président de l'UMP par ses adhérents, soit remise en cause dès lors qu'elle ne sert plus ses intérêts ?
 
R.- Ça il faudra voir quelles seront les particularités, les nouveautés dans les statuts qui seront modifiés. L'implication des militants dans la désignation de tel ou tel responsable est habituelle à l'UMP et je suis quasiment certain que ce principe sera sauvegardé.
 
Q.- Dans le cadre du renouvellement de la politique prônée par N. Sarkozy, quelles vont être les priorités de l'UMP maintenant ?
 
R.- Ça va être ce qu'il a annoncé dans la campagne et qu'il a dit aux Français, les Français l'ont accepté en toute connaissance de cause, après un long débat qui les a passionnés. Elles touchent à l'emploi, elles touchent au pouvoir d'achat, elles touchent à la conviction qu'il vaut mieux rétribuer et mieux respecter l'effort, le mérite, le travail, c'est cela et puis moins pénaliser financièrement ceux qui travaillent, que le travail rapporte plus que l'assistance, ce sont les thématiques qui seront autour des premiers textes examinés.
 
Q.- Un parti au service du Président en quelque sorte ?
 
R.- Un parti qui soutient le Gouvernement, mais qui débat, qui enrichit. Croyez bien qu'à l'intérieur du parti majoritaire au cours de la législature qui s'achève, il y a eu énormément de débats et que beaucoup de textes ont été, soit voulus par des parlementaires, soit modifiés de façon considérable par le travail parlementaire. Et c'est ce que nous ferons, nous l'espérons, si nous avons dans quelques semaines l'occasion d'être à nouveau dans la majorité.
 
Q.- Vous mènerez la bataille des législatives, en Haute-Savoie, j'imagine ?
 
R.- En tout cas, oui, je vais être à nouveau candidat devant les Hauts Savoyards et j'ai commencé et je commence ma campagne et j'espère que nous serons à nouveau suffisamment nombreux pour donner au président de la République, la majorité dont il a besoin pour réaliser ce qu'il a proposé aux Français.
 
Q.- Vous avez l'ambition d'être ministre ?
 
R.- Je n'ai pas d'ambition personnelle autre que celle d'abord d'être réélu député de la première circonscription de la Haute-Savoie, que je vous invite d'ailleurs à visiter, comme notre beau département qui est un des plus beaux départements de la France métropolitaine, peut-être pas de tous les départements d'Outre Mer.
 
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 15 mai 2007