Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur le bilan de son action au ministère des affaires étrangères en matière internationale et européenne, Paris le 18 mai 2007.

Prononcé le

Circonstance : Cérémonie de passation des pouvoirs entre Phillippe Douste-Blazy et Bernard Kouchner à Paris le 18 mai 2007

Texte intégral

Mon cher Bernard,
Mon cher Jean-Pierre Jouyet,
Avec Catherine Colonna, nous sommes heureux de vous souhaiter, ici, la bienvenue.
Mon cher Bernard, j'ai le souvenir des réunions où nous nous retrouvions, juste avant le 14 juillet, où il y avait beaucoup de personnes invitées dans les jardins du Quai d'Orsay. Je t'avais dit qu'il fallait qu'un de nous deux arrivent au Quai d'Orsay. Je ne pensais pas, quelques mois après, que tu y arriverais toi aussi. Je suis très heureux de cela. Je te le dis franchement parce que nous nous connaissons depuis longtemps.
Tout à l'heure, j'ai réuni mon cabinet, toutes les équipes qui ont travaillé avec moi. C'est un moment que tu connais, lorsque l'on remercie tous ceux qui ont travaillé. Je leur ai dit : "ayez confiance parce la personne qui arrive, Bernard Kouchner, c'est ce que j'appelle un homme non seulement honnête mais un grand homme politique, quelqu'un qui a des convictions, qui les a toujours défendues dans le monde entier, qui est l'honneur aussi de ce pays". Je suis très heureux, Bernard, que tu sois là. Je le dis, tu le sais, avec le coeur et avec toute l'honnêteté qui nous caractérise tous les deux.
Je salue, bien sûr, Jean-Pierre Jouyet, que je connais moins, parce nous nous sommes croisés pour des raisons plutôt budgétaires, mais je suis aussi très heureux que vous veniez ici avec Bernard Kouchner.
Je remercie Catherine Colonna avec laquelle nous avons formé une bonne équipe et je voudrais vous dire, à tous les deux, deux choses.
D'abord, nous en avons parlé lors du déjeuner que nous avons eu, le monde est dangereux, il est instable. La France, notre pays, n'est pas un pays comme les autres. C'est un pays qui défend des valeurs universelles, tu es bien placé pour le savoir, Bernard. Des valeurs de respect, de respect de la souveraineté nationale, de respect de l'intégrité territoriale, de respect des indépendances nationales - j'ai bien compris, aussi, l'ingérence. Nous sommes un des pays membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et c'est nous qui défendons cela, au point d'équilibre entre le monde arabe, souvent, et le monde occidental.
La deuxième chose que je voulais te dire, c'est que tu vas trouver sur ce bureau le plus grand, le plus dangereux des dossiers, celui de la prolifération nucléaire, et, en particulier, le dossier nucléaire iranien - des sanctions ont été décidées au Conseil de sécurité des Nations unies à l'égard de l'Iran. Il y a aussi le problème du nucléaire civil qui est posé et, donc, du développement durable et du réchauffement de la planète dans le monde entier.
Tu auras, évidemment, le problème du Proche et du Moyen-Orient, que tu connais mieux que personne. Tu auras aussi le problème de l'Afrique, des conflits, de la pauvreté. Le Darfour - tu m'avais récemment invité dans une réunion que tu organisais avec d'autres associations à la Mutualité -, le Soudan, le plus grand pays d'Afrique, entouré de neuf pays limitrophes, dont la stabilité est menacée ainsi que celle de la région.
Et puis, le fossé de plus en plus important entre le Nord et le Sud. Cette mondialisation qui aboutit à des pays riches, de plus en plus riches, et des pays pauvres, qui restent pauvres.
Nous nous sommes souvent retrouvés derrière toi dans ces pays. Tu nous as enseigné que la France devait être du côté des plus pauvres, des plus malades. Tu as invité ces "French doctors". Cette fois-ci, tu seras à leurs côtés, mais tu seras aussi à la table du Conseil de sécurité des Nations unies. Ce sera un moment important qu'un homme comme toi y arrive.
Je voudrais simplement te dire que nous avons fait, tu le sais et tu nous y as aidé, UNITAID. Ce sera peut-être, de ces derniers mois, une des choses importantes que le président Chirac, le président Lula, le Secrétaire général Kofi Annan et le président Lagos du Chili, auront lancée aux Nations unies et que nous avons, je dirais, récupéré en termes d'idée, pour, avec le président Clinton, la transformer en centrale d'achat de médicaments pour les pays les plus pauvres. Il s'agit également de l'action vis-à-vis des plus pauvres pour qu'enfin les brevets des médicaments les plus sophistiqués puissent tomber dans le domaine public et pour que les prix puissent être abordables pour traiter le sida, le paludisme et la tuberculose. Ce n'est pas un problème d'ancien ministre de la Santé, c'est un problème de ministre des Affaires étrangères. Je tiens à le dire une bonne fois pour toute.
Et puis, l'Union européenne, Catherine et Jean-Pierre, nous sommes arrivés juste après le non et je suis très surpris de voir que la France est au coeur du jeu européen. Nous avons, je crois, reprisé, raccommodé progressivement, pays après pays, cette confiance dans l'Union européenne. C'est vrai qu'il y a des gens qui ont voté pour le président Sarkozy, et qui auront voté oui et d'autres qui ont voté non au référendum. Il est très important de prendre cela en considération. Je suis sûr que deux Européens convaincus comme vous, sauront trouver les moyens aux côtés de Nicolas Sarkozy et de François Fillon pour qu'enfin ce Traité constitutionnel simplifié puisse recueillir l'unanimité des 27 Etats membres le plus vite possible.
Enfin, vous dire que je pense, au moment où je quitte le Quai d'Orsay, aux otages, aux familles d'otages, à ces Français qui aujourd'hui sont pris en otage dans le monde. Je pense aussi aux disparus et aux familles de disparus, ce qui est encore une autre catégorie. Je dis ici à tout le personnel que l'on ne voit jamais, qui n'est pas devant la presse, que l'on ne voit pas devant les caméras, merci pour le travail que vous faites au quotidien. Parce que c'est grâce à vous que récemment des otages en Afghanistan ont pu être relâchés. C'est grâce à vous que l'on essaie de trouver par tous les moyens des indices sur Ingrid Betancourt et, je sais, que c'est quelque chose qui vous tient à coeur, Monsieur le Ministre.
Enfin, nous avons un des plus grands réseaux diplomatiques du monde. Merci à tous ces ambassadeurs, à ces consuls, à ce réseau culturel. Cela a été extraordinaire de travailler avec vous. Merci à ce travail d'équipe au service de la France. Je suis sûr que Nicolas Sarkozy et François Fillon sauront incarner la grandeur de la France, avec vous, Monsieur le Ministre, Bernard Kouchner, avec vous, Monsieur le Ministre, Jean-Pierre Jouyet. Je suis sûr qu'ils sauront défendre les valeurs universelles de la France.
Je voudrais terminer par deux petits mots. Je connais l'homme, je connais l'ami, je connais le médecin, je connais l'ancien ministre de la Santé, c'est même la troisième fois que nous faisons une passation de pouvoir. Deux fois, je suis rentré, et toi tu es sorti deux fois. Cette fois-ci, c'est moi qui sors et c'est toi qui rentre.
Je voudrais te dire, au moment où je prends la parole, je te jure, parce que souvent en politique, nous disons des choses que nous ne pensons pas toujours, je le pense profondément, on connaît ton courage et c'est cela qui est important. On sait ce que tu as fait au Kosovo, on sait ce que tu as fait dans le monde entier pour défendre cette image de la France et je trouve que c'est une très belle idée, je le dis franchement, du président Sarkozy et du Premier ministre Fillon que de t'avoir choisi avec Jean-Pierre Jouyet. Parce ce que je crois que cette idée d'ouverture, c'est en réalité une idée de rassemblement. La France a besoin, aujourd'hui, d'être rassemblée et tu fais parti de ces grands symboles d'ouverture, de rassemblement, de courage et d'efficacité.
Merci à tous ceux qui ont travaillé avec moi pendant deux ans.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 mai 2007