Texte intégral
Jean-Pierre ELKABBACH - Un "Face à la rédaction", face à Hélène FONTANAUD et Jérôme CHAPUIS, qui ont suivi toute votre campagne : en effet, François BAYROU, bonsoir.
François BAYROU - Bonsoir ! C'est un "Face" à distance !
Jean-Pierre ELKABBACH - Voilà, parce que vous êtes en direct de Pau ! Ça veut dire qu'on...
François BAYROU - De FRANCE BLEU, à Pau !
Jean-Pierre ELKABBACH - Voilà...
François BAYROU - On peut dire : merci de nous accueillir !
Jean-Pierre ELKABBACH - Absolument ! Merci de leur hospitalité ! Vous faites votre campagne sur place ; vous en avez besoin ?
François BAYROU - Eh bien, comme tous ceux qui se présentent à cette élection, bien sûr, il faut faire campagne ; il faut faire campagne sur place, sérieusement, en rencontrant les gens, en rencontrant les électeurs. Il n'y a aucune raison de manquer ce rendez-vous démocratique.
Jean-Pierre ELKABBACH - Mais, avec tant de fidèles Béarnais, la campagne, est-ce qu'elle est aussi, pour vous-même, difficile ? Parce que, personne ne doute, à Paris, sur le plan national, de votre propre élection : vous serez élu !
François BAYROU - Eh bien, j'ai la chance en effet d'avoir des électeurs qui sont, comme vous dites... enfin, vous dites : "fidèles" ; moi, je dis : amicaux, chaleureux, présents. Ce sont des électeurs qui m'ont placé en tête à l'élection présidentielle, et qui m'ont placé en tête au premier tour de l'élection législative, d'assez loin. Et donc, oui, je leur dois cette présence, et cette amitié.
Jean-Pierre ELKABBACH - Hélène FONTANAUD ?
Hélène FONTANAUD - Oui, François BAYROU, bonjour.
François BAYROU - Bonjour.
Hélène FONTANAUD - Dans quelle forme êtes-vous ? Comment ça se passe, la campagne ? Qu'est-ce que vous découvrez, sur le terrain de cette campagne législative ?
François BAYROU - Bon, d'abord, je suis très en forme ! Ensuite, parce que c'est un moment important. Et ensuite, qu'est-ce que je découvre sur le terrain ? Je vais vous dire, ce qui est le plus étrange, au fond, c'est qu'un très grand nombre d'électeurs n'est pas vraiment dans cette campagne électorale - ne l'était pas au premier tour, ne l'est pas beaucoup plus au deuxième tour, avec des problèmes d'appareils qui sont très loin de ceux qui écoutent, et encore plus loin de ceux qui n'écoutent plus. Il y a comme... comment dire ça ? Il y a comme un effacement de l'élection présidentielle... de l'élection législative, par rapport à l'élection présidentielle. Et ceci...
Jean-Pierre ELKABBACH - Voilà, Jérôme CHAPUIS, justement, veut vous poser une question précise...
Jérôme CHAPUIS - Est-ce que ce n'est pas cet effacement... ?
François BAYROU - ...si vous me permettez d'aller un peu plus loin ; et ceci, à terme, constituera un problème pour la démocratie française.
Jean-Pierre ELKABBACH - Eh bien, justement...
François BAYROU - On ne peut pas avoir une situation dans laquelle le Parlement est ainsi complètement effacé, considéré comme seulement une conséquence du résultat de l'élection présidentielle. Et ceci veut dire, pour moi, qu'un jour ou l'autre, naturellement, il faudra changer nos institutions, de manière que tout le monde puisse retrouver un Parlement de plein exercice, indépendant par rapport au gouvernement et au pouvoir exécutif. C'est vraiment quelque chose qui s'imposera, vous le verrez, comme une urgence.
Jean-Pierre ELKABBACH - Jérôme CHAPUIS, justement ?
Jérôme CHAPUIS - Mais, cet effacement de l'élection législative, est-ce qu'elle n'est pas due à l'inversion du calendrier, que vous avez souhaitée, vous, François BAYROU ?
François BAYROU - Eh bien, l'inversion du calendrier était absolument logique. Je vois, ici ou là, des polémiques sur ce sujet. S'il n'y avait pas eu cette remise sur pieds du calendrier républicain, l'élection présidentielle, elle, n'avait aucun sens, parce qu'elle n'aurait pu... comment dirais-je ? Elle aurait pu seulement entériner - elle, qui est l'élection principale -, elle aurait seulement entériné le résultat d'une élection législative à deux pôles. Le problème, comme je l'avais signalé à cette époque-là - peut-être vous en souviendrez-vous -, le problème, c'est que la loi électorale fait que l'élection législative... pardon, je reprends, parce qu'il y a des bricolages... il y a des bricolages de consoles techniques autour de moi...
Jean-Pierre ELKABBACH - Oui, oui, oui ! Et je rappelle que nous sommes en direct. Alors, que les "bricoleurs" fassent attention ! Hein !
François BAYROU - Absolument ! Voilà, très bien ! Je reprends donc, pour vous dire que ce qui est frappant, c'est que l'élection législative est à sa place, mais le mode de scrutin, la loi électorale, est si profondément injuste, qu'elle donne une prime telle aux majorités, qu'on se trouve avec une Chambre, qui sera simplement une chambre d'enregistrement.
Jean-Pierre ELKABBACH - D'accord. On va voir ça, dans le détail. C'est vrai que le président de la République, il est renforcé par le vent qui souffle sur ses voiles ; il donne le sentiment de tout se permettre, ou de pouvoir se permettre. Par exemple, il a ordonné le retrait, sans conditions, sans délais, sans négociations, de la candidate UMP - vous ne l'aviez pas demandé ! Est-ce que vous l'avez pris, François BAYROU, pour un beau geste, une manière, ou une provocation ?
François BAYROU - D'abord, disons des choses précises : ça n'était pas une candidate, c'était un candidat UMP - et il n'aimerait pas qu'on le féminise !
Jean-Pierre ELKABBACH - Et pourquoi ?...
François BAYROU - Non, je vais vous dire. Cette décision a été, pour moi, d'abord, une extrême surprise ; je l'ai apprise en direct, chez un de vos confrères. Je ne l'avais jamais imaginé, parce que, évidemment, j'avais une telle avance au soir du premier tour, que le résultat de cette élection ne faisait pas de problèmes : 12 points, ou quelque chose de cet ordre. Et donc... et le candidat, et la candidate du Parti socialiste, de 14 points. Donc, qu'est-ce que ça signifiait ?...
Jean-Pierre ELKABBACH - Et, comment vous l'avez pris ?
François BAYROU - Vous savez, en Béarn, ça a été très mal pris. Les électeurs béarnais - de l'UMP, et pas seulement de l'UMP - ont eu le sentiment qu'il y avait là... comment dire ? Un geste pas réellement désintéressé ; qu'il y avait là un geste qui était conçu pour apparaître comme un beau geste, et qui, en réalité, avait des arrière-pensées...
Jérôme CHAPUIS - Mais, qu'est-ce qu'il a à gagner, Nicolas SARKOZY, dans ce retrait ?
François BAYROU - Probablement, j'imagine - en tout cas, ça a été interprété comme cela, par la presse locale -, c'était probablement pour enlever un peu de signification à la victoire que j'aurai remportée, puisque cette victoire était faite...
Hélène FONTANAUD - Ou alors, François BAYROU, c'était parce qu'il avait envie d'entendre votre voix à l'Assemblée nationale ?
François BAYROU - Oui ! (Rires) Bon, eh bien, vous avez de l'humour, et c'est très bien !
Jean-Pierre ELKABBACH - Est-ce que vous estimez, François BAYROU...?
François BAYROU - Vous savez, la voix, à l'Assemblée nationale, elle ne dépend pas des appareils : elle dépend des électeurs. Si ma voix avait dû dépendre des appareils, il y a longtemps qu'elle aurait été absente de l'Assemblée nationale ! Mais, pour moi, l'élection est une élection directe, et ce sont les électeurs eux-mêmes qui choisissent leurs élus - heureusement ! Trop souvent, ce sont les étiquettes qui l'emportent. Mais, j'aime bien quand ce sont les personnes, aussi, qui sont prises en compte.
Jean-Pierre ELKABBACH - Encore une fois, François BAYROU, vous êtes loin de nous, vous êtes à Pau, parce que vous faites campagne ; vous nous manquez, on aime bien votre réactivité, votre regard ! Hein ! Alors, on fait ce qu'on peut. Est-ce que vous estimez que depuis...
François BAYROU - Mais, vous faites très bien ce que vous pouvez, Jean-Pierre ELKABBACH !
Jean-Pierre ELKABBACH - Très bien ! Merci...
François BAYROU - Sur ce point-là, il n'y a rien à dire !
Jean-Pierre ELKABBACH - ...oh là, là ! On va être forcés d'être très gentils, très tendres, alors !
François BAYROU - (Rires)
Jean-Pierre ELKABBACH - Est-ce que vous estimez que, depuis des mois, votre stratégie est un succès ?
François BAYROU - Elle a été un succès très net, à l'élection présidentielle. C'est, évidemment, plus difficile depuis l'élection présidentielle, parce qu'il fallait répondre à une question fondamentale - et je reconnais que la réponse n'était pas aisée -, c'était : est-ce qu'on revient à la manière de faire de la politique qu'on avait avant l'élection présidentielle, ou est-ce qu'on ouvre un chemin nouveau ? Autrement dit, est-ce que le centre retombe dans la majorité présidentielle, comme il y avait toujours été, ou bien, est-ce qu'il trace sa propre route ? Et est-ce qu'il montre, par des signes clairs, qu'en effet, il n'est pas prisonnier des attitudes anciennes, ou habituelles, des...
Jean-Pierre ELKABBACH - D'accord. C'était donc un succès, jusqu'au premier tour. Entre les deux tours, interrogé, une nuit, par le journal LE MONDE, on se souvient que vous avez lâché : "En tout cas, je ne voterai pas SARKOZY". Certains de vos proches confient que c'était une parole malheureuse. Aussitôt dite, aussitôt tard pour la regretter ! Est-ce que vous vouliez marquer l'indépendance de votre MODEM par rapport à Nicolas SARKOZY et Ségolène ROYAL ? Est-ce que vous marquiez, quand même - et vous marquiez ! -, une préférence ?
François BAYROU - Non. Non, parce que cette phrase a été prononcée au moment où tout le monde savait, avec certitude, que Nicolas SARKOZY serait élu. Mais, je vais vous dire : quand on a des craintes, profondes, pour l'avenir de son pays, ces craintes-là, quand on est un homme, on les exprime.
Jean-Pierre ELKABBACH - Est-ce que, aujourd'hui... ?
François BAYROU - C'est ce que j'ai fait. J'ai fait... et naturellement, ça a été interprété avec difficulté, par beaucoup de mes amis et de mes électeurs. Je pense qu'un certain nombre de mes électeurs en ont été fâchés. Mais je pense que le jour viendra où beaucoup d'entre eux reconnaîtront que, après tout, cette expression de liberté, elle correspondait à quelque chose, qui joue un rôle...
Jean-Pierre ELKABBACH - Jérôme CHAPUIS.
François BAYROU - ...quelque chose qui sera ressenti dans l'avenir.
Jean-Pierre ELKABBACH - Jérôme CHAPUIS ?
Jérôme CHAPUIS - Est-ce que, politiquement, vous considérez que cette phrase : "Je ne voterai pas SARKOZY", a été une erreur ?
Jean-Pierre ELKABBACH - Ou même, la stratégie a-t-elle été une erreur ?
François BAYROU - Eh bien, je suis désolé de...
Jean-Pierre ELKABBACH - Vous qui aimez la vérité ?
François BAYROU - ...je suis désolé de vous dire que, lorsqu'on dit ce qu'on pense, ça n'est pas une erreur. C'est minoritaire ; mais, on peut être minoritaire, et avoir raison. On peut être majoritaire, et se tromper. Et même, la dignité et la force d'un responsable politique de plein exercice, dans une démocratie de plein exercice, c'est de dire ce qu'il ressent de plus profond. Et j'ai dit quelles étaient mes réserves. Je souhaite que ces réserves, rien ne les vérifie ; je souhaite qu'à l'avenir, le président de la République, le gouvernement, tout le monde réussisse très bien, et que ça soit très bon pour le pays ; j'en serais très heureux, et je constaterai alors que mes réserves étaient excessives. Et puis, on verra ce qu'il en est. Les électeurs sauront eux-mêmes comment le dire. Mais ça n'est... écoutez-moi bien : ça n'est jamais une erreur, lorsqu'on dit le plus profond de ce qu'on pense.
Jean-Pierre ELKABBACH - Et donc, votre jugement, votre stratégie, il faut les juger dans la durée, dans la continuité, dans le temps ? Et, est-ce que ça veut dire que votre succès, celui des vôtres, vous ne l'aviez pas envisagé pour 2007, mais peut-être pour 2012, pour 2017 ?
François BAYROU - Oui... ! (Rires)
Jean-Pierre ELKABBACH - 2012 ?
François BAYROU - Jean-Pierre ELKABBACH, je sais bien que beaucoup de gens voulaient le lire comme cela, et me disaient : "Mais, enfin, vous faites un tour de chauffe sérieux pour 2012 !" Telle n'a jamais été ma vision. J'ai pensé qu'il y avait, comme on dit, une "fenêtre", pour l'emporter en 2007. J'ai pensé que ce renouvellement de la politique française serait bon pour la France. J'ai pensé que cette voie nouvelle, elle serait une voie nouvelle, y compris entendue ailleurs en Europe. J'ai absolument vécu cela, non pas comme une tactique, ou une préparation...
Jean-Pierre ELKABBACH - Non, emporté par une vraie foi personnelle, et des convictions, c'est sûr. Hein ?
François BAYROU - Oui, et puis avec la certitude qu'il faut autre chose. Alors, je sais bien que ça n'est pas le moment de le dire, mais je vais vous le dire, cependant : il y a des millions de Français, des millions et des millions, sans doute plus nombreux encore que les sept millions qui ont voté pour moi au premier tour de l'élection présidentielle, qui ne se reconnaissent, et ne se reconnaîtront, ni dans le choix que l'UMP représente, ni dans le choix que le Parti socialiste a bien du mal à exprimer ; ils ne se reconnaissent dans aucun de ces deux appareils. Et s'il n'y avait pas un autre choix, un choix nouveau, ils seraient, ces gens-là, épouvantablement malheureux, et dépourvus de tout chemin, de tout engagement dans la vie politique française.
Jean-Pierre ELKABBACH - Alors...
François BAYROU - Et, il est juste qu'on pense ainsi. Le choix qu'ils font, en ce sens, est un choix juste, parce que je crois que, en effet, ni l'étatisation qu'a portée le Parti socialiste jusqu'à ce jour, ni le choix de favoriser les plus favorisés, que l'UMP porte aujourd'hui, ne sont une vraie réponse pour la France.
Jean-Pierre ELKABBACH - Alors, on va aller plus profond, dans quelques instants, après une première pause.
(...)
Jean-Pierre ELKABBACH - "Face à la rédaction", en effet. A trois jours du deuxième tour des élections législatives, le 17 juin, question, avec Hélène FONTANAUD, de Jérôme CHAPUIS.
Jérôme CHAPUIS - C'est une expression qu'on a beaucoup entendue pendant la campagne : est-ce qu'il y a un "vote utile", dimanche prochain, François BAYROU ?
François BAYROU - Il y a un vote utile, sur deux critères, qui sont très simples, et que chacun des électeurs va appliquer à sa façon. Le premier critère, c'est : qui sont les candidats qui se présentent à moi, et quelle est leur expérience, quelles sont leurs épaules, est-ce qu'ils me représenteront bien ? Et, deuxième critère : le pluralisme ; qu'on fasse en sorte que, à l'Assemblée nationale, il y ait un équilibre. Alors, entre ces deux critères, les électeurs vont composer leur choix.
Jean-Pierre ELKABBACH - Mais par exemple, vous... on va prendre quelques exemples, François BAYROU. A propos de Sarcelles, vous avez répété avoir de l'estime pour Dominique STRAUSS-KAHN ; et, sur EUROPE 1, Dominique STRAUSS-KAHN vous a remercié, et vous a accordé sa propre estime. Mais, ça veut dire que vous...
François BAYROU - C'est réciproque, et c'est très bien !
Jean-Pierre ELKABBACH - ...voilà, très bien ! Vous le soutenez, donc, pour qu'il batte une candidate UMP ?
François BAYROU - Oui, je comprends bien, Jean-Pierre ELKABBACH, ce que vous êtes en train de faire : vous allez me faire défiler les circonscriptions...
Jean-Pierre ELKABBACH - Non ! Non, deux. Deux exemples. Avec Hélène FONTANAUD...
François BAYROU - ...la circonscription de Dominique STRAUSS-KAHN, celle d'Alain JUPPE...
Jean-Pierre ELKABBACH - Non...
François BAYROU - ...celle, etc., d'un certain nombre d'autres...
Jean-Pierre ELKABBACH - C'est vous qui les choisissez - vous le notez !
François BAYROU - ...d'autres personnalités. Oh, je suis sûr de ne pas me tromper...
Jean-Pierre ELKABBACH - Alors, est-ce qu'il faut faire...
François BAYROU - ...en vous entendant, et en vous écoutant.
Jean-Pierre ELKABBACH - ...mais non, on le fait avec beaucoup de sympathie, beaucoup de compréhension...
François BAYROU - Oui ! (Rires)
Jean-Pierre ELKABBACH - ...et avec la volonté d'une clarification, puisque vous avez dit qu'il fallait faire la politique autrement, accepter les risques, et accepter la vérité. A vous !
François BAYROU - Je me suis exprimé, sur ce sujet, de manière, je crois, assez claire. Tout le monde sait, en effet, que je considère que Dominique STRAUSS-KAHN est un homme qui, voilà, qui a, dans la politique française, une influence, et une place, et une audience qui sont importantes. Je ne le choisis pas à l'intérieur du Parti socialiste, dans les affrontements qui sont les siens, avec Ségolène ROYAL, François HOLLANDE, Laurent FABIUS - ça, c'est leurs affaires, et ça n'est pas les miennes. Je n'exprime pas une préférence. Je dis que c'est quelqu'un qui a du poids. Et évidemment, Alain JUPPE est aussi quelqu'un qui a du poids, voilà. Je n'ai pas l'intention d'en dire plus.
Jean-Pierre ELKABBACH - Mais pourquoi...?
Hélène FONTANAUD - Alors, François BAYROU, excusez-moi, mais ce n'était pas du tout d'Alain JUPPE dont je voulais vous parler...
François BAYROU - Oui, vous vouliez parler de qui ?
Hélène FONTANAUD - ...c'était de la deuxième circonscription du Rhône, où le candidat MODEM a été éliminé ; il appelle à voter UMP. Et son suppléant, lui, appelle à voter Parti socialiste.
François BAYROU - Eh bien, je trouve qu'ils auraient mieux fait de se taire, l'un et l'autre !
Jean-Pierre ELKABBACH - Et alors, comment le chef tranche-t-il ?
François BAYROU - Il ne tranche pas. J'ai dit, nous avons dit que notre attitude, c'était de considérer nos électeurs comme libres. Je ne connais aucun des deux protagonistes de la deuxième circonscription du Rhône - aucun des deux -, et je n'ai donc pas l'intention de me mêler de cette affaire-là. Les électeurs sont assez grands pour choisir. On ne s'exprime qu'en connaissance de cause, quand on connaît très bien les tenants et les aboutissants, et quand on sait exactement ce qu'il en est des choix.
Jean-Pierre ELKABBACH - Très bien. Mais là, vous leur tapez un peu sur les doigts ?
François BAYROU - Oui, je tape un peu sur les doigts.
Jean-Pierre ELKABBACH - Et les dirigeants...
François BAYROU - Et je leur dirai directement.
Jean-Pierre ELKABBACH - ...les dirigeants PS refusent - on l'a entendu - toute alliance, pacte, ou partenariat, avec vous, les centristes. Est-ce que, après les élections, dans le courant de cette année 2007, François BAYROU, vous souhaitez que des discussions sur le fond, les idées, les méthodes, les principes, aient lieu, avec le Parti socialiste?
François BAYROU - Ce n'est sûrement pas l'étape qui va s'ouvrir maintenant. L'étape qui va s'ouvrir maintenant, pour chacune des grandes formations politiques françaises - je vous rappelle que le Mouvement Démocrate est la troisième, par le nombre des voix, tant à l'élection présidentielle qu'aux élections législatives -, le Parti socialiste, pour sa part, un jour l'UMP - vous le verrez, je prends rendez-vous, je ne sais pas quand ce jour arrivera -, chacune des formations politiques françaises doit réfléchir à son organisation, sa vocation, et son projet. Je commence par la vocation. La vocation du Mouvement Démocrate, c'est d'être une proposition originale, indépendante, dans la vie politique française. Ce n'est pas d'être le strapontin de l'un ou de l'autre ; ce n'est pas d'être une force d'appoint, de l'un ou de l'autre. Et c'est sur point que je me suis séparé, affronté, en tout cas, avec un certain nombre des élus traditionnels du mouvement, qui considéraient que c'était très bien d'avoir des strapontins dans la majorité. Tel n'était pas mon jugement. Deuxièmement, ce n'est évidemment pas pour remplacer le strapontin de droite par un strapontin de gauche ! Et donc, de ce point de vue-là, la ligne que je défendrai, tout au long des mois et des années qui viennent, est une ligne d'indépendance, parce que c'est une ligne d'originalité. Je veux que nous ayons - deuxièmement - un projet, qui soit un projet mis au point, clair, et que nous ayons une organisation, des règles de fonctionnement, qui soient celles du 21e siècle.
Jean-Pierre ELKABBACH - Et alors, avec quels alliés, pour arriver au pouvoir ?
François BAYROU - Permettez-moi de m'arrêter... permettez-moi de m'arrêter, une seconde, à ce sujet. Nous avons eu, au Mouvement Démocrate - au "MODEM", comme vous avez pris l'habitude dire -, nous avons eu, en quelques semaines - il y a moins d'un mois que l'élection présidentielle... il y a un mois, à peine, que l'élection présidentielle a eu lieu -, nous avons eu plus de 80.000 demandes d'adhésion. Toutes par internet, ou l'essentiel, par internet. Maintenant, commencent à arriver les demandes d'adhésion des gens qui ne maîtrisent pas internet ; mais, pour l'essentiel, la grande vague a été internet. On ne fait pas de la politique avec des femmes et des hommes qui sont habitués à vivre avec internet, comme on en faisait avec des cellules de quartiers, de cantons. L'un n'exclut pas l'autre, mais vous voyez bien qu'il y a, par l'intermédiaire de cet outil incroyable, il y a une participation immédiate : on peut s'adresser immédiatement à chacun d'entre eux, et on peut échanger des idées, comme jamais on n'avait pu le faire dans une formation politique habituelle.
Jean-Pierre ELKABBACH - Alors, on va marquer...
François BAYROU - Pour moi, c'est très important.
Jean-Pierre ELKABBACH - Non mais, c'est très bien, parce que vous avez raison. Et nous, nous développons beaucoup le site "EUROPE1.FR", tout ce qui est nouvelles technologies. Question d'Hélène FONTANAUD, François BAYROU.
Hélène FONTANAUD - Oui, à propos de technologies, on va... c'est une technologie traditionnelle, c'est le téléphone : Ségolène ROYAL a essayé de vous joindre, au téléphone !...
François BAYROU - (Rires)
Hélène FONTANAUD - Alors, on parle beaucoup "MODEM", lignes téléphoniques. Voilà, elle a dit : "La démocratie, c'est simple comme un coup de fil." Elle a été désavouée par le Bureau national du Parti socialiste. Est-ce que vous l'avez rappelée ?
François BAYROU - J'ai expliqué, déjà, pourquoi j'avais reçu cet appel...
Hélène FONTANAUD - Ou est-ce que vous allez la rappeler ?
François BAYROU - ...pourquoi j'avais reçu cet appel, et pourquoi je n'avais pas entamé ces discussions avec Ségolène ROYAL. Non pas par manque de respect ; j'ai du respect pour elle, y compris pour le caractère un peu, comme ça, rapide, des décisions qu'elle prend - je trouve ça tout à fait normal et légitime. Mais vous voyez bien que si, le lundi suivant le premier tour, on avait fait l'annonce que nous étions en conversation téléphonique, elle et moi, vous voyez bien quelle ambiguïté aurait surgi, quelle interprétation aurait été faite ! Et l'interprétation, elle était très simple ; c'était : François BAYROU et Ségolène ROYAL ont décidé d'une alliance - alors qu'il ne s'agit pas de cela. Il y a un besoin, selon moi... j'ai une intuition, et une certitude. L'intuition, c'est que, évidemment, le Parti socialiste va se trouver devant son heure de vérité, et qu'il va avoir une explication, qui va être une explication profonde, une remise en cause profonde, à la fois des équipes qui sont au pouvoir, et de sa ligne politique. Et cette remise en cause profonde, je suis persuadé que beaucoup l'attendent, comme un rendez-vous qui va être un rendez-vous extrêmement dur. Et deuxièmement, une certitude : je sais que nous avons à construire une force politique centrale, capable de dépasser, de déplacer les lignes, et de montrer, dans la réalité, qu'on peut faire travailler ensemble, au service d'un projet pour l'avenir, des gens qui, par le passé, n'étaient pas ensemble. On ne m'a pas demandé, et il me semble que ça aurait été une question naturelle, mais enfin ! "Vous aviez l'UDF, vous avez réalisé à l'élection présidentielle un score qui était un score extrêmement fort, près de 19% des voix, pourquoi est-ce que vous avez eu besoin de rechercher une forme politique nouvelle ?" Et la réponse est : parce que, pour beaucoup de Français, l'UDF était cataloguée dans un camp. Et moi, je sais qu'aucun... enfin, je crois - mais, cette croyance est presque une certitude -, je crois, et je sais, qu'aucun des grands problèmes que nous allons avoir à régler pour l'avenir du pays ne correspond plus à la grille habituelle droite contre gauche. C'est si vrai... c'est même un peu... comment dirais-je ? on doit le prendre avec le sourire - même si le sourire peut parfois être un peu grinçant, sur ce point ; pendant toute la campagne électorale, j'avais exprimé cela. Nicolas SARKOZY avait dit : "C'est non seulement impossible, mais anti-démocratique" - c'est sa propre expression. Et puis...
Hélène FONTANAUD - Et il a fait l'ouverture.
François BAYROU - ...quand il est au pouvoir, lui aussi essaie de le faire - on verra le succès, on verra l'approche. Je suis en désaccord avec un certain nombre de choses. Mais, vous voyez bien que, dès l'instant qu'on est au pouvoir, on s'aperçoit, évidemment, que cette vieille manière de voir les choses, c'est une manière qui, aujourd'hui, ne correspond plus aujourd'hui à la gravité, à la lourdeur des problèmes qui se posent au pays.
Jean-Pierre ELKABBACH - Alors, une nouvelle...
François BAYROU - Et donc, j'ai voulu, et je veux, rendre enfin possible dans la politique française, une démarche commune pour l'avenir, de gens qui ont un itinéraire différent dans le passé.
Jean-Pierre ELKABBACH - Seul contre tous ? Bravo !
François BAYROU - Eh bien, écoutez, seul contre tous... il arrive, dans une vie politique, et de grands hommes l'ont montré avant moi - qui ne suis pas un grand homme -, que, en effet, il arrivait...
Jean-Pierre ELKABBACH - Allons ! Allons ! Vous n'avez pas le moral ? Vous avez dit à Hélène FONTANAUD que vous aviez le moral ; vous dites que vous n'êtes pas un grand homme !
François BAYROU - Eh bien, écoutez...
Jean-Pierre ELKABBACH - Allons !
François BAYROU - ...vous savez, on n'est grand que après, dans ce genre d'exercice...
Jean-Pierre ELKABBACH - Oui, quand on sort du désert, hein ?
François BAYROU - Mais, pour moi, oui, il arrive, en effet, que quand on est absolument persuadé de ce qu'on croit, on n'hésite pas à affronter, même en déséquilibre - comment dirais-je ? - numérique, on n'hésite pas à affronter des gens qui sont beaucoup plus nombreux, mais qui, quelquefois peuvent se tromper.
Jean-Pierre ELKABBACH - Ah oui, ah oui, François BAYROU, en déséquilibre numérique ! Dans quelques instants, je vais vous donner les dernières projections qui viennent de tomber. Et puis, vous direz ce que vous pensez de, à la fois du style du tandem FILLON / SARKOZY, et en même temps, des premiers éléments de leur politique.
(...)
Jean-Pierre ELKABBACH - Avec Hélène FONTANAUD et Jérôme CHAPUIS. Invité exceptionnel, ce soir, en direct de Pau : François BAYROU, vous êtes toujours là, merci !
François BAYROU - Je suis toujours là !
Jean-Pierre ELKABBACH - La droite obtiendrait entre 405 et 435 sièges, la gauche, entre 137 et 174 sièges, à l'issue des élections législatives ; c'est une projection en sièges, TNS SOFRES - LE FIGARO. Et le MODEM - j'ai un peu... je suis embêté de vous le dire - aurait un ou deux sièges, seulement, François BAYROU.
François BAYROU - Eh bien, on verra ! Ça montrerait, si c'était le cas, l'incroyable injustice à laquelle mène cette loi électorale.
Jérôme CHAPUIS - Il y a de l'injustice ; est-ce qu'il y a un danger ?
François BAYROU - Si vous considérez que ce résultat est un résultat juste, alors c'est que nous n'avons pas les mêmes grilles de lecture. Il y a quelque chose qui ne va pas, il y a quelque chose de profondément anormal, dans la manière dont est organisée la représentation des Français. Et ceci a une cause, qui est très simple : c'est que nous avons une loi qui fait qu'on ne peut être représenté que si on accepte d'entrer dans la logique de l'un des deux camps ! Cette logique de l'un des deux camps, elle a été, jusqu'à maintenant, sans exception, nuisible au pays. Eh bien, nous serons là - j'espère que nous serons plusieurs - pour montrer qu'en effet il existe une autre voie ; même si elle est numériquement inférieure, elle sera - comment dirais-je ? - défendue, et défendue en justice, et j'espère, en justesse, devant les Français.
Jean-Pierre ELKABBACH - Jérôme CHAPUIS...
François BAYROU - Et ne croyez pas que les Français pensent que les uns valent 450 sièges, et les autres, quelques unités.
Jean-Pierre ELKABBACH - D'accord, mais vous les prévenez tous, les Français, et vous leur dites : attention à une Assemblée aussi massive, parce qu'il y a des dangers. Et pourtant, ils votent. C'est eux qui vont remplir cette Assemblée, et lui donner cette couleur politique. Alors, question de Jérôme CHAPUIS...
François BAYROU - Il y a des moments, Jean-Pierre ELKABBACH, où les peuples sont, comme ça... comment on va dire ? Lassés...
Jean-Pierre ELKABBACH - Ils se trompent ? Ils se trompent ?
François BAYROU - Bon, ils considèrent que c'est la logique de cette succession d'élections. Et il demeure que les voix qui leur disent "Attention" ne sont pas des voix négligeables, ne sont pas des voix secondaires ; ce sont des voix qui leur disent quelque chose de très important pour l'avenir du pays.
Jean-Pierre ELKABBACH - Alors, Jérôme CHAPUIS brûle de l'impatience de vous poser sa question !
Jérôme CHAPUIS - Non mais, au-delà de l'injustice que vous dénoncez, l'injustice du mode de scrutin, le danger : quel est le danger pour le pays, aujourd'hui ?
François BAYROU - Eh bien, le danger pour le pays, c'est que lorsqu'une majorité est trop massive, il n'y a plus de débat. C'est un danger qu'on a vérifié, vous, moi, tous les journalistes et tous les observateurs politiques, au travers des décennies. Ce n'est pas quelque chose qu'on découvre aujourd'hui. J'entendais, l'autre jour, un grand journaliste politique, Alain DUHAMEL, sur une antenne concurrente, expliquer que, toujours, sans exception, les majorités aussi massives avaient été des majorités qui avaient conduit à des accidents. Et...
Jean-Pierre ELKABBACH - Et, généralement... je peux ajouter, si vous me permettez, parce que j'ai calculé le temps...
François BAYROU - ...et vous le savez, c'est...
Jean-Pierre ELKABBACH - ...les accidents arrivent entre 16 et 18 mois après.
François BAYROU - Eh bien, vous voyez ! Donnez ainsi un horizon, et nous verrons, à l'avenir, si vous avez été un prophète avisé.
Jean-Pierre ELKABBACH - Non ! A condition qu'on tienne compte du rapport de forces, des oppositions, de ce que vous appelez "le pluralisme". A ce moment-là, peut-être ça retarde...
François BAYROU - Ce n'est pas ce que j'appelle le pluralisme !
Jean-Pierre ELKABBACH - ...et c'est les ouvertures. D'ailleurs...
François BAYROU - C'est ce qu'est le pluralisme. Vous me permettez un commentaire ?
Jean-Pierre ELKABBACH - Bien sûr, bien sûr.
François BAYROU - Vous donnez des échelles de temps ; moi, je ne donne pas d'échelles de temps. Mais je sais, avec certitude, que la situation du pays est telle, qu'elle exigera des réponses beaucoup plus profondes, beaucoup plus réfléchies, beaucoup moins simples, et beaucoup plus rassembleuses, que les réponses qui seront apportées, comme ça, comme des recettes, par la majorité qui va être en place.
Jean-Pierre ELKABBACH - Alors, imaginons, imaginons, parce que vous venez de dire la gravité, François BAYROU ; imaginons que le président de la République et le Premier ministre fassent une politique très dure, très ferme, de réformes, avec tout ce qu'il faut dans tous les domaines de la protection sociale, de l'économie, de la croissance, etc. ; est-ce que vous les soutiendriez, parce que ce serait dur, et que ce serait nécessaire pour le pays ?
François BAYROU - Vous n'avez pas employé les bons adjectifs. Vous avez dit : une politique, s'ils font une politique "très dure" et "très ferme". Et moi, je vous réponds : je les soutiendrai...
Jean-Pierre ELKABBACH - Très juste !
François BAYROU - ...s'ils font une politique juste.
Jean-Pierre ELKABBACH - Voilà !
François BAYROU - Quelle que soit la difficulté, s'ils font une politique juste, je soutiendrai cette politique.
Jean-Pierre ELKABBACH - Alors, exemple, Hélène FONTANAUD ?
Hélène FONTANAUD - Oui, on voit les débuts du tandem Nicolas SARKOZY / François FILLON. La TVA sociale, elle entre dans le débat des législatives ; comment vous analysez ce... est-ce que c'est bon, pas bon, pour l'économie ?
François BAYROU - Je pense que la TVA sociale, il faut en donner la traduction, donc rappeler ce dont il s'agit. On est en train d'évoquer une augmentation de la TVA de cinq points, c'est-à-dire, une TVA qui passerait de 19,6 à quelque chose comme 25%. Et ceci a une traduction très simple, c'est que les retraités, les bas salaires, les fonctionnaires, vont être mis en difficulté devant le pouvoir d'achat de ce que leurs pensions, ou leurs salaires leur rapportent tous les mois. Jusqu'à maintenant, ce sont des charges qui sont acquittées par ceux qui travaillent, et ce sont des charges qui, désormais, seront acquittées y compris par ceux qui ne travaillent pas. Et c'est donc cela, la TVA sociale. Alors, simplement, une observation. La TVA sociale, on est en train de la vendre trois fois ; on la vend avec trois raisons. On dit : elle va permettre une baisse des charges sur le travail ; elle va permettre une augmentation du pouvoir d'achat ; et, elle va permettre de renflouer les comptes de la Sécurité sociale. Or, trois raisons, c'est deux de trop ; parce qu'il va falloir arbitrer à l'intérieur de...
Jean-Pierre ELKABBACH - Donc, vous êtes contre ? Soyons simples !
François BAYROU - Non...
Jean-Pierre ELKABBACH - Alors que Jean ARTHUIS, qui était sénateur, il était autrefois avec vous, à l'UDF...
François BAYROU - Oui...
Jean-Pierre ELKABBACH - ...et président de la Commission économique du Sénat, lui...
François BAYROU - ...est le grand défenseur de cette idée.
Jean-Pierre ELKABBACH - ...un grand défenseur.
François BAYROU - Et nous avons eu, avec Jean ARTHUIS, beaucoup de débats sur ce sujet, parce que je considère, en effet, que le simple transfert, sur la TVA, de ces charges, est quelque chose qui ne répond pas aux impératifs du temps. Permettez-moi de vous dire pourquoi...
Jean-Pierre ELKABBACH - Parce qu'on termine !
François BAYROU - Jean ARTHUIS dit : ça va permettre aux importations de payer une partie des charges sociales. Est-ce que je peux lui répondre qu'on n'a jamais vu une importation payer une charge sociale ? Ceux qui payent, ce sont les consommateurs.
Jean-Pierre ELKABBACH - Mais, en même temps, il dit que c'est une manière de lutter contre les délocalisations - ce que reprend, d'ailleurs, François FILLON.
François BAYROU - Oui...
Jean-Pierre ELKABBACH - Et, vous savez, aujourd'hui, François BAYROU, il y a trois économistes qui sont désignés par Eric BESSON, des économistes indépendants ; et, en lisant des textes, j'ai découvert qu'il y avait un rapport, l'année dernière, fait à la demande du président Jacques CHIRAC, qui demandait à Madame Sophie BOISSARD, qui est du Conseil économique et stratégique, ancienne patronne du Plan, elle avait travaillé à la question de la TVA sociale. Est-ce que vous ne demanderiez pas, par hasard, que le rapport soit publié, pour gagner du temps ?
François BAYROU - Eh bien, ça serait une très bonne idée. Il y a eu plusieurs rapports, je pense qu'il y en a eu au moins quatre ou cinq, qui ont tous conclu, je crois, qu'il ne fallait pas faire la TVA sociale, ou pas la faire comme ça, ou en tout cas, la faire avec beaucoup de prudence. Et je pense qu'on gagnerait beaucoup de temps à publier ces rapports, en effet. Et il me semble que ça - au moins - alimenterait la réflexion.
Jean-Pierre ELKABBACH - Merci...
François BAYROU - Mais, en tout cas, il n'y a pas de panacée, dans cette affaire, et je pense que beaucoup de Français vont avoir à y réfléchir. S'il y a un sujet sur lequel il y a besoin de voix indépendantes, c'est celui-là.
Jean-Pierre ELKABBACH - Il y a une question que Jérôme CHAPUIS, Hélène FONTANAUD, et moi, nous voulions vous poser. Vous aviez vos anciens fidèles - je sais que c'est douloureux, que vous n'aimez pas en parler -, vous les appelez vos "bédouins", prêts à traverser avec vous le désert, et ils vous ont quitté dès qu'ils ont trouvé une oasis, de l'eau et des dattes. Est-ce que vous leur avez reparlé, depuis ?
François BAYROU - Non, parce que je ne veux pas placer cette affaire sur le terrain affectif. Non, c'est douloureux à vivre.
Jean-Pierre ELKABBACH - Pour vous ?
François BAYROU - Pour moi ; peut-être pour eux, aussi - on ne sait jamais.
Jean-Pierre ELKABBACH - Oui.
François BAYROU - Ils ont simplement voulu être du côté du pouvoir. Et moi, je pense qu'il faut être du côté de la vérité. Et, ce choix entre du côté du pouvoir et du côté de la vérité - ou en tout cas, du côté de sa vérité -, c'est un choix qui n'est pas seulement un choix de politique : c'est un choix d'homme, c'est un choix de vie.
Jean-Pierre ELKABBACH - Merci, merci, François BAYROU ! A la prochaine, dans le studio d'EUROPE 1...
François BAYROU - Et, dernière phrase...
Jean-Pierre ELKABBACH - Oui ?
François BAYROU - C'est un choix de vie, et c'est un choix fondateur pour l'avenir. C'est l'avenir qui se joue là. Je suis heureux que nous ayons pu en parler ensemble.
Jean-Pierre ELKABBACH - Très bien ! Merci. Ça, c'est une forme de consolation, ou d'auto-consolation...
François BAYROU - On peut le dire comme ça...
Jean-Pierre ELKABBACH - ...quand vous dites "fondateur d'avenir, d'espoir". Hein ? Fidèle à vous-même.
François BAYROU - ...d'espoir. D'espoir.
Jean-Pierre ELKABBACH - Merci.Source http://www.bayrou.fr, le 18 juin 2007
François BAYROU - Bonsoir ! C'est un "Face" à distance !
Jean-Pierre ELKABBACH - Voilà, parce que vous êtes en direct de Pau ! Ça veut dire qu'on...
François BAYROU - De FRANCE BLEU, à Pau !
Jean-Pierre ELKABBACH - Voilà...
François BAYROU - On peut dire : merci de nous accueillir !
Jean-Pierre ELKABBACH - Absolument ! Merci de leur hospitalité ! Vous faites votre campagne sur place ; vous en avez besoin ?
François BAYROU - Eh bien, comme tous ceux qui se présentent à cette élection, bien sûr, il faut faire campagne ; il faut faire campagne sur place, sérieusement, en rencontrant les gens, en rencontrant les électeurs. Il n'y a aucune raison de manquer ce rendez-vous démocratique.
Jean-Pierre ELKABBACH - Mais, avec tant de fidèles Béarnais, la campagne, est-ce qu'elle est aussi, pour vous-même, difficile ? Parce que, personne ne doute, à Paris, sur le plan national, de votre propre élection : vous serez élu !
François BAYROU - Eh bien, j'ai la chance en effet d'avoir des électeurs qui sont, comme vous dites... enfin, vous dites : "fidèles" ; moi, je dis : amicaux, chaleureux, présents. Ce sont des électeurs qui m'ont placé en tête à l'élection présidentielle, et qui m'ont placé en tête au premier tour de l'élection législative, d'assez loin. Et donc, oui, je leur dois cette présence, et cette amitié.
Jean-Pierre ELKABBACH - Hélène FONTANAUD ?
Hélène FONTANAUD - Oui, François BAYROU, bonjour.
François BAYROU - Bonjour.
Hélène FONTANAUD - Dans quelle forme êtes-vous ? Comment ça se passe, la campagne ? Qu'est-ce que vous découvrez, sur le terrain de cette campagne législative ?
François BAYROU - Bon, d'abord, je suis très en forme ! Ensuite, parce que c'est un moment important. Et ensuite, qu'est-ce que je découvre sur le terrain ? Je vais vous dire, ce qui est le plus étrange, au fond, c'est qu'un très grand nombre d'électeurs n'est pas vraiment dans cette campagne électorale - ne l'était pas au premier tour, ne l'est pas beaucoup plus au deuxième tour, avec des problèmes d'appareils qui sont très loin de ceux qui écoutent, et encore plus loin de ceux qui n'écoutent plus. Il y a comme... comment dire ça ? Il y a comme un effacement de l'élection présidentielle... de l'élection législative, par rapport à l'élection présidentielle. Et ceci...
Jean-Pierre ELKABBACH - Voilà, Jérôme CHAPUIS, justement, veut vous poser une question précise...
Jérôme CHAPUIS - Est-ce que ce n'est pas cet effacement... ?
François BAYROU - ...si vous me permettez d'aller un peu plus loin ; et ceci, à terme, constituera un problème pour la démocratie française.
Jean-Pierre ELKABBACH - Eh bien, justement...
François BAYROU - On ne peut pas avoir une situation dans laquelle le Parlement est ainsi complètement effacé, considéré comme seulement une conséquence du résultat de l'élection présidentielle. Et ceci veut dire, pour moi, qu'un jour ou l'autre, naturellement, il faudra changer nos institutions, de manière que tout le monde puisse retrouver un Parlement de plein exercice, indépendant par rapport au gouvernement et au pouvoir exécutif. C'est vraiment quelque chose qui s'imposera, vous le verrez, comme une urgence.
Jean-Pierre ELKABBACH - Jérôme CHAPUIS, justement ?
Jérôme CHAPUIS - Mais, cet effacement de l'élection législative, est-ce qu'elle n'est pas due à l'inversion du calendrier, que vous avez souhaitée, vous, François BAYROU ?
François BAYROU - Eh bien, l'inversion du calendrier était absolument logique. Je vois, ici ou là, des polémiques sur ce sujet. S'il n'y avait pas eu cette remise sur pieds du calendrier républicain, l'élection présidentielle, elle, n'avait aucun sens, parce qu'elle n'aurait pu... comment dirais-je ? Elle aurait pu seulement entériner - elle, qui est l'élection principale -, elle aurait seulement entériné le résultat d'une élection législative à deux pôles. Le problème, comme je l'avais signalé à cette époque-là - peut-être vous en souviendrez-vous -, le problème, c'est que la loi électorale fait que l'élection législative... pardon, je reprends, parce qu'il y a des bricolages... il y a des bricolages de consoles techniques autour de moi...
Jean-Pierre ELKABBACH - Oui, oui, oui ! Et je rappelle que nous sommes en direct. Alors, que les "bricoleurs" fassent attention ! Hein !
François BAYROU - Absolument ! Voilà, très bien ! Je reprends donc, pour vous dire que ce qui est frappant, c'est que l'élection législative est à sa place, mais le mode de scrutin, la loi électorale, est si profondément injuste, qu'elle donne une prime telle aux majorités, qu'on se trouve avec une Chambre, qui sera simplement une chambre d'enregistrement.
Jean-Pierre ELKABBACH - D'accord. On va voir ça, dans le détail. C'est vrai que le président de la République, il est renforcé par le vent qui souffle sur ses voiles ; il donne le sentiment de tout se permettre, ou de pouvoir se permettre. Par exemple, il a ordonné le retrait, sans conditions, sans délais, sans négociations, de la candidate UMP - vous ne l'aviez pas demandé ! Est-ce que vous l'avez pris, François BAYROU, pour un beau geste, une manière, ou une provocation ?
François BAYROU - D'abord, disons des choses précises : ça n'était pas une candidate, c'était un candidat UMP - et il n'aimerait pas qu'on le féminise !
Jean-Pierre ELKABBACH - Et pourquoi ?...
François BAYROU - Non, je vais vous dire. Cette décision a été, pour moi, d'abord, une extrême surprise ; je l'ai apprise en direct, chez un de vos confrères. Je ne l'avais jamais imaginé, parce que, évidemment, j'avais une telle avance au soir du premier tour, que le résultat de cette élection ne faisait pas de problèmes : 12 points, ou quelque chose de cet ordre. Et donc... et le candidat, et la candidate du Parti socialiste, de 14 points. Donc, qu'est-ce que ça signifiait ?...
Jean-Pierre ELKABBACH - Et, comment vous l'avez pris ?
François BAYROU - Vous savez, en Béarn, ça a été très mal pris. Les électeurs béarnais - de l'UMP, et pas seulement de l'UMP - ont eu le sentiment qu'il y avait là... comment dire ? Un geste pas réellement désintéressé ; qu'il y avait là un geste qui était conçu pour apparaître comme un beau geste, et qui, en réalité, avait des arrière-pensées...
Jérôme CHAPUIS - Mais, qu'est-ce qu'il a à gagner, Nicolas SARKOZY, dans ce retrait ?
François BAYROU - Probablement, j'imagine - en tout cas, ça a été interprété comme cela, par la presse locale -, c'était probablement pour enlever un peu de signification à la victoire que j'aurai remportée, puisque cette victoire était faite...
Hélène FONTANAUD - Ou alors, François BAYROU, c'était parce qu'il avait envie d'entendre votre voix à l'Assemblée nationale ?
François BAYROU - Oui ! (Rires) Bon, eh bien, vous avez de l'humour, et c'est très bien !
Jean-Pierre ELKABBACH - Est-ce que vous estimez, François BAYROU...?
François BAYROU - Vous savez, la voix, à l'Assemblée nationale, elle ne dépend pas des appareils : elle dépend des électeurs. Si ma voix avait dû dépendre des appareils, il y a longtemps qu'elle aurait été absente de l'Assemblée nationale ! Mais, pour moi, l'élection est une élection directe, et ce sont les électeurs eux-mêmes qui choisissent leurs élus - heureusement ! Trop souvent, ce sont les étiquettes qui l'emportent. Mais, j'aime bien quand ce sont les personnes, aussi, qui sont prises en compte.
Jean-Pierre ELKABBACH - Encore une fois, François BAYROU, vous êtes loin de nous, vous êtes à Pau, parce que vous faites campagne ; vous nous manquez, on aime bien votre réactivité, votre regard ! Hein ! Alors, on fait ce qu'on peut. Est-ce que vous estimez que depuis...
François BAYROU - Mais, vous faites très bien ce que vous pouvez, Jean-Pierre ELKABBACH !
Jean-Pierre ELKABBACH - Très bien ! Merci...
François BAYROU - Sur ce point-là, il n'y a rien à dire !
Jean-Pierre ELKABBACH - ...oh là, là ! On va être forcés d'être très gentils, très tendres, alors !
François BAYROU - (Rires)
Jean-Pierre ELKABBACH - Est-ce que vous estimez que, depuis des mois, votre stratégie est un succès ?
François BAYROU - Elle a été un succès très net, à l'élection présidentielle. C'est, évidemment, plus difficile depuis l'élection présidentielle, parce qu'il fallait répondre à une question fondamentale - et je reconnais que la réponse n'était pas aisée -, c'était : est-ce qu'on revient à la manière de faire de la politique qu'on avait avant l'élection présidentielle, ou est-ce qu'on ouvre un chemin nouveau ? Autrement dit, est-ce que le centre retombe dans la majorité présidentielle, comme il y avait toujours été, ou bien, est-ce qu'il trace sa propre route ? Et est-ce qu'il montre, par des signes clairs, qu'en effet, il n'est pas prisonnier des attitudes anciennes, ou habituelles, des...
Jean-Pierre ELKABBACH - D'accord. C'était donc un succès, jusqu'au premier tour. Entre les deux tours, interrogé, une nuit, par le journal LE MONDE, on se souvient que vous avez lâché : "En tout cas, je ne voterai pas SARKOZY". Certains de vos proches confient que c'était une parole malheureuse. Aussitôt dite, aussitôt tard pour la regretter ! Est-ce que vous vouliez marquer l'indépendance de votre MODEM par rapport à Nicolas SARKOZY et Ségolène ROYAL ? Est-ce que vous marquiez, quand même - et vous marquiez ! -, une préférence ?
François BAYROU - Non. Non, parce que cette phrase a été prononcée au moment où tout le monde savait, avec certitude, que Nicolas SARKOZY serait élu. Mais, je vais vous dire : quand on a des craintes, profondes, pour l'avenir de son pays, ces craintes-là, quand on est un homme, on les exprime.
Jean-Pierre ELKABBACH - Est-ce que, aujourd'hui... ?
François BAYROU - C'est ce que j'ai fait. J'ai fait... et naturellement, ça a été interprété avec difficulté, par beaucoup de mes amis et de mes électeurs. Je pense qu'un certain nombre de mes électeurs en ont été fâchés. Mais je pense que le jour viendra où beaucoup d'entre eux reconnaîtront que, après tout, cette expression de liberté, elle correspondait à quelque chose, qui joue un rôle...
Jean-Pierre ELKABBACH - Jérôme CHAPUIS.
François BAYROU - ...quelque chose qui sera ressenti dans l'avenir.
Jean-Pierre ELKABBACH - Jérôme CHAPUIS ?
Jérôme CHAPUIS - Est-ce que, politiquement, vous considérez que cette phrase : "Je ne voterai pas SARKOZY", a été une erreur ?
Jean-Pierre ELKABBACH - Ou même, la stratégie a-t-elle été une erreur ?
François BAYROU - Eh bien, je suis désolé de...
Jean-Pierre ELKABBACH - Vous qui aimez la vérité ?
François BAYROU - ...je suis désolé de vous dire que, lorsqu'on dit ce qu'on pense, ça n'est pas une erreur. C'est minoritaire ; mais, on peut être minoritaire, et avoir raison. On peut être majoritaire, et se tromper. Et même, la dignité et la force d'un responsable politique de plein exercice, dans une démocratie de plein exercice, c'est de dire ce qu'il ressent de plus profond. Et j'ai dit quelles étaient mes réserves. Je souhaite que ces réserves, rien ne les vérifie ; je souhaite qu'à l'avenir, le président de la République, le gouvernement, tout le monde réussisse très bien, et que ça soit très bon pour le pays ; j'en serais très heureux, et je constaterai alors que mes réserves étaient excessives. Et puis, on verra ce qu'il en est. Les électeurs sauront eux-mêmes comment le dire. Mais ça n'est... écoutez-moi bien : ça n'est jamais une erreur, lorsqu'on dit le plus profond de ce qu'on pense.
Jean-Pierre ELKABBACH - Et donc, votre jugement, votre stratégie, il faut les juger dans la durée, dans la continuité, dans le temps ? Et, est-ce que ça veut dire que votre succès, celui des vôtres, vous ne l'aviez pas envisagé pour 2007, mais peut-être pour 2012, pour 2017 ?
François BAYROU - Oui... ! (Rires)
Jean-Pierre ELKABBACH - 2012 ?
François BAYROU - Jean-Pierre ELKABBACH, je sais bien que beaucoup de gens voulaient le lire comme cela, et me disaient : "Mais, enfin, vous faites un tour de chauffe sérieux pour 2012 !" Telle n'a jamais été ma vision. J'ai pensé qu'il y avait, comme on dit, une "fenêtre", pour l'emporter en 2007. J'ai pensé que ce renouvellement de la politique française serait bon pour la France. J'ai pensé que cette voie nouvelle, elle serait une voie nouvelle, y compris entendue ailleurs en Europe. J'ai absolument vécu cela, non pas comme une tactique, ou une préparation...
Jean-Pierre ELKABBACH - Non, emporté par une vraie foi personnelle, et des convictions, c'est sûr. Hein ?
François BAYROU - Oui, et puis avec la certitude qu'il faut autre chose. Alors, je sais bien que ça n'est pas le moment de le dire, mais je vais vous le dire, cependant : il y a des millions de Français, des millions et des millions, sans doute plus nombreux encore que les sept millions qui ont voté pour moi au premier tour de l'élection présidentielle, qui ne se reconnaissent, et ne se reconnaîtront, ni dans le choix que l'UMP représente, ni dans le choix que le Parti socialiste a bien du mal à exprimer ; ils ne se reconnaissent dans aucun de ces deux appareils. Et s'il n'y avait pas un autre choix, un choix nouveau, ils seraient, ces gens-là, épouvantablement malheureux, et dépourvus de tout chemin, de tout engagement dans la vie politique française.
Jean-Pierre ELKABBACH - Alors...
François BAYROU - Et, il est juste qu'on pense ainsi. Le choix qu'ils font, en ce sens, est un choix juste, parce que je crois que, en effet, ni l'étatisation qu'a portée le Parti socialiste jusqu'à ce jour, ni le choix de favoriser les plus favorisés, que l'UMP porte aujourd'hui, ne sont une vraie réponse pour la France.
Jean-Pierre ELKABBACH - Alors, on va aller plus profond, dans quelques instants, après une première pause.
(...)
Jean-Pierre ELKABBACH - "Face à la rédaction", en effet. A trois jours du deuxième tour des élections législatives, le 17 juin, question, avec Hélène FONTANAUD, de Jérôme CHAPUIS.
Jérôme CHAPUIS - C'est une expression qu'on a beaucoup entendue pendant la campagne : est-ce qu'il y a un "vote utile", dimanche prochain, François BAYROU ?
François BAYROU - Il y a un vote utile, sur deux critères, qui sont très simples, et que chacun des électeurs va appliquer à sa façon. Le premier critère, c'est : qui sont les candidats qui se présentent à moi, et quelle est leur expérience, quelles sont leurs épaules, est-ce qu'ils me représenteront bien ? Et, deuxième critère : le pluralisme ; qu'on fasse en sorte que, à l'Assemblée nationale, il y ait un équilibre. Alors, entre ces deux critères, les électeurs vont composer leur choix.
Jean-Pierre ELKABBACH - Mais par exemple, vous... on va prendre quelques exemples, François BAYROU. A propos de Sarcelles, vous avez répété avoir de l'estime pour Dominique STRAUSS-KAHN ; et, sur EUROPE 1, Dominique STRAUSS-KAHN vous a remercié, et vous a accordé sa propre estime. Mais, ça veut dire que vous...
François BAYROU - C'est réciproque, et c'est très bien !
Jean-Pierre ELKABBACH - ...voilà, très bien ! Vous le soutenez, donc, pour qu'il batte une candidate UMP ?
François BAYROU - Oui, je comprends bien, Jean-Pierre ELKABBACH, ce que vous êtes en train de faire : vous allez me faire défiler les circonscriptions...
Jean-Pierre ELKABBACH - Non ! Non, deux. Deux exemples. Avec Hélène FONTANAUD...
François BAYROU - ...la circonscription de Dominique STRAUSS-KAHN, celle d'Alain JUPPE...
Jean-Pierre ELKABBACH - Non...
François BAYROU - ...celle, etc., d'un certain nombre d'autres...
Jean-Pierre ELKABBACH - C'est vous qui les choisissez - vous le notez !
François BAYROU - ...d'autres personnalités. Oh, je suis sûr de ne pas me tromper...
Jean-Pierre ELKABBACH - Alors, est-ce qu'il faut faire...
François BAYROU - ...en vous entendant, et en vous écoutant.
Jean-Pierre ELKABBACH - ...mais non, on le fait avec beaucoup de sympathie, beaucoup de compréhension...
François BAYROU - Oui ! (Rires)
Jean-Pierre ELKABBACH - ...et avec la volonté d'une clarification, puisque vous avez dit qu'il fallait faire la politique autrement, accepter les risques, et accepter la vérité. A vous !
François BAYROU - Je me suis exprimé, sur ce sujet, de manière, je crois, assez claire. Tout le monde sait, en effet, que je considère que Dominique STRAUSS-KAHN est un homme qui, voilà, qui a, dans la politique française, une influence, et une place, et une audience qui sont importantes. Je ne le choisis pas à l'intérieur du Parti socialiste, dans les affrontements qui sont les siens, avec Ségolène ROYAL, François HOLLANDE, Laurent FABIUS - ça, c'est leurs affaires, et ça n'est pas les miennes. Je n'exprime pas une préférence. Je dis que c'est quelqu'un qui a du poids. Et évidemment, Alain JUPPE est aussi quelqu'un qui a du poids, voilà. Je n'ai pas l'intention d'en dire plus.
Jean-Pierre ELKABBACH - Mais pourquoi...?
Hélène FONTANAUD - Alors, François BAYROU, excusez-moi, mais ce n'était pas du tout d'Alain JUPPE dont je voulais vous parler...
François BAYROU - Oui, vous vouliez parler de qui ?
Hélène FONTANAUD - ...c'était de la deuxième circonscription du Rhône, où le candidat MODEM a été éliminé ; il appelle à voter UMP. Et son suppléant, lui, appelle à voter Parti socialiste.
François BAYROU - Eh bien, je trouve qu'ils auraient mieux fait de se taire, l'un et l'autre !
Jean-Pierre ELKABBACH - Et alors, comment le chef tranche-t-il ?
François BAYROU - Il ne tranche pas. J'ai dit, nous avons dit que notre attitude, c'était de considérer nos électeurs comme libres. Je ne connais aucun des deux protagonistes de la deuxième circonscription du Rhône - aucun des deux -, et je n'ai donc pas l'intention de me mêler de cette affaire-là. Les électeurs sont assez grands pour choisir. On ne s'exprime qu'en connaissance de cause, quand on connaît très bien les tenants et les aboutissants, et quand on sait exactement ce qu'il en est des choix.
Jean-Pierre ELKABBACH - Très bien. Mais là, vous leur tapez un peu sur les doigts ?
François BAYROU - Oui, je tape un peu sur les doigts.
Jean-Pierre ELKABBACH - Et les dirigeants...
François BAYROU - Et je leur dirai directement.
Jean-Pierre ELKABBACH - ...les dirigeants PS refusent - on l'a entendu - toute alliance, pacte, ou partenariat, avec vous, les centristes. Est-ce que, après les élections, dans le courant de cette année 2007, François BAYROU, vous souhaitez que des discussions sur le fond, les idées, les méthodes, les principes, aient lieu, avec le Parti socialiste?
François BAYROU - Ce n'est sûrement pas l'étape qui va s'ouvrir maintenant. L'étape qui va s'ouvrir maintenant, pour chacune des grandes formations politiques françaises - je vous rappelle que le Mouvement Démocrate est la troisième, par le nombre des voix, tant à l'élection présidentielle qu'aux élections législatives -, le Parti socialiste, pour sa part, un jour l'UMP - vous le verrez, je prends rendez-vous, je ne sais pas quand ce jour arrivera -, chacune des formations politiques françaises doit réfléchir à son organisation, sa vocation, et son projet. Je commence par la vocation. La vocation du Mouvement Démocrate, c'est d'être une proposition originale, indépendante, dans la vie politique française. Ce n'est pas d'être le strapontin de l'un ou de l'autre ; ce n'est pas d'être une force d'appoint, de l'un ou de l'autre. Et c'est sur point que je me suis séparé, affronté, en tout cas, avec un certain nombre des élus traditionnels du mouvement, qui considéraient que c'était très bien d'avoir des strapontins dans la majorité. Tel n'était pas mon jugement. Deuxièmement, ce n'est évidemment pas pour remplacer le strapontin de droite par un strapontin de gauche ! Et donc, de ce point de vue-là, la ligne que je défendrai, tout au long des mois et des années qui viennent, est une ligne d'indépendance, parce que c'est une ligne d'originalité. Je veux que nous ayons - deuxièmement - un projet, qui soit un projet mis au point, clair, et que nous ayons une organisation, des règles de fonctionnement, qui soient celles du 21e siècle.
Jean-Pierre ELKABBACH - Et alors, avec quels alliés, pour arriver au pouvoir ?
François BAYROU - Permettez-moi de m'arrêter... permettez-moi de m'arrêter, une seconde, à ce sujet. Nous avons eu, au Mouvement Démocrate - au "MODEM", comme vous avez pris l'habitude dire -, nous avons eu, en quelques semaines - il y a moins d'un mois que l'élection présidentielle... il y a un mois, à peine, que l'élection présidentielle a eu lieu -, nous avons eu plus de 80.000 demandes d'adhésion. Toutes par internet, ou l'essentiel, par internet. Maintenant, commencent à arriver les demandes d'adhésion des gens qui ne maîtrisent pas internet ; mais, pour l'essentiel, la grande vague a été internet. On ne fait pas de la politique avec des femmes et des hommes qui sont habitués à vivre avec internet, comme on en faisait avec des cellules de quartiers, de cantons. L'un n'exclut pas l'autre, mais vous voyez bien qu'il y a, par l'intermédiaire de cet outil incroyable, il y a une participation immédiate : on peut s'adresser immédiatement à chacun d'entre eux, et on peut échanger des idées, comme jamais on n'avait pu le faire dans une formation politique habituelle.
Jean-Pierre ELKABBACH - Alors, on va marquer...
François BAYROU - Pour moi, c'est très important.
Jean-Pierre ELKABBACH - Non mais, c'est très bien, parce que vous avez raison. Et nous, nous développons beaucoup le site "EUROPE1.FR", tout ce qui est nouvelles technologies. Question d'Hélène FONTANAUD, François BAYROU.
Hélène FONTANAUD - Oui, à propos de technologies, on va... c'est une technologie traditionnelle, c'est le téléphone : Ségolène ROYAL a essayé de vous joindre, au téléphone !...
François BAYROU - (Rires)
Hélène FONTANAUD - Alors, on parle beaucoup "MODEM", lignes téléphoniques. Voilà, elle a dit : "La démocratie, c'est simple comme un coup de fil." Elle a été désavouée par le Bureau national du Parti socialiste. Est-ce que vous l'avez rappelée ?
François BAYROU - J'ai expliqué, déjà, pourquoi j'avais reçu cet appel...
Hélène FONTANAUD - Ou est-ce que vous allez la rappeler ?
François BAYROU - ...pourquoi j'avais reçu cet appel, et pourquoi je n'avais pas entamé ces discussions avec Ségolène ROYAL. Non pas par manque de respect ; j'ai du respect pour elle, y compris pour le caractère un peu, comme ça, rapide, des décisions qu'elle prend - je trouve ça tout à fait normal et légitime. Mais vous voyez bien que si, le lundi suivant le premier tour, on avait fait l'annonce que nous étions en conversation téléphonique, elle et moi, vous voyez bien quelle ambiguïté aurait surgi, quelle interprétation aurait été faite ! Et l'interprétation, elle était très simple ; c'était : François BAYROU et Ségolène ROYAL ont décidé d'une alliance - alors qu'il ne s'agit pas de cela. Il y a un besoin, selon moi... j'ai une intuition, et une certitude. L'intuition, c'est que, évidemment, le Parti socialiste va se trouver devant son heure de vérité, et qu'il va avoir une explication, qui va être une explication profonde, une remise en cause profonde, à la fois des équipes qui sont au pouvoir, et de sa ligne politique. Et cette remise en cause profonde, je suis persuadé que beaucoup l'attendent, comme un rendez-vous qui va être un rendez-vous extrêmement dur. Et deuxièmement, une certitude : je sais que nous avons à construire une force politique centrale, capable de dépasser, de déplacer les lignes, et de montrer, dans la réalité, qu'on peut faire travailler ensemble, au service d'un projet pour l'avenir, des gens qui, par le passé, n'étaient pas ensemble. On ne m'a pas demandé, et il me semble que ça aurait été une question naturelle, mais enfin ! "Vous aviez l'UDF, vous avez réalisé à l'élection présidentielle un score qui était un score extrêmement fort, près de 19% des voix, pourquoi est-ce que vous avez eu besoin de rechercher une forme politique nouvelle ?" Et la réponse est : parce que, pour beaucoup de Français, l'UDF était cataloguée dans un camp. Et moi, je sais qu'aucun... enfin, je crois - mais, cette croyance est presque une certitude -, je crois, et je sais, qu'aucun des grands problèmes que nous allons avoir à régler pour l'avenir du pays ne correspond plus à la grille habituelle droite contre gauche. C'est si vrai... c'est même un peu... comment dirais-je ? on doit le prendre avec le sourire - même si le sourire peut parfois être un peu grinçant, sur ce point ; pendant toute la campagne électorale, j'avais exprimé cela. Nicolas SARKOZY avait dit : "C'est non seulement impossible, mais anti-démocratique" - c'est sa propre expression. Et puis...
Hélène FONTANAUD - Et il a fait l'ouverture.
François BAYROU - ...quand il est au pouvoir, lui aussi essaie de le faire - on verra le succès, on verra l'approche. Je suis en désaccord avec un certain nombre de choses. Mais, vous voyez bien que, dès l'instant qu'on est au pouvoir, on s'aperçoit, évidemment, que cette vieille manière de voir les choses, c'est une manière qui, aujourd'hui, ne correspond plus aujourd'hui à la gravité, à la lourdeur des problèmes qui se posent au pays.
Jean-Pierre ELKABBACH - Alors, une nouvelle...
François BAYROU - Et donc, j'ai voulu, et je veux, rendre enfin possible dans la politique française, une démarche commune pour l'avenir, de gens qui ont un itinéraire différent dans le passé.
Jean-Pierre ELKABBACH - Seul contre tous ? Bravo !
François BAYROU - Eh bien, écoutez, seul contre tous... il arrive, dans une vie politique, et de grands hommes l'ont montré avant moi - qui ne suis pas un grand homme -, que, en effet, il arrivait...
Jean-Pierre ELKABBACH - Allons ! Allons ! Vous n'avez pas le moral ? Vous avez dit à Hélène FONTANAUD que vous aviez le moral ; vous dites que vous n'êtes pas un grand homme !
François BAYROU - Eh bien, écoutez...
Jean-Pierre ELKABBACH - Allons !
François BAYROU - ...vous savez, on n'est grand que après, dans ce genre d'exercice...
Jean-Pierre ELKABBACH - Oui, quand on sort du désert, hein ?
François BAYROU - Mais, pour moi, oui, il arrive, en effet, que quand on est absolument persuadé de ce qu'on croit, on n'hésite pas à affronter, même en déséquilibre - comment dirais-je ? - numérique, on n'hésite pas à affronter des gens qui sont beaucoup plus nombreux, mais qui, quelquefois peuvent se tromper.
Jean-Pierre ELKABBACH - Ah oui, ah oui, François BAYROU, en déséquilibre numérique ! Dans quelques instants, je vais vous donner les dernières projections qui viennent de tomber. Et puis, vous direz ce que vous pensez de, à la fois du style du tandem FILLON / SARKOZY, et en même temps, des premiers éléments de leur politique.
(...)
Jean-Pierre ELKABBACH - Avec Hélène FONTANAUD et Jérôme CHAPUIS. Invité exceptionnel, ce soir, en direct de Pau : François BAYROU, vous êtes toujours là, merci !
François BAYROU - Je suis toujours là !
Jean-Pierre ELKABBACH - La droite obtiendrait entre 405 et 435 sièges, la gauche, entre 137 et 174 sièges, à l'issue des élections législatives ; c'est une projection en sièges, TNS SOFRES - LE FIGARO. Et le MODEM - j'ai un peu... je suis embêté de vous le dire - aurait un ou deux sièges, seulement, François BAYROU.
François BAYROU - Eh bien, on verra ! Ça montrerait, si c'était le cas, l'incroyable injustice à laquelle mène cette loi électorale.
Jérôme CHAPUIS - Il y a de l'injustice ; est-ce qu'il y a un danger ?
François BAYROU - Si vous considérez que ce résultat est un résultat juste, alors c'est que nous n'avons pas les mêmes grilles de lecture. Il y a quelque chose qui ne va pas, il y a quelque chose de profondément anormal, dans la manière dont est organisée la représentation des Français. Et ceci a une cause, qui est très simple : c'est que nous avons une loi qui fait qu'on ne peut être représenté que si on accepte d'entrer dans la logique de l'un des deux camps ! Cette logique de l'un des deux camps, elle a été, jusqu'à maintenant, sans exception, nuisible au pays. Eh bien, nous serons là - j'espère que nous serons plusieurs - pour montrer qu'en effet il existe une autre voie ; même si elle est numériquement inférieure, elle sera - comment dirais-je ? - défendue, et défendue en justice, et j'espère, en justesse, devant les Français.
Jean-Pierre ELKABBACH - Jérôme CHAPUIS...
François BAYROU - Et ne croyez pas que les Français pensent que les uns valent 450 sièges, et les autres, quelques unités.
Jean-Pierre ELKABBACH - D'accord, mais vous les prévenez tous, les Français, et vous leur dites : attention à une Assemblée aussi massive, parce qu'il y a des dangers. Et pourtant, ils votent. C'est eux qui vont remplir cette Assemblée, et lui donner cette couleur politique. Alors, question de Jérôme CHAPUIS...
François BAYROU - Il y a des moments, Jean-Pierre ELKABBACH, où les peuples sont, comme ça... comment on va dire ? Lassés...
Jean-Pierre ELKABBACH - Ils se trompent ? Ils se trompent ?
François BAYROU - Bon, ils considèrent que c'est la logique de cette succession d'élections. Et il demeure que les voix qui leur disent "Attention" ne sont pas des voix négligeables, ne sont pas des voix secondaires ; ce sont des voix qui leur disent quelque chose de très important pour l'avenir du pays.
Jean-Pierre ELKABBACH - Alors, Jérôme CHAPUIS brûle de l'impatience de vous poser sa question !
Jérôme CHAPUIS - Non mais, au-delà de l'injustice que vous dénoncez, l'injustice du mode de scrutin, le danger : quel est le danger pour le pays, aujourd'hui ?
François BAYROU - Eh bien, le danger pour le pays, c'est que lorsqu'une majorité est trop massive, il n'y a plus de débat. C'est un danger qu'on a vérifié, vous, moi, tous les journalistes et tous les observateurs politiques, au travers des décennies. Ce n'est pas quelque chose qu'on découvre aujourd'hui. J'entendais, l'autre jour, un grand journaliste politique, Alain DUHAMEL, sur une antenne concurrente, expliquer que, toujours, sans exception, les majorités aussi massives avaient été des majorités qui avaient conduit à des accidents. Et...
Jean-Pierre ELKABBACH - Et, généralement... je peux ajouter, si vous me permettez, parce que j'ai calculé le temps...
François BAYROU - ...et vous le savez, c'est...
Jean-Pierre ELKABBACH - ...les accidents arrivent entre 16 et 18 mois après.
François BAYROU - Eh bien, vous voyez ! Donnez ainsi un horizon, et nous verrons, à l'avenir, si vous avez été un prophète avisé.
Jean-Pierre ELKABBACH - Non ! A condition qu'on tienne compte du rapport de forces, des oppositions, de ce que vous appelez "le pluralisme". A ce moment-là, peut-être ça retarde...
François BAYROU - Ce n'est pas ce que j'appelle le pluralisme !
Jean-Pierre ELKABBACH - ...et c'est les ouvertures. D'ailleurs...
François BAYROU - C'est ce qu'est le pluralisme. Vous me permettez un commentaire ?
Jean-Pierre ELKABBACH - Bien sûr, bien sûr.
François BAYROU - Vous donnez des échelles de temps ; moi, je ne donne pas d'échelles de temps. Mais je sais, avec certitude, que la situation du pays est telle, qu'elle exigera des réponses beaucoup plus profondes, beaucoup plus réfléchies, beaucoup moins simples, et beaucoup plus rassembleuses, que les réponses qui seront apportées, comme ça, comme des recettes, par la majorité qui va être en place.
Jean-Pierre ELKABBACH - Alors, imaginons, imaginons, parce que vous venez de dire la gravité, François BAYROU ; imaginons que le président de la République et le Premier ministre fassent une politique très dure, très ferme, de réformes, avec tout ce qu'il faut dans tous les domaines de la protection sociale, de l'économie, de la croissance, etc. ; est-ce que vous les soutiendriez, parce que ce serait dur, et que ce serait nécessaire pour le pays ?
François BAYROU - Vous n'avez pas employé les bons adjectifs. Vous avez dit : une politique, s'ils font une politique "très dure" et "très ferme". Et moi, je vous réponds : je les soutiendrai...
Jean-Pierre ELKABBACH - Très juste !
François BAYROU - ...s'ils font une politique juste.
Jean-Pierre ELKABBACH - Voilà !
François BAYROU - Quelle que soit la difficulté, s'ils font une politique juste, je soutiendrai cette politique.
Jean-Pierre ELKABBACH - Alors, exemple, Hélène FONTANAUD ?
Hélène FONTANAUD - Oui, on voit les débuts du tandem Nicolas SARKOZY / François FILLON. La TVA sociale, elle entre dans le débat des législatives ; comment vous analysez ce... est-ce que c'est bon, pas bon, pour l'économie ?
François BAYROU - Je pense que la TVA sociale, il faut en donner la traduction, donc rappeler ce dont il s'agit. On est en train d'évoquer une augmentation de la TVA de cinq points, c'est-à-dire, une TVA qui passerait de 19,6 à quelque chose comme 25%. Et ceci a une traduction très simple, c'est que les retraités, les bas salaires, les fonctionnaires, vont être mis en difficulté devant le pouvoir d'achat de ce que leurs pensions, ou leurs salaires leur rapportent tous les mois. Jusqu'à maintenant, ce sont des charges qui sont acquittées par ceux qui travaillent, et ce sont des charges qui, désormais, seront acquittées y compris par ceux qui ne travaillent pas. Et c'est donc cela, la TVA sociale. Alors, simplement, une observation. La TVA sociale, on est en train de la vendre trois fois ; on la vend avec trois raisons. On dit : elle va permettre une baisse des charges sur le travail ; elle va permettre une augmentation du pouvoir d'achat ; et, elle va permettre de renflouer les comptes de la Sécurité sociale. Or, trois raisons, c'est deux de trop ; parce qu'il va falloir arbitrer à l'intérieur de...
Jean-Pierre ELKABBACH - Donc, vous êtes contre ? Soyons simples !
François BAYROU - Non...
Jean-Pierre ELKABBACH - Alors que Jean ARTHUIS, qui était sénateur, il était autrefois avec vous, à l'UDF...
François BAYROU - Oui...
Jean-Pierre ELKABBACH - ...et président de la Commission économique du Sénat, lui...
François BAYROU - ...est le grand défenseur de cette idée.
Jean-Pierre ELKABBACH - ...un grand défenseur.
François BAYROU - Et nous avons eu, avec Jean ARTHUIS, beaucoup de débats sur ce sujet, parce que je considère, en effet, que le simple transfert, sur la TVA, de ces charges, est quelque chose qui ne répond pas aux impératifs du temps. Permettez-moi de vous dire pourquoi...
Jean-Pierre ELKABBACH - Parce qu'on termine !
François BAYROU - Jean ARTHUIS dit : ça va permettre aux importations de payer une partie des charges sociales. Est-ce que je peux lui répondre qu'on n'a jamais vu une importation payer une charge sociale ? Ceux qui payent, ce sont les consommateurs.
Jean-Pierre ELKABBACH - Mais, en même temps, il dit que c'est une manière de lutter contre les délocalisations - ce que reprend, d'ailleurs, François FILLON.
François BAYROU - Oui...
Jean-Pierre ELKABBACH - Et, vous savez, aujourd'hui, François BAYROU, il y a trois économistes qui sont désignés par Eric BESSON, des économistes indépendants ; et, en lisant des textes, j'ai découvert qu'il y avait un rapport, l'année dernière, fait à la demande du président Jacques CHIRAC, qui demandait à Madame Sophie BOISSARD, qui est du Conseil économique et stratégique, ancienne patronne du Plan, elle avait travaillé à la question de la TVA sociale. Est-ce que vous ne demanderiez pas, par hasard, que le rapport soit publié, pour gagner du temps ?
François BAYROU - Eh bien, ça serait une très bonne idée. Il y a eu plusieurs rapports, je pense qu'il y en a eu au moins quatre ou cinq, qui ont tous conclu, je crois, qu'il ne fallait pas faire la TVA sociale, ou pas la faire comme ça, ou en tout cas, la faire avec beaucoup de prudence. Et je pense qu'on gagnerait beaucoup de temps à publier ces rapports, en effet. Et il me semble que ça - au moins - alimenterait la réflexion.
Jean-Pierre ELKABBACH - Merci...
François BAYROU - Mais, en tout cas, il n'y a pas de panacée, dans cette affaire, et je pense que beaucoup de Français vont avoir à y réfléchir. S'il y a un sujet sur lequel il y a besoin de voix indépendantes, c'est celui-là.
Jean-Pierre ELKABBACH - Il y a une question que Jérôme CHAPUIS, Hélène FONTANAUD, et moi, nous voulions vous poser. Vous aviez vos anciens fidèles - je sais que c'est douloureux, que vous n'aimez pas en parler -, vous les appelez vos "bédouins", prêts à traverser avec vous le désert, et ils vous ont quitté dès qu'ils ont trouvé une oasis, de l'eau et des dattes. Est-ce que vous leur avez reparlé, depuis ?
François BAYROU - Non, parce que je ne veux pas placer cette affaire sur le terrain affectif. Non, c'est douloureux à vivre.
Jean-Pierre ELKABBACH - Pour vous ?
François BAYROU - Pour moi ; peut-être pour eux, aussi - on ne sait jamais.
Jean-Pierre ELKABBACH - Oui.
François BAYROU - Ils ont simplement voulu être du côté du pouvoir. Et moi, je pense qu'il faut être du côté de la vérité. Et, ce choix entre du côté du pouvoir et du côté de la vérité - ou en tout cas, du côté de sa vérité -, c'est un choix qui n'est pas seulement un choix de politique : c'est un choix d'homme, c'est un choix de vie.
Jean-Pierre ELKABBACH - Merci, merci, François BAYROU ! A la prochaine, dans le studio d'EUROPE 1...
François BAYROU - Et, dernière phrase...
Jean-Pierre ELKABBACH - Oui ?
François BAYROU - C'est un choix de vie, et c'est un choix fondateur pour l'avenir. C'est l'avenir qui se joue là. Je suis heureux que nous ayons pu en parler ensemble.
Jean-Pierre ELKABBACH - Très bien ! Merci. Ça, c'est une forme de consolation, ou d'auto-consolation...
François BAYROU - On peut le dire comme ça...
Jean-Pierre ELKABBACH - ...quand vous dites "fondateur d'avenir, d'espoir". Hein ? Fidèle à vous-même.
François BAYROU - ...d'espoir. D'espoir.
Jean-Pierre ELKABBACH - Merci.Source http://www.bayrou.fr, le 18 juin 2007