Interview de M. Jean-Marc Ayrault, député PS, à "RTL" le 18 juin 2007, sur la mise en place rapide de la rénovation du parti socialiste, consécutive aux résultats des élections présidentielle et législative.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Bonjour, J.-M. Ayrault.

R.- Bonjour.

Q.- 180, 185, 187 députés socialistes - on fera les comptes après - ont été élus dans la nouvelle Assemblée nationale...

R.- Oui, c'est beaucoup plus que ce qu'on annonçait, c'est-à-dire qu'on pensait que le groupe socialiste serait écrasé...

Q.- Je n'ai pas encore posé ma question !

R.- Eh bien, pardon !

Q.- Excusez-moi. Souhaitez-vous être de nouveau leur président ?

R.- Ecoutez, moi je vais vous répondre la chose suivante. J'ai envie de poursuivre parce que j'ai contribué à ce que le groupe socialiste pendant cette dernière législative, dans des conditions difficiles, soit audible des Français, qu'il mène et qu'il gagne des batailles... Je pense au CPE, par exemple, et parce que nous avons aussi produit beaucoup, beaucoup de propositions qui étaient contenues d'ailleurs dans le projet socialiste, y compris dans le Pacte Présidentiel, qui sont venues de l'Assemblée nationale. On n'a pas fait que critiquer. Et puis, je sais aussi qu'il y a une demande très forte de renouvellement et notamment de générations. Donc, je vais donc discuter à évaluer et puis je déciderai ensuite.

Q.- Attendez, excusez-moi, je ne comprends pas. Vous dites qu'il y a une demande très forte de renouvellement ; donc, vous ne serez pas candidat à la présidence du groupe socialiste ?

R.- J'ai dit que je verrai, parce que j'ai envie d'être au coeur de cette rénovation, parce que je sais que le groupe socialiste a été toujours en pointe dans cette rénovation, qu'il était souvent en avance parce qu'il conciliait à la fois la responsabilité. Etre dans l'Opposition, ce n'est jamais facile mais nous avons fait notre travail honnêtement. Je l'ai dit : nous avons été audibles. Nous avons gagné les batailles. Nous avons fait des propositions. Et puis, en même temps, moi j'ai veillé à la cohésion. Alors quoi qu'il arrive, je souhaite être utile.

Q.- Ah, c'est pas très clair ! Alors, j'ai pas compris si vous étiez candidat ou pas ?

R.- Eh bien je verrai.

Q.- Vous verrez quand ?

R.- Je verrai parce que je vais consulter et je verrai cette semaine.

Q.- C'est demain que ça se fait !

R.- Ca se décide demain ou après-demain.

Q.- Donc, vous le savez bien, J.-M. Ayrault. Vous le savez bien si vous avez envie d'être candidat ou pas à votre succession ?

R.- J'ai dit que j'ai envie de poursuivre.

Q.- Vous avez envie de poursuivre. D'accord !

R.- Mais je souhaite que les conditions soient réunies parce que je ne veux pas que la présidence du groupe socialiste soit l'utilisation revancharde de ceux qui veulent régler des comptes de la présidentielle, c'est-à-dire du passé. Je veux une présidence qui innove et qui respecte le mandat qui nous a été donné par nos électeurs, c'est-à-dire celui de la rénovation du Parti socialiste et de la Gauche.

Q.- Donc, vous avez envie de faire cette rénovation à la tête du groupe socialiste...

R.- Quelle que soit la responsabilité, j'ai envie d'y être à la rénovation.

Q.- Oui, et donc vous avez envie d'être président du groupe socialiste, c'est ça ?

R.- Tout ne se passera pas là, j'espère bien.

Q.- Bon. Comment dirais-je ? Qui doit mener la rénovation pour le Parti socialiste ? F. Hollande qui en est le premier secrétaire ?

R.- Ecoutez, moi je pense qu'il faudra tenir un congrès et que ce congrès se prépare dès maintenant. Il ne faut pas perdre une minute pour la rénovation. Le mandat, il est très clair. Les électeurs qui ont voté pour nous, ils nous ont donné une nouvelle chance : être mieux défendus, être mieux protégés, mais aussi proposer, préparer l'avenir. Moi, ça fait cinq ans que je le dis. J'ai relu toutes mes interviewes depuis cinq ans, toute l'analyse de la société et que nous n'avons pas fait, nous n'avons pas été jusqu'au bout du diagnostic et des propositions d'une Gauche moderne, eh bien maintenant, il faut rattraper le temps perdu. On a sauvé les meubles ; mais maintenant, il faut rénover profondément la maison. Et ça commence maintenant. Maintenant. Maintenant, alors...

Q.- Qui doit déterminer les thèmes ? Le calendrier de cette rénovation ? F. Hollande ?

R.- Il faut que F. Hollande qui est premier secrétaire, assume pleinement cette responsabilité. Il associe autour de lui le maximum de talents et ça, je crois que c'est très important. Il va falloir qu'il donne des signes. Il faut qu'il les donne dès aujourd'hui, en tout cas pour samedi, pour le Conseil national. Je le répète : il n'y a pas de temps à perdre parce que nous avons perdu beaucoup de temps depuis cinq ans. C'est sans doute une des raisons de notre échec, certainement. Nous n'étions pas prêts. Nous n'avions pas répondu à toutes les questions. Certaines, nous ne les avions pas arbitrées. Et donc, il va falloir discuter pas seulement entre nous, mais aussi avec les citoyens, avec la société, il faut qu'on soit ouvert. Mais avec les Européens. Je pense aux autres partis socialistes sociaux-démocrates...

Q.- On appelle çà la démocratie participative.

R.- Non, non, non c'est plus que çà ! Vous savez, c'est aussi un travail intellectuel.

Q.- C'est le nouveau concept.

R.- Eh bien oui, il faut revoir notre logiciel, il faut revoir notre doctrine de pensée, ça c'est clair.

Q.- Certains demandaient la démission de F. Hollande à la tête du premier secrétariat. C'est pas votre cas, J.-M. Ayrault ?

R.- Moi, je ne suis pas pour qu'on démarre ce travail qui va être très exigeant par une crise parce que ça serait, je dirai une sorte de petit mini coup d'Etat qui ne règlerait rien. Il ne s'agit pas de changer les hommes ou des femmes, et de les mettre à la place des autres, il s'agit de faire un travail de fond. C'est ça qu'on attend de nous, sans casser le Parti socialiste parce qu'il est fragile.

Q.- Est-ce une crise ? Est-ce un élément de fragilité du Parti socialiste que cette annonce faite hier de la séparation de F. Hollande et de S. Royal ?

R.- Je pense que c'est venu comme çà dans cette soirée électorale. Cela arrive à tout le monde.

Q.- Vous le regrettez ?

R.- Non, mais c'est un fait. Voilà.

Q.- Vous le regrettez ou pas ?

R.- Qu'est-ce que je regrette ?

Q.- Cela a brouillé le relatif bon score des socialistes ?

R.- C'est sûr, mais en même temps comme ces relations s'étaient, semble-t-il, dégradées sur le plan personnel et qu'à l'évidence, avaient pris une tournure politique, j'espère que maintenant cette clarification mettra ce problème derrière nous, même si je pense que ça doit être dur pour eux et qu'en tout état de cause, en ce qui me concerne, je garde l'amitié pour l'un et l'autre.

Q.- Vous, vous souteniez S. Royal. Vous l'avez soutenue activement pendant la campagne présidentielle. Mais avant, dans la campagne interne ?

R.- Oui, heureusement qu'il y en avait qui la soutenaient sinon elle n'aurait pas été désignée. Et on n'aurait pas pu mener cette campagne.

Q.- C'est elle, aujourd'hui, le chef du Parti socialiste ?

R.- Il fallait que tout le monde la soutienne, d'ailleurs, ça aurait été plus simple.

Q.- C'est elle aujourd'hui le leader du Parti socialiste ?

R.- On ne se décrète pas leader du Parti socialiste. Moi, je ne donne de chèque en blanc à personne. Je vous dis toute cette exigence de travail intellectuel, politique, de relations avec la société et avec les Européens, la dimension internationale de l'avenir du socialisme français, ça va demander énormément, énormément de travail. Et la désignation du leader, ça doit être l'aboutissement. C'est pas un préalable. On ne peut pas simplement dire : on change une personne, on en met une autre à la place, et on a réglé le problème.

Q.- C'est un recul de votre part vis-à-vis de S. Royal, J.-M. Ayrault ?

R.- C'est une exigence d'efficacité et de réussite qui ne peut pas se faire simplement de façon artificielle avec la désignation d'une personne. Il faut que le travail de fond soit fait. C'est un très grand mandat qui nous a été donné par les Français. Il faut surtout lui être fidèle. Ca demande beaucoup de travail. Mais moi je pense que ce que S. Royal a acquis en capital de confiance, et je l'ai vue encore dans cette campagne législative, et moi je l'ai poussée à y participer, ça reste une force. On serait bien idiot de ne pas en tenir compte.

Q.- Cette séparation entre S. Royal et F. Hollande, vous pensez qu'elle a des implications politiques, que désormais entre les deux, ça va être une forme de rivalités ?

R.- Je vous l'ai dit tout à l'heure ! Ah rivalité, je ne sais pas s'il va y avoir une rivalité. En tout cas, il y a une clarification qui s'est opérée. Sur le plan politique, elle est utile.

Q.- En quoi ?

R.- Sur le plan humain, c'est autre chose.

Q.- En quoi elle est utile sur le plan politique ?

R.- Parce que je l'ai bien vécue de près... Parfois, on se posait des questions : pourquoi il y avait des difficultés de rapports entre le parti, la candidate, etc. Il y avait des aspects humains qui jouaient, à l'évidence, mais ce n'est pas la seule raison des difficultés de la campagne, c'est que le Parti socialiste avait pris tellement de retard pour arbitrer sur toute une série de questions économiques, sociales, politiques que la candidate était souvent embarrassée pour répondre parce qu'on n'avait pas tranché. On a fait la synthèse au Mans. Bon, c'était très bien parce qu'on avait besoin de se rassembler après le référendum. Mais on a fait une synthèse qui allait du Centre Gauche à l'Extrême Gauche ; et il faut que le Parti socialiste s'assume pleinement comme un parti réformiste de Gauche sans avoir de complexes, sans toujours lorgner du côté des gauchistes et en étant soi-même, en étant ouvert en même temps, en étant moderne, fidèles à nos valeurs et si on fait comme ça, je pense qu'à ce moment-là, on repartira de l'avant et pas simplement pour faire reculer la vague bleue mais pour présenter une perspective de changement.

Q.- J.-M. Ayraut qui, si j'ai bien compris, est candidat à la présidence du groupe socialiste à l'Assemblée nationale. J'ai bien compris ?

R.- Oui.

Q.- J'ai bien compris. Il était l'invité de RTL ce matin.