Texte intégral
N. Demorand.- Vous êtes en duplex depuis les studios de France Bleue Béarn. Comment analysez-vous cette campagne ? Est-t-elle dure, plus dure que d'autres, que vous avez déjà vécues ?
R.- C'est une campagne qui fait suite à une élection présidentielle, ce qui fait que beaucoup de Français ont encore le sentiment que les élections sont plutôt derrière eux que devant eux. Et pourtant, c'est une élection qui va dessiner le visage politique de la France pour les cinq ans qui viennent, avec une grande question : est-ce qu'un seul parti va avoir tous les pouvoirs, sans aucune exception, et dominer ainsi l'Assemblée nationale, de sorte que les débats n'auront pas lieu, ou est-ce qu'au contraire, on va réussir à sauver ou à maintenir, ou à défendre le pluralisme en France ? Ce pluralisme qui est, au fond, la défense de la diversité, et qui permet aux Français de savoir ce que l'on est en train de décider pour eux, et s'ils le peuvent, d'intervenir dans ces décisions.
Les sondages d'intentions de vote vous promettent 10 % à peu près, d'électeurs, zéro à quatre députés... Est-ce qu'avec aussi peu de députés vous pouvez faire vivre le pluralisme ?
R.- Est-ce qu'on pourrait, une fois pour toutes - je sais bien que c'est un effort monumental que je demande depuis longtemps - est-ce qu'on pourrait considérer que ce qui compte ce sont les élections et pas les sondages ! D'autant plus, dans une échéance législative comme celle-là. Parce que, il y a 577 élections locales, il n'y a pas un sondage qui puisse se rendre compte de la diversité de ces élections locales. Et donc, pour ma part en tout cas, si j'avais écouté les sondages dans ma vie politique, je n'aurais pas souvent été candidat aux élections.
Mais on sait bien qu'il y a les effets du scrutin majoritaire après la présidentielle qui, en général, amplifient les résultats. En général, je dis bien.
R.- Il est vrai, comme vous le dites, qu'il y a un mode de scrutin, une loi électorale qui est absolument injuste, et qui fait que les majoritaires ont presque le monopole de la représentation, et qu'en effet la loi est faite pour que la diversité et le pluralisme s'effacent. Mais peut-on imaginer...
Faut-il réformer cela ?
R.- Sans aucun doute. S'il n'y a qu'une certitude, et on le verra dans les mois et les années qui viennent, c'est que l'on sera obligés de trouver une démocratie normale pour notre pays, c'est-à-dire une démocratie dans laquelle la règle d'or est que personne n'a les pouvoirs tout seul.
Faudra-t-il une dose de proportionnelle pour assurer au moins au Parlement une représentativité normale par rapport à ce qu'est le pays ?
R.- Il faut, comme tous les pays européens, sans exception, une loi électorale juste qui fasse que chacun est représenté à la proportion du poids qu'il pèse dans le pays. Et si vous y réfléchissez, c'est le seul moyen de faire non seulement que le débat ait lieu, mais que, d'une certaine manière, chacun reconnaisse la légitimité de l'Assemblée, la légitimité de la démocratie dans laquelle nous vivons... Est-ce que vous vous rendez compte du sentiment que peut être celui de Français, très nombreux, par millions, qui ont des convictions, des opinions, et qui ne sont pas représentés à l'Assemblée nationale, ou qui ne seraient pas représentés !
Dans cette configuration institutionnelle, comment décririez-vous l'Assemblée ces cinq prochaines années ? Attendons, bien entendu le vote, mais imaginons une vague bleue, comme en tout cas les sondages semblent le prédire, ce sera une Chambre d'enregistrement ? Comment décrire les choses ?
R.- Oui, c'est une Assemblée où il n'y a plus de débats. C'est-à-dire que le Gouvernement présente des textes, comme le parti majoritaire a, ce qu'on nous promet, je ne sais pas, quatre sièges sur cinq, peut-être plus, 450 sièges, 460 sièges, cela veut dire qu'il n'y a plus de débats, les textes ne sont plus examinés, que le parti majoritaire vote comme un seul homme pour. On l'a vu à différentes reprises, on l'a vu pour le CPE, ils ont d'abord voté comme un seul homme le CPE, et puis voté comme un seul homme l'abolition du CPE sans qu'il y ait de débats et de réflexion. Une Assemblée nationale, où le peuple est représenté par des députés, cela est fait pour que les citoyens soient à chaque instant informés de ce que l'on est en train de décider pour eux. Et si jamais c'est un mouvement dominant, majoritaire, qui contrôle tout, cette information ne passe plus, elle ne peut plus arriver aux citoyens. Cela crée une énorme frustration, et comme on le sait, cela ne finit jamais bien. C'est mauvais pour un pays d'être entièrement dominé par le même parti, la même force politique. Il est sans exemple que cela réussisse.
Comment considérez-vous, considérant cet état de fait, l'appel de Y. Wehrling des Verts, appel à constituer un groupe Verts - MoDem - Radicaux de gauche, pour essayer justement de peser sur les choses et de faire vivre le pluralisme ? Lui dites-vous oui ?
R.- On verra le jour où l'Assemblée nationale sera constituée, on verra qui sera élu. Je suis persuadé qu'en effet, il va falloir trouver des formes, j'espère que nous aurons, nous, le nombre de députés suffisants pour faire vivre le pluralisme et peut-être, pour accueillir d'autres. Mais la clé des années qui viennent, c'est que les Français ne soient plus verrouillés, ne soient pas verrouillés. On sortait de 2002 à 2007, de cinq années dans lesquelles les gens disaient : écoutez, franchement, un seul parti qui a tous les pouvoirs, l'UMP, c'est un peu trop. Et puis on se retrouve aujourd'hui, avec une perspective ou une menace de verrouillage encore plus importante. Et chacun...
Cela ne vous oblige-t-il pas à faire des alliances politiques, encore une fois, pour faire vivre ce que vous venez de dire, à savoir le pluralisme ?
R.- Cela obligera, en effet, les responsables politiques français à chercher tous les moyens nécessaires pour que le pluralisme soit défendu, au moment de ces élections et après.
Donc, des alliances ?
R.- Des alliances, ce n'est pas tout à fait la même chose. Des alliances, cela veut dire que l'on se met d'accord sur un projet. Mais il est nécessaire, il est urgent, de faire en sorte qu'en tout cas, la représentation des différents courants du pays soit défendue et assurée pour l'avenir. Sans cela, c'est le verrouillage, et le verrouillage, je le disais, cela finit toujours mal.
Pouvez-vous nous mettre les notes de bas de pages pour que l'on comprenne bien ? Vous êtes déjà en train de parler, je ne sais pas, avec les socialistes, avec les Verts, avec les Radicaux de gauche ?
R.- Non, monsieur... J'ai dit aux Français, et ils savent que c'est vrai je crois, parce qu'ils sentent assez bien l'authenticité et la sincérité, je ne suis, nous ne sommes dans aucune manoeuvre. Je ne me prête à aucune manoeuvre, je ne suis pas en train de préparer sous la table je ne sais quel accord avec je ne sais qui. Nous irons au premier tour des élections législatives sous nos propres couleurs dans beaucoup de circonscriptions, pour offrir aux Français un choix. Et les candidats présentés par l'UDF et le Mouvement Démocrate, ce sont des candidats qui garantissent aux Français, à tous ceux qui nous écoutent, qu'il y aura à l'Assemblée nationale, un groupe de députés pour qui le vote sera libre. Ils ne seront pas obligés de voter oui, comme la majorité, à tout, ou de voter non à tout, comme le PS. Ils pourront dire : écoutez, dans ce projet il y a du bon, et dans ce projet, au contraire, il y a beaucoup de risques.
En tout cas, pour le deuxième tour, si on vous comprend bien, là, les choses sont sur la table, et vous verrez comment, dans des accords nationaux ou au cas par cas...
R.- On verra, parce qu'il faut voir le résultat des élections, il faut voir si, en effet, le mode de scrutin a produit tous ses effets, et si ce sont, en effet, des effets choquants pour l'opinion publique du pays. On va voir circonscription par circonscription où l'on en est. Et ceci se passera à partir de dimanche soir, comme il convient, dans une démocratie, où l'on prend le premier tour au sérieux. Il y a longtemps que l'on ne prend pas le premier tour au sérieux. Je souhaite que l'on rende au premier tour la possibilité de choix multiples qui est offerte aux électeurs. Ils vont voir sur la table. Et en tout cas, le bulletin Mouvement Démocrate UDF, ils sont sûrs que, là, ils ont des députés libres, décidés à les défendre, eux, et pas à défendre le pouvoir contre eux.
Dernière question, réponse rapide : la politique pour vous, c'est un sport de combat ou une course hippique ?
R.- Cela s'apparente davantage à un sport de combat, je suis obligé de dire. Ce n'est pas souvent un domaine de gentlemen.
Ah bon ! Le cheval, justement de votre ancien ami, H. Morin, arrive deuxième au Prix du Jockey Club ?
R.- Très belle performance pour le cheval !
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 4 juin 2007
R.- C'est une campagne qui fait suite à une élection présidentielle, ce qui fait que beaucoup de Français ont encore le sentiment que les élections sont plutôt derrière eux que devant eux. Et pourtant, c'est une élection qui va dessiner le visage politique de la France pour les cinq ans qui viennent, avec une grande question : est-ce qu'un seul parti va avoir tous les pouvoirs, sans aucune exception, et dominer ainsi l'Assemblée nationale, de sorte que les débats n'auront pas lieu, ou est-ce qu'au contraire, on va réussir à sauver ou à maintenir, ou à défendre le pluralisme en France ? Ce pluralisme qui est, au fond, la défense de la diversité, et qui permet aux Français de savoir ce que l'on est en train de décider pour eux, et s'ils le peuvent, d'intervenir dans ces décisions.
Les sondages d'intentions de vote vous promettent 10 % à peu près, d'électeurs, zéro à quatre députés... Est-ce qu'avec aussi peu de députés vous pouvez faire vivre le pluralisme ?
R.- Est-ce qu'on pourrait, une fois pour toutes - je sais bien que c'est un effort monumental que je demande depuis longtemps - est-ce qu'on pourrait considérer que ce qui compte ce sont les élections et pas les sondages ! D'autant plus, dans une échéance législative comme celle-là. Parce que, il y a 577 élections locales, il n'y a pas un sondage qui puisse se rendre compte de la diversité de ces élections locales. Et donc, pour ma part en tout cas, si j'avais écouté les sondages dans ma vie politique, je n'aurais pas souvent été candidat aux élections.
Mais on sait bien qu'il y a les effets du scrutin majoritaire après la présidentielle qui, en général, amplifient les résultats. En général, je dis bien.
R.- Il est vrai, comme vous le dites, qu'il y a un mode de scrutin, une loi électorale qui est absolument injuste, et qui fait que les majoritaires ont presque le monopole de la représentation, et qu'en effet la loi est faite pour que la diversité et le pluralisme s'effacent. Mais peut-on imaginer...
Faut-il réformer cela ?
R.- Sans aucun doute. S'il n'y a qu'une certitude, et on le verra dans les mois et les années qui viennent, c'est que l'on sera obligés de trouver une démocratie normale pour notre pays, c'est-à-dire une démocratie dans laquelle la règle d'or est que personne n'a les pouvoirs tout seul.
Faudra-t-il une dose de proportionnelle pour assurer au moins au Parlement une représentativité normale par rapport à ce qu'est le pays ?
R.- Il faut, comme tous les pays européens, sans exception, une loi électorale juste qui fasse que chacun est représenté à la proportion du poids qu'il pèse dans le pays. Et si vous y réfléchissez, c'est le seul moyen de faire non seulement que le débat ait lieu, mais que, d'une certaine manière, chacun reconnaisse la légitimité de l'Assemblée, la légitimité de la démocratie dans laquelle nous vivons... Est-ce que vous vous rendez compte du sentiment que peut être celui de Français, très nombreux, par millions, qui ont des convictions, des opinions, et qui ne sont pas représentés à l'Assemblée nationale, ou qui ne seraient pas représentés !
Dans cette configuration institutionnelle, comment décririez-vous l'Assemblée ces cinq prochaines années ? Attendons, bien entendu le vote, mais imaginons une vague bleue, comme en tout cas les sondages semblent le prédire, ce sera une Chambre d'enregistrement ? Comment décrire les choses ?
R.- Oui, c'est une Assemblée où il n'y a plus de débats. C'est-à-dire que le Gouvernement présente des textes, comme le parti majoritaire a, ce qu'on nous promet, je ne sais pas, quatre sièges sur cinq, peut-être plus, 450 sièges, 460 sièges, cela veut dire qu'il n'y a plus de débats, les textes ne sont plus examinés, que le parti majoritaire vote comme un seul homme pour. On l'a vu à différentes reprises, on l'a vu pour le CPE, ils ont d'abord voté comme un seul homme le CPE, et puis voté comme un seul homme l'abolition du CPE sans qu'il y ait de débats et de réflexion. Une Assemblée nationale, où le peuple est représenté par des députés, cela est fait pour que les citoyens soient à chaque instant informés de ce que l'on est en train de décider pour eux. Et si jamais c'est un mouvement dominant, majoritaire, qui contrôle tout, cette information ne passe plus, elle ne peut plus arriver aux citoyens. Cela crée une énorme frustration, et comme on le sait, cela ne finit jamais bien. C'est mauvais pour un pays d'être entièrement dominé par le même parti, la même force politique. Il est sans exemple que cela réussisse.
Comment considérez-vous, considérant cet état de fait, l'appel de Y. Wehrling des Verts, appel à constituer un groupe Verts - MoDem - Radicaux de gauche, pour essayer justement de peser sur les choses et de faire vivre le pluralisme ? Lui dites-vous oui ?
R.- On verra le jour où l'Assemblée nationale sera constituée, on verra qui sera élu. Je suis persuadé qu'en effet, il va falloir trouver des formes, j'espère que nous aurons, nous, le nombre de députés suffisants pour faire vivre le pluralisme et peut-être, pour accueillir d'autres. Mais la clé des années qui viennent, c'est que les Français ne soient plus verrouillés, ne soient pas verrouillés. On sortait de 2002 à 2007, de cinq années dans lesquelles les gens disaient : écoutez, franchement, un seul parti qui a tous les pouvoirs, l'UMP, c'est un peu trop. Et puis on se retrouve aujourd'hui, avec une perspective ou une menace de verrouillage encore plus importante. Et chacun...
Cela ne vous oblige-t-il pas à faire des alliances politiques, encore une fois, pour faire vivre ce que vous venez de dire, à savoir le pluralisme ?
R.- Cela obligera, en effet, les responsables politiques français à chercher tous les moyens nécessaires pour que le pluralisme soit défendu, au moment de ces élections et après.
Donc, des alliances ?
R.- Des alliances, ce n'est pas tout à fait la même chose. Des alliances, cela veut dire que l'on se met d'accord sur un projet. Mais il est nécessaire, il est urgent, de faire en sorte qu'en tout cas, la représentation des différents courants du pays soit défendue et assurée pour l'avenir. Sans cela, c'est le verrouillage, et le verrouillage, je le disais, cela finit toujours mal.
Pouvez-vous nous mettre les notes de bas de pages pour que l'on comprenne bien ? Vous êtes déjà en train de parler, je ne sais pas, avec les socialistes, avec les Verts, avec les Radicaux de gauche ?
R.- Non, monsieur... J'ai dit aux Français, et ils savent que c'est vrai je crois, parce qu'ils sentent assez bien l'authenticité et la sincérité, je ne suis, nous ne sommes dans aucune manoeuvre. Je ne me prête à aucune manoeuvre, je ne suis pas en train de préparer sous la table je ne sais quel accord avec je ne sais qui. Nous irons au premier tour des élections législatives sous nos propres couleurs dans beaucoup de circonscriptions, pour offrir aux Français un choix. Et les candidats présentés par l'UDF et le Mouvement Démocrate, ce sont des candidats qui garantissent aux Français, à tous ceux qui nous écoutent, qu'il y aura à l'Assemblée nationale, un groupe de députés pour qui le vote sera libre. Ils ne seront pas obligés de voter oui, comme la majorité, à tout, ou de voter non à tout, comme le PS. Ils pourront dire : écoutez, dans ce projet il y a du bon, et dans ce projet, au contraire, il y a beaucoup de risques.
En tout cas, pour le deuxième tour, si on vous comprend bien, là, les choses sont sur la table, et vous verrez comment, dans des accords nationaux ou au cas par cas...
R.- On verra, parce qu'il faut voir le résultat des élections, il faut voir si, en effet, le mode de scrutin a produit tous ses effets, et si ce sont, en effet, des effets choquants pour l'opinion publique du pays. On va voir circonscription par circonscription où l'on en est. Et ceci se passera à partir de dimanche soir, comme il convient, dans une démocratie, où l'on prend le premier tour au sérieux. Il y a longtemps que l'on ne prend pas le premier tour au sérieux. Je souhaite que l'on rende au premier tour la possibilité de choix multiples qui est offerte aux électeurs. Ils vont voir sur la table. Et en tout cas, le bulletin Mouvement Démocrate UDF, ils sont sûrs que, là, ils ont des députés libres, décidés à les défendre, eux, et pas à défendre le pouvoir contre eux.
Dernière question, réponse rapide : la politique pour vous, c'est un sport de combat ou une course hippique ?
R.- Cela s'apparente davantage à un sport de combat, je suis obligé de dire. Ce n'est pas souvent un domaine de gentlemen.
Ah bon ! Le cheval, justement de votre ancien ami, H. Morin, arrive deuxième au Prix du Jockey Club ?
R.- Très belle performance pour le cheval !
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 4 juin 2007