Interview de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, à "France 2" le 23 mai 2007, sur les chantiers prioritaires du ministère de la culture.

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Média : France 2

Texte intégral

F. Laborde.- Avec C. Albanel, ce matin, nous allons évidemment parler culture et communication et puis on parlera évidemment aussi de l'activité gouvernementale, puisque vous êtes porte-parole du Gouvernement. Alors, je rappelle que vous avez travaillé auprès de J. Chirac depuis 1982, vous avez été sa plume, comme on dit familièrement, c'est-à-dire que vous écriviez ses discours et puis vous avez été présidente, aussi, de l'Etablissement public du château de Versailles, ce qui doit évidemment être un avant-goût, si je puis dire, de ce qui vous attend au ministère de la Culture. Votre première apparition publique, c'était pour le Festival de Cannes, justement, qui se tient en ce moment. C'était important d'y aller ?
 
R.- La première apparition, c'était la "Nuit des Musées", qui a été d'ailleurs un grand succès...
 
Q.- Oui, c'est vrai, pardon.
 
R.- Et le lendemain, le Festival de Cannes, et je crois que c'est une chance formidable pour moi, d'arriver ainsi au Festival, alors que c'était le 60ème anniversaire, avec 32 des plus grands réalisateurs du monde, présents, ce soir-là et à travers un film extraordinaire de court métrage.
 
Q.- Vous allez retourner à Cannes ? Quand on est ministre de la Culture, Cannes c'est le rendez-vous obligé où il faut absolument se rendre ?
 
R.- Ce n'est pas le pire des activités de ministre de la Culture.
 
Q.- Oui.
 
R.- Oui, je vais retourner à Cannes en fin de semaine, parce qu'il y a une réunion des ministres européens de la Culture vendredi et je vais y rester jusqu'à samedi.
 
Q.- Est-ce que c'est difficile, quand on a été, comme vous, à la fois dans la politique, dans la culture, depuis si longtemps, mais en même temps pas forcément au premier plan, de se dire que l'on passe, pas de l'ombre à la lumière, mais enfin, d'une activité qui est peut-être moins exposée à celle de ministre où pour le coup on est en première ligne ?
 
R.- C'est difficile, oui. C'est très exigeant, c'est exaltant. C'est vrai que Versailles avait été un petit sas, parce que, entre le fait d'être conseiller culture et éducation à l'Elysée et ensuite ministre, au fond, il y a quand même le passage à Versailles, où on prend un petit peu du soleil du prédécesseur inventeur du château, quand même, un petit peu, même si ça n'a rien de comparable.
 
Q.- Alors, est-ce que d'ores et déjà, vous avez, en tête, un ordre des priorités, en matière justement de culture ? On sait que vous êtes passionnée de théâtre, vous avez vous-même écrit des pièces de théâtre. Alors, il y a vos préférences personnelles et puis il y a les priorités du ministère.
 
R.- Je crois que...c'est un ministère, d'ailleurs, dont le propre c'est que l'activité, en fait, ne cesse de croître et que, au fond, les défis, les nouvelles réalités ne cessent de s'imposer et évidemment les précédentes demeurent. Ce qui, est très très important, pour moi, c'est vraiment, je dirais, le ministère de la Création avec tout ce que cela recoupe, et notamment évidemment la défense des droits des auteurs, qui est extrêmement importante. Je dirais que c'est tout ce qui est du côté de la transmission, et ça, ça veut dire aussi bien le patrimoine, évidemment, que l'on doit absolument faire vivre, que l'on doit moderniser...
 
Q.- Quand vous parlez de patrimoine, c'est aussi bien les bâtiments, que la littérature, que...
 
R.- Le patrimoine, absolument, dans son acception absolument générale, avec également l'éducation artistique. L'éducation artistique c'est aussi l'apprentissage de la lecture de la presse, c'est aussi l'apprentissage de l'image, dans un monde, justement, où nous sommes envahis d'images et la troisième chose, je dirais que c'est tout ce qui est les nouvelles technologies, toutes ces nouvelles réalités, qui sont en train, en fait, de tout bouleverser, on le voit bien, et qui nous obligent à être quand même très réactifs.
 
Q.- Alors, justement, est-ce que ça, vous considérez que ça fait partie des dossiers sensibles ou difficiles du ministère, parce que, par exemple, le piratage, quel qu'il soit, que ce soit musique, cinéma, via Internet, c'est un des dossiers difficiles, pour vous ?
 
R.- C'est un dossier, oui, c'est un dossier important, en tout cas, parce que l'on voit bien qu'il y a une grande sensibilité, on voit bien que les internautes sont évidemment très nombreux, ils sont jeunes, ils sont des foules, il y a nos enfants, évidemment, à l'intérieur et qu'il y a les différents... il y a les fournisseurs d'accès, il y a la nécessité de défendre, justement, le droit des créateurs, sur la musique, sur le cinéma. Et donc on voit bien qu'il faut agir, d'ailleurs, ce qui a été déjà très largement initié, mais qui doit être vraiment accentué, du côté de l'offre d'un téléchargement légal, actuellement un million de titres pour la musique, c'est quand même, je crois... il y a là une piste, je crois, très très importante. Il faut faire de la pédagogie, il faut dire aussi aux jeunes, et c'est vrai, qu'on ne peut pas faire absolument n'importe quoi, parce que derrière, eh bien c'est la création qui risque de se trouver asphyxiée, et ça c'est très important. Il faut travailler et responsabiliser les fournisseurs d'accès, parce que...
 
Q.- C'est dans cette piste-là que vous allez travailler, en tout cas.
 
R.- Voilà, absolument, je suis en train de réfléchir aux meilleures manières de le faire, mais c'est certain que c'est un dossier extrêmement important parce qu'il touche à toute la création, cinéma, musique, etc.
 
Q.- Cela veut dire que vous allez recevoir, justement, les différents intervenants ?
 
R.- J'en ai tout à fait l'intention, oui oui, bien sûr.
 
Q.- Alors, il y avait un autre dossier sensible, en tout cas récurrent, c'est les intermittents du spectacle. Est-ce que vous considérez aujourd'hui que ce dossier est à peu près bouclé ou qu'il faut encore revenir dessus ?
 
R.- Bon, autre dossier, je crois, en effet important, bon, c'est l'emploi des artistes, l'emploi des techniciens, rien ne se ferait sans cela. Beaucoup a été fait, enfin, nous sortons, là, de trois ans de négociations absolument intenses. La chose très importante, c'est que le caractère très spécifique, finalement, de cette profession et de leurs assurances, de leur sécurisation, est quand même assuré aujourd'hui, ça c'est important. Les accords ont été signé et...
 
Q.- Par votre prédécesseur R. Donnedieu de Vabres.
 
R.- Oui, et son entrés en vigueur, en fait, le 1er avril, c'est-à-dire que vraiment, c'est très très très récent. Je pense qu'il faut un peu laisser vivre et voir un peu ce que deviennent les choses...
 
Q.- Comment fonctionne le système ?
 
R.- Comment il fonctionne. Par ailleurs, les conventions collectives sont toujours en train d'être discutées. Je crois que c'est typiquement un sujet où les partenaires sociaux sont très importants, mais l'Etat doit prendre évidemment ses responsabilités, il l'a fait. Et ici on a vraiment plusieurs, solidarités qui se rencontrent : professionnelles, interprofessionnelles et nationales et on doit continuer à aller dans ce sens et bien sûr ma porte est ouverte aux organisations syndicales, évidemment, pour les rencontrer.
 
Q.- Alors, vous évoquiez tout à l'heure Versailles, on sait que vous avez ouvert le château au tournage du film de S. Coppola, "Marie Antoinette", on sait que vous l'avez aussi ouvert au mécénat. Est-ce que ça veut dire que vous allez continuer dans ces pistes-là, est-ce que par exemple mécénat/culture, ça fait bon ménage ?
 
R.- Oui, bien sûr, c'est absolument... c'est l'avenir. Il n'y a pas de désengagement de l'Etat, c'est en fait : plus il y a d'argent... plus il y a de l'engagement public, plus on donne aussi envie aux mécènes privés de venir. Et puis, il y a des choses qui ne peuvent se faire que par le mécénat privé, parce que c'est un peu le plus, c'est un peu ce qui fait rêver, par exemple tel bosquet à Versailles qu'on a restitué, on n'aurait pas pu le payer, premièrement par fonds publics, mais en même temps c'est ce qui fait de Versailles un lieu tellement onirique et magique.
 
Q.- Exceptionnel, c'est vrai.
 
R.- Donc... et le cinéma, c'est une chance formidable pour le patrimoine. Bien sûr, il faut respecter les visiteurs et également les oeuvres, mais c'est une chance, parce que c'est un rayonnement inouï, le film de Coppola, il a été vu dans le monde entier, on a vu un retour des Américains peut-être accentué...
 
Q.- Ah oui, ça joue ? Ça joue sur les...
 
R.- Ça joue forcément, ça forcément, oui oui.
 
Q.- Bon, la communication c'est forcément l'ensemble des chaînes de télévision, vous êtes là aujourd'hui, vous appréhendez à peu près l'ensemble du dossier ?
 
R.- Oh, je ne dirais pas ça, mais on voit bien que là aussi il y a de très grands défis et la numérisation, enfin, le passage de l'analogique hertzien au numérique d'ici 2012, c'est quand même un enjeu...
 
Q.- Considérable.
 
R.-... tout à fait considérable. Et puis, bon, la TNT aujourd'hui, qui est en train, qui couvre déjà une moitié du territoire. En juin prochain, plus de 8 villes encore, on voit bien que là aussi il y a une énorme, enfin, un effort à mener, de très beaux combats à mener.
 
Q.- Toute dernière question : vous êtes aussi porte-parole du Gouvernement, c'est aujourd'hui votre premier Conseil des ministres...
 
R.- Oui.
 
Q.- Donc ça va être votre premier exercice avant d'aller déjeuner, si je suis bien informée, chez M. Alliot-Marie. C'est difficile, comme porte-parole ?
 
R.- Eh bien écoutez, c'est une offre, une demande qui m'a surprise, qui m'a touchée et honorée, c'est un signe de confiance, donc. Je crois que c'est... bon, c'est exigeant et en même temps c'est très intéressant, parce que ça veut dire que l'on est associé étroitement à l'action du Gouvernement et je crois que c'est une belle aventure.
 
Q.- Merci beaucoup, C. Albanel, d'être venue nous voir et de nous avoir réservé la primeur de vos réflexions. Bonne journée, bon courage et à bientôt.
 Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 23 mai 2007