Interview de Mme Laurence Parisot, présidente du MEDEF à France 2 le 18 mai 2007, sur la formation du nouveau gouvernement, les contrats de travail et les heures supplémentaires.

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Média : France 2

Texte intégral

 
R. Sicard.- Bonjour à tous, bonjour L. Parisot. On va parler du nouveau Gouvernement qui sera nommé tout à l'heure, ce que vous en attendez. Mais je voudrais tout d'abord revenir sur le dossier Airbus et sur sa maison mère EADS. N. Sarkozy sera tout à l'heure à Toulouse ; est-ce qu'une entreprise qui a deux présidents, un Français et un Allemand, cela peut fonctionner ou est-ce qu'il faut tout changer ?
 
R.- Je crois qu'il faut d'abord rappeler à tout le monde que EADS, et à l'intérieur d'EADS, notamment Airbus, sont de très belles entreprises. EADS est un fleuron de l'industrie française, de l'industrie européenne, mais avec aussi sa dimension française. Il est vrai qu'EADS et Airbus en particulier traversent des moments difficiles...
 
Q.- ...de gouvernance, problème de gouvernance.
 
R.- Je crois, problème de gouvernance, problème aussi d'actionnaires et probablement que le problème de gouvernance est lié au problème d'actionnaires, de capital. Peut-être est-il temps d'envisager une évolution du capital d'EADS.
 
Q.-Les actionnaires privés veulent partir, Lagardère, Daimler... Est-ce qu'on peut imaginer une nationalisation d'Airbus ?
 
R.- Je crois que c'est plutôt vers quelque chose à l'opposé de ce que vous suggérez qu'il convient d'envisager.
 
Q.-Je ne suggère pas, je questionne.
 
R.- Peut-être que ce qui a le plus gêné EADS ces dernières années, c'est au contraire la présence excessive de l'Etat dans le capital, de l'Etat français et aussi de l'Etat allemand. Essayons d'abord de laisser vraiment tout l'espace de liberté aux actionnaires concernés pour réfléchir à l'évolution possible. Mais je crois qu'il faut surtout comprendre que c'est presque une crise d'adolescence pour EADS. Il ne faut pas voir les choses totalement en noir. Pensons aussi, que peut-être l'arrivée de nouveaux opérateurs privés, notamment d'opérateurs industriels, serait peut-être une espérance nouvelle pour l'entreprise.
 
Q.-Pour vous, il n'y a pas de doute, il y aura de nouveaux candidats privés ?
 
R.- Je n'en sais rien, je n'ai pas d'information, c'est peut-être souhaitable, mais je crois qu'il faut laisser, il est très important et très significatif que le Président Sarkozy ait abordé ce sujet dès son premier jour, officiel à la tête de la France, qu'il ait abordé le sujet avec A. Merkel. Cela veut dire qu'il mesure bien l'importance du dossier et qu'il a envie d'agir d'une manière rapide et si possible efficace sur cette question.
 
Q.-Mais un seul président, cela ne serait pas plus simple ?
 
R.- Il y a un problème d'abord d'actionnaires et de capital qui du coup, engendre un problème de gouvernance. Et vous avez raison, il est évident que dans la conduite d'une équipe, il vaut mieux qu'il y ait un chef, un leader, qui soit clairement désigné et reconnu par tous.
 
Q.-Sur le Gouvernement, il sera connu tout à l'heure, ce sera un gouvernement d'ouverture avec des ministres de gauche, du centre. Vous pensez que c'est une bonne chose ?
 
R.- Oui, je crois que c'est une excellente nouvelle. Il me semble que finalement, un gouvernement d'ouverture qui aille, non seulement vers le centre, mais au-delà vers la gauche, n'est-ce pas ce que les Français attendaient depuis longtemps ? Et je pense dès le 21 avril 2002. Il me semble que cela fait longtemps qu'il y a un désir dans notre pays d'ouvrir et de regrouper les personnes les plus compétentes de la manière la plus large possible. Donc je crois que c'est un signe tout à fait intéressant.
 
Q.-Quand vous avez vu N. Sarkozy, en sortant vous avez dit que vous étiez "enthousiaste". Qu'est-ce qui vous rend enthousiaste ?
 
R.- Ce que nous avons dit, exactement, dès le soir de l'élection de N. Sarkozy, c'est que nous étions prêts à travailler avec la nouvelle équipe, avec "responsabilité" - vous oubliez ce mot - et "enthousiasme". Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que nous pensons qu'il y a beaucoup de choses à faire pour notre pays et que nous voulons tout simplement nous y mettre. C'est-à-dire retrousser nos manches avec le président de la République, avec le Gouvernement et également avec les organisations syndicales. Vous savez, je crois que les Français en participant, en suivant avec autant d'intérêt, voire de passion la campagne électorale qui s'est achevée, en votant comme ils ont voté, ils ont surtout dit : on a arrêté de faire l'autruche, on a compris qu'il y avait des problèmes, il faut faire face à ces problèmes et il faut se donner les moyens de résoudre ces problèmes. Donc, le Gouvernement, celui qui va être nommé cet après-midi, mais aussi tous les acteurs publics, comme le Medef, comme les organisations syndicales, nous avons une responsabilité. Donc quand nous disons avec enthousiasme, eh bien oui, nous avons envie d'agir, il y a beaucoup de choses à démêler et je crois que si on s'y met tous dans cet esprit là - moi je demande aussi aux organisations syndicales d'être enthousiastes - eh bien d'ici un an, un an et demi, il peut y avoir des résultats tout à fait significatifs.
 
Q.-Vous, vous dites depuis longtemps aux gouvernements successifs : "laissez-nous négocier avec les syndicats, ne faites pas de loi". Est-ce que vous avez le sentiment que N. Sarkozy est sur cette ligne ?
 
R.- Oui, il l'a montré, en recevant, avant même d'être officiellement investi président de la République, les organisations syndicales et les organisations patronales ; il a montré l'importance qu'il accordait aux partenaires sociaux et je crois...
 
Q.-Est-ce qu'il va vous laisser négocier entre vous, ou est-ce qu'il va faire des lois sur des domaines comme le contrat de travail, les heures supplémentaires, etc. ?
 
R.- Je crois que cela fait parti des choses qui vont se caler dans le courant du mois de mai et du mois de juin. Comment faire en sorte que l'agenda propre aux partenaires sociaux peut s'articuler avec l'agenda du Gouvernement ? Vous savez que le président de la République a annoncé qu'il recevrait à nouveau chaque organisation syndicale et chaque organisation patronale vers le 25 mai. A cette occasion, on pourra effectivement discuter des sujets que les partenaires sociaux souhaitent se saisir, à propos desquels ils souhaitent se saisir : le contrat de travail, la sécurisation des parcours professionnels, la remise à plat de l'assurance chômage peuvent faire partie de ces sujets. On a tous le même objectif : faire baisser le chômage dans notre pays et réduire l'endettement de notre pays.
 
Q.-Mais N. Sarkozy a dit que s'il n'y avait pas d'accord sur ces sujets, il y aurait des lois, et ça, ce n'est pas votre credo.
 
R.- A priori non, je crois que la France se porterait mieux si elle apprenait à moins légiférer, je ne veux pas dire qu'il ne faut pas du tout de loi. Mais je crois qu'il faut laisser un espace à la société civile pour, à travers ces différentes composantes, organiser l'entente, l'accord. Mais on n'en est pas là, prenons les choses les unes après les autres, ne cherchons pas à tirer tout de suite des hypothèses sur des cas qui ne se présentent pas. Voyons tout d'abord comment les agendas des uns et des autres peuvent s'articuler.
 
Q.-Sur la croissance, est-ce que vous êtes optimiste ?
 
R.- Ce qui est certain, c'est que la France a un potentiel de croissance fort, si...
 
Q.-Combien, par exemple ?
 
R.- Ah, écoutez, moi je pense et je l'ai dit pendant la campagne qu'il faut être ambitieux et qu'on peut très bien se dire que d'ici la fin du quinquennat qui s'ouvre, la France retrouve un rythme de 3,5, voire 4 %. Il faut bien comprendre qu'à ce rythme de croissance, tous les problèmes ou quasi sont résolus : les problèmes de chômage comme je l'ai évoqué, mais aussi les problèmes de sécurité, les problèmes d'intégration d'une manière générale.Donc il faut se demander comment stimuler la croissance. Cela veut dire une politique économique qui favorise la production. La question n'est plus tellement de soutenir la consommation, mais de créer des conditions pour que les entreprises puissent produire, vendre plus, vendre sur le territoire français ou en dehors de nos frontières.
 
Q.-Vous parliez d'emploi. N. Sarkozy s'est engagé à réaliser le plein emploi en 5 ans, c'est possible ?
 
R.- Oui, oui, c'est possible si nous acceptons de réformer le marché du travail. C'est possible si l'Etat s'engage fortement pour donner aux universités, à l'enseignement supérieur, à la recherche et à l'innovation tout le potentiel qui leur convient pour se développer. C'est possible, si, comme je le disais depuis le début de cet entretien, nous nous mettons tous au boulot tous ensemble.
 
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 18 mai 2007