Texte intégral
Q - Monsieur le Ministre, c'est quoi le style Kouchner ?
R - Ce n'est pas moi qui vais le définir. C'est peut être, parfois, une certaine connaissance du terrain, comme on dit. Ici, il se manifeste à mes dépens et cela me fait de la peine, car j'ai connu, je crois, toutes les guerres depuis 1975.
Q - Peut-on mener une action gouvernementale, une action de ministre, en venant au Liban avec le passé que vous avez ?
R - J'aimerais que les autres ministres aient ce passé.
Q - Précisément est-ce qu'on peut parler sur un ton diplomatique ?
R - Je n'ai pas parlé sur un ton diplomatique. Mais un ton diplomatique, ce n'est pas une injure. Un ton diplomatique c'est aussi, parfois, la façon, la faculté, et le moyen de régler une crise.
Q - Quel va être votre plus ici, avec ce costume humanitaire que vous avez eu ?
R - Madame, vous savez très bien que la question n'est pas de savoir ce que je peux apporter au Liban, mais ce que la France peut apporter au Liban. Et elle a prouvé sa disponibilité à maintes reprises et dans toutes les situations. Je ne suis plus uniquement le représentant, et c'est peut-être pas mal non plus, de l'action humanitaire.
Q - Et le droit d'ingérence aujourd'hui ?
R : La France a été à l'origine de la résolution qui a fait que la FINUL existe de façon renouvelée. Elle s'y trouvait majoritaire au début. Maintenant nos forces constituent le second contingent, au Sud-Liban. Elles y appliquent les règles, définies par les résolutions que la France a présentées, et qui sont maintenant à la disposition des Nations unies. Nous avons donc fait du boulot.
Q - Monsieur Kouchner, vous êtes un homme engagé, compte tenu du costume qui est celui du ministre des Affaires étrangères vous devez vous contenir ou est-ce que vous avez le sentiment de ... ?
R - Le jour où je me contiendrais, il faudra que je parte. Non pas du tout. Cela n'est pas mon style là non plus. Ma liberté de parole est entière. Mais attendez, quand on est ministre des Affaires étrangères, on ne va pas déclencher le feu partout. Ce que j'affirme là, c'est le soutien déterminé de la France. Je suis à côté de l'ambassadeur de France qui nous représente très bien et qui, tous les jours, a l'occasion de le prouver aux Libanais. Cela ne va pas changer. Le problème c'est d'être toujours confronté à des crises, et je le suis souvent. Dommage, j'aimerais bien être au soleil une fois de temps en temps.
Q - Est-ce que le fait que votre premier déplacement soit au Liban est un message pour montrer que la politique française n'a vraiment pas changé ou est-ce qu'il y a quelques changements quand même, puisque le président a changé ?
R : Il y aura peut-être des changements dans le traitement, mais le message n'a pas changé. Cela n'est pas de ma faute s'il y a eu une crise maintenant. Et, d'ailleurs, je vous signale que c'est mon deuxième déplacement à l'étranger parce que j'étais hier à Bruxelles, avec le président de la République, non seulement avec l'Union européenne mais aussi avec le Premier ministre belge. Là c'est la nécessité qui fait loi. J'aurai peut-être pu venir plus vite, mes amis me le demandaient. Et mes amis, Madame, se trouvent de tous les côtés et ce sont les amis de la France. Est-ce qu'il y a une spécificité ? Hélas oui. C'est celle du Liban, le Liban qui de crise en crise n'en finit pas de souffrir. Voilà la réalité. Je préfèrerais, je vous assure, venir passer des vacances ici.
Q - Justement, il y a deux camps au Liban, il y a le camp gouvernemental, vous avez montré votre soutien et votre amitié, et il y a aussi l'opposition qui est menée par le Hezbollah. Est-ce qu'il va y avoir une ouverture dans ce sens ?
R - Madame, nous avons maintenu notre position à l'égard de toutes les communautés. Je parle de la France, pas de moi. Moi, j'ai travaillé dans tous les camps, mais ne parlons pas de moi, cela n'a aucun intérêt. Oui, il y aura peut être dans le traitement de la crise de la nouveauté parce qu'elle est originale par rapport aux autres. Ce qui est original dans cette crise, c'est que l'ensemble des communautés libanaises, l'immense majorité des communautés libanaises, opposition et majorité, sont d'accord pour que ce problème soit traité immédiatement parce qu'il risque d'envenimer, non seulement dans tous les camps palestiniens, mais dans l'ensemble du Liban.
Il y a vraiment davantage d'unité et un gouvernement légal, ce qui n'a pas toujours été le cas lors des épisodes précédents. Malheureusement, c'est comme cela dans ce pays, il y a diverses fractions et ces fractions, ces originalités sont ses difficultés. Il y a quand même quelque chose de très particulier ici. Ce Liban, qui n'en finit pas de souffrir, n'en finit pas de survivre non plus et, n'en finit pas de réagir contre son adversité. C'est formidable, continuons, mais si on pouvait faire cela sans crise, ce serait mieux.
Q - Le tribunal, c'est pour bientôt ?
R - Vous avez les dates, nous devions déposer la résolution avant la fin mai, nous y sommes. Je pense le document va circuler dans le courant de la semaine prochaine et puis ensuite il y aura un vote. Une fois encore, nous n'avons pas, la France et la communauté internationale, déterminé notre attitude sur ce document et ce tribunal international pour juger les assassins du défunt Premier ministre, en fonction de la crise actuelle. Il se trouve que cela se produit en même temps. Réfléchissons à cela.source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 mai 2007