Article de M. Bernard Van Craeynest, président de la CFE-CGC, dans "La Tribune" du 16 mai 2007, sur les relations sociales, le dialogue social avec le Gouvernement, ainsi que sur les exonérations fiscales et sociales sur les heures supplémentaires.

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Média : La Tribune

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Que chacun prenne ses responsabilités !
Le nouveau président de la République élu le 6 mai a, durant la campagne électorale, pris l'engagement de réformer notre pays, notamment dans le domaine économique et social. Quel va être le rôle des partenaires sociaux, représentants des employeurs et salariés, pour défendre leurs mandants tout en contribuant à la modernisation de la France ?
À propos du service minimum dans les transports, il serait judicieux que le gouvernement laisse aux entreprises intéressées (il n'y a pas que la SNCF !) un délai, par exemple jusqu'au 30 septembre, pour négocier et conclure un accord dit « d'alerte sociale », à l'instar de ce qui existe à la RATP. En fonction des résultats obtenus, il pourrait légiférer lors de la session parlementaire d'automne.
En ce qui concerne les exonérations de charges sociales et fiscales sur les heures supplémentaires, il s'agit d'un domaine qui relève du législatif et du réglementaire. Le raisonnement qui sous-tend cette proposition est que le travail crée le travail. Certes ! Mais ce n'est pas en prenant le problème par un volet marginal de l'activité économique - les heures supplémentaires sont et resteront un mécanisme de régulation et de lissage de la production - que l'on mènera une politique qui conduise à la croissance et au plein emploi. Il restera à traiter la question du manque à gagner pour les organismes sociaux (santé, famille, retraites, assurance-chômage) et pour le budget de l'État. Se pose également le problème des salariés rémunérés au forfait-jour pour lesquels la notion d'heures supplémentaires est inexistante...
S'il est un domaine où les partenaires sociaux doivent remplir pleinement leur mission, c'est bien celui relatif au contrat de travail, à la sécurisation des parcours professionnels et à la réforme de l'assurance-chômage. Depuis le 23 octobre 2006, date de la réunion au sommet des leaders syndicaux, ces trois thèmes font l'objet de groupes de travail. Une réunion de synthèse est prévue le 14 mai, avant une nouvelle réunion à une date restant à définir des dirigeants syndicaux. Si nous voulons renforcer la crédibilité des partenaires sociaux, et la CFE-CGC le souhaite ardemment, nous devons faire en sorte de conclure des accords dans ces trois négociations à ouvrir d'ici la fin de cette année. Sinon, nous ferons la démonstration que seul l'État est en capacité de tout régir et ordonnancer en France. Ce n'est pas un service que nous rendrions à notre économie, nos entreprises et aux salariés. Et la question de la représentativité des organisations syndicales au niveau national deviendrait bien dérisoire.
Sur la sécurisation des parcours professionnels : de colloques en publications, chacun s'est abondamment exprimé. Il ne devrait pas être insurmontable de parvenir à un accord cadre. Plus délicate est la question du contrat de travail. Si nous devons tendre vers un contrat de travail unique avec des droits croissants en fonction de l'ancienneté, il est nécessaire de définir et d'organiser leur transférabilité d'une entreprise ou d'une branche à une autre. Ceci afin que ces droits (indemnités de licenciement, retraites et protection sociale, épargne salariale, formation...) ne soient pas rayés d'un trait de plume en cas de changements fréquents d'employeurs. Ce serait alors élargir le fossé existant déjà entre les salariés qui peuvent acquérir beaucoup d'ancienneté dans de grandes entreprises et celles et ceux qui galèrent de petits boulots en contrats précaires ; quitte à développer les groupements d'employeurs et à mutualiser davantage les risques pour les employeurs... Cela nécessite également de mieux définir ce qui relève de la responsabilité de l'entreprise et ce qui est à mettre à la charge de la solidarité nationale.
Enfin, l'assurance-chômage... Nicolas Sarkozy veut pénaliser les personnes qui n'accepteraient pas deux offres valables d'emploi tout en augmentant les indemnités-chômage. Il faut tout d'abord s'entendre précisément sur ce que l'on appelle « offre valable d'emploi ». Voilà un domaine qui relève exclusivement, pour l'heure, des partenaires sociaux. L'UNEDIC est un système d'assurance privé, cogéré par les patrons et les salariés via leurs représentants syndicaux. L'effort pour accompagner au plus près les salariés en recherche d'emploi doit être amplifié. La généralisation du Contrat de transition professionnelle (CTP) doit aussi contribuer avec la Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) à voir moins de demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE, surtout si la croissance repart. Reste le problème des jeunes sans qualification ou des moins jeunes aux compétences obsolètes. Leur insertion ou réinsertion rapide dans l'emploi avec un contrat de travail unique permettra de leur donner une reconnaissance qui profitera à tous. Quitte à ce que les premiers pas s'accomplissent en alternance avec un parcours de formation.
Comme pour le dialogue social, nous avons besoin d'établir ou de restaurer une société de confiance dans laquelle chacun tend la main à l'autre. Pour les partenaires sociaux, la conclusion d'accords ne se fera que si chacun prend des risques. Je suis persuadé que ceux qui s'engageront seront in fine reconnus et gagnants. Notre pays est en guerre économique. Comme pour les grandes conférences de paix, dans la phase finale de négociation, il sera sans doute nécessaire que les négociateurs s'isolent, le temps nécessaire, de la pression médiatique, tout en conservant la possibilité de communiquer avec leur base. Si un accord n'est pas signé, un relevé de conclusions devra être établi pour figer les points d'accord et ceux de désaccord afin d'éclairer le travail du gouvernement.source http://www.cfecgc.org, le 31 mai 2007