Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, lors de la conférence de presse conjointe des ministres des affaires étrangères du G8, sur les questions du Kosovo et du Darfour, Postdam le 30 mai 2007.

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Circonstance : Réunion des ministres des affaires étrangères du G8 à Postdam le 30 mai 2007

Texte intégral

Q - Combien de temps pouvez-vous ou voulez-vous encore donner à la discussion sur le Kosovo pour réussir ? Y-a-t-il des chances pour qu'une résolution soit adoptée en juin ?
R - ... Si nous étions tous persuadés qu'un peu de temps supplémentaire pouvait régler un problème, qui, comme le dit M. Lavrov, mérite un accord des deux côtés... Je crois que ce qui va se passer à New York pourrait le permettre. C'est au conseil de sécurité qu'il revient, sur un texte qui commence à peine à circuler, de discuter, de proposer des amendements. La rédaction elle-même n'est pas terminée. Cela pourrait prendre encore quelques jours, quelques semaines.
Mon sentiment, c'est que beaucoup a été fait. D'abord par les divers protagonistes, sur le terrain, en Serbie, au Kosovo, puis par Martti Ahtisaari et toute son équipe, pour essayer d'arriver à un accord. La décision politique est difficile et il n'y a pas eu d'accord. L'accord, la paix, c'est très difficile. Mais ce qui est certain, c'est que tout est préférable aux affrontements, à la guerre, aux massacres. A un moment donné, il faudra que chacun prenne ses responsabilités et ce moment est proche.
M. Steinmeier prie M. Kouchner d'intervenir sur la question du Darfour
La communauté internationale a beaucoup fait. L'ONU, les ONG ont apporté beaucoup d'aide. Il faut saluer tous ces progrès. Mais ce n'est pas suffisant. Et j'ai proposé à nos amis du G8 aujourd'hui de continuer, de ne pas attendre, et de prendre des initiatives dans deux directions.
La première initiative est politique, la seconde concerne l'aide humanitaire. Politique : il faut continuer à faire pression sur le gouvernement de Khartoum. Il a signé des accords, il en a signé avec les Nations unies, avec les agences des Nations unies, avec ses voisins, en dernier lieu avec le Tchad par l'intermédiaire de la Libye de M. Kadhafi. Mais tout ça n'est pas appliqué, tout ça reste lettre morte. Et pendant ce temps-là, beaucoup de Soudanais continuent de souffrir et de mourir. Dans les camps, où la situation est un peu meilleure, les organisations humanitaires travaillent. En dehors des camps, personne n'assiste les populations isolées et ces populations sont l'objet d'attaques de la part des Janjawids. Donc, politiquement, il faut absolument s'assurer - et nos opinions publiques, elles-mêmes font pression sur les politiques -, que le mouvement continue. Il faut faire tout ce qu'on peut. Il faut recueillir l'accord du gouvernement soudanais. Et il faut aussi recueillir l'assentiment des pays voisins. Ca, c'est la partie politique, et elle ne doit pas être abandonnée, bien au contraire.
Pression politique, contact avec l'opinion publique, explication de ce que nous faisons. Pourquoi ? Pour essayer de rapprocher, l'aide des populations qui en ont besoin. Il s'agirait d'inventer, de fabriquer, de tenter de monter ces corridors humanitaires ou cette aide, à partir des régions les plus proches, du Tchad ou de la République centrafricaine. Vous savez que l'aide arrive par Port-Soudan, du PAM, en particulier, et va traverser des centaines et des centaines de kilomètres pour arriver jusqu'au Darfour. Est-il possible d'assurer une liaison humanitaire, en médicaments, en nourriture, par la voie des airs ? Je crois que c'est possible. Est-il possible de faire plus et d'assurer un accès terrestre à une région qui se situe à 300 ou 400 km ? C'est sans doute possible aussi. Il ne s'agit en aucun cas d'une opération militaire. Il s'agirait d'une opération protégée par la voie des airs et d'une opération humanitaire d'accès aux populations. Il faut passer bien sûr par l'ONU, et nous sommes en contact étroit et permanent avec M. Ban Ki-moon, le Secrétaire général des Nations unies. C'est avec les Nations unies qu'il faut travailler. Les Nations unies ont deux envoyés spéciaux, M. Jan Eliasson et M. Selim Ahmed Selim. C'est avec eux que nous essaierons de faire pression.
Dernière chose, et ceci a été accepté par tout le G8 et d'autres pays - par exemple, par un pays qui compte beaucoup dans la région, comme la Chine -, nous voulons que le Groupe de contact élargi - élargi aussi, par exemple, à des pays comme l'Afrique du Sud, l'Erythrée et d'autres encore - se réunisse, peut-être fin juin en France, et que la pression de leur côté soit constante. Voilà une tentative. Je ne vous garantis pas du tout que cela réussira. C'est une tentative risquée. Nos amis ici ont accepté ce risque.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 juin 2007