Interview de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, à France Info le 21 mai 2007, sur le calendrier de la réforme des universités et l'avenir de la recherche.

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Média : France Info

Texte intégral

O. de Lagarde.- Bonjour V. Pécresse... Vous êtes la nouvelle ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Alors on va parler de la recherche, on va parler de la réforme de l'université qu'on nous promet... Un petit mot peut-être sur votre prise de fonction, vous êtes la benjamine du Gouvernement à 39 ans, comment est-ce qu'on aborde de telles responsabilités ?

R.- D'abord avec un peu d'émotion c'est vrai, parce que c'est ma première prise de fonction ministérielle, et aussi avec un grand sens des responsabilités parce que je crois que ce ministère est sans doute l'un des plus beaux du Gouvernement. C'est le ministère de la connaissance, c'est le ministère de la jeunesse, c'est le ministère de l'avenir. Et le fait qu'il ait été érigé en ministère plein par la décision du président de la République et du Premier ministre, qui est une première - l'Enseignement supérieur et la Recherche n'avaient jamais été réunis ensemble dans un ministère de plein exercice - c'est un signe symbolique de la priorité politique et budgétaire qui va être donnée à ces enjeux qui sont des enjeux majeurs de demain.

Q.- V. Pécresse, on se retrouve dans 4 minutes.

[Pause]

Q.- ...Alors, l'un de vos grands chantiers - si l'on en croit ce qu'a annoncé N. Sarkozy quand il était candidat - va être la réforme des universités, plus particulièrement l'autonomie. Quand interviendra-t-elle cette réforme ?

R.- N. Sarkozy a dit, tout au long de cette campagne présidentielle, que cette réforme était pour lui une priorité absolue, et qu'elle était urgente, qu'elle devait intervenir le plus rapidement possible...

Q.- C'est-à-dire dès l'été ?

R.- Attendez ! Quand je dis « réforme », c'est pour moi quelque chose de beaucoup plus vaste que ce que vous venez de décrire, c'est vraiment une réforme portant sur l'ensemble de l'enseignement supérieur. Et quand je dis ça, je pense aussi à toute la question de la revalorisation des carrières enseignantes, et je pense aussi à la question de la vie étudiante. Parce que quand on parle de l'université, on parle des enseignants, on parle des chercheurs et on parle rarement des étudiants. Et nous, nous avons entendu le malaise et les inquiétudes des étudiants qui se sont exprimés notamment pendant la crise du CPE, que moi j'ai vécue en première ligne à l'époque en tant que député. Nous voulons faire de la question de la rénovation de la vie étudiante dans tous ses aspects, que ce soit les aspects immobiliers, que ce soit les aspects sociaux, que ce soit les bourses, que ce soit la santé, nous voulons en faire aussi une question centrale de cette réforme de l'enseignement supérieur.

Q.- Alors pour cette réforme, vous avez un calendrier ?

R.- Nous allons engager la concertation tout de suite. J'engage dès cette semaine la concertation. Je recevrai les présidents d'université, je recevrai les syndicats étudiants, je recevrai aussi tous les syndicats des personnels enseignants et des personnels administratifs de l'université, les syndicats de chercheurs. Je crois qu'il faut mettre toute notre énergie à se parler, à s'écouter, à se comprendre et à avancer ensemble. Je suis persuadée que nous pouvons arriver, sur ces sujets de l'enseignement supérieur, à une vraie prise de conscience commune et à un projet de consensus.

Q.- Mais alors, excusez-moi d'insister, mais le texte de la réforme, il sera présenté quand au Parlement ?

R.- Ecoutez ! Nous allons nous donner les moyens d'être prêts le plus rapidement possible. J'aurai une lettre de mission du président de la République cette semaine, qui me fixera peut-être un calendrier. Pour l'instant, mon objectif c'est d'aller le plus vite possible.

Q.- Bon ! On n'aura pas de date...

R.- Mais, mais, mais de mettre d'abord toute mon énergie à la concertation.

Q.- Bien. Concernant la modulation des frais d'inscription, quelle est votre position ?

R.- Ecoutez ! Je ne crois pas du tout... enfin... cette question n'est pas une question qui doit être abordée de manière... à part de cette concertation. Moi, je n'en fais pas une question centrale.

Q.- Sur l'augmentation des frais d'inscription, c'est quelque chose que craignaient beaucoup, à la fois les organisations étudiantes et certains syndicats ?

R.- Non ! Mais écoutez, ils n'ont pas de crainte à avoir sur cette question.

Q.- Parlons un petit peu de la recherche, si vous voulez bien. Vous êtes donc ministre de la Recherche, et vendredi, des chercheurs de la Cité de l'Immigration ont démissionné, notamment P. Weil. Ça commence mal !

R.- Je souhaite ardemment que les chercheurs qui ont démissionné de la Cité Nationale pour l'Histoire de l'Immigration reviennent au Conseil scientifique de la Cité. C'est un projet qui est un projet extraordinaire, qui a été porté par J. Chirac depuis 2002, qui va faire de cette Cité un nouveau lieu de mémoire, un nouveau lieu d'histoire. Et je crois que cette Cité ne peut pas se faire sans l'apport des historiens, sans l'apport des sociologues, sans l'apport des ethnologues, et vraiment, je crois qu'il y a eu un malentendu. Je sais que B. Hortefeux, le nouveau ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Co-développement les recevra pour leur expliquer exactement en quoi consiste son ministère. Quand on parle d'identité nationale, on parle de citoyenneté et de valeurs républicaines, de rien d'autre. Moi je suis prête aussi à en parler avec P. Weil et les chercheurs.

Q.- V. Pécresse, comment comptez-vous faire pour assurer l'avenir de la recherche en France, c'est un autre des sujets majeurs du candidat Sarkozy ?

R.- Alors ce qu'il faut dire aussi et ce que je n'ai pas dit tout de suite, c'est qu'il va y avoir une priorité budgétaire donnée à l'enseignement supérieur et à la recherche, c'est pour nous la clé de l'avenir. Et pour nous, un pays qui n'aime pas ses enseignants, qui n'aime pas ses chercheurs, qui n'aime pas son université, qui n'aime pas sa recherche, c'est un pays qui insulte l'avenir. N. Sarkozy l'a dit : 50 % d'augmentation du budget de l'université en cinq ans, et il a dit aussi que nous augmenterions d'un milliard par an le budget de la recherche. C'est des sommes qui sont colossales, c'est des sommes qui doivent être évidemment bien utilisées. Mais c'est la seule façon pour nous, à la fois, de donner toute leur chance aux étudiants dans la vie, parce que si le diplôme n'ouvre pas les portes de l'insertion professionnelle, à ce moment-là les étudiants n'ont pas de vraie chance dans la vie, c'est la seule façon aussi pour nous de viser la qualité, l'excellence pour l'université, et c'est aussi la seule façon pour nous d'éviter l'hémorragie des cerveaux qui frappe notre recherche.

Q.- V. Pécresse, un dernier petit mot. Vous êtes élue des Yvelines, vous vous représentez aux législatives, vous allez avoir beaucoup de travail au ministère, vous allez avoir le temps de faire campagne ?

R.- Ecoutez, j'aurai le temps de faire campagne, j'aurai les réunions tous les soirs après 20 heures 30, quand j'aurai fini le ministère. Et s'il le faut, on travaillera la nuit.

Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 21 mai 2007