Texte intégral
Nous sommes réunis, dans le recueillement, par le double mouvement de la mémoire et de la reconnaissance. L'une et l'autre sont nécessaires à notre peuple et nous rassemblent dans l'hommage que la France rend à ceux qui rétablirent notre liberté.
Il y a soixante-trois ans aujourd'hui, dans une journée pareille à celle-ci, sous le même ciel normand, des centaines de milliers d'hommes affrontaient la plus dure des batailles. Ils combattaient la tyrannie, l'oppression.
Pour nous, Français, ce fut le début de l'offensive de la liberté, un pas de plus dans la marche jusqu'en Allemagne. Pour beaucoup d'entre eux, ce fut le dernier jour.
A vous, vétérans dignes et émus, survivants de la féroce bataille de juin 1944, je voudrais témoigner au nom du président de la République la reconnaissance de la France, notre gratitude et notre admiration pour votre courage et votre sacrifice.
Grâce à la Résistance, grâce au général de Gaulle, mais aussi grâce à vous, notre pays a retrouvé son honneur. La France, submergée mais non écrasée, oppressée mais non vaincue, la France debout a pris part à sa libération.
A l'âge de l'insouciance, vous avez quitté les vôtres et votre pays, pour mener le combat de la liberté d'une région, d'un pays, d'un continent.
Nous pensons en particulier à ceux qui ne sont pas revenus de l'enfer, et dont ce cimetière rappelle le souvenir.
Je mesure votre émotion, aussi forte année après année, lors de cette commémoration, moment de recueillement où chaque vétéran part à la recherche du jeune homme qu'il fut, se souvient des camarades tombés au combat, se rappelle le silence du petit matin du 6 juin, l'angoisse et la force mêlées, la résolution et le don de sa vie.
Le 6 juin, après les succès des débarquements en Afrique du Nord, en Sicile et en Italie, s'ouvrait enfin le second front en Europe. Près de 50 000 combattants de la liberté mettaient le pied en Normandie, Américains, Britanniques, Canadiens, mais aussi Français, Polonais, Tchécoslovaques, Belges et Néerlandais.
L'arrivée sur les plages se fit sous un déluge de feu allemand, des combats sanglants eurent lieu sur la plage d'Omaha. Mais, à la fin de la journée, on pouvait considérer que le débarquement avait réussi. Toutes les divisions alliées avaient pris pied sur le continent et commençaient à se déployer.
Ce succès fut chèrement payé : pour le Jour J, les pertes américaines s'élevèrent à 6 603 soldats, celles des Anglais à 3 000, celles des Canadiens près de 1 000, et les Français du commando Kieffer comptèrent 21 tués. Soit au total plus de 10 660 hommes tués, blessés, disparus.
Entre les milliers de morts de la bataille de Normandie, entre les jeunes Normands et ces garçons de Californie ou d'Ecosse, du Québec ou du Pays de Galles, unis par le même idéal de liberté, il y a une profonde et silencieuse fraternité. Cette fraternité a ennobli notre Histoire.
Notre rassemblement dans une commune émotion doit rappeler aux Alliés d'alors et à ceux d'aujourd'hui ce que la reconquête de la liberté, de la paix, de la démocratie peut coûter d'efforts et de souffrances. Et donc, la nécessité de rester unis pour défendre ces valeurs. Il ne peut en être autrement.
Nos pays, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, se sont parfois querellés, mais le sentiment d'union a toujours dominé et doit à l'avenir primer par-dessus tout. La France a été la première amie des Etats-Unis, depuis leur indépendance. Américains et Français se sont tenus côte à côte pour la cause de la liberté dans toute l'Europe, que ce soit en 1917 ou en 1944.
Cette alliance transatlantique est toujours aussi nécessaire en ce début de XXIe siècle.
C'est sur les terres normandes, celles de Guillaume le Conquérant, que la reconquête de la liberté et de l'honneur de notre pays a commencé. Etant moi-même Normand, issu d'une famille normande, je mesure avec une émotion particulière les sacrifices que vous avez accomplis pour libérer notre pays.
Chacune de ces croix blanches nous invite à rester fidèles et à donner corps aux valeurs humanistes de respect, de justice, de dialogue et de tolérance pour lesquelles ces jeunes gens valeureux, combattants de la liberté, ont payé de leur vie. Sachons rester dignes de leur courage.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 7 juin 2007