Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, lors du point de presse conjoint avec M. Idrisse Deby Itno, président du Tchad, et M. Ahmad Allam-Mi, ministre tchadien des relations extérieures, sur le plan d'aide humanitaire en faveur des personnes déplacées et des réfugiés venus du Darfour, Goz-Beïda le 9 juin 2007.

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Circonstance : Tournée de Bernard Kouchner en Afrique du 7 au 11 juin 2007 : déplacement au Tchad au camp de Goz-Beïda le 9

Texte intégral

Q - Monsieur le Ministre, vous venez d'être reçu par le président de la République. Peut-on avoir une idée précise des points forts de l'entretien ?
R - Il s'agissait, comme le président Déby vous l'a dit, d'apporter un confort - c'est un petit mot -, peut-être une sécurité - c'est un mot déjà plus important -, peut-être un avenir - c'est un grand mot - en particulier aux personnes déplacées. Vous les avez vues hier autour de ces sites que l'on n'appelle même pas des camps tellement leur avenir est incertain. Qui s'en occupe ? Comment vont-ils rentrer chez eux ? Qui reconstruira leur village ?
Et puis il y a des camps avec des réfugiés venus du Soudan. La situation n'est ni agréable, ni pérenne mais ils sont assistés de la meilleure manière. Il y a un débat depuis très longtemps chez les humanitaires : faut-il donner un statut semblable aux réfugiés, à ces personnes qui sont déplacées chez elles ?
Autour de cela, nous avons élaboré, avec le président Idriss Déby - nous y travaillons depuis longtemps - un certain nombre de possibilités que l'on va travailler avec un groupe de trois personnes de chaque côté, à Paris, dans quelques jours, et ici, donc chez vous, à nouveau, Monsieur le Ministre des Affaires étrangères.
Nous souhaiterions produire ce plan, qui est aussi une exigence - parce que c'est une exigence pour la population - le 25 juin, en vue de la réunion qui se tiendra à Paris, dont le président Sarkozy a fait état au G8, avec l'assentiment des autres participants.
Le même jour, la réunion dite "de Tripoli", ou le cercle des pays dits "belligérants" - avec le Tchad aussi, qui pourtant n'est pas belligérant mais qui recueille les réfugiés - pourrait se réunir à Paris également.
Il y aura donc conjonction pour attirer non seulement l'attention sur ce qui a été fait sur le Darfour, mais aussi sur le règlement politique nécessaire. Lorsque le président Déby vous a dit "humanitaire", c'est parce qu'il pense à son peuple, et il a raison.
S'il n'y a pas de règlement politique, cela peut durer pendant des années. Si nous pouvons produire le 25 juin, à cette réunion du Groupe de contact, et à la réunion du Groupe de Tripoli, un plan concerté qui aurait l'assentiment, il vous l'a dit, de l'Europe et de l'ONU, nous serions bien contents.
Q - Vous avez évoqué l'idée d'un corridor humanitaire. Alors qu'en est-il exactement ?
R - Combien de temps va-t-il falloir que je parle de ce corridor humanitaire ? Arrêtons de faire des blocages intellectuels. Le corridor humanitaire, c'est, quand il y a des gens qui peuvent recevoir, qui sont dans un besoin, que ce soit par voie terrestre ou par voie aérienne, la nourriture, les médicaments qu'on pourrait leur apporter de l'extérieur.
L'extérieur est prêt, mais l'intérieur ne l'est pas pour le moment. Nous allons au Soudan, nous verrons bien ce que disent les autorités soudanaises. Il y a aussi des zones très particulières où les besoins sont grands et on pourrait, par un apport aérien, essayer de soulager cela. Mais cela ne dépend pas seulement de moi. On verra ce que disent les autorités soudanaises à ce propos.
Un accord humanitaire, un corridor humanitaire, ce n'est pas simplement poser une question, puis dire oui ou non. Le corridor humanitaire, c'est une technique internationale reconnue, que l'ONU a acceptée, qui a fait ses preuves partout. Mais il faut être deux au moins pour ça. Ceux qui reçoivent et ceux qui envoient. Et pour le moment, il n'y a que ceux qui envoient.
Q - Que va faire la France ? Quand ? Avec quels moyens ? Est-ce que vous pouvez nous en dire deux mots ?
R - Nous allons nous efforcer, avec les avions qui sont ici - et je le souhaite, avec la participation d'autres pays européens - au plus vite, dans les quinze jours qui viennent, de transporter plus de nourriture dans la région que nous avons visitée hier, parce que la saison des pluies rendra les pistes - même hier c'était déjà difficile - impraticables dans trois semaines. Donc, il reste à transporter quelques dizaines, si on peut, quelques centaines de tonnes pour compléter le stock. Parce que pendant trois à quatre mois, il n'y aura plus de possibilité de transport.
Q - Les militaires français disent qu'ils peuvent commencer dès demain ?
R - Mais s'ils peuvent commencer dès demain, je les bénis. C'est très bien ! Je suis très content de travailler avec eux. Je leur ai rendu visite, ils sont pleins d'allant. Ce sont des gens extrêmement dévoués et efficaces, ils connaissent le pays et ils sont aimés par le pays.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 juin 2007