Déclaration de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière, sur l'appel au soutien des candidats de Lutte ouvrière à l'élection législative des 10 et 17 juin, Presles le 27 mai 2007.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Fête de Lutte ouvrière, à Presles du 26 au 28 mai 2007

Texte intégral

Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
Nous avons donc droit à Sarkozy comme président de la République pour les cinq ans à venir. Son gouvernement a déjà annoncé les premières mesures pour les semaines qui viennent. Certaines favorisent outrageusement les plus riches, comme la mise en place du « bouclier fiscal ». Dès l'été, le gouvernement va le réduire de 60 %, actuellement, à 50 %. En d'autres termes, tous impôts cumulés, l'imposition ne pourra pas dépasser les 50 % des revenus pour les plus riches. Cette seule mesure représente une réduction de l'ordre du cinquième de leurs impôts pour les quelques dizaines de milliers de contribuables les plus riches. D'autres mesures s'adressent principalement à l'ensemble des possédants petits et grands, comme la réduction importante de l'impôt sur les successions ou la déductibilité des intérêts des prêts immobiliers, mais ceux qui en profiteront le plus sont, là encore, surtout les plus riches. Sarkozy sait agir vite pour récompenser son électorat.
Le Syndicat des impôts estime à 13 milliards d'euros le coût total des petits et grands cadeaux fiscaux faits par Sarkozy aux possédants. 13 milliards, c'est le double du trou de la Sécurité sociale l'an dernier ! C'est autant d'argent en moins pour les services publics utiles à l'ensemble de la population.
Envers la majorité laborieuse de la population, c'est, en revanche, une succession de coups qui se prépare. La franchise sur le remboursement des soins est certainement une mesure anodine pour ceux qui ont de l'argent, mais pour ceux qui n'en ont pas, cela peut se traduire par des conséquences dramatiques.
Fillon se prépare à modifier rapidement le contrat de travail. Quelles en seront les modalités ? On n'en sait rien pour le moment. Mais on sait que le gouvernement veut rendre le travail encore plus flexible et les travailleurs plus facilement licenciables.
Pour ce qui est de l'attaque contre le droit de grève des travailleurs du secteur public, Sarkozy a choisi d'en passer par la négociation avec les chefs de certaines confédérations syndicales, bien contents d'être reçus par le président de la République. Mais s'attaquer au droit de grève en y associant celles des confédérations qui sont assez complaisantes pour l'accepter, ne rend pas meilleur l'objectif de Sarkozy.
Sarkozy et ses ministres affirment qu'ils sont en droit de prendre toutes ces mesures puisque, comme ils disent, le peuple français ou les électeurs, en votant pour lui, ont voté pour tout son programme.
C'est du culot. D'abord parce qu'élu avec 53 % des voix au deuxième tour, il y a quand même 47 % qui ont voté contre lui. Et puis, compte tenu des abstentions et des votes blancs et nuls, son score représente à peine plus de 42 % des électeurs inscrits. Cela sans même parler de ceux qui n'ont pas le droit de vote, les travailleurs immigrés, qui subiront pleinement les mesures anti-ouvrières !
Oui, Sarkozy est, avec arrogance et cynisme, au service des exploiteurs, des spéculateurs, des licencieurs. Les cadeaux dont il veut combler les privilégiés, il les a annoncés par avance. Et, bien sûr, il n'a pas la moindre intention de s'attaquer aux maux qui accablent le monde du travail, ni au chômage de masse, ni à l'écroulement du pouvoir d'achat, ni même aux souffrances qu'engendre le manque catastrophique de logements pour les classes populaires.
Mais, comme je l'ai dit le soir même de la victoire de Sarkozy, le monde du travail ne doit pas baisser la tête car cette élection n'est pas une catastrophe. « Même si Ségolène Royal avait été élue, nous aurions dû entrer en lutte, et même dans des luttes sérieuses et importantes pour que les choses changent un tant soit peu pour nous. Avec Nicolas Sarkozy, il en ira de même et les luttes devront être même aussi déterminées, mais pas plus ».
Alors, il est impensable que les choses continuent pendant les cinq ans à venir comme pour les cinq ans écoulés. Il est impensable que le monde du travail subisse, résigné, qu'une partie croissante des classes populaires sombre dans la misère. Tôt ou tard, il y aura une explosion sociale. C'est le patronat lui-même, par son avidité, ou ses laquais, par leur cynisme, qui finiront par la déclencher.
Et c'est dans ces circonstances-là, lorsque la révolte sociale fait basculer le rapport de force en faveur des travailleurs, des chômeurs, des retraités et des laissés-pour-compte de la société, qu'il est indispensable de savoir quels sont les maux à combattre en priorité et quelles sont les mesures à imposer.
Nous mettons en tête de notre programme le contrôle au jour le jour par les travailleurs, les associations et toute la population, des comptabilités des grandes entreprises et de leurs projets à court et à long terme, notamment ceux qui visent à supprimer des emplois ou à délocaliser.
Pour cela, il faut abolir le secret commercial et le secret bancaire, et c'est possible. C'est une condition indispensable pour que les travailleurs d'une entreprise ou ses usagers puissent porter à la connaissance du public tous les choix de l'entreprises et en particulier ceux qui sont néfastes pour la collectivité.
Pour le reste, pour arrêter la montée de la pauvreté, il est indispensable de mettre fin au chômage de masse et à ce demi-chômage qu'est la précarité. Il est indispensable que tout un chacun dispose d'un logement convenable.
Il n'y a pas d'autre moyen de répondre à ces exigences qu'en affectant à la création d'emplois utiles dans les hôpitaux, à l'Education nationale, à la construction de logements sociaux, les sommes actuellement versées à fonds perdus au patronat sous forme d'aides et de subventions.
Il n'y a pas d'autre moyen qu'imposer davantage les bénéfices des entreprises capitalistes, ainsi que les revenus les plus élevés et en obligeant la classe riche à abandonner une partie de ses privilèges pour arrêter l'appauvrissement général.
Ces revendications sont-elles utopiques ? Pas plus que d'attendre, d'élection en élection, un changement qui ne vient jamais !
Eh bien, je fais confiance à la capacité de la classe ouvrière de se défendre.
Et, de toute façon, nous n'avons pas le choix si nous ne voulons pas que nos conditions d'existence se dégradent inexorablement.
Le programme que défendent les candidats de Lutte Ouvrière dans ces législatives n'est pas un programme électoral. C'est un programme pour les luttes ouvrières de demain.
Les classes populaires n'ont rien à attendre du résultat de ces élections qui ne feront que prolonger le même duel qu'à la présidentielle entre l'UMP et le PS, qui toutes les deux appliquent au pouvoir la politique de la bourgeoisie.
Presque certainement, la droite l'emportera, Sarkozy aura la même majorité parlementaire de droite que pendant les cinq dernières années et qui votera tout ce qu'il lui demandera de voter.
Sarkozy a fait toute sa campagne en parlant de rupture. Mais on voit bien, avec la formation du premier gouvernement Fillon, que, s'il a trouvé quelques hommes se disant de gauche prêts à aller à la soupe avec la droite, son gouvernement est composé de chevaux de retour à commencer par Fillon lui-même ou Alliot-Marie qui a tout juste changé d'uniforme, passant de celui de militaire à celui de policier. En guise de rupture, Sarkozy a même trouvé le moyen de ramener au gouvernement l'ancien Premier ministre Juppé qui fut poussé dehors par la grève des cheminots en 1995 et qui revient avec toutes les casseroles judiciaires, les siennes comme celles qu'il a, à l'époque, complaisamment endossées pour le compte de Chirac, attitude qui s'est aujourd'hui traduite en rancune fielleuse.
Après avoir perdu la présidentielle, le PS prétend qu'il faut élire le maximum de ses candidats pour créer un contre-pouvoir à l'UMP. Mais il est aussi mensonger que ridicule de prétendre qu'en votant largement à gauche, on peut contrebalancer le pouvoir de Sarkozy.
Qu'est-ce que changerait la présence de quelques députés du PS de plus dans la future Chambre dominée par la droite ?
Au début de sa campagne pour les législatives, le PS demandait encore modestement à ne pas donner « une majorité écrasante à la droite ». Son premier secrétaire, Hollande, s'échauffant au fil du temps, parle maintenant d'une campagne de « conquête ». Conquête de quoi ? A part quelques places de députés qui ne concernent que celles et ceux qui s'y installent.
Le PC joue la même musique. Marie-George Buffet, après avoir déclaré « avec solennité », comme elle a tenu à le souligner, le soir du deuxième tour, que « l'élection du président de l'UMP (...) constitue une véritable catastrophe politique » et a ajouté : « pour la première fois depuis la Libération, se trouve porté aux plus hautes responsabilités de l'Etat un homme qui a repris à son compte la plupart des grands thèmes politiques de l'extrême droite et qui porte ouvertement le programme économique et social ultra-libéral du Medef ».
Passons sur le ton catastrophiste mais oser affirmer que c'est la première fois depuis la Libération que le gouvernement en place porte le programme économique du patronat, c'est mentir grossièrement, c'est dissimuler le fait que ce programme a été porté par tous les gouvernements sans exception depuis la Libération. Et pas seulement les gouvernements de droite -et il y en a eu pendant ces soixante ans !-, mais aussi les gouvernements de gauche, celui du socialiste de Jospin dont Marie-George Buffet a fait partie et dont elle a justifié toute la politique !
Et, l'antidote à ce « Choc », comme a titré L'Humanité, de l'arrivée de Sarkozy au pouvoir, ce serait un « sursaut des forces vives de la gauche pour faire des élections législatives une réaction ». « Il ne faut pas laisser tous les pouvoirs entre les mains de Nicolas Sarkozy ». Voilà que revient l'axe de campagne simplet, aussi bien de son propre parti que du PS,
Mais c'est stupide. La Constitution est faite de telle façon qu'une minorité parlementaire, même nombreuse, ne pourrait rien changer. Et recommencer, une fois de plus, à parler de l'élection suivante comme d'un espoir pour l'avenir, c'est recommencer à semer des illusions. C'est recommencer toujours la même politique qui coûte si cher à la classe ouvrière depuis trente ans, mais que le PC lui-même a payé cher, par la perte de son influence électorale et de son crédit, par sa décomposition, par la démoralisation et l'abandon de la plupart de ses militants.
Eh bien non, notre avenir à nous, le monde du travail, n'est pas au fond des urnes. Les bulletins de vote ne sont que des chiffons de papier. Notre avenir est entre nos mains.
Ce sont les travailleurs qui font marcher toute l'économie, les usines, les entreprises, les banques. Ce sont encore les travailleurs qui dégagent par leur production ces profits qui ensuite alimentent les circuits financiers et la spéculation qui est à la base de la sarabande du CAC 40.
Et ceux qui font marcher l'économie, la production, la pompe à profit, ont aussi le pouvoir de les arrêter. Ils ont aussi le pouvoir de menacer la classe capitaliste là où elle est la plus sensible, du côté des coffres-forts.
Alors, avec Sarkozy, la bourgeoisie peut se réjouir d'avoir fait élire à la présidence de la République un de ses laquais les plus obéissants, un des hommes les plus proches de ses aspirations, cela ne donne pas pour autant à Sarkozy des moyens supplémentaires face aux luttes sociales à venir.
J'ai eu l'occasion de dire bien souvent que quelques-unes des plus importantes mobilisations du monde du travail ont eu lieu sous des gouvernements de droite, voire sous des gouvernements autoritaires. Il en a été ainsi en mai 68 où le mouvement étudiant et le mouvement gréviste des travailleurs avaient face à eux De Gaulle que les grands partis de gauche et les grandes confédérations syndicales, couards, décrivaient à l'époque comme un pouvoir fort, qu'il était quasi impossible de faire reculer. Eh bien, pouvoir fort ou pas, De Gaulle dut s'enfuir, clandestinement, piteusement devant les grèves et les manifestations pour demander soutien et réconfort auprès de l'armée française stationnée en Allemagne. Plus récemment, en novembre-décembre 95, Juppé, le revenant d'aujourd'hui, si « droit dans ses bottes » à l'époque, dut, devant la grève, remballer son projet de démolir les retraites des cheminots. La plus grande explosion ouvrière du siècle dernier elle-même, celle de juin 36, si elle a porté au pouvoir un gouvernement de gauche, elle a commencé sous les gouvernements réactionnaires qui l'ont précédé.
Alors oui, Sarkozy ou pas, les travailleurs ont la force sociale pour arrêter le cours actuel des choses et pour imposer des changements véritables pour les classes populaires. Et ils ont intérêt à mettre en avant, à ce moment-là, les objectifs qui pourront réellement changer le rapport de force entre le patronat et les travailleurs.
C'est au nom de ces idées que les candidats de Lutte Ouvrière se présentent à ces élections législatives à venir.
Lutte Ouvrière présente des candidates et des candidats dans 563 circonscriptions en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. Dans pratiquement toutes les circonscriptions, les idées que nous défendons seront donc représentées.
Les candidats de Lutte ouvrière s'adresseront, comme nous le faisons toujours, aux travailleurs, à la conscience de classe des travailleurs, et pas seulement pour défendre des idées même généreuses mais qui ne peuvent pas changer la société.
Il ne faut pas attendre des élections plus qu'elles ne peuvent donner. Mais elles nous donnent la possibilité de nous adresser aux nôtres, aux travailleurs salariés, en activité ou au chômage. Y compris dans des endroits où, habituellement, notre présence est faible, voire inexistante.
Nous nous présentons pour que le monde du travail puisse dire à ce gouvernement réactionnaire que le monde du travail ne se tient pas engagé par le scrutin qui a prolongé sa présence à la tête du pays.
Nous disons : par vos votes, vous, travailleuses et travailleurs, vous pouvez dire que vous vous battrez pas à pas contre toutes les mesures réactionnaires de ce gouvernement, qu'elles soient encore sur les retraites du privé comme pour celles de la Fonction publique.
Vous vous battrez contre les privatisations. Vous vous défendrez contre les licenciements, la baisse du niveau de vie, contre la recherche du profit maximum qui transforme les entreprises privées en fabriques de chômeurs.
Oui, nous devrons entrer en lutte pour cela. Oui, nous devrons utiliser nos armes propres pour nous défendre.
Vos votes en faveur des candidats de Lutte Ouvrière ne changeront pas la majorité du Parlement qui soutiendra ce gouvernement. Ce que ces votes peuvent changer, c'est le rapport de force dans le pays dans un affrontement direct avec le patronat dont les politiciens ne sont que les représentants.
Plus il y aura de voix pour les candidats de Lutte Ouvrière, plus le patronat et ceux qui le représentent sauront qu'ils risquent un coup de colère de votre part, un coup de colère, c'est-à-dire des grèves, nombreuses, fortes, puissantes, qui s'enchaînent et qui se généralisent. C'est la seule chose que craint le patronat. Car c'est cela qui le touche au portefeuille qu'il a à la place du coeur.
En même temps, plus seront nombreux les votes pour les candidats de Lutte Ouvrière qui sont les seuls à être uniquement dans le camp des travailleurs, dans votre camp, pour défendre les intérêts sociaux et politiques du monde du travail.
Alors, votez pour vous, votez pour les candidats de Lutte Ouvrière !