Interview de M. Bernard Van Craeynest, président de la CFE CGC, à La Chaîne Info le 14 avril 2007, sur les propositions des candidats à l'élection présidentielle pour les cadres.

Prononcé le

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

Benaouda Abdeddaim : En 2002, plus d'un cadre sur cinq a voté au 1er tour soit à l'extrême-gauche, soit à l'extrême-droite. En 95, ils étaient bien moins d'un sur dix. Vous êtes le président de la Confédération des Cadres. D'après vous en 2007, est-ce que ce vote à la marge va encore progresser ?
Bernard van Craeynest : J'espère que non. Ce que je souhaite également, c'est que les cadres s'expriment, parce qu'il y a une autre alternative au fait qu'ils s'expriment vers les extrêmes, c'est qu'ils s'abstiennent. Je me bats depuis plusieurs semaines pour m'adresser aux candidats, dont on dit qu'ils devraient accéder à la présidence de la République, qu'il soit de droite ou de gauche, pour leur expliquer que ça me paraît effectivement préoccupants qu'ils ne soient pas suffisamment attentifs aux préoccupations de l'encadrement, celles et ceux qui sont les locomotives de nos entreprises et de notre économie.
BA : Oui, parce que dans un éditorial de votre Lettre confédérale tout récent, vous vous désolez d'un sondage qui établit qu'en fait, les cadres dans une large majorité n'attendent rien de ces présidentielles. Est-ce que vous vous faisiez encore des illusions à ce sujet ?
BVC : C'est-à-dire que j'espérais que les candidats allaient émettre des propositions un peu plus construites et un peu plus volontaristes, pour nous expliquer par exemple comment on va faire pour relancer la croissance dans notre pays. Nous avons une croissance structurelle de 2 %, on pourrait fort bien imaginer 3 ou 4, ça n'est pas extraordinaire par rapport au rythme de la croissance mondiale.
BA : Vous avez tenu une table ronde avec les représentants des candidats, certains, vous avez exclu notamment ceux du Front national...
BVC : J'ai exclu les plus extrêmes oui.
BA : Vos critiques... même s'ils font 17 %, bon. Vos critiques les plus marquées ont été pour l'UMP, est-ce que vous les confirmez encore ?
BVC : Oui, parce que... je suis critique aussi bien vis-à-vis de Madame ROYAL, quand elle présente son Contrat Première Chance ou quand elle lance elle aussi des idées bien sympathiques, a priori, mais qui sont quand même bien loin des réalités. Oui, parce qu'on a vu une débauche de propositions qui me semblent tout de même un peu surprenantes. Je pense par exemple à la défiscalisation des heures supplémentaires. Alors d'un côté, on nous propose un contrat unique, on voudrait simplifier le nombre de contrats de travail, ce qui n'est pas spécialement la bonne réponse aux problèmes - d'ailleurs qui se posent aujourd'hui pour la fluidité du marché du travail - et puis de l'autre on se mettrait à saucissonner et à faire différentes catégories, et encore une fois les heures supplémentaires, on sait bien que ça n'intéresse pas toutes les catégories de salariés. Et ça me semble quand même assez surprenant, à l'heure où on veut au contraire essayer de rassembler.
BA : Vous avez demandé aux candidats de se prononcer sur le forfait jour, qui intéresse tous les cadres et qui sert de base pour les salaires, quelle est la réponse qui vous a plus ou moins convaincue ?
BVC : Pour l'instant je n'en ai pas, j'ai clairement posé la question face à un slogan qui est « travailler plus pour gagner plus ».
BA : Nicolas SARKOZY.
BVC : Comment fait-on pour l'encadrement, parce qu'il n'y a pas que les ingénieurs et cadres stricto sensu, il y a également des techniciens agents de maîtrise qui jouissent d'une certaine autonomie dans leur travail et qui sont en forfait jour. Et ceux-ci peuvent travailler... s'ils travaillent 8 ou 9 heures par jour, ils peuvent aller jusqu'à 13 heures par jour. Par définition, le fait qu'ils soient en forfait jour, ils peuvent travailler jusqu'à 218 jours par an, ça ne leur permettra pas de gagner un centime de plus.
BA : Vous plaidez pour que les droits sociaux puissent être transférés d'une entreprise à une autre entreprise, comment voyez-vous cette idée pouvoir se concrétiser dans les mois qui viennent, politiquement ?
BVC : A l'heure où nous parle effectivement d'un contrat où le salarié pourrait acquérir des droits au fil du temps, je pense qu'on l'a déjà vu pour des aspects type le compte épargne temps. Il est important qu'on essaye de développer des accords de branches qui permettent, justement déjà, de faire en sorte que l'on puisse passer d'une entreprise à une autre en conservant ses droits. Surtout dans un contexte où les entreprises ont tendance à filialiser, ça me semble important. On le voit bien avec AIRBUS aujourd'hui, on parle de filialiser Méaulte. Eh bien ! Il me semble utile quand même qu'on assure que les salariés ne vont pas être les dindons de la farce.
BA : Justement sur ce dossier AIRBUS, vous avez parlé d'une prime à l'incompétence pour qualifier les indemnités de départ très importantes accordées à l'ex-Président d'EADS, Noël FORGEARD. La CGC est le deuxième syndicat chez AIRBUS. Pourtant je me trompe peut-être, lorsque Monsieur FORGEARD était à la tête de l'entreprise, on n'entendait pas la CGC dénoncer l'incompétence de Monsieur FORGEARD !
BVC : Il a accompli un parcours tout à fait honorable et remarqué, lorsqu'il était à la tête d'AIRBUS à proprement parler. Mais je vous rappelle les conditions dans lesquelles il a été nommé à la tête d'EADS. On a plutôt écarté Monsieur CAMUS pour installer Monsieur FORGEARD sur un certain nombre de pressions politiques.
BA : Proches du Président de la République.
BVC : Exactement et le résultat, nous le voyons aujourd'hui. L'entreprise est obligée de se serrer la ceinture, de se restructurer, et on apprend que Monsieur FORGEARD est parti avec le pactole. Ça me paraît tout à fait scandaleux, et il y a certaines personnes qui ont fait preuve de grandes qualités morales, je pense à Monsieur BILGER qui a rendu ses 4 millions d'euros...
BA : L'ancien patron d'ALSTOM.
BVC : Je pense que Monsieur FORGEARD devrait y réfléchir. En tout état de cause, je peux vous dire que nous, nous regardons de très près ce dossier parce qu'un mandataire social - et Monsieur FORGEARD, à ma connaissance, était mandataire social - peut être évoqué ad notum. Et je ne vois pas pourquoi il bénéficie de telles indemnités, ça pourrait s'assimiler à de l'abus de bien social et ceci au détriment des salariés, puisque bien évidemment, c'est prélevé sur la richesse de l'entreprise au détriment des salariés en terme d'intéressement et de participation.
BA : Bernard van CRAEYNEST, président de la CFE-CGC, merci de ces explications source http://www.cfecgc.org, le 18 avril 2007