Déclaration de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur les efforts en faveur de l'intégration des marchés financiers au sein de l'Union européenne, à Paris le 5 juillet 2007.

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Circonstance : Forum financier Paris-Europlace sur le thème "Europe des marchés financiers et présidence française", à Paris le 5 juillet 2007

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
C'est un plaisir particulier pour moi d'intervenir devant vous ce soir sur des sujets qui, vous le savez, ne me sont pas étrangers et sur lesquels j'ai déjà eu l'occasion dans le passé de travailler étroitement avec les responsables de Paris Europlace. Je souhaite, dans mes nouvelles fonctions de secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes, continuer à oeuvrer, en lien étroit avec Christine Lagarde, à l'intégration financière européenne.
La thématique d'ensemble qui structure vos échanges, centrée sur la dimension européenne, est un signe fort, montrant que l'organisation des marchés financiers ne peut être traitée indépendamment de la dynamique communautaire, ni d'ailleurs de la dimension locale.
La présidence française de l'Union européenne qui débutera dans un an et qui couvrira le second semestre 2008 devra répondre aux attentes qui sont les vôtres pour relancer l'intégration des marchés financiers, combat dont la France a toujours été l'aile marchante.
Je souhaiterais évoquer avec vous deux thèmes, d'une part le cadre de croissance pour les services financiers et d'autre part, les pistes pour la présidence française à venir.
D'abord l'intégration des marchés financiers en Europe s'inscrit dans le cadre plus large de l'agenda national et européen pour la croissance et l'emploi.
Le rapport que j'ai remis il y a six mois avec Maurice Lévy a pointé les leviers de l'accroissement de notre potentiel de croissance en capitalisant sur nos atouts dans l'économie de l'immatériel. Des sources de croissance importantes résident en particulier du coté du secteur financier, au plan national et surtout européen. Il est vrai qu'Europlace, à juste titre, a privilégié, dans sa réflexion sur la compétitivité de ces marchés financiers, leur caractère innovant et leur dimension européenne et internationale.
Jean-Claude Trichet le rappelle souvent : la moitié du retard de productivité de l'économie européenne par rapport aux Etats-Unis provient de l'insuffisance des gains de productivité dans le secteur financier. L'achèvement du marché intérieur des services financiers est donc essentiel pour affirmer notre capacité à trouver, attirer et optimiser les financements dont les entreprises ont besoin pour se développer.
Autre priorité, la promotion de l'innovation. L'industrie financière est et doit rester l'une des plus innovantes. Vous en avez débattu ce matin. La modernisation des bourses de valeur, l'essor du capital risque, des fonds de couverture, des fonds structurés doit, dès lors que les nouveaux risques associés sont convenablement maîtrisés, contribuer à la croissance.
Enfin, sur la question de la conduite des politiques économiques, la place financière est particulièrement concernée par la conduite de la politique monétaire et de la politique de change. Dans ce domaine, nous sommes très clairs et à l'aise : la gouvernance économique de la zone euro doit être améliorée. Il ne s'agit pas pour les autorités françaises de remettre en cause l'indépendance de la Banque centrale européenne, mais de promouvoir une meilleure articulation de son action avec les autres leviers de politique économique. Vous avez abordé ce matin le rôle international de l'euro avec Jacques de Larosière. La conduite de la politique de change est une question éminemment politique qui concerne non seulement la Banque centrale mais aussi les gouvernements. Il s'agit simplement d'appliquer le Traité.
Il s'agit aussi de faire valoir nos atouts et de défendre nos intérêts en Europe et dans le monde. Cela est vrai dans les domaines industriels, commerciaux, dans le cadre de l'OMC, mais aussi dans les domaines monétaires et financiers. Cette démarche est parfaitement compatible avec la volonté de mener des réformes structurelles et de participer pleinement à la mondialisation. Je dirais même que l'une ne va pas sans l'autre.
Les Britanniques, qui nous accusent de protectionnisme économique, ne se gênent pas pour affirmer haut et clair, comme hier encore, la nécessité de défendre les intérêts de la City. C'est une telle approche que nous voulons porter pour nos pôles d'excellence que ce soit dans l'industrie, dans les services, dans la banque ou l'assurance.
S'agissant maintenant des axes qui pourraient être retenus pour le programme de la Présidence française de l'Union européenne en 2008 pour les marchés financiers, il est déjà possible de dégager quelques pistes sur lesquelles je suis certain d'être en accord avec Madame Lagarde.
Le travail réalisé dans le cadre du processus Lamfalussy depuis 2002 a été remarquable. Je ne reviendrais pas sur les textes fondamentaux adoptés ces dernières années et qui ont modifié en profondeur le paysage des services financiers en Europe. Notre ambition, que je sais partagée par Paris Europlace, est d'intensifier, encore, la dynamique de l'intégration des marchés financiers. C'est pourquoi la Présidence française devrait d'abord accélérer les travaux en cours du Conseil dans deux domaines :
L'un, le post-marché. Pour les investisseurs présents sur les marchés financiers, les opérations d'investissement transfrontières sont aujourd'hui clairement plus coûteuses que les opérations domestiques. C'est une barrière importante à l'intégration des marchés financiers en Europe qui rend nécessaire un renforcement de la concurrence et de la transparence dans ce secteur. Sur la base du bilan qui sera tiré de la mise en oeuvre du code de conduite adopté l'an dernier par les professionnels, à l'initiative de la Commission, la présidence française conduira la réflexion sur les suites à donner à ce processus, y compris sur le plan législatif.
L'autre, la gestion d'actifs. Les acteurs financiers européens doivent être en mesure d'offrir des produits de placement compétitifs à l'échelle internationale. Il faut pour cela que la réglementation européenne s'adapte en permanence aux innovations financières. Je pense notamment aux évolutions en matière de gestion alternative ou de fonds de private equity. La Commission devrait faire des propositions à l'automne sur les améliorations à apporter à la réglementation sur les OPCVM. Je sais que la place de Paris, qui est au premier rang dans les métiers de la gestion d'actifs, est favorable à une révision ambitieuse des textes en vigueur. La Présidence française devra porter ces attentes.
Au titre des rendez-vous d'ores et déjà prévisibles, je voudrais également citer les discussions que la Présidence française aura à conduire sur d'importants sujets qui affecteront l'activité de la place financière :
Premièrement, la proposition de directive "Solvabilité II" qui sera rendue publique par la Commission le 10 juillet prochain visera une réforme de grande ampleur des directives sur l'assurance. Elle affectera fortement les marchés financiers car les groupes d'assurance figurent au premier rang des investisseurs. L'objectif est de trouver, en coordination avec les acteurs financiers, des solutions efficaces pour renforcer la protection des souscripteurs de contrats d'assurance et pour tirer les conséquences des évolutions qui concernent l'assurance en matière de techniques financières, de gestion des risques, de normes internationales et de supervision prudentielle ;
Nous devrons aussi améliorer le processus de décision européen dans le domaine financier, c'est-à-dire consolider les avancées du processus Lamfalussy. Cela est déjà au programme de la Présidence portugaise et il faut que nous poussions ces travaux pour faire en sorte que les différents comités réglementaires soient mieux articulés entre eux pour avoir un processus législatif qui soit en mesure de répondre en temps voulu aux innovations financières.
Par ailleurs, il nous faudra enrichir le dialogue réglementaire avec les grands pays partenaires dans le domaine des services financiers, notamment avec les Etats-Unis. L'expression d'une position européenne forte est nécessaire pour faire peser nos normes au plan international en matière réglementaire ou de supervision dans les domaines de supervision financière, mais également dans le domaine comptable. Le rapprochement entre la bourse de New York et Euronext s'est accompagné de la garantie du maintien de l'autonomie de la réglementation et de la supervision européennes. Un dialogue transatlantique d'égal à égal entre autorités de régulation et superviseurs est donc particulièrement nécessaire pour écarter tout risque d'extension des normes américaines en Europe.
Enfin, la Présidence du Conseil de l'Union européenne nous permettra de prendre des initiatives sur l'organisation de la supervision prudentielle.
C'est un sujet très délicat. Le constat de la nécessité d'une meilleure coordination entre les superviseurs est largement partagé en Europe, compte tenu de l'émergence d'acteurs majeurs pan-européens qui s'est accélérée dans les derniers mois. C'est une exigence en terme d'efficacité, mais aussi de sécurité financière.
Néanmoins, le chemin pour faire progresser la coordination n'est pas facile à déterminer. Cela ne doit pas empêcher de réfléchir sur les moyens de faire davantage converger les pratiques des régulateurs et d'améliorer la circulation de l'information. Ce sujet est stratégique pour la poursuite de l'intégration financière en Europe et le renforcement de notre compétitivité. Il figure au premier rang des préoccupations des professionnels.
La Présidence française devrait en faire une de ses priorités. Nous serons donc à votre écoute, dans les mois qui viennent, pour faire avancer concrètement ce dossier.
Mesdames et Messieurs, Mesdames et Messieurs les Ministres,
Notre ambition est que l'Europe soit en mesure de mieux se défendre dans la mondialisation. Elle doit le faire sans complexe comme le font les autres grands pays, les autres grandes zones économiques, en étant dynamique et en valorisant ses atouts. L'Europe est sortie, lors du dernier Conseil européen, du blocage institutionnel qui durait depuis deux ans, et au-delà d'une période de doute sur les institutions adaptées à une Europe élargie qui durait depuis le Traité de Maastricht.
Cette "relance européenne" a été faite à 27. Elle nous donne maintenant l'occasion d'avancer sur les priorités de l'Union : la promotion de la croissance et de l'emploi, mais aussi le développement durable, l'innovation, la politique industrielle. La Présidence française de l'Union européenne sera l'occasion de faire progresser ces priorités et les intérêts de l'Europe.
Parmi ces intérêts, figure la nécessité d'avoir une industrie financière forte, des marchés performants et organisés, une place dynamique dans un environnement où la concurrence est de plus en plus vive. Nous devons être offensifs. Et nous devons nous donner les moyens de l'être. Je sais pouvoir compter sur votre aide et votre détermination.
Je vous remercie de votre attention.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 juillet 2007