Texte intégral
Mes chers camarades, au nom du bureau confédéral, je vous souhaite la bienvenue au XXIe congrès confédéral de la CGT Force ouvrière, 53e congrès de notre organisation depuis notre création en 1895.
Nous sommes réunis dans cette salle du Palais des congrès de Lille pour discuter du rapport d'activité que vous avez reçu, pour débattre et arrêter les orientations à travers les résolutions que les délégués adopteront et que le congrès votera en séance plénière dans les jours qui viennent.
Nous sommes un peu moins de 3 000 dans cette salle, ce qui fait toujours du congrès de notre organisation celui qui réunit le plus grand nombre de délégués parmi les centrales syndicales.
Je voudrais pour commencer remercier tous les syndicats qui ont mandaté un ou plusieurs camarades pour venir à Lille. Le congrès, vous le savez tous, c'est le congrès des syndicats et c'est important que tous les syndicats aient débattu du rapport, discuté et envoyé ou mandaté des délégués, au moins pour une grosse partie d'entre eux. Ces délégués sont ainsi porteurs du message de centaines de milliers de syndiqués de par le pays, en métropole et outre mer.
Je veux d'ores et déjà saluer tous les camarades qui ont participé à l'organisation du congrès, en premier lieu, ceux du département du Nord, bien entendu, mais aussi tous les camarades des services de la confédération. Comme d'habitude, nous nous sommes fait quelques frayeurs. Cette fois, c'est en testant l'utilisation de l'informatique et des codes barre comme le disait Roland HOUP tout à l'heure dans l'enregistrement des délégués mais l'essentiel est bien que vous soyez là et prêts à travailler pendant toute cette semaine.
Je veux maintenant saluer nos invités internationaux de tous les continents qui nous font l'honneur et le plaisir d'être parmi nous. Je les remercie, eux et leurs organisations respectives, d'être venus nous saluer et participer à notre congrès. Nous aurons l'occasion de les saluer pendant ce congrès et tout à l'heure, Guy RYDER, secrétaire général de la CSI, interviendra.
Je veux aussi saluer tous les anciens responsables confédéraux qui assistent à ce congrès.
Je veux également adresser mes remerciements aux pouvoirs publics locaux, la mairie de Lille, la communauté urbaine, le conseil général et le conseil régional qui ont facilité au maximum notre manifestation car ce n'est pas une petite affaire que de réunir près de 3000 personnes dans une ville.
Enfin, avant d'en venir au fait, je veux également rendre hommage à tous nos camarades décédés pendant les trois dernières années, c'est-à-dire depuis le congrès de Villepinte en 2004. Vous avez du trouver dans votre sacoche de délégué une petite brochure in memoriam avec les noms de ces camarades. Je citerai seulement notre camarade DORIAC, ancien trésorier confédéral, notre camarade Roger LOUET ancien membre du Bureau confédéral, notre camarade DERLIN, du bureau confédéral et président de la CNAMTS et bien d'autres, qui, à leur niveau de responsabilité, ont contribué à faire de Force ouvrière l'organisation que nous connaissons. Nous ne pouvons pas oublier Michèle MONRIQUE, membre du bureau confédéral, ancienne responsable de l'UD des travailleurs français d'Allemagne, emportée par une maladie foudroyante, l'année dernière, quelques mois après avoir pris de nouvelles responsabilités.
Président, je te demande de bien vouloir faire respecter une minute de silence à leur mémoire.
Mes chers camarades, je ne ferai pas le rappel de tous les événements qui se sont déroulés depuis 2004, date de notre dernier congrès confédéral. Vous disposez du rapport d'activité dont vous avez remarqué, pour ceux qui ont connu le ou les précédents congrès, qu'il a fait une cure d'amaigrissement. C'est justement destiné à permettre à plus de monde de le lire en entier.
Je vais donc essentiellement m'attacher à compléter ce rapport quant à la période récente, sans m'interdire quelques retours en arrière.
Nous tenons notre congrès dans une période particulière et délicate, vous en êtes conscients. On m'a même fait la remarque que FO était plutôt audacieuse de tenir son congrès après les présidentielles et les législatives et au beau mitan de l'installation de la nouvelle assemblée nationale.
C'est un fait, mes chers camarades, le Premier ministre va faire son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale dans quelques jours. Nous avions même envisagé un moment d'interrompre le congrès pour le suivre en direct sur les écrans vidéo de cette salle !
Finalement, il semble que son intervention n'aura lieu que la semaine prochaine et c'est tant mieux. Nous ne pourrons pas être taxés d'avoir eu une réaction épidermique, à propos de telle ou telle disposition annoncée, dans nos résolutions.
Nous avons veillé, au nom de notre pratique d'indépendance, à ne pas prêter le flanc à une polémique quelconque. Le bureau confédéral a rencontré tous les candidats démocratiques qui nous l'ont demandé. Nous avons exposé nos revendications, expliqué nos idées. Bien sûr, nous avons réagi quand certaines idées avaient directement un impact sur les questions sociales ou syndicales. Ce fut le cas par exemple avec la proposition de syndicalisme obligatoire ou avec le service minimum.
Mais nous nous sommes abstenus de faire un jugement global sur les programmes des candidats ou de nous livrer à un comparatif, thème par thème, de leur contenu. Pour nous, syndicalistes, le temps politique n'est pas le temps syndical. Même si FO se revendique du modèle républicain, les élections politiques engagent le libre arbitre des citoyens et le syndicat n'a pas à délivrer de consignes de vote.
Bien sûr, c'est notre position classique. Mais je vous prie de croire que pas un instant le bureau confédéral ne l'a remise en question. Si nous avions dérapé, si nous avions donné, sinon une consigne, mais du moins des indications, dans le style « tout sauf untel », non seulement vous auriez réagi mais je pense que nous serions en moins bonne situation pour aller maintenant présenter les revendications dans les ministères ou devant le patronat.
Aussi, quand un collaborateur du président de la République dis : « je vois mal que les syndicats puissent aller contre l'avis du peuple français », il montre une certaine méconnaissance de ce qu'est le syndicalisme en France depuis sa conception. Nous ne sommes pas dans un système travailliste. Ce n'est pas une critique à l'égard de la pratique des autres pays où les syndicats subventionnent leur parti de référence, participent aux instances du parti, et c'est leur droit. Mais il se trouve que, dès sa création, la CGT n'a pas voulu abandonner à un parti le soin d'organiser les travailleurs pour la défense de leurs revendications. Et pourtant, à la création la CGT, il y avait des guesdistes, des allemanistes, des anarchistes, etc.
Mais nos fondateurs ont établi l'indépendance du syndicat comme le fondement de la pratique syndicale ce qui a été confirmé par une résolution du congrès confédéral d'Amiens, connue sous le nom de Charte d'Amiens. Cet acte fondateur du syndicalisme français, nous l'avons célébré l'an passé dans cette même ville d'Amiens, mes chers camarades, et nous avons apposé une plaque dans le lieu même où cela s'est passé. Nous avons également organisé un colloque où mes prédécesseurs sont intervenus, mais aussi des syndicalistes étrangers, des universitaires, un philosophe, etc.
Oui, mes chers camarades, nous assumons notre histoire, toute notre histoire, nous la revendiquons, même !
Et par-dessus tout, nous la mettons en pratique : c'est-à-dire qu'en période électorale ou hors période électorale, les revendications continuent, toutes les revendications et rien que les revendications !
Mes chers camarades, on me demande régulièrement si la large victoire du président de la République ne devrait pas en quelque sorte modérer les ardeurs syndicales. 85 % des Français ont voté et 53 % des votants se sont exprimés en sa faveur. Bien sûr, le sous entendu c'est : vous, les syndicats avec vos 10% de syndiqués, vous n'avez pas la légitimité démocratique.
C'est une conception curieuse : la démocratie, avec un grand D, se limiterait-elle au champ de l'élection présidentielle ? En poussant un peu, il ne serait plus utile d'organiser les législatives et pourquoi pas les cantonales et les municipales. Je note en effet que le taux d'abstention aux législatives est de 40,01 %, supérieur à l'élection présidentielle. Y aurait-il un seul député, quel que soit son camp, pour considérer qu'il a moins de légitimité ?
Je crois qu'on ne doit pas comparer des torchons et des serviettes. Dans les élections professionnelles, les salariés sont très nombreux à voter. Et je ne parle pas du nombre d'adhérents des partis politiques.
Nous allons donc faire notre travail militant. Une élection n'est pas un blanc-seing. J'ai le sentiment que les résultats du 6 mai ont, dans la tête des citoyens, servi en quelque sorte à « laver » les résultats du premier tour des présidentielles de 2002. Mais la nouvelle majorité ne doit pas s'aveugler : les exigences sociales sont fortes, y compris parmi les électeurs de la majorité. Faut-il rappeler que c'est le même corps électoral qui, il y a deux ans, disait « non » au traité constitutionnel européen et non à la directive Bolkenstein ?
Mes chers camarades, il ne s'agit pas de préparer un troisième tour social, nous ne sommes pas et ne voulons pas être un contrepouvoir. Mais nous sommes un contrepoids social, nous voulons peser sur les projets, être entendus. Le mépris et les réformes à la hussarde, on a vu ce que cela donnait avec le CPE, c'est l'effet boomerang !
Je reviendrai dans un instant sur les projets du gouvernement tels qu'ils nous ont été exposés mais ceux-ci ne sont pas indépendants d'un contexte économique particulier. Le contexte, c'est notamment celui du pacte de stabilité et de croissance qui lie tous les pays européens ayant adhéré à l'euro.
Vous savez que tous les pays de la zone euro s'en remettent à la Banque centrale européenne, la BCE, pour la gestion de la monnaie commune. Or, celle-ci vient de décider, pour la 8ème fois depuis décembre 2005 de relever son taux directeur, c'est-à-dire le taux d'intérêt de l'argent, de 3,75 % à 4 %. Et il paraît même que ce n'est pas fini.
Cette mesure a pour conséquence de rendre le coût de l'argent plus élevé tout en garantissant de meilleurs rendements à ceux qui en prêtent. Le gouverneur de la BCE explique que c'est parce qu'il a peur de l'inflation, de la hausse des prix. Et pourquoi ? Parce qu'il craint le retour de la croissance et le retour des revendications salariales, particulièrement en Allemagne. Certains s'interrogent même sur le retour de l'inflation au niveau international
Or, cette politique de l'euro fort a pour conséquence de renchérir nos exportations et de freiner la croissance alors même que celle-ci atteint péniblement 2,5 %. Quant à l'inflation, elle atteint à peine les 2 % dans la zone euro.
La conséquence la plus directe est que cela rend encore plus compétitives les importations de pays comme la Chine qui ne respecte ni les droits de l'homme, ni sa propre législation sur le travail. Même des pays de haute technologie comme le Japon parviennent, parce qu'ils ont la maîtrise de leur monnaie, à être plus compétitifs.
On marche sur la tête, car tout le monde sait bien que l'économie de la plupart des pays européens repose en grande partie sur la consommation intérieure, sur notre pouvoir d'achat, notamment en France. Or, le gouverneur de la BCE est littéralement debout sur les freins au nom du dogme de la stabilité des prix et de la maîtrise de la dette publique de pays comme la France ou l'Italie.
En fait, il apparaît de plus en plus que son souci, c'est aussi l'activité frénétique des investisseurs institutionnels, dénommés en anglais les « private equity ». Ces fonds ont une spécialité : racheter des entreprises qui ont besoin de liquidités, en prendre le contrôle grâce à un endettement important et se payer sur la bête en demandant un retour sur investissement pharamineux pour rembourser la dette et servir les actionnaires.
En gros, c'est : je te rachète avec ton argent et, à la fin, tu es viré !
Cette technique est celle des LBO. Elle a d'ailleurs amené les confédérations syndicales de 15 pays, dont Force ouvrière, et une douzaine d'organisations syndicales internationales à condamner cette pratique. Nous avons réclamé une réponse internationale des gouvernements en utilisant l'arme de la fiscalité.
La BCE n'en est pas là, mais les opérations de LBO l'inquiètent car il faut faire circuler beaucoup d'argent pour faire ça et les sommes engagées par ces fonds commencent à inquiéter la BCE. Si un de ces « fonds » capotait, il ferait exploser en vol tous ceux qui lui sont liés. Alors, la BCE ferme le robinet en espérant que ça va calmer le jeu.
Mes chers camarades, cette mécanique financière et monétaire n'est pas simple mais elle nous concerne tous. Car vous avez compris que la variable d'ajustement, le curseur en quelque sorte, ce sont vos emplois, votre travail, vos vies, qui sont au bout des décisions qui seront prises par les patrons de ces fonds d'investissement.
Les Etats-Unis connaissent le même problème avec leur bulle immobilière mais la capacité de la Banque fédérale américaine à jouer sur le taux du dollar, les bons du Trésor, lui ont permis de limiter la casse. Seulement, d'autres pays comme l'Espagne sont concernés, toute leur économie étant traînée par l'immobilier et le développement des opérations financières.
Il faut bien le dire toutes ces question ne sont pas beaucoup débattues. Par contre, on va vous parler de la dette publique, ça oui ! Rendez-vous compte ! La France a dépassé le taux d'endettement de 60 % de 2 ou 3 points pendant des mois et des mois ! Je ne suis pas pour jeter l'argent par les fenêtres mais il n'y a quand même pas de quoi se pendre !
Surtout quand on sait que l'un de nos concurrents, le Japon a une dette de 163 % de son produit intérieur brut ! On essaie de nous culpabiliser avec une dette que vous légueriez à vos petits enfants. Et nous ? Est-ce qu'il nous est arrivé un jour d'aller voir nos parents pour leur dire : « non mais t'as vu la dette que tu vas me laisser ? » C'était plutôt pour leur demander notre argent de poche ou un coup de main !
Je cite souvent l'exemple de Paris. Le baron Haussman a éventré Paris, tracé des avenues, bâti des immeubles, des égouts, etc. et a endetté la ville pour un demi-siècle. Est-ce que quelqu'un aurait l'idée de s'en plaindre aujourd'hui ? Encore une fois, je ne suis pas pour le gaspillage mais il y a dans ce refrain : « la dette ! la dette ! » comme un parfum de bourrage de crâne. On nous expliquait que le Canada était un bon exemple parce qu'il avait réduit sa dette publique qui était de 85 %. Le secteur économique de la confédération a regardé cela et il apparaît en fait que l'Etat fédéral a bien ramené sa dette en dessous des critères admis. Mais si on ajoute celle des provinces, on retrouve le taux de 85 %...
En fait, mes chers camarades, ce qui m'inquiète le plus, c'est bien plutôt l'endettement des ménages. Au passage, je précise que si on ajoute dette publique et dette des ménages, la France est dans la moyenne basse des pays développés. S'agissant des ménages et donc, en majorité des salariés, l'endettement augmente. Fin 2006, il était de 68,4 % contre 64,1 % l'année précédente. Cela veut dire que les Français qui avaient plutôt tendance à avoir un bas de laine, commencent à en voir le fond et sont obligés, pour maintenir leur niveau de vie, de recourir à l'emprunt, à l'endettement, et ce au moment où la BCE remonte le coût de l'argent.
Ça n'empêche pas que nous sommes moins endettés que les ménages britanniques ou américains à qui la loi permet d'emprunter des montants équivalents à la valeur de leur maison, par exemple. Mais on commence à avoir l'amorce du même phénomène.
Si il fallait résumer, je dirais que nous sommes dans une situation où il y a de plus en plus d'argent mis dans des opérations spéculatives, monétaristes, à court terme et de moins en moins d'argent disponible pour les investissements de long terme, la recherche et le développement. Et dans le même temps, la politique de l'euro fort et de croissance molle pénalise la consommation et favorise les délocalisations / restructurations.
Cette situation est européenne et bien entendu elle a des répercussions à l'échelle de la planète. Au début du mois de mai, la confédération a participé à la délégation syndicale internationale de la commission syndicale consultative de l'OCDE. Cette délégation, conduite par John SWEENEY de l'AFL-CIO des Etats-Unis avec Guy RYDER de la CSI, a rencontré les ministres du G8 à Dresde. Nous avons également rencontré Pascal LAMY, directeur général de l'Organisation Mondiale du Commerce et Juan SOMAVIA, directeur général de l'Organisation Internationale du Travail. D'une certaine façon, on était au coeur des problèmes puisque la Chine a fait son entrée dans l'OMC. Or, l'OMC ne veut en aucun cas tenir compte du non respect des conventions internationales du travail.
Pour l'OMC, le seul critère pris en compte, c'est celui du libéralisme des échanges, de la levée des barrières douanières. Qu'un tee-shirt chinois soit produit par un enfant de 12 ans ne la choque pas, non, ce qui la gêne, c'est qu'on lui applique une taxe à l'entrée d'un autre pays membre de l'OMC.
Or, il est parfaitement scandaleux, mes chers camarades, qu'un pays se refuse à ratifier les conventions sur les libertés syndicales et la liberté de négociation, se refuse à ratifier la convention 29 sur le travail forcé et bénéficie de toutes les facilités pour exporter ses produits.
Nous avons également alerté le directeur du BIT sur les menaces qui, selon nous, pèsent sur les normes de l'OIT, c'est-à-dire les 187 conventions élaborées au sein de cette assemblée. Ces conventions sont des lois internationales, qui doivent être ratifiées et appliquées par les états pour la protection des travailleurs. Mais il y a une tendance des gouvernements et de l'union européenne à produire des directives et des lois amenant à contourner les normes de l'OIT. Ainsi, sur le temps de travail. La convention n°1 de l'OIT limite celui-ci à 48 heures mais la directive temps de travail autorise à déroger à cette limite.
Au passage, je vous rappelle que nous avons porté devant le Bureau International du Travail la contestation du CNE de Monsieur VILLEPIN qui contredit les normes sur la protection des salariés en cas de licenciement. Je note que le gouvernement français s'est livré à une bataille juridique destinée à retarder l'échéance, mais que le BIT devrait finalement statuer en novembre, après la Cour d'appel de Paris.
Mes chers camarades, Force ouvrière est particulièrement attachée à la défense des normes fondamentales du travail. C'est, au plan international, un des seuls leviers juridiques qui soit à la disposition des organisations de travailleurs. Il fait même l'objet de contestations internes de la part de certains gouvernements qui trouvent que l'existence et l'activité du BIT sont des freins à leurs politiques de l'emploi.
La 96e conférence internationale du travail de l'OIT a d'ailleurs eu à connaître une tentative des gouvernements américains et britanniques pour diminuer le budget de l'OIT. On a même fait courir le bruit que le gouvernement français était d'accord, ce qui a amené notre camarade Marc BLONDEL, qui était le vice-président de cette conférence, et Yves VEYRIER, à nous alerter pour une intervention immédiate.
Le nécessaire a été fait et la France honorera ses engagements. Mais nous avons également constaté que des employeurs prétendaient exempter en quelque sorte certains pays comme la Colombie de tout examen des violations des normes. Or, dans ce pays, mes chers camarades, on assassine régulièrement des syndicalistes ! Il a donc été décidé l'envoi d'une délégation.
Mes chers camarades, la situation des travailleurs au niveau mondial est inquiétante. L'ouverture des marchés, la libéralisation des échanges, bref, la mondialisation, sont loin de produire les effets bénéfiques qu'on nous promet à tout bout de champ.
La dimension sociale de la mondialisation, elle n'existe pas pour les ouvriers ou les paysans chinois exploités sans vergogne. Lors d'une délégation auprès de nos camarades algériens, j'ai pu constater que la Chine exporte et qu'elle exporte même ses travailleurs, dans des conditions de travail dignes d'un nouveau goulag ! Elle n'existe pas pour nos camarades africains dont les économies croulent sous le poids d'une dette qu'elles ne pourront jamais rembourser. Elle n'existe pas pour les travailleurs d'Irak maintenant aux prises avec une guerre civile sans jamais avoir pu réellement reconstituer leurs syndicats. Elle n'existe pas pour le 1,4 milliard de personnes qui vivent dans le monde avec moins de 1,50 euro par jour, elle n'existe pas pour les 80 % de la population mondiale privée de tout système de protection sociale.
Guy RYDER a pu souligner, lors de la réunion du G8 que 2 % du PIB mondial suffirait pour assurer une sécurité sociale de base pour tous.
C'est un problème général de partage des richesses. Je me félicite d'ailleurs, avec notre fédération de l'Equipement, de l'adoption récente par la conférence internationale du travail de la 188ème convention de l'OIT sur le travail dans le secteur de la pêche. Après trois années de discussion, cette convention apportera des garanties aux salariés en matière de recrutement, de salaires, etc. FO en demande bien sûr d'ores et déjà la ratification par le gouvernement français.
Mes chers camarades, j'en viens maintenant au sujet de la Confédération Syndicale Internationale. Vous le savez, le congrès constitutif de la CSI s'est tenu à Vienne en novembre dernier. Il faisait suite au dernier congrès de la CISL et de la CMT, tenus le 31 octobre, qui ont décidé de la co-fondation de la CSI.
Cette décision de la CISL avait été préparée depuis de longues années et le principe décidé au congrès de Myazaki en 2004. Nous avions déjà à cette époque expliqué nos positions. Depuis, nous avons continué d'expliquer que la nouvelle organisation ne devait pas conduire à affaiblir ou détourner les principes et les valeurs de la CISL. En particulier, on ne pouvait pas accepter la création de courants en son sein, quels qu'ils soient, religieux, politiques ou autres.
Au comité exécutif de la CISL avant son dernier congrès, nous avons soutenu la proposition de l'UGT espagnole réaffirmant l'opposition des membres fondateurs de la CISL à toute constitution de courants, tendances ou fractions.
Pour le reste, nous avons souligné la disparition de la lettre « L » du sigle. Ce symbole est toujours d'actualité. S'il était à l'origine associé à l'opposition des organisations syndicales aux régimes staliniens, il signifie surtout son attachement à la liberté syndicale et à la liberté de négociation. La création de la CSI était la décision prise par les organisations affiliées de la CISL comme de la CMT. 80 % de la nouvelle internationale est ainsi composée de tous les affiliés de la CISL, les 20 % restant étant ceux de la CMT et quelques organisations non affiliées, dont la CGT française.
Dans ces conditions, nous avons obtenu que seuls les affiliés de la CISL et de la CMT pouvaient être cofondateurs de cette nouvelle internationale. A noter également que tant la présidente de la CSI que son secrétaire général, sont les mêmes qu'à la CISL.
Pour le reste, mes chers camarades, quand on regarde la nouvelle organisation, il est évident que son ossature, ses membres les plus importants, ses finances, tout est bâti autour de la CISL. Nous avons proposé la candidature de Guy RYDER, qui a renouvelé à la tribune sa condamnation de toute tentative d'organisation de fractions ou tendances.
Nous avons par ailleurs trouvé un accord avec les autres centrales syndicales françaises qui nous permet de maintenir notre présence au BIT jusqu'en 2011.
Nous avons, bien entendu, informé le Comité Confédéral National de l'évolution du dossier et en avons débattu, notamment en octobre 2006 à Amiens, avant le congrès de Vienne.
Il va de soi que l'appartenance à cette organisation internationale rentre dans le cadre de l'internationalisme ouvrier, que c'est aussi l'occasion de nouer ou renforcer des liens avec des organisations syndicales de tous les continents, élément indispensable à l'activité syndicale. Il va de soi également que nous gardons notre liberté, nos analyses et nos conceptions et que la CSI ne saurait être une holding donnant des d'ordres à des filiales. Le syndicalisme existe d'abord dans l'entreprise et l'administration au niveau national.
Voilà, mes chers camarades, sur la CSI. Il vous sera demandé pendant le congrès d'adopter une modification statutaire remplaçant le sigle CISL par le sigle CSI.
J'en viens maintenant au congrès de la Confédération Européenne des Syndicats qui s'est tenu le mois dernier à Séville en Espagne. Nous avons tous en mémoire les désaccords qui nous avaient opposés à la majorité du comité exécutif de la CES à l'occasion du référendum français sur le projet de traité européen. La confédération avait bataillé dans les instances de la CES pour s'opposer à une campagne de soutien à la constitution européenne. La CES était même venue en France voir le président de la République et soutenir le projet, ce qui nous avait amené, en janvier 2005, à prendre publiquement position en indiquant que Force ouvrière ne se sentait pas engagée par les prises de position de LA CES. Et, sans appeler à voter « non » au référendum, car encore une fois, nous ne sommes pas les tuteurs politiques de nos adhérents et sympathisants, nous avions publié sur notre site Internet une analyse critique des dispositions sociales et économiques du projet.
Dans mon intervention finale au congrès de la CSI, j'expliquais que la CSI n'est pas une firme internationale avec des filiales, qu'elle n'est pas une ONG. C'est la même chose avec la CES. J'ai expliqué que la CES n'était pas une holding qui décide avec des filiales qui exécutent.
Comment peut-on en effet critiquer la directive « services » de l'union européenne, appeler à une manifestation au parlement européen de Strasbourg en février 2006, demander la suspension de celle-ci et approuver un traité qui, en quelque sorte, grave dans le marbre les principes qui y sont contenus ? John MONKS reconnaît d'ailleurs que sans les votes français et néerlandais, il aurait été plus dur de se battre contre la directive Bolkenstein.
Mes chers camarades, ce qui pour nous est la plus grave menace sur les conditions de vie des travailleurs, c'est le dogme de la libre concurrence et le pacte de stabilité et de croissance qui fait payer aux salariés du public comme du privé la note de la rigueur budgétaire. Nous en demandons encore la révision afin de débloquer ce carcan. Or, le traité constitutionnel validait les dispositions du pacte.
Mes chers camarades, les salariés et la population française ont dit « non » ! Ils ont dit non au traité et à ses annexes. La consternation était grande dans les chancelleries mais c'est comme ça ! Je note d'ailleurs que le nouveau président de la République a expliqué que l'on ne demanderait pas aux Français de voter une nouvelle fois. J'y reviendrai tout à l'heure.
Mais je m'interroge évidemment sur le contenu du traité simplifié que les chefs d'état étrangers vont proposer. J'indique à propos de la controverse autour de l'incorporation de la Charte européenne des droits fondamentaux dans le futur possible mini-traité, que ce texte nous apparaît, sous beaucoup d'aspects, insuffisant. C'est ce que nous avions déjà déclaré au moment de sa discussion en 1999, en faisant part de notre crainte que cela ne serve de référence en tant que modèle social européen. Mais son absence serait aussi interprétée comme un recul. Nous verrons en temps et heure mais nous garderons notre liberté de jugement et de critique !
Pour en revenir à la CES, le « non » des Néerlandais au projet de traité peu de temps après le vote français a sonné le glas du texte en question. Je peux vous dire que dans beaucoup d'autres pays, l'enthousiasme n'était pas plus grand. En Grande Bretagne, en Suède, en Allemagne, personne n'était vraiment favorable à un référendum sur cette question brûlante, tant les débats français avaient eu d'écho en Europe.
Au cours du congrès de la CES, nous avons rappelé cela, c'est-à-dire notre désaccord avec le soutien au référendum. Nous avons par contre approuvé le fait que la CES ait su dire « non » à la directive Bolkenstein et nous l'avons encouragée à dire fermement « non » au Livre vert européen sur l'emploi de la commission européenne. Bref, nous l'avons encouragée à renforcer sa capacité de contestation et avons déposé des amendements dans ce sens.
Il faut dire que ce n'était pas évident dans un congrès où nous avons vu se succéder le président de la commission européenne, le patronat européen, la BCE, le premier ministre espagnol, le vice-chancellier allemand, président de l'union européenne.
Nous avons d'ailleurs protesté, notamment avec nos camarades portugais et grecs, pour critiquer ce défilé du gotha européen dans un congrès syndical.
Mais au final, si certains de nos amendements avaient été intégrés au stade de la rédaction, comme par exemple de parler de « services publics » plutôt que de « services d'intérêt général », ceux concernant le renforcement sur la capacité de contestation ont été rejetés, ce que je déplore. Cela nous a évidemment amenés à voter contre le rejet de notre proposition.
Par ailleurs, nous avons soutenu la proposition des TUC britanniques, proche de nos propres amendements qui visait à supprimer ce qui concernait la constitution européenne et de le remplacer par des dispositions de caractère social et syndical.
Nous attendons de la CES qu'elle soit plus combative. Nous notons certaines inflexions positives, notamment sur les questions économiques et la Banque Centrale Européenne. Mais cela fait toujours l'objet de débat. Maintenant, les positions de la CES comme celles de la CSI, ne sont pas celles d'un homme ou d'une équipe, ce sont celles prises par la majorité des organisations affiliées, chacune conservant par ailleurs sa liberté d'analyse, de comportement et d'action.
Mes chers camarades, j'ai été un peu long sur les questions internationales, mais vous l'avez vu, elles sont primordiales pour notre avenir.
Il y a actuellement une tendance à nous expliquer qu'il y aurait une recette magique. Et que certains gouvernements l'auraient trouvée. Nous avons donc fait le déplacement au Danemark, en Grande Bretagne, etc. pour voir comment les questions d'emploi y étaient gérées. Ça n'est d'ailleurs pas inintéressant.
Mais au retour de tout cela, il est évident que personne ne détient la pierre philosophale qui transformerait le chômage en plein emploi, sinon il y a belle lurette qu'elle circulerait sur Internet !
Il faut savoir qu'on nous explique que les employeurs voudraient bien embaucher mais qu'ils ne le peuvent pas, qu'ils font comme un genre de blocage psychologique parce qu'ils ont peur ensuite de ne pas pouvoir licencier ! On se croirait revenu au temps où Yvon GATTAZ, président du CNPF dans les années 80, expliquait que si on supprimait l'autorisation administrative de licenciement, le patronat créerait 387 000 emplois de plus. Comme vous le savez, l'autorisation administrative a été annulée et on n'a jamais vu les emplois ! Depuis, le blocage administratif a été remplacé par le blocage psychologique, mais c'est le même raisonnement.
Depuis près de deux ans, nous avons droit à une discussion sur la réalité de la baisse du chômage. Les statistiques officielles font l'objet de controverses. On nous dit 8,3 %, d'autres tablent sur 8,9 %, on retarde la publication des chiffres qui devaient être publiés en mars, etc. Cela a même conduit à une grève des fonctionnaires de l'Insee !
Le chiffre en lui-même a peu d'importance. C'est la tendance qui compte. Nous expliquons depuis des mois, sans être contredits qu'il y a une donnée démographique dans cette baisse, à savoir l'arrivée de classes d'âge moins nombreuses et une progression moins rapide de la population active.
Mais aussi, mes chers camarades, il y a une politique de radiation et de mise à jour des listes d'indemnisation qui a été mise en oeuvre et qui produit ses effets. Je vous renvoie au rapport d'activité qui explique bien comment, en fait, on passe par des périodes d'emploi précaires de plus en plus longues. L'impact du CNE, que nous continuerons à dénoncer et combattre, est difficilement mesurable. Il se substitue aux CDI et même aux CDD pour des embauches qui auraient eu lieu dans la plupart des cas. Il est de plus en plus difficile d'appréhender le sort des CNE qui sont comptabilisés comme des CDI. Tout ce que l'on peut dire, c'est que les intentions d'embauche diminuent suite aux recours effectués par les salariés devant les prud'hommes ou les tribunaux civils après un licenciement sans justification.
Nous avions raison de refuser le CNE qui devait faire, selon les promesses non tenues du Premier ministre de l'époque, l'objet d'une évaluation avant d'être généralisé. Nous avions raison car ce n'était pas la baguette magique que l'on croyait. Nous avons eu raison dès que le projet de contrat première embauche, le clone du CNE, a été connu, d'alerter et de contacter les organisations étudiantes et lycéennes pour mettre en oeuvre la mobilisation.
Les jeunes salariés, les étudiants, les lycéens, mais aussi toutes les générations de travailleurs ont bien compris ce qu'on voulait faire de la jeunesse.
Nous avions déjà eu de nombreux contacts avec les stagiaires, embauchés à des conditions inacceptables dans les entreprises alors même qu'ils ont fini leurs études, qu'ils ont des diplômes. Ce n'est pas digne d'un pays civilisé de faire galérer des jeunes pendant des années de stage en stage mal payés. Que voulez-vous qu'ils pensent du slogan « travailler plus pour gagner plus » ? Ils ne demandent que ça ! Force ouvrière a donc demandé que les faux stages, les stages bidons soient interdits. Les jeunes diplômés doivent avoir un vrai contrat, un vrai travail, un vrai salaire !
C'est cela qui nous a servi de guide pendant tout la crise du CPE dont je souligne qu'elle n'a pris cette ampleur qu'à cause d'une obstination injustifiée, d'une posture idéologique et d'une forme de mépris pour le mouvement syndical.
La confédération a fait son travail en recherchant avec toutes les organisations syndicales de salariés et d'étudiants, les voies et les moyens de l'unité d'action. Ce n'était pas le syndicalisme rassemblé car chaque organisation conservait sa liberté d'appréciation et d'analyse. C'était un accord sur une base précise : retrait du CPE ! Et c'est pour cela que ça a marché !
Mes chers camarades, d'autres combats sont devant nous. Nous avons en particulier de grosses inquiétudes quant aux projets de fusion ANPE / Unedic. Cela fait partie de ces projets de recherche de ce j'appelais la pierre philosophale de l'emploi. La fusion de ces deux structures devrait permettre, d'un coup, d'un seul, d'éradiquer le chômage. Or, c'est confondre deux choses : l'indemnisation des chômeurs qui est le fait du régime paritaire de l'Unedic financé par les cotisations sur salaire, autrement dit le salaire différé. Et la deuxième chose, c'est le service public de l'ANPE qui aide les chômeurs, recherche des emplois, leur propose des formations. Dans un cas, c'est la solidarité ouvrière, dans l'autre la solidarité nationale.
Force ouvrière le réaffirme, il n'y a aucune légitimité à fusionner l'une et l'autre car cela se ferait au détriment des deux. Nous savons bien depuis le PARE que la démarche de chantage aux indemnités de chômage ne fabrique pas de l'emploi : elle ne produit que du stress et de la rancoeur. Nous nous opposerons donc à la fusion des deux organismes et nous félicitons de la prise de position du bureau de l'Unedic à l'unanimité dans ce sens. L'Unedic sera un des trois dossiers sur lesquels nous allons négocier avec les employeurs dans le cadre de ce qu'ils appellent la « modernisation du marché du travail ». Je précise que le titre est d'eux !
Cela ne signifie pas que nous soyons fermés à tout évolution. Nous avons accepté une coordination entre les services des Assedic et des ANPE locales, un rapprochement géographique mais nous devons bien faire aussi le constat que les maisons de l'emploi de la loi de cohésion sociale ne remportent pas le succès promis. Par contre, nous avons signé en avril 2005 la convention de reclassement personnalisé, la CRP, avec trois autres confédérations et le patronat. La CRP entraîne la non-application du PARE ; elle est facultative et elle ouvre droit à une véritable indemnisation avec de bonnes perspectives de retrouver un emploi. Ce n'est pas la formule magique, non, mais c'est conforme à la mission de l'Unedic.
Par contre, là où ça ne colle pas, c'est quand on délègue le contrôle et la radiation des chômeurs aux Assedic avec un système de double peine : radiation temporaire + diminution ou suppression de l'allocation chômage.
Et enfin, le pompon, c'est la délégation donnée à des officines privées pour le reclassement des chômeurs. Nous avons à de multiples reprises, avec Jean Claude QUENTIN, dit tout le mal que nous pensions de cette décision. Nous avons même fait la démonstration qu'ils sont finalement plus chers que les services de l'ANPE, ce qui a provoqué une certaine gène jusque dans le bureau de l'Unedic. Et pourtant, c'est confirmé encore récemment par une étude du Centre d'Etudes de l'Emploi, pour qui -je cite- « l'ouverture du marché n'a en moyenne pas accru sensiblement les taux de retour à l'emploi, en tout cas, pas pour les catégories de chômeurs les plus en difficulté ». L'étude conclue même à une détérioration des chances pour les chômeurs en Allemagne, et les Pays Bas, au lieu de faire des économies, dépensent plus qu'avant !
Non, mes chers camarades, le recours aux boîtes privées n'est pas la panacée et nous pensons qu'il serait plus que souhaitable de rétablir le monopole de l'ANPE en lui donnant les moyens de reclasser mieux et plus vite les chômeurs.
Et puis, il y a eu la négociation de la convention d'assurance-chômage. Je vais vous dire : avec QUENTIN, on y croyait presque ! FO a négocié jusqu'au bout et avec la volonté, je le dis, de parvenir à une signature. A telle enseigne que certains qui ne pensent qu'à ça, voyaient déjà FO revenir à la présidence de l'Unedic. Nous avons fait retirer le PARE dont nous avions condamné la mise en place, diminué l'étendue de ce qu'on appelle l'activation des dépenses qui se traduisait trop souvent par un cadeau aux patrons. Nous avons obtenu une augmentation du nombre de contrat de professionnalisation. Nous étions souvent seuls à proposer des choses et à les négocier.
Mais nous voulions aussi un signe : une contribution exceptionnelle sur les CDD, c'est-à-dire la mise en oeuvre de ce que nous avons réclamé pendant tout ce mandat : la taxation des formes précaires du travail dont une partie du patronat use et abuse. Cela nous a été refusé, mes chers camarades, et dans des conditions que nous avons qualifiées d'inélégantes. En clair, quand on dit oui, c'est oui et on ne retire pas le tapis ensuite !
Mes chers camarades, même si la négociation n'est allée à terme, c'est-à-dire jusqu'au stylo, il y a eu négociation. Qu'en serait-il demain si l'Unedic et l'ANPE étaient fusionnées ? Il n'y a pas de négociation avec l'Etat, je le redis. On nous donnerait des places dans un vague conseil de surveillance. Un expert du CNPF d'il y a quelques années disait un jour : « c'est bien les conseils de surveillance : ça travaille et ça occupe, mais ça ne sert à rien ! ». Par ailleurs, fusionner l'indemnisation et le placement, c'est mettre la pression sur les chômeurs pour réduire l'indemnisation.
Ce problème là, mes chers camarades, est devant nous dans les mois à venir.
Depuis les élections politiques, le calendrier s'est accéléré. Nous avons été reçus deux fois par le président de la République. Sa légitimité est incontestable mais nous confirmons que ce n'est pas un blanc-seing. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le fait que le 21 avril 2002 ait été lavé accentue logiquement et sans complexe les attentes sociales. Se posent alors une question de méthode et des questions de fond.
Sur la méthode, nous avons obtenu que sur les thèmes en négociation interprofessionnelle le gouvernement n'intervienne pas, du moins dans l'immédiat. C'est notre conception de la liberté de négociation.
Nous avons également obtenu la distinction entre négociation avec le patronat, consultation et concertation avec les pouvoirs publics. Dans l'immédiat, sur différents dossiers (ex : heures supplémentaires ou autonomie des universités) la consultation s'est faite au lance pierre et cela ne peut pas durer sans risque. Nous avons par ailleurs, la semaine dernière, décidé d'ouvrir la négociation sur trois thèmes : assurance-chômage, garantie des parcours professionnels, contrat de travail. Ce dernier thème sera le plus hard, celui où la marge de manoeuvre est la plus étroite. Il va déjà falloir délimiter le contour de la négociation.
Qu'est-ce que la garantie des parcours professionnels ? Un droit individuel, déconnecté du contrat de travail qui pourrait devenir contrat d'activité ? La formule n'est pas nouvelle : l'idée démarre dans les années 70 avec un économiste du PC qui s'appelait Paul BOCCARA et se termine avec JP BOISSONAT et le contrat d'activité.
Ou alors ce pourrait être, comme nous le demandons, d'éviter les ruptures de droits dans la vie d'un salarié, ce qu'est déjà l'assurance-chômage, la CRP ou le CTP. Je vous renvoie sur ce point à la page 204 du rapport d'activité où nous avançons nos revendications sur un triptyque :
- anticipation des besoins en matière d'orientation et de formation professionnelle;
- mutualisation du financement;
- contractualisation entre organismes paritaires et pouvoirs publics, avec en plus création d'un pool paritaire, pour par exemple, qu'il y ait moins de cloisonnement entre la formation professionnelle et l'assurance-chômage.
Quant au débat sur le contrat de travail et la séparabilité, c'est-à-dire le divorce par consentement mutuel, je le confirme : nous ne sommes pas mariés avec notre employeur ou alors c'est sous le régime de la communauté et on partage tous les profits !
Ces négociations ne seront donc pas faciles pour les syndicats comme pour le patronat. Comme d'habitude, nous y allons avec la volonté d'aboutir mais nul aujourd'hui ne peut faire de diagnostic.
Concernant l'emploi, d'une manière générale, la confédération a fortement mis l'accent, ces dernières années, sur la nécessité d'une stratégie industrielle de la part des pouvoirs publics, tant au niveau national qu'européen. L'agence d'innovation industrielle a le mérite d'exister mais c'est encore nettement insuffisant. Une économie ne peut être efficace sans secteurs industriels forts.
Ces dernières années encore, dans de nombreux secteurs d'activité (aéronautique, automobile, textile, par exemple), des restructurations importantes ont été réalisées avec des conséquences négatives sur l'emploi. Les délocalisations, l'écart croissant entre l'euro et le dollar, la libéralisation capitaliste ont fortement pesé.
Même s'il est spécifique compte tenu de son actionnariat et de son bicéphalisme, le dossier AIRBUS-EADS est aussi emblématique. Jamais les carnets de commande n'ont été aussi pleins. La semaine dernière, l'entreprise a annoncé 85 milliards de commandes et on veut la restructurer avec le plan Power 8 !
Sauf à nous dire qu'au nom de la mondialisation il faut de plus en plus sous-traiter et externaliser (ce qui est une logique financière), je ne comprends toujours pas la stratégie industrielle qui consisterait à se séparer de sites travaillant sur le coeur du métier.
On doit aussi noter la dimension politique de ce dossier. Les autorités françaises (Etat) et l'actionnaire privé n'ont pas défendu, au même titre que les autorités allemandes, l'avenir industriel de l'entreprise. On a en quelque sorte laissé faire. C'est pourquoi, aujourd'hui encore, le problème n'est pas réglé et que je m'inquiète fortement sur l'avenir de l'industrie aéronautique en France à moyen et long terme.
Je quitte maintenant le dossier AIRBUS. Au nom du libéralisme économique, certains contestent maintenant à l'Etat la capacité de diriger les orientations industrielles. En gros, les Français sont indécrottables, ils aiment vraiment trop l'Etat et la puissance publique. Laissez faire le privé ! Pourtant, j'observe que dans beaucoup de pays libéraux, personne ne fait d'objection à ce que par exemple les Etats-Unis protègent le marché de l'acier, mais imposent l'entrée de leurs produits agricoles en Europe au détriment des nôtres. Alors, c'est très bien que le Premier ministre explique que la France allait se battre pour que la levée des quotas sur les textiles chinois soit repoussée mais ça ne suffira pas !
Je crois que, au lieu de s'acharner à trouver des trucs et des machins pour rendre le marché du travail, autrement dit l'emploi, plus flexible, ils feraient mieux d'avoir une vision à long terme sur l'avenir industriel du pays, sur sa politique de l'énergie, (sinon on peut tous s'abonner à GASPROM dès maintenant), sur la recherche et le développement industriel.
La vision économique de la plupart des membres de la classe politique semble s'être arrêtée au lendemain de la chute du mur de Berlin. Dès lors, le capitalisme, et le capitalisme sous sa forme néolibérale, mondialisée est devenu l'alpha et l'oméga de la réflexion économique.
C'est un peu la raison pour laquelle nous avons organisé, non sans difficulté, un colloque économique où nous avons invité des personnalités ayant un regard différent sur l'économie et ses évolutions. Il ne s'agit pas de refaire le monde ni d'être d'accord sur tout mais de développer et de nous aider à développer un autre point de vue et à le faire passer dans l'opinion. Nous devons, mes chers camarades, nous réapproprier le débat économique, montrer que d'autres choix sont possibles pour la croissance, la production et la répartition des richesses.
Je parlais d'AIRBUS mais il y a d'autres sujets sur lesquels la « gouvernance » pour parler à la mode, la gouvernance de l'Etat laisse à désirer. Ainsi, la question de l'énergie. Depuis des mois, nous assistons au feuilleton de la fusion programmée de GDF et de SUEZ dont le plus clair est qu'il s'agit surtout de permettre aux actionnaires de SUEZ de préserver leur dividendes. C'est, encore une fois, la logique financière contre la logique industrielle. Le problème de SUEZ, c'est avant tout la structure de son capital. D'autres solutions que GDF sont alors possibles.
Or, nos camarades de la FNEM en ont fait la démonstration, une logique industrielle bien comprise, c'est-à-dire dans l'intérêt des foyers mais aussi des entreprises, ce serait d'opérer une fusion d'EDF et de GDF parce que leurs activités, leurs réseaux, leur organisation géographique se complètent. Et alors que le commissaire européen à la concurrence estime que l'énergie est trop bon marché dans notre pays, ce serait un moyen de garantir que cela durera encore quelques années.
Dites-moi, le but d'un gouvernement n'est-il pas de fournir à ses citoyens et ses entreprises une énergie à bon marché, des transports publics nombreux et de qualité, bref des services publics, administratifs et industriels, toutes choses qui constituent l'infrastructure du pays ?
Or, c'est cette qualité des infrastructures qui sert d'argument aux pouvoirs publics quand ils font une campagne de promotion du pays auprès des industriels étrangers ! Nous continuerons donc à prôner cette solution pour les deux entreprises nationales et, avec la FNEM, à réclamer que l'on revienne sur les directives européennes visant à la libéralisation, à la privatisation et à l'augmentation des tarifs.
C'est aussi ce qu'ont dit les postiers d'Europe au début du mois de juin quand ils ont organisé, à l'appel d'UNI Europa, une journée de protestation contre la libéralisation totale du service postal prévue pour 2009.
Cette libéralisation, mes chers camarades, c'est un grand bond en arrière, avec des milliers de suppressions de bureaux de poste remplacés par des points poste ouverts de temps à autre. Au même moment, les postiers britanniques se mettaient en grève pour des revendications salariales mais aussi parce qu'il est prévu de fermer un cinquième des bureaux de poste du pays et de les transférer dans les librairies d'une enseigne commerciale.
Ainsi va l'Europe, mes chers camarades, vers plus de conflits et moins de services publics. Pourtant, les travailleurs, vous le voyez, ne baissent pas les bras et continuent de revendiquer et de se battre. C'est ainsi que la commission européenne vient d'être battue sur un de ses projets. Une majorité de pays a en effet refusé l'idée des commissaires de séparer la production et la distribution de l'énergie.
Est-ce que, mes chers camarades, les ministres des pays membres n'auraient pas, par hasard, pris en compte la résistance des travailleurs français et européens à la privatisation ? Rien n'est jamais perdu et il faut continuer à résister.
Dans tout le secteur public nationalisé, la fonction publique d'Etat, hospitalière, territoriale, nous voyons se multiplier les attaques contre le service public.
C'est complètement contradictoire avec le discours républicain qu'on entend tous les jours, dans la majorité comme dans l'opposition. Une république, mes chers camarades, c'est l'égalité des droits, l'égalité d'accès à l'enseignement, à la santé, aux transports, au courrier et à l'énergie.
Et puis, c'est aussi, en tout cas ça devrait l'être, l'égalité devant l'impôt. Or, nous déplorons chaque année que les niches fiscales écornent toujours un peu plus l'impôt républicain, l'impôt progressif qui augmente avec la richesse, c'est-à-dire l'impôt sur le revenu.
Certes, nous avons eu droit, pendant la campagne, à des déclarations vertueuses contre les stocks options et les parachutes dorés. C'était lié aux conditions scandaleuses du départ de certains PDG qui cumulaient des parachutes dorés et des stock options et faisant suite à une longue liste de patrons remerciés pour incompétence, tout en étant grassement indemnisés.
Mes chers camarades, on parlait de flexisécurité à l'instant. Moi, je suis prêt à en discuter si les salariés licenciés pouvaient partir avec cinq années de salaire ! Pour les salariés de 55 ans, ce serait une préretraite !
Mais s'agissant du projet fiscal présenté par le nouveau ministre, il faut bien constater que les parachutes dorés s'en tirent bien puisqu'ils subsisteront si le PDG a eu de bons résultats qui seront bien sûr estimés par ses actionnaires et non par ses salariés !
Et avec un bouclier fiscal à 50 % des revenus, je ne suis pas sûr et c'est un euphémisme que la justice fiscale en soit améliorée.
Et puis, mes chers camarades, disons-le, il y a quelque chose qui ne va pas avec le pouvoir d'achat. Nous restons absolument favorables à une réforme fiscale qui réintroduise plus de justice dans le système et nous n'avons pas été convaincus par le récent « paquet fiscal » présenté par le gouvernement !
Ceci étant, il y a près d'un foyer sur deux qui ne paie pas d'impôts compte tenu de ses ressources et qui aimerait bien en payer.
En 2006, le pouvoir d'achat du salaire mensuel de base n'a progressé que de 1,1 % si on tient compte du ralentissement des prix. Au même moment, les grandes entreprises qui composent le CAC 40 ont réalisé ensemble 96,3 milliards d'euros de bénéfices, soit une hausse de 10,5 % par rapport à 2005. C'est très supérieur au produit intérieur brut français pour la même année qui stagne à 2 %.
Et quand vous savez :
1. que 50 % du capital des entreprises du CAC 40 appartient désormais à des investisseurs étrangers qui récupèrent donc une bonne moitié du bénéfice;
2. que l'essentiel des activités de ces entreprises se fait à l'international, ce qui veut dire qu'en terme d'emplois, leur contribution à leur création est plutôt limitée.
Cela veut dire, mes chers camarades, que nous étions parfaitement fondés, en septembre 2006 à mettre le pouvoir d'achat comme thème principal de notre rentrée. Nous savons tous qu'entre les moyennes annoncées par l'Insee et le panier de la ménagère, il y a une marge.
La flambée des prix du pétrole avec ses conséquences à la station service, vous connaissez ! Et les prix des loyers, vous connaissez aussi. Même chose pour la nourriture, pour la téléphonie et pour les transports. Nous avons bien eu un texte sur le chèque transport. Mais, même si c'était un peu notre idée, il faut bien dire que le fait de ne pas l'avoir rendu obligatoire a plus que limité sa portée.
Nous avons donc beaucoup insisté sur la relance des négociations de branche sur les bas salaires. Trop d'entre elles, même après un premier tour de piste sur le sujet ont encore des minima de grille salariale inférieurs au Smic. Ce n'est pas fini, bien sûr, mais le patronat des branches traîne les pieds.
Nous avons donc poussé très fort à la négociation salariale dans les branches et dans la fonction publique. Je rappelle que les fonctionnaires n'ont eu que 0,8 % en février 2007 mais que c'était comptabilisé au titre de 2006. Et les années précédentes, ils ont eu plusieurs fois droit à... rien du tout ! Ce qui fait qu'ils ont le même problème que dans le privé, à savoir que le minimum de traitement dans la fonction publique passera sous le Smic. C'est un comble. Alors que la fixation du Smic est d'ordre public -nous tenons d'ailleurs à ce que ça reste comme ça- l'Etat employeur n'est pas en règle avec ses propres lois.
Et je déplore d'ailleurs qu'il n'y ait pas eu de coup de pouce au Smic au 1er juillet. Après toute la communication de campagne sur le pouvoir d'achat, c'est un signal qui aurait été bien perçu.
Alors, mes chers camarades, en dehors des autres dossiers dont je vais traiter, je vous invite à nouveau à mettre le pouvoir d'achat parmi les priorités de la confédération. Avec un mot d'ordre : ouverture des négociations salariales tout de suite et partout : privé, public, on est tous dans le même bateau.
Au passage, je n'oublie pas bien sûr nos camarades retraités. L'OCDE a fait le constat qu'ils gagnent en moyenne 41 % de moins que les actifs avec des écarts importants. Le taux de remplacement des retraites publiques baisse régulièrement et c'est un des éléments sur lesquels nous devons réfléchir.
Enfin, mes chers camarades, j'indique que Force ouvrière est toujours une organisation qui négocie et qui signe, sur les salaires, les classifications professionnelle, la retraite complémentaire obligatoire.
Si je prends les accords de branche, FO a signé en 2006 72,4 % des textes devant plusieurs organisations.
Cela démontre que nous sommes bien une organisation réformiste, ce qui n'empêche pas de taper du poing sur la table quand c'est nécessaire. Le pouvoir d'achat, c'est aussi dans les négociations salariales qu'il se défend, comme Michelle BIAGGI l'a expliqué ce matin même à la Commission Nationale de la Négociation Collective.
Seulement, mes chers camarades, j'ai aussi quelques inquiétudes sur les projets du gouvernement et sur leurs effets sur le pouvoir d'achat.
Il y a par exemple la question de la TVA « sociale ».
On nous parle d'une hausse de la TVA, mais attention ! Une TVA « sociale », qui remplacerait une partie des cotisations de sécurité sociale. On a fait ça en Allemagne, au Danemark et on nous dit que ça marche !
Mais comme toujours, il y a un hic. En Allemagne, le contexte est celui de l'unification allemande, ce dont nous nous félicitons. Il a entraîné la fermeture de nombreuses entreprises et un chômage massif à l'Est que les travailleurs allemands de l'ouest ont financé par solidarité à travers leurs cotisations d'assurance-chômage.
Ceci a amené le gouvernement à considérer que les entreprises étaient pénalisées et à reporter sur l'impôt une partie de cette prise en charge. C'est ainsi qu'un tiers de la hausse de la TVA a servi à baisser les cotisations du chômage de deux points. Le reste de la hausse de TVA a servi à financer le déficit public. Mais il faut souligner que la TVA allemande était à 16 %, ce qui l'a amenée à 19 %. Or, la nôtre est à 19,6 % et il serait question de la porter à 24,6 %.
Et puis, mes chers camarades, l'économie allemande est tirée en partie par les exportations, domaine dans lequel notre économie est faible. Et en France, c'est la consommation intérieure qui soutient l'économie. On imagine sans peine ce que donneraient cinq points de TVA en plus !
Car franchement la TVA c'est quand même le contraire de l'impôt républicain. Même si on maintenait inchangée la petite TVA à 5,5 % sur les denrées de première nécessité, ça aboutirait quand même à une injustice puisque vous payez le même pourcentage, quel que soit votre revenu. Et beaucoup considèrent, y compris dans la majorité, que les prix augmenteraient, donc que le pouvoir d'achat baisserait.
Enfin, n'oublions pas que pour certains, la plus grande vertu de la TVA « sociale » serait de faire baisser les cotisations sociales, c'est-à-dire d'échanger du salaire différé contre de l'impôt, de transférer des entreprises vers les ménages une partie du financement de la sécurité sociale. Et on ne parle toujours pas de distinguer la solidarité nationale de la solidarité ouvrière.
C'est pour la première fois une brèche dans le système qui permettrait d'aller vers une étatisation croissante des ressources de la sécurité sociale, pour le plus grand bénéfice des entreprises mais au détriment de la solidarité collective.
Quant à l'argument de la TVA anti-délocalisation, il est de pure circonstance. Le différentiel de coût entre la France et la Chine, l'Inde ou le Bengladesh n'est pas que de quelques points de TVA mais de beaucoup plus.
Comme nous l'avons expliqué, nous pensons qu'il faut mettre une dose de valeur ajoutée dans la cotisation patronale. Cela doit être rentable parce que c'est ce critère qui est pris en compte dans les cotisations syndicales patronales !
J'en viens maintenant à la question des heures supplémentaires. Vous savez que c'est l'application du slogan « travailler plus pour gagner plus ». A priori, c'est un slogan qui a du plaire parce que le pouvoir d'achat est le problème numéro un des salariés. En fait, c'est surtout la deuxième partie du slogan qui a plu : « gagner plus » !
Seulement voilà, les choses ne sont pas aussi simples. Parce que ce ne sont pas les salariés qui décident de faire des heures supplémentaires, on le sait tous ! C'est l'employeur qui les propose et comme je le disais, on peut difficilement les refuser.
Mais il y a ensuite tous ceux qui voudraient bien travailler plus. Tous les salariés -souvent des femmes- qui sont en travail à temps partiel contraint. Eux ou elles ne demanderaient souvent pas mieux que d'avoir un vrai travail, un vrai salaire ! Or, les salariés à temps partiel n'ont droit qu'à des heures complémentaires moins bien rémunérées.
Il y a ensuite les salariés annualisés, à qui le patron peut imposer des horaires élastiques, sans pour autant avoir à les payer plus cher. C'est par exemple le système des heures d'équivalence en vigueur chez les ambulanciers du privé. Ce système fixe à 385 heures le contingent annuel d'heures supplémentaires, revalorisées, non pas à 25 %, non pas à 20 % ou à 10 %, mais à 7,94 % ! Travailler plus pour gagner moins ! Pour ces salariés, il faut travailler 200 heures pour être payés 150, autrement dit, travailler 46 heures pour être payé 35 heures ! Alors même que la Cour européenne a condamné cette pratique.
Il y a également les cadres sous le régime du forfait qui se verront contraints à renoncer à leurs RTT s'ils veulent bénéficier du dispositif.
Et bien, pour tous ceux-là, il n'y aura rien de changé. Autrement dit, en théorie, tout le monde y a droit mais seule une partie en bénéficiera.
Par ailleurs, il y a d'autres interrogations sur le coût réel de cette mesure. Malgré une rencontre avec le cabinet du ministre, il a été difficile de savoir comment serait faite l'estimation de la portée du texte au plan budgétaire. C'est de l'ordre de 6 milliards selon le Premier ministre lui-même. Et par ailleurs, il y a aussi la question de la compensation des cotisations exonérées à l'ACOSS qui collecte les finances de la sécu.
On sait, et on a encore pu le mesurer à différentes reprises, l'Etat n'est pas un débiteur loyal. Il abuse de sa position pour ne jamais régler toute la note : chaque année, c'est plus de 2,3 milliards qui ne rentrent pas dans les caisses sans compter près de 7 milliards d'arriérés divers.
Et j'ajoute que les exonérations non compensées augmentent au rythme de 15 % chaque année du fait de nouvelles mesures du type : emplois à la personne, le CESU, etc.
Enfin, sauf à ce que le projet soit modifié, ce serait la première fois que des cotisations salariales seraient exonérées. Ce serait, là encore, les prémisses d'une fiscalisation de la sécurité sociale.
Comme vous le voyez, mes chers camarades, nous ne sommes pas emballés par le projet. Je ne crois pas que cela aura un effet sur l'emploi. Ça risque même d'avoir un effet inverse, les employeurs préférant développer les heures sup' plutôt que d'embaucher. J'ai bien noté d'ailleurs que certains employeurs comme le DRH d'une grande enseigne, préfèrent une politique d'embauche plutôt que le recours aux heures sup'. Mais je ne suis pas certains que ce sera le cas partout.
Quant à développer le pouvoir d'achat, soyons sérieux, les simulations faites par le secteur des négociations de la confédération fait apparaître que l'impact sera limité. Et puis il y a la situation de certains secteurs comme les hôpitaux où la ministre a reconnu que c'était une bombe à retardement. La fédération a fait ses calculs : 760 000 heures à Lyon, 420 000 à Montpellier, 210 000 à Strasbourg, plusieurs millions à l'AP/HP de Paris et il est probable que nos chiffres sont déjà périmés. Chez les salariés, le problème dans ce secteur n'est pas de faire des heures sup' mais de se les faire payer !
Nous serons donc attentifs sur ce dossier. On est dans le slogan, je l'ai dit. Si on regarde les TPE, plus de 40 % des salariés sont à temps partiel ou en contrat aidé. Et en fait, cette proportion augmente puisqu'une TPE sur cinq n'emploie que des salariés à temps partiel. N'oublions pas, mes chers camarades, que près d'un salarié sur deux ne bénéficie pas des 35 heures. Nous sommes donc plutôt face à une nouvelle mesure d'assouplissement de la durée légale du travail.
Il y a aussi, mes chers camarades, un autre dossier chaud : celui du service minimum, appelé service garanti.
Nous avons obtenu, lors de la première rencontre avec le président de la République, qu'il n'y aurait pas de remise en cause du droit de grève.
Nous avons eu le projet de loi cadre la semaine dernière. Certes il n'y a pas formellement remise en cause du droit de grève, droit constitutionnel ; il n'y a ni réquisition ni assignation. Mais tel qu'il est rédigé, une forte pression va être exercée sur les salariés des transports terrestres de voyageurs, les seuls concernés.
Deux points posent de sérieux problèmes :
1. l'obligation pour un salarié, 48 heures avant un conflit, de dire s'il sera gréviste, même si cela n'est qu'une indication. Vous imaginez la pression qu'ils subiront ;
2. la possibilité, après 8 jours de conflit, d'organiser un vote à bulletins secrets, à l'initiative d'un syndicat ou de l'entreprise. Non seulement c'est encore un outil de pression mais c'est aussi, mes chers camarades, un contournement des syndicats par une procédure référendaire. On veut des syndicats forts mais on veut aussi les contourner !
Vous connaissez tous nos réserves sur la procédure référendaire et sa logique binaire oui/non, ainsi que sur le court-circuitage de la démocratie représentative. Mais je ne comprends pas pourquoi on voudrait mettre en place des référendums en cas de grève et qu'on y renonce sur un dossier comme celui de l'Europe. C'est contradictoire, mes chers camarades !
On nous dit que ce n'est pas idéologique. Mais si ça l'est puisqu'en 2006, sur 6 043 incidents ayant entraîné des retards de train à la SNCF, 140 sont dus à des mouvements sociaux, 1 728 à des incidents techniques. Que la SNCF fasse donc le service minimum sur l'investissement et l'entretien du matériel !
Comme le disait l'ancien Garde des Sceaux, Pascal CLEMENT : « pourquoi faire une loi si elle ne repose pas sur un consensus à la base ? Car une loi non consensuelle n'est pas respectée ». C'était en 2004 à propos d'une loi envisagée sur le service minimum.
Mes chers camarades, j'en viens à la situation de la sécurité sociale. J'ai déjà dénoncé précédemment les risques qui pèsent sur son financement du fait des projets sur la TVA dite sociale, sur les exonérations de cotisation sur les heures supplémentaires et sur les dettes que l'Etat continue de cumuler à l'égard de l'institution. Je crois qu'il faut le rappeler et que d'ailleurs, il nous faudra refaire un document mettant cet aspect des choses en relief. En effet, de nouvelles générations de militants arrivent, il convient de rappeler nos positions dans ce domaine.
C'est dans ce contexte où les finances de la sécu sont systématiquement passées au siphon que le comité d'alerte vient de tirer la sonnette en préconisant un plan d'économies à hauteur de 900 millions d'euros. Rappelons qu'il intervient dès que les dépenses excèdent l'objectif national de 0,75 %. Ça revient à un seuil de 1,1 milliard sur un total de 144,8 milliards, mes chers camarades. Il y a donc un risque que le fonctionnement des hôpitaux, les examens, les médicaments, etc. aient coûté 145 ou 146 milliards au lieu des 144. Moi, je me demande franchement si c'est si grave que cela, sachant que personne n'ose plus vraiment expliquer que les Français se soignent trop, voient 36 médecins par semaine, etc.
Le fait est que cette année encore, les entreprises vont être exonérées de plus de 23 milliards, que 2,3 milliards ne sont pas compensés, mais que l'on va demander à l'assurance maladie de trouver 900 millions d'euros d'économies, dont 350 sur le dos des malades. Ces 900 millions sont devenus 1,5 milliard à la CNAMTS la semaine dernière, d'ailleurs.
Et les mesures tombent : les malades qui ne passent pas par un médecin traitant ne seraient plus remboursés qu'à 50 %, le forfait d'un euro pourrait être relevé jusqu'à 4 euros par jour dans la limite de 50 euros par an.
Et ceci fait suite à trois hausses massives du forfait hospitalier, à la création du 1 euro par la loi de 2004, dont je viens de vous dire qu'il va être multiplié, aux 18 euros de forfait sur les actes lourds.
Et comme si cela ne suffisait pas, on nous parle de franchise médicale. Présentée au départ comme devant alléger les dépenses de l'assurance maladie, on nous la présente aujourd'hui comme devant financer la lutte contre le cancer ou la maladie d'Alzheimer.
On oublie tout simplement, mes chers camarades, que cela s'appelle une opération de passe-passe. La franchise, ce seront les assurés sociaux qui la paieront, ce qui signifie qu'ils seront moins bien remboursés, que de fil en aiguille, on rabote un droit fondamental : celui de l'égalité d'accès aux soins. Comment ne pas comprendre qu'avec une franchise, des assurés sociaux renonceront aux soins.
La confédération, au moment de la préparation de la loi de financement de la sécurité sociale, avait d'ailleurs attiré l'attention sur l'insuffisance de l'ONDAM, l'objectif de dépense. Parce que, en définitive, c'est cet objectif qui détermine si la sécu est en déficit ou pas. Et cet objectif, mes chers camarades, c'est bel et bien les services du ministère de la santé qui le déterminent. Dans cette affaire, la sécu n'a aucune latitude, sauf de faire un cran de plus pour se serrer la ceinture, à elle et aux malades !
Et tout cela, bien sûr, sert aux experts favorables à l'ouverture au privé, à expliquer qu'il faut revoir le financement de la sécu. Celui-ci repose encore à 60 % sur les cotisations, pour faire appel à un peu plus d'impôt, de CSG ou de TVA sociale. Les partisans d'une plus grande part de ce qu'ils appellent le « marché » de la santé ont d'ailleurs reçu le renfort de la loi FILLON de 2003 qui vise à généraliser le dispositif de la complémentaire santé obligatoire. Le Medef avait aussitôt sauté sur l'occasion pour réclamer une révision des champs respectifs de l'assurance-maladie obligatoire et de l'assurance-maladie complémentaire.
De plus en plus, mes chers camarades, on voit se dessiner le risque d'une sécurité sociale qui se limiterait à des prestations de base, à une CMU, la couverture maladie universelle, destinée aux plus démunis, et le reste qui serait le champ d'un affrontement entre mutuelles, instituts de prévoyance et compagnies d'assurances privées.
Et bien mes chers camarades, nous nous sommes toujours opposés à cette évolution et, dans l'immédiat, nous dirons non à la mise en place des franchises sur les soins, non à la maîtrise comptable ! Que les cotisations exonérées soient remboursées par le budget de l'Etat ! Ce qui est en jeu, c'est l'accès aux soins des malades et nous ne transigerons pas avec la santé des travailleurs.
Mais je parlais de la loi Fillon de 2003 il y a un instant et il va falloir revenir sur la question des retraites. Il a quelques semaines, l'organisation de développement et de coopération économique, l'OCDE a publié un rapport. Elle explique que le niveau des pensions que les retraités toucheront d'ici une quarantaine d'années va fortement diminuer, du fait des réformes adoptées dans les pays de l'OCDE, dont la France. Elle explique qu'une personne de 20 ans entrant maintenant dans une activité salariée, touchera dans 40 ans une pension réduite de 22 % par rapport à l'ancienne législation, 25 % si c'est une femme. Elle explique que c'est effectivement du aux législations mises en oeuvre partout : Allemagne, Italie, Japon, Suède, Mexique, Portugal. Partout, il y a un recul de l'âge de la retraite.
Mais, mes chers camarades, l'OCDE est un organisme libéral, favorable à l'économie de marché et à la mondialisation. Elle le constate. Mais ce serait beaucoup dire qu'elle le déplore.
Et la représentante de l'OCDE a expliqué que -je cite- « un effort d'épargne pour compléter les retraites qui ont été beaucoup réduites par toutes les réformes qui ont été entreprises » allait être nécessaire.
« Un effort d'épargne », mes chers camarades ! Et elle précise : « le financement des retraites dans le futur n'est pas assuré, donc il y aura sûrement d'autres mesures plus financières qui devraient être prises, y compris épargner plus, mais de manière privée ».
Mes chers camarades, ces propos recoupent exactement ce que nous disions il y a quatre ans, au moment de l'élaboration de la loi sur les retraites. A savoir que le but de cette réforme était d'abord de faire baisser, à la suite de la loi Balladur de 1993, le niveau des retraites et des pensions afin de créer les conditions de l'arrivée des fonds de pension par capitalisation. Et nous y sommes, mes chers camarades : le passage des 10 aux 25 meilleures années de référence, le passage de 150 à 160 trimestres de cotisation, tout cela était bien destiné à frapper les retraités au portefeuille, afin d'amener les actifs à accepter de nouveaux sacrifices. L'OCDE a d'ailleurs lancé un avertissement clair selon lequel la France ne pourra pas se permettre de continuer à octroyer le départ à la retraite à 60 ans sans indexer, d'une façon ou d'une autre, l'âge de la retraite à l'espérance de vie !
Nous allons avoir en 2008 un débat à l'occasion du point d'étape sur l'évolution des retraites. Si rien n'est fait, la loi Fillon prévoit d'ores et déjà de passer le nombre de trimestres nécessaires à 164, c'est-à-dire 41 ans. L'explication, ce sera que le chômage aura baissé, mais pas suffisamment pour pouvoir récupérer une partie des cotisations chômage comme on nous l'avait expliqué à l'époque.
Et comme la dernière fois le gouvernement avait joué sur l'opposition public/privé, cette fois il peut aussi essayer de jouer sur l'opposition actifs/retraités, ou plus précisément générations actuelles contre générations futures. La guerre des générations, en quelque sorte.
Nous serions des irresponsables, mes chers camarades, prêts à plonger nos enfants dans la pauvreté. C'est ce qui explique la recommandation de l'OCDE qui ne fait d'ailleurs que reprendre celle de la Banque Mondiale et du FMI du début des années 1990.
Nous avons eu au début de l'année le rapport du Conseil d'orientation des retraites, le COR. Nous n'avons pas donné notre aval à ce rapport, nous ne sommes pas pour les diagnostics partagés en la matière comme dans d'autres. Le COR a évidemment recommandé un allongement des durées de cotisations, ce que nous dénonçons, même si il a par ailleurs mentionné quelques pistes intéressantes pour lever des fonds. C'est ainsi qu'il a posé le problème des formes de rémunérations non soumises à cotisation, comme l'intéressement.
Mais nous ne pouvons pas en rester là. C'est impératif que nous donnions un coup d'arrêt à ce qui est une fuite en avant au nom d'une orientation qui consiste à ne pas remettre en cause la répartition des richesses et à considérer que le financement du social se fait au détriment de l'économie. Or, nous avons déjà longuement expliqué que la part de la richesse nationale consacrée à la masse salariale avait diminué par rapport à celle consacrée aux dividendes. Le pouvoir d'achat des retraites n'est pas un sujet tabou et nous ne pouvons accepter de revoir la pauvreté augmenter chez les retraités.
Concernant les régimes spéciaux, il n'est pas normal qu'ils soient ciblés au nom d'une pseudo égalité. C'est un peu comme si vous aviez en face de vous un borgne et un aveugle et que vous creviez l'oeil du borgne par souci d'égalité. Il est dès lors tout à fait logique que les agents qui veulent défendre leurs droits le fassent, et nous les soutiendrons.
Leur remise en cause ne permettrait pas d'ailleurs de régler en quoi que soit la question des retraites du régime général des salariés du privé, sauf à vouloir, cette fois encore, opposer les salariés entre eux par souci tactique.
- A l'heure où se multiplient les « parachutes dorés » dont je parlais tout à l'heure et dont beaucoup échappent à toute cotisation;
- à l'heure où le scandale des stocks options malgré les engagements du Medef à moraliser la chose, continue;
- à l'heure où le fonds de réserve des retraites qui devait plafonner à 150 milliards en atteint tout juste 30;
- à l'heure où on abandonne la contribution Delalande qui sanctionnait, bien timidement, les entreprises qui licenciaient les salariés âgés;
- à l'heure où les plans de départ des salariés âgés continuent.
Et bien, mes chers camarades, ce n'est pas maintenant que nous allons lâcher les retraités, ni accepter qu'ils soient considérés comme des privilégiés ! Nous allons donc devoir être plus que vigilants, voir nous battre pour qu'en 2008, la solidarité intergénérationnelle soit maintenue, pour que le niveau des retraites et des pensions soit maintenu. Puisqu'il y a des boucliers fiscaux pour garantir les revenus des plus riches, pourquoi pas un bouclier social, garantissant (et je ne parle pas d'un minimum) les revenus de chaque retraité au moment de son départ ?
Mes chers camarades, nous ne voulons pas que l'on se retrouve demain avec des salariés contraints de devoir travailler de plus en plus longtemps, et avec 5, 6, 7 millions de retraités pauvres ! Alors préparons nos revendications car le début de l'année prochaine risque d'être difficile.
Mes chers camarades, je veux maintenant vous dire un mot sur le dossier des relations sociales ou, comme on le dit maintenant, de la démocratie sociale, ce qui n'est pas un copié-collé de la démocratie politique. Oui, mes chers camarades, j'en suis convaincu, le syndicalisme, et en particulier le syndicalisme ouvrier, participe de la démocratie ! Il en est une expression parce que la démocratie vit, respire. Nous ne représentons pas la nation, nous représentons les intérêts matériels et moraux des travailleurs et cela tous les jours.
Il n'est évidemment pas question de contester le résultat des élections politiques, mais de parler d'expérience. Si on regarde un peu, à chaque fois que l'Etat, le gouvernement, du fait de sa légitimité, a décidé, sur un sujet ou un autre, d'agir vite et de manière unilatérale, il y a eu problème et crise. En se réfugiant derrière l'intérêt général et son calendrier politique, il a commis de lourdes erreurs.
Ça a été le cas en 1995 sur le plan JUPPÉ et plus près de nous en 2006 avec le CPE. Ça a aussi été le cas en 2003 sur les retraites.
Pour autant, mes chers camarades, on ne peut pas définir le syndicalisme que par sa seule capacité d'opposition. Le syndicat, c'est d'abord une machine à produire du droit, au sens de garantie. La loi sur les conventions collectives de 1950 a permis au syndicalisme de s'insérer dans un cadre social et juridique où son action peut s'exercer dans la durée. C'est la négociation sociale qui s'exerce au niveau interprofessionnel, au niveau des branches et au niveau des entreprises et des groupes.
Et à chacun de ces niveaux, le syndicat, et Force ouvrière en particulier, s'efforce de faire avancer les choses. Jusqu'à la loi Fillon de 2004 sur le dialogue social, la hiérarchie des normes s'appliquait : un accord ne pouvant qu'améliorer les règles de l'accord supérieur et ne pouvant pas revenir en arrière. Cela relève des principes républicains : le Code du travail est la base et s'applique à tout le monde, les conventions collectives s'appliquent à la profession et tous les salariés qui en relèvent, etc. Le fait d'avoir renversé ce principe permet qu'un accord revienne sur les dispositions conventionnelles et remet cet équilibre en cause.
Même si nous faisons le constat, à travers la CNNC, que les employeurs se sont peu servis de cette possibilité, c'est une porte entrebâillée. Et la question de la représentativité syndicale, ça risque aussi d'être la porte ouverte si on fait le lien entre le dossier représentativité et les accords majoritaires. La semaine dernière, lors de la réunion au Medef avec les autres confédérations, nous avons obtenu et convenu d'avoir une négociation sur la représentativité d'ici la fin de l'année.
Je l'ai souvent dit. La question de la représentativité syndicale, c'est le bal des hypocrites. Ce que tout le monde a derrière la tête, c'est : quel paysage syndical demain ? Cela vaut d'ailleurs tant pour les salariés que le patronat.
Je l'ai dit au départ, si on veut mesurer une audience syndicale, il suffit de réinstaurer des élections à la sécu. Mais comme c'est peu probable, cela conduirait à réformer la gestion de la sécurité sociale, d'autres critères seront envisagés, ce qui veut dire que ça pourrait être les prud'hommes ou les élections aux DP et CE ou encore un mélange des deux. Dans tous les cas, cela signifie qu'il faut particulièrement soigner toutes les élections à venir, DP, CE, CAP, CTP et bien entendu les prud'hommes.
Nous ne sommes pas accrochés à l'arrêté de 1966 becs et ongles. Mais nous ne demanderons pas son abrogation tant qu'on ne saura pas par quoi on le remplace.
Une chose est de savoir qui s'assoira autour de la table de négociation et une autre de savoir comment seront conclus les accords. C'est simple, mes chers camarades, nous sommes contre les accords majoritaires. Négocier, nous savons faire. Et signer aussi, comme nous venons encore de le prouver au niveau confédéral dans l'accord sur les accidents du travail et maladies professionnelles. Et les fédérations, les syndicats de Force ouvrière ont encore bouclé des centaines d'accords, grands et petits, dans tous les secteurs, comme le prouve le contenu du bilan de la négociation collective. Mais, dans un accord majoritaire, la négociation doit se dérouler au préalable avec les autres organisations. Autrement dit, vous devez déjà abandonner une partie de vos idées avant d'aller voir les patrons.
L'accord majoritaire, c'est le contraire de l'indépendance et de la libre négociation dans laquelle l'organisation s'engage, quitte à s'exposer au vote des salariés ensuite. Ce sera la recherche du consensus et les transformations du syndicat en machine électorale, c'est le glissement du fonctionnement syndical sur le fonctionnement politique.
Nous estimons que le système du droit d'opposition est plus sain, en ce sens qu'il met chacun devant ses responsabilités. Nous avons quand même connu pas mal d'accords dans l'histoire où FO signait et se faisait critiquer par ses petits camarades parce qu'elle n'avait pas obtenu assez ! Mais en définitive, personne ne faisait opposition à l'accord parce que notre signature débloquait la situation et que personne ne souhaitait faire annuler l'accord.
Je dis donc qu'il y a deux volets dans ce dossier et que nous ne mettons pas au même plan le mode de conclusion des accords et la représentativité des différentes organisations.
Depuis longtemps, certains rêvent à la bipolarisation syndicale, sur le schéma de la bipolarisation politique. Mes chers camarades, c'est une vue de l'esprit. Un syndicat n'est pas ou réformiste ou contestataire. Il est les deux à la fois, c'est en tout cas notre conception du réformisme militant. Oui, nous sommes réformistes mais quand ça coince, nous avons aussi une capacité de contestation.
Renier le réformisme, c'est se politiser. Renier la contestation, c'est s'anesthésier.
Mes chers camarades, je vous demande d'être attentifs à cette affaire, même si apparemment c'est la confédération qui tient la queue de la poêle. Je vous rappelle qu'un candidat aux présidentielles avait émis l'idée que les élections de DP puissent se faire avec liberté de présentation dès le premier tour. Imaginez, mes chers camarades, toutes les dérives qui pourraient en découler. Par ailleurs, où mettra-t-on le curseur de la représentativité au final : 3 %, 5 %, 10 % ? Encore une fois, ça peut tout changer sur le plan syndical, de l'activité dans vos entreprises et quant à la liberté de négociation.
Et puis, mes chers camarades, disons-le, il est un peu surprenant que le patronat ne soit pas concerné par les questions de représentativité. En vertu de quoi ne serait-il pas apprécié de la même manière ? Et pourquoi ne pose-t-on pas le problème des TPE - PME où, dans les faits, il y a absence de droit syndical ? Les délégués licenciés à peine désignés, on connaît tous ! Les pressions, les intimidations, même dans les grandes enseignes comme LECLERC, on connaît tous !
C'est curieux comme, dans ces cas là, tous ceux qui nous donnent des conseils deviennent sourds et aveugles.
Alors, mes chers camarades, il ne faut compter que sur nous ! Notre indépendance nous la préserverons par le dévouement des délégués, des militants et militantes, des adhérents qui, sur le terrain, iront implanter et développer Force ouvrière !
Je voudrais dire deux mots sur la question du développement en complément des propos précédents.
Au CCN de Bordeaux, le premier qui a suivi le congrès de Villepinte, nous avons pris un certain nombre de décisions dont celle de mandater une délégation du bureau confédéral pour faire le tour de nos structures sur les questions de régionalisation, c'est-à-dire sur les conséquences de l'instauration des régions administratives. Il ne s'agit pas d'une question statutaire, mais d'une question d'efficacité. Nous avons également lancé deux groupes de travail sur la réforme de l'Etat et les transferts de fonctionnaires. Il ne s'agissait pas, comme l'ont craint certains camarades, de proposer des réformes de structure à la hussarde mais d'avoir une réflexion sur l'état de l'organisation et ses difficultés.
Nous avons fait travailler ensemble des camarades, avons beaucoup consulté, beaucoup écouté. Et sur les transferts de personnel, dans le secteur public, nous avons pu mettre au point avec les cinq fédérations concernées un mode de fonctionnement pour organiser les élections professionnelles, assurer la présence de FO et engager la bagarre pour le maintien des avantages statutaires.
Mes chers camarades, il va falloir poursuivre et travailler les questions de développement de la confédération. Nous avons lancé une campagne de syndicalisation en 2005 auprès de nos structures locales qui nous a permis de mesurer les besoins et les attentes des militants de terrain. Elles sont nombreuses, notamment s'agissant de notre développement dans le privé.
Nous allons devoir travailler sur ces questions et nous leur avons réservé une résolution particulière dans ce congrès sur la syndicalisation. Là encore, il ne s'agit pas de questions statutaires mais de meilleure coordination et d'efficacité. Il nous faudra également réfléchir sur les questions des unions confédérales de retraités, sur celles liées à l'égalité salariale, sur les jeunes qui sont venus nombreux dans les cortèges FO contre le CPE, qui nous rejoignent depuis, et qu'il s'agit maintenant d'accueillir et de former, sur l'encadrement dont les effectifs augmentent.
Dans tous les cas de figure, l'organisation doit apporter des solutions, argumenter, répondre aux interrogations et savoir tenir le langage adapté aux préoccupations spécifiques des catégories de salariés, assurer efficacement le professionnel et l'interprofessionnel.
Et puisque nous évoquons les questions d'organisation interne, je vous rappelle que nous aurons l'Assemblée générale de l'AFOC cette semaine, l'AFOC qui depuis un an a été reboosté avec des résultats.
Mes chers camarades, j'en ai fini avec ce rapport. Il y a évidemment pas mal de points que je n'ai pu traiter mais, je vous l'ai dit, je voulais surtout m'en tenir à l'actualité récente, le rapport d'activité étant là pour le reste.
Mes chers camarades, il paraît que nous sommes un mystère pour beaucoup d'observateurs de la vie sociale et politique. Pour ceux qui aiment appliquer les règles de la sociologie aux groupes sociaux, nous sommes des inclassables. Où nous ranger ? A droite, à gauche, au centre ? Dans la campagne récente, j'ai rencontré les trois principaux candidats. A tous j'ai tenu le même discours, respectueux de leur engagement, mais sans concession. Je n'ai pas fait passer de consignes de vote dans les éditoriaux pour l'un ou l'autre, ou tout au moins indiqué celui pour qui il ne fallait pas voter.
Pour certains, FO serait une boite noire. Comment peuvent coexister dans une même organisation des adhérents avec des sensibilités personnelles différentes ? Mes chers camarades, non seulement cela correspond à ce qu'est la classe ouvrière, mais c'est ce qui depuis tout le temps nous a fait avancer. C'est tout simplement une conception exigeante de l'indépendance.
Alors va pour la boite noire car elle est indestructible !
Mais indépendant, ça ne veut pas dire apolitique, sans fibre et sans passion. Bien sûr, comme 85 % de nos concitoyens, j'ai voté au présidentielles. Pour qui ? Ça ne vous regarde pas comme ça ne me regarde pas de savoir pour qui vous avez voté.
Mes chers camarades, je sais que cela ne servirait à rien, même si l'idée en venait au bureau confédéral ou à moi-même, de vous dire ce qu'il faut faire dans un domaine autre que syndical. Vous n'en feriez qu'à votre tête ! et vous auriez raison ! Parce que vous êtes libres, mes chers camarades !
Pardonnez-moi l'expression mais c'est vrai qu'à FO on a parfois tendance à être un peu « bordéliques » entre guillemets. On le serait un peu moins que ce ne serait pas plus mal. Mais nous savons aussi que nos convictions, nous rassemblent, dont notre attachement viscéral à la liberté et à l'indépendance.
Mais je veux dire aussi que je suis fier de vous.
Quand nous avons décidé au bureau confédéral d'appeler au rejet du CPE, quand nous avons demandé le mandat à la CE, puis au CCN. je me suis posé des questions, mes chers camarades. Et même après les premières manifs réussies, je m'en posais encore : combien de temps allions-nous tenir ? Inutile de vous dire les pressions qui remontent vers vous à ce moment-là, ça n'arrête pas.
Et bien vous avez tenu ! Vous ne vous êtes laissés impressionner par personne, vous avez été déterminés, mes chers camarades, déterminés à défendre l'avenir de vos jeunes, et pour les jeunes à défendre votre avenir, déterminés parce que le CPE était une injustice que le Premier ministre d'alors avait voulu imposer comme un gadget de campagne.
Oui, mes chers camarades : libres, indépendants, et déterminés !
Je suis certain que nous allons réussir un grand congrès, pour nous construire et nous renforcer partout, pour préparer de nouvelles échéances et pour que
Vive le syndicalisme libre !
Vive la confédération générale du travail Force ouvrière !
Vous avez la parole, mes chers camarades ! Source http://www.force-ouvriere.fr, le 26 juin 2007