Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires étrangères,
Monsieur le Président de la Délégation pour l'Union européenne,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je suis honoré et ému de m'exprimer ici, devant vous, pour la première fois. J'éprouve un sentiment très particulier car ce débat intervient au moment où nous avons une occasion véritable de relancer l'Europe, de reprendre notre place au coeur de la construction européenne et de restaurer une dynamique franco-allemande au service de ce projet. Je suis également heureux d'inaugurer la nouvelle méthode saluée par M. Rochebloine.
Mesdames et Messieurs les Députés, dans leur grande majorité, vos analyses me confortent dans l'idée que l'accord qui a été obtenu à Bruxelles est un très bon accord. Trouver un compromis ambitieux à Vingt-sept est en soi un succès, comme M. Fasquelle l'a brillamment souligné. Bernard Kouchner vous a présenté le retour du politique en Europe, conduit par le président de la République, et les grands équilibres de cet accord.
Sans revenir, vous le comprendrez, sur tous les points évoqués dans chacune des interventions très riches prononcées cet après-midi, je ferai tout de même quelques remarques et répondrai aux principales questions soulevées.
Tout d'abord, j'ai noté que nous partageons le même soulagement qu'a exprimé tout à l'heure Bernard Kouchner.
Soulagement pour l'Europe, bien sûr, après deux ans de panne politique et, au-delà, de quinze ans de doute institutionnel, comme l'ont souligné avec justesse Mme Guigou et M. Poniatowski. Souvenons-nous, en effet, des lendemains de Maastricht et de la difficulté permanente de définir des institutions adaptées aux élargissements successifs. Nous avons essayé d'y parvenir à Amsterdam, à Nice, à la Convention, à la Conférence intergouvernementale de 2004, sans réussir à stabiliser le dispositif.
Aujourd'hui, nous avons un accord sur des institutions plus efficaces et plus démocratiques pour les Vingt-sept : c'est bien sûr important pour le fonctionnement de l'Union, mais c'est aussi essentiel, et peut-être plus, pour que l'Union élargie soit enfin acceptée et approfondie.
Monsieur Lecoq, Monsieur Paul, Madame Bello, on ne peut pas dire que la démocratie est menacée. M. Lequiller et Mme Morano l'ont souligné : le président de la République a été clair pendant la campagne électorale et il a été élu après avoir dit exactement ce qu'il ferait sur ce sujet. En outre, la démocratie est même renforcée grâce à l'accord de Bruxelles, par l'extension du contrôle exercé par les parlements nationaux en matière de subsidiarité, mais aussi par l'accroissement des pouvoirs du Parlement européen. Non, on ne peut vraiment pas dire que la démocratie soit menacée par cet accord.
Soulagement aussi pour la France, qui apparaissait en panne d'ambition et d'influence, comme cela a été souligné, et qui, pour nos partenaires, a aujourd'hui retrouvé les deux : c'est la proposition d'un traité simplifié présentée par le président de la République, qui a permis de rassembler les Européens, en dépassant, là aussi, la confrontation entre les dix-huit pays qui avaient ratifié la Constitution, ceux qui l'avaient rejetée par référendum, dont bien sûr la France, et ceux qui ne l'avaient pas ratifiée et qui n'étaient pas les plus faciles.
L'accord sur cette base justifie pleinement la voie parlementaire pour la ratification, que certains d'entre vous ont évoquée. Je note, et je le dis pour M. Dupont-Aignan et d'autres, qu'au moins vingt-trois pays sur vingt-sept feront le même choix que nous. Bernard Kouchner a décrit le déroulement du Conseil européen, où la France est apparue dans son meilleur rôle, engagée politiquement au service d'un accord européen en parfaite entente avec l'Allemagne, grâce au rôle déterminant d'Angela Merkel, comme l'a justement souligné M. Lequiller, et à l'apport décisif d'autres partenaires, comme l'a indiqué Bernard Kouchner.
Soulagement, enfin, pour les Français : la plupart des interventions m'encouragent dans l'idée que nous pouvons désormais dépasser les oppositions du oui et du non au référendum de 2005. Ainsi que l'a souligné M. Poniatowski, l'accord est de ce point de vue plus équilibré et dissipe les malentendus. Nous pouvons nous retrouver très largement dans la construction d'une Europe plus politique et plus solidaire, d'une Europe qui protège ses citoyens.
Maintenant, nous pouvons, nous devons promouvoir des politiques communes concrètes.
Tout comme Mme Guigou et d'autres orateurs, nous ne voulons pas d'une Europe du libre-échange. Nous voulons une Europe fondée sur la cohésion sociale, sur la cohésion régionale - et, Madame Bello, les spécificités des départements et territoires d'outre-mer seront prises en compte dans toutes les politiques de l'Union -, sur la Charte des droits fondamentaux, sur la place des services publics, sur une concurrence remise à sa juste place, sur le rôle de l'Eurogroupe, sur la visibilité renforcée de la zone euro. Nous avons là une Europe véritablement plus équilibrée grâce à l'accord trouvé à Bruxelles. J'ajoute, pour répondre à certaines interventions que, en matière de fiscalité, il n'y a aucun recul par rapport à la Constitution, aucune régression. Il n'y a jamais eu une possibilité de trouver un accord sur la majorité qualifiée en ce domaine ; il serait faux de le faire croire et tous ceux qui connaissent le sujet le savent pertinemment.
Beaucoup d'entre vous sont des spécialistes et ont clairement relevé l'importance des améliorations apportées aux institutions. J'ai ainsi noté ce qui a été dit sur l'efficacité du processus de décision européen : présidence stable, extension de la majorité qualifiée, coopérations renforcées. Il faudra nous appuyer sur ces dernières, Madame Guigou, pour que ceux qui veulent aller de l'avant puissent le faire, et, je vous rassure, Monsieur Myard, nous le pouvons dans le cadre de cet accord.
Qui, mieux que vous, Mesdames, Messieurs les Députés, peut apprécier la signification démocratique du nouveau traité, qui prévoit l'incarnation des institutions pour les citoyens, la généralisation de la codécision avec le Parlement européen ou le contrôle du respect de la subsidiarité par les parlements nationaux, point sur lequel M. Sauvadet et M. Myard ont particulièrement insisté ?
J'ai bien noté la demande fort légitime de M. Poniatowski, qui souhaite que le Parlement soit régulièrement informé du déroulement des négociations dans le cadre de la Conférence intergouvernementale.
Plusieurs interventions ont par ailleurs souligné l'ambition internationale qu'illustre l'accord de Bruxelles, avec la création d'un Haut Représentant pour les Affaires étrangères qui a l'avantage de combiner la légitimité politique du Conseil et les moyens de la Commission. Je tiens à répéter à M. Myard que cette création préservera la spécificité de notre politique étrangère et de défense.
Enfin, vous avez été nombreux à remarquer que les préoccupations des Français - qui, j'ai pu le constater à Bruxelles, sont celles d'une grande partie des Européens - ont été prises en compte en ce qui concerne la concurrence libre et non faussée, le protocole sur les services publics, la protection des citoyens placée au rang des objectifs de l'Union, l'énergie et la lutte contre le changement climatique. En ce domaine, on note une triple avancée : création d'une base juridique, majorité qualifiée et codécision. Je tiens à dire à Pierre Moscovici que cela ne me paraît pas être un recul en matière de politique communautaire : au contraire, l'ambition est parfaitement réalisée et marque un progrès nécessaire par rapport aux traités d'Amsterdam et de Nice.
Enfin, la force contraignante de la Charte des droits fondamentaux porte très haut des principes et des droits dont la France s'honore, notamment dans le domaine social. J'ai bien entendu ce qu'a dit Mme Guigou sur la clause sociale horizontale et je voudrais rappeler à M. Paul et à M. Moscovici que, en ce domaine, la Confédération européenne des syndicats a salué sans réserve les résultats du Conseil européen.
J'ai également entendu des interrogations, des doutes, voire des critiques, auxquels je vais essayer d'apporter des éléments de réponse.
Certains ont regretté que la Constitution, ou tout au moins son ambition, ait été abandonnée. Je rappelle que les Français avaient pris une décision qui, comme l'a rappelé Bernard Kouchner, nous a conduits à abandonner ce qui avait été assimilé - à tort ou à raison - à un super-Etat, ou à ce qui donnait le sentiment que certaines politiques seraient gravées dans le marbre d'un texte fondamental : titre, symboles - M. Mamère a raison de rappeler que ces symboles restent dans notre imaginaire -, ordre juridique. Il est vrai qu'il n'y a plus de lois-cadres et que nous revenons aux directives et aux règlements. Mais l'essentiel est bien que, aujourd'hui, l'Europe soit rassemblée, qu'elle fonctionne, qu'elle ait les moyens de définir des politiques répondant aux attentes de nos concitoyens. C'est là que se trouvent la vision et l'ambition, et c'est là que réside aujourd'hui la responsabilité commune du Parlement et du gouvernement.
Je voudrais dire à Pierre Moscovici que, contrairement à ce qu'il a indiqué, la méthode communautaire progresse dans le cadre de cet accord. Logiquement, les piliers disparaissent, la personnalité juridique unique de l'Union est consacrée, la majorité qualifiée s'étend, notamment dans le domaine des affaires intérieures et judiciaires, elle demeure aussi dans le domaine de la concurrence, qui est remise à sa juste place, c'est-à-dire celle d'un instrument communautaire au service du marché intérieur.
Plusieurs orateurs ont estimé que le traité n'était en rien simplifié. Je crois, avec Elisabeth Guigou, qu'il faut bien distinguer les choses. L'accord de Bruxelles porte sur un mandat pour une Conférence intergouvernementale : il est vrai qu'il est détaillé et parfois très technique. Nous souhaitions qu'il en soit ainsi, afin que la Conférence intergouvernementale de mise en forme des décisions politiques soit aussi courte et aussi juridique que possible. Nous avons voulu, dans l'accord de Bruxelles, que le politique entre au fond des choses, pour qu'il subsiste aussi peu d'ambiguïtés que possible au moment de la Conférence intergouvernementale. Ainsi, pour répondre à M. Lequiller, je dirai que nous avons une chance de voir le traité ratifié non pas, sans doute, avant la prochaine présidence française, mais avant les prochaines élections européennes de 2009. Nous espérons d'ailleurs être parmi les premiers à le faire.
D'autre part, Elisabeth Guigou doit savoir que le traité lui-même procède d'une démarche simplifiée, puisqu'il repose sur de simples amendements aux traités existants. En fait, de ce point de vue, il sera beaucoup plus simple et plus court que la Constitution.
J'ai aussi entendu les inquiétudes - notamment celles exprimées par Christian Paul - sur les concessions faites à certains pays, notamment le Royaume-Uni et la Pologne.
Il est vrai que Tony Blair, en accord avec Gordon Brown, a obtenu des dérogations. Le Royaume-Uni a choisi de ne pas entrer de plain-pied dans des politiques importantes. Ce n'est pas la première fois qu'il prend ce parti, par exemple en matière de coopération policière ou de politique d'immigration. Il préfère son système juridictionnel à un engagement clair dans le respect de la Charte des droits fondamentaux en tant que telle. Il faut reconnaître que Tony Blair a pris ses responsabilités : ce qui est essentiel, c'est que le Royaume-Uni n'a plus la possibilité de bloquer les autres pays, s'ils veulent avancer. D'ailleurs, les Britanniques se sont ménagé la possibilité de rejoindre les autres Européens. Je voudrais dire ici que je souhaite vivement qu'ils le fassent lorsqu'ils seront prêts.
Le cas de la Pologne est différent : un des enjeux du Conseil européen était de voir si les Polonais, dont vous connaissez les dirigeants actuels, s'engageraient dans un compromis européen ou s'ils bloqueraient le tout par peur de cet engagement. Je crois que ce Conseil marque une grande victoire pour l'Europe et pour la Pologne. Il s'agit peut-être, pour la première fois, d'un accord politique et psychologique de l'Union réunifiée. Le plus émouvant et le plus important a sans doute été de voir qu'il s'agit d'un accord à vingt-sept, à l'élaboration duquel ont participé les vingt-sept Etats membres : ce n'est pas le moindre symbole du retour du politique dans la construction européenne.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, la relance de l'Europe, que l'accord de Bruxelles permet, n'aura d'effets concrets que si nous en nourrissons la dynamique. De ce point de vue, vous avez tous raison, puisque tel est le sens de la plupart de vos interventions. Pour reprendre l'expression de M. Sauvadet, il nous faut maintenant aller vers l'Europe des résultats. C'est pourquoi nous prendrons des initiatives allant dans le sens des orientations définies par le président de la République et par le Premier ministre, pour la croissance et pour l'emploi, pour la coordination des politiques économiques dans la zone euro, pour un dialogue plus équilibré avec la Banque centrale européenne sur les politiques de change, pour une politique industrielle plus active et mieux reconnue, pour une politique énergétique beaucoup plus solidaire et efficace.
D'autres initiatives concerneront la protection des citoyens, avec la préférence communautaire, que M. Myard et M. Dupont-Aignan ont évoquée, la réciprocité à l'OMC - nous devons faire en sorte que l'Europe demeure une puissance alimentaire -, mais aussi l'immigration et l'intégration - c'est une des nouveautés de cet accord. De ce point de vue, nous avons beaucoup à faire, à apprendre et à échanger, entre Européens, sur les politiques d'intégration. Nous prendrons également des initiatives pour préparer l'avenir en matière de lutte contre le réchauffement climatique, de recherche - il me paraît important de promouvoir, au niveau européen, la recherche contre le cancer dont Mme Guigou a parlé, et nous le ferons -, de savoir, d'échanges des jeunes. Nous sommes favorables à la création d'un nouveau programme Erasmus. Nous chercherons à en faire une des priorités de la prochaine présidence, pour accroître l'influence internationale de l'Europe.
D'autre part, quelles doivent être les frontières de l'Europe ? La question sera posée. Quelles doivent être les relations de l'Union européenne avec les grands pays émergents, avec l'Union méditerranéenne ? Il y a des projets concrets à bâtir avec la Méditerranée, en matière d'environnement ou de politique de l'eau, en matière d'échanges de populations. L'Europe et la France ont le devoir de rendre cette zone, qui est aujourd'hui la moins visible dans la mondialisation, politiquement beaucoup plus présente. Nous avons également beaucoup à faire pour que nos relations et notre coopération avec l'Afrique soient beaucoup plus étroites.
Nous aiderons la présidence portugaise dans le cadre d'un sommet entre l'Union européenne et l'Afrique et placerons le développement au coeur des priorités de la présidence française. Monsieur Lequiller, c'est ainsi que nous allons préparer la Présidence française de l'Union européenne, qui débutera dans un an exactement. Et je veux rassurer M. Poniatowski : Bernard Kouchner et moi-même reviendrons bien sûr devant vous. Il s'agit d'un vaste chantier, pour lequel votre soutien sera indispensable.
Monsieur Lequiller, vous avez raison : nous devons revoir la manière dont nous parlons de l'Europe aux Français. La meilleure façon de préparer la Présidence française, c'est de sortir des cercles d'initiés et de convaincus, c'est de faire en sorte que les Français puissent débattre. C'est l'affaire de tous, du gouvernement, des élus, des associations, des syndicats, des fédérations professionnelles. Rien ne se fera sans débat. Rien ne se fera sans l'implication de nos concitoyens.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, vous avez raison : rien ne se fera sans les Français, pour renforcer notre place dans l'Europe, pour faire en sorte que cette Europe soit plus visible, pour aller vers une organisation plus politique et plus solidaire de l'Europe, dans le monde de demain : bref, pour garantir notre avenir et celui de nos enfants.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juillet 2007
Monsieur le Président de la Commission des Affaires étrangères,
Monsieur le Président de la Délégation pour l'Union européenne,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je suis honoré et ému de m'exprimer ici, devant vous, pour la première fois. J'éprouve un sentiment très particulier car ce débat intervient au moment où nous avons une occasion véritable de relancer l'Europe, de reprendre notre place au coeur de la construction européenne et de restaurer une dynamique franco-allemande au service de ce projet. Je suis également heureux d'inaugurer la nouvelle méthode saluée par M. Rochebloine.
Mesdames et Messieurs les Députés, dans leur grande majorité, vos analyses me confortent dans l'idée que l'accord qui a été obtenu à Bruxelles est un très bon accord. Trouver un compromis ambitieux à Vingt-sept est en soi un succès, comme M. Fasquelle l'a brillamment souligné. Bernard Kouchner vous a présenté le retour du politique en Europe, conduit par le président de la République, et les grands équilibres de cet accord.
Sans revenir, vous le comprendrez, sur tous les points évoqués dans chacune des interventions très riches prononcées cet après-midi, je ferai tout de même quelques remarques et répondrai aux principales questions soulevées.
Tout d'abord, j'ai noté que nous partageons le même soulagement qu'a exprimé tout à l'heure Bernard Kouchner.
Soulagement pour l'Europe, bien sûr, après deux ans de panne politique et, au-delà, de quinze ans de doute institutionnel, comme l'ont souligné avec justesse Mme Guigou et M. Poniatowski. Souvenons-nous, en effet, des lendemains de Maastricht et de la difficulté permanente de définir des institutions adaptées aux élargissements successifs. Nous avons essayé d'y parvenir à Amsterdam, à Nice, à la Convention, à la Conférence intergouvernementale de 2004, sans réussir à stabiliser le dispositif.
Aujourd'hui, nous avons un accord sur des institutions plus efficaces et plus démocratiques pour les Vingt-sept : c'est bien sûr important pour le fonctionnement de l'Union, mais c'est aussi essentiel, et peut-être plus, pour que l'Union élargie soit enfin acceptée et approfondie.
Monsieur Lecoq, Monsieur Paul, Madame Bello, on ne peut pas dire que la démocratie est menacée. M. Lequiller et Mme Morano l'ont souligné : le président de la République a été clair pendant la campagne électorale et il a été élu après avoir dit exactement ce qu'il ferait sur ce sujet. En outre, la démocratie est même renforcée grâce à l'accord de Bruxelles, par l'extension du contrôle exercé par les parlements nationaux en matière de subsidiarité, mais aussi par l'accroissement des pouvoirs du Parlement européen. Non, on ne peut vraiment pas dire que la démocratie soit menacée par cet accord.
Soulagement aussi pour la France, qui apparaissait en panne d'ambition et d'influence, comme cela a été souligné, et qui, pour nos partenaires, a aujourd'hui retrouvé les deux : c'est la proposition d'un traité simplifié présentée par le président de la République, qui a permis de rassembler les Européens, en dépassant, là aussi, la confrontation entre les dix-huit pays qui avaient ratifié la Constitution, ceux qui l'avaient rejetée par référendum, dont bien sûr la France, et ceux qui ne l'avaient pas ratifiée et qui n'étaient pas les plus faciles.
L'accord sur cette base justifie pleinement la voie parlementaire pour la ratification, que certains d'entre vous ont évoquée. Je note, et je le dis pour M. Dupont-Aignan et d'autres, qu'au moins vingt-trois pays sur vingt-sept feront le même choix que nous. Bernard Kouchner a décrit le déroulement du Conseil européen, où la France est apparue dans son meilleur rôle, engagée politiquement au service d'un accord européen en parfaite entente avec l'Allemagne, grâce au rôle déterminant d'Angela Merkel, comme l'a justement souligné M. Lequiller, et à l'apport décisif d'autres partenaires, comme l'a indiqué Bernard Kouchner.
Soulagement, enfin, pour les Français : la plupart des interventions m'encouragent dans l'idée que nous pouvons désormais dépasser les oppositions du oui et du non au référendum de 2005. Ainsi que l'a souligné M. Poniatowski, l'accord est de ce point de vue plus équilibré et dissipe les malentendus. Nous pouvons nous retrouver très largement dans la construction d'une Europe plus politique et plus solidaire, d'une Europe qui protège ses citoyens.
Maintenant, nous pouvons, nous devons promouvoir des politiques communes concrètes.
Tout comme Mme Guigou et d'autres orateurs, nous ne voulons pas d'une Europe du libre-échange. Nous voulons une Europe fondée sur la cohésion sociale, sur la cohésion régionale - et, Madame Bello, les spécificités des départements et territoires d'outre-mer seront prises en compte dans toutes les politiques de l'Union -, sur la Charte des droits fondamentaux, sur la place des services publics, sur une concurrence remise à sa juste place, sur le rôle de l'Eurogroupe, sur la visibilité renforcée de la zone euro. Nous avons là une Europe véritablement plus équilibrée grâce à l'accord trouvé à Bruxelles. J'ajoute, pour répondre à certaines interventions que, en matière de fiscalité, il n'y a aucun recul par rapport à la Constitution, aucune régression. Il n'y a jamais eu une possibilité de trouver un accord sur la majorité qualifiée en ce domaine ; il serait faux de le faire croire et tous ceux qui connaissent le sujet le savent pertinemment.
Beaucoup d'entre vous sont des spécialistes et ont clairement relevé l'importance des améliorations apportées aux institutions. J'ai ainsi noté ce qui a été dit sur l'efficacité du processus de décision européen : présidence stable, extension de la majorité qualifiée, coopérations renforcées. Il faudra nous appuyer sur ces dernières, Madame Guigou, pour que ceux qui veulent aller de l'avant puissent le faire, et, je vous rassure, Monsieur Myard, nous le pouvons dans le cadre de cet accord.
Qui, mieux que vous, Mesdames, Messieurs les Députés, peut apprécier la signification démocratique du nouveau traité, qui prévoit l'incarnation des institutions pour les citoyens, la généralisation de la codécision avec le Parlement européen ou le contrôle du respect de la subsidiarité par les parlements nationaux, point sur lequel M. Sauvadet et M. Myard ont particulièrement insisté ?
J'ai bien noté la demande fort légitime de M. Poniatowski, qui souhaite que le Parlement soit régulièrement informé du déroulement des négociations dans le cadre de la Conférence intergouvernementale.
Plusieurs interventions ont par ailleurs souligné l'ambition internationale qu'illustre l'accord de Bruxelles, avec la création d'un Haut Représentant pour les Affaires étrangères qui a l'avantage de combiner la légitimité politique du Conseil et les moyens de la Commission. Je tiens à répéter à M. Myard que cette création préservera la spécificité de notre politique étrangère et de défense.
Enfin, vous avez été nombreux à remarquer que les préoccupations des Français - qui, j'ai pu le constater à Bruxelles, sont celles d'une grande partie des Européens - ont été prises en compte en ce qui concerne la concurrence libre et non faussée, le protocole sur les services publics, la protection des citoyens placée au rang des objectifs de l'Union, l'énergie et la lutte contre le changement climatique. En ce domaine, on note une triple avancée : création d'une base juridique, majorité qualifiée et codécision. Je tiens à dire à Pierre Moscovici que cela ne me paraît pas être un recul en matière de politique communautaire : au contraire, l'ambition est parfaitement réalisée et marque un progrès nécessaire par rapport aux traités d'Amsterdam et de Nice.
Enfin, la force contraignante de la Charte des droits fondamentaux porte très haut des principes et des droits dont la France s'honore, notamment dans le domaine social. J'ai bien entendu ce qu'a dit Mme Guigou sur la clause sociale horizontale et je voudrais rappeler à M. Paul et à M. Moscovici que, en ce domaine, la Confédération européenne des syndicats a salué sans réserve les résultats du Conseil européen.
J'ai également entendu des interrogations, des doutes, voire des critiques, auxquels je vais essayer d'apporter des éléments de réponse.
Certains ont regretté que la Constitution, ou tout au moins son ambition, ait été abandonnée. Je rappelle que les Français avaient pris une décision qui, comme l'a rappelé Bernard Kouchner, nous a conduits à abandonner ce qui avait été assimilé - à tort ou à raison - à un super-Etat, ou à ce qui donnait le sentiment que certaines politiques seraient gravées dans le marbre d'un texte fondamental : titre, symboles - M. Mamère a raison de rappeler que ces symboles restent dans notre imaginaire -, ordre juridique. Il est vrai qu'il n'y a plus de lois-cadres et que nous revenons aux directives et aux règlements. Mais l'essentiel est bien que, aujourd'hui, l'Europe soit rassemblée, qu'elle fonctionne, qu'elle ait les moyens de définir des politiques répondant aux attentes de nos concitoyens. C'est là que se trouvent la vision et l'ambition, et c'est là que réside aujourd'hui la responsabilité commune du Parlement et du gouvernement.
Je voudrais dire à Pierre Moscovici que, contrairement à ce qu'il a indiqué, la méthode communautaire progresse dans le cadre de cet accord. Logiquement, les piliers disparaissent, la personnalité juridique unique de l'Union est consacrée, la majorité qualifiée s'étend, notamment dans le domaine des affaires intérieures et judiciaires, elle demeure aussi dans le domaine de la concurrence, qui est remise à sa juste place, c'est-à-dire celle d'un instrument communautaire au service du marché intérieur.
Plusieurs orateurs ont estimé que le traité n'était en rien simplifié. Je crois, avec Elisabeth Guigou, qu'il faut bien distinguer les choses. L'accord de Bruxelles porte sur un mandat pour une Conférence intergouvernementale : il est vrai qu'il est détaillé et parfois très technique. Nous souhaitions qu'il en soit ainsi, afin que la Conférence intergouvernementale de mise en forme des décisions politiques soit aussi courte et aussi juridique que possible. Nous avons voulu, dans l'accord de Bruxelles, que le politique entre au fond des choses, pour qu'il subsiste aussi peu d'ambiguïtés que possible au moment de la Conférence intergouvernementale. Ainsi, pour répondre à M. Lequiller, je dirai que nous avons une chance de voir le traité ratifié non pas, sans doute, avant la prochaine présidence française, mais avant les prochaines élections européennes de 2009. Nous espérons d'ailleurs être parmi les premiers à le faire.
D'autre part, Elisabeth Guigou doit savoir que le traité lui-même procède d'une démarche simplifiée, puisqu'il repose sur de simples amendements aux traités existants. En fait, de ce point de vue, il sera beaucoup plus simple et plus court que la Constitution.
J'ai aussi entendu les inquiétudes - notamment celles exprimées par Christian Paul - sur les concessions faites à certains pays, notamment le Royaume-Uni et la Pologne.
Il est vrai que Tony Blair, en accord avec Gordon Brown, a obtenu des dérogations. Le Royaume-Uni a choisi de ne pas entrer de plain-pied dans des politiques importantes. Ce n'est pas la première fois qu'il prend ce parti, par exemple en matière de coopération policière ou de politique d'immigration. Il préfère son système juridictionnel à un engagement clair dans le respect de la Charte des droits fondamentaux en tant que telle. Il faut reconnaître que Tony Blair a pris ses responsabilités : ce qui est essentiel, c'est que le Royaume-Uni n'a plus la possibilité de bloquer les autres pays, s'ils veulent avancer. D'ailleurs, les Britanniques se sont ménagé la possibilité de rejoindre les autres Européens. Je voudrais dire ici que je souhaite vivement qu'ils le fassent lorsqu'ils seront prêts.
Le cas de la Pologne est différent : un des enjeux du Conseil européen était de voir si les Polonais, dont vous connaissez les dirigeants actuels, s'engageraient dans un compromis européen ou s'ils bloqueraient le tout par peur de cet engagement. Je crois que ce Conseil marque une grande victoire pour l'Europe et pour la Pologne. Il s'agit peut-être, pour la première fois, d'un accord politique et psychologique de l'Union réunifiée. Le plus émouvant et le plus important a sans doute été de voir qu'il s'agit d'un accord à vingt-sept, à l'élaboration duquel ont participé les vingt-sept Etats membres : ce n'est pas le moindre symbole du retour du politique dans la construction européenne.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, la relance de l'Europe, que l'accord de Bruxelles permet, n'aura d'effets concrets que si nous en nourrissons la dynamique. De ce point de vue, vous avez tous raison, puisque tel est le sens de la plupart de vos interventions. Pour reprendre l'expression de M. Sauvadet, il nous faut maintenant aller vers l'Europe des résultats. C'est pourquoi nous prendrons des initiatives allant dans le sens des orientations définies par le président de la République et par le Premier ministre, pour la croissance et pour l'emploi, pour la coordination des politiques économiques dans la zone euro, pour un dialogue plus équilibré avec la Banque centrale européenne sur les politiques de change, pour une politique industrielle plus active et mieux reconnue, pour une politique énergétique beaucoup plus solidaire et efficace.
D'autres initiatives concerneront la protection des citoyens, avec la préférence communautaire, que M. Myard et M. Dupont-Aignan ont évoquée, la réciprocité à l'OMC - nous devons faire en sorte que l'Europe demeure une puissance alimentaire -, mais aussi l'immigration et l'intégration - c'est une des nouveautés de cet accord. De ce point de vue, nous avons beaucoup à faire, à apprendre et à échanger, entre Européens, sur les politiques d'intégration. Nous prendrons également des initiatives pour préparer l'avenir en matière de lutte contre le réchauffement climatique, de recherche - il me paraît important de promouvoir, au niveau européen, la recherche contre le cancer dont Mme Guigou a parlé, et nous le ferons -, de savoir, d'échanges des jeunes. Nous sommes favorables à la création d'un nouveau programme Erasmus. Nous chercherons à en faire une des priorités de la prochaine présidence, pour accroître l'influence internationale de l'Europe.
D'autre part, quelles doivent être les frontières de l'Europe ? La question sera posée. Quelles doivent être les relations de l'Union européenne avec les grands pays émergents, avec l'Union méditerranéenne ? Il y a des projets concrets à bâtir avec la Méditerranée, en matière d'environnement ou de politique de l'eau, en matière d'échanges de populations. L'Europe et la France ont le devoir de rendre cette zone, qui est aujourd'hui la moins visible dans la mondialisation, politiquement beaucoup plus présente. Nous avons également beaucoup à faire pour que nos relations et notre coopération avec l'Afrique soient beaucoup plus étroites.
Nous aiderons la présidence portugaise dans le cadre d'un sommet entre l'Union européenne et l'Afrique et placerons le développement au coeur des priorités de la présidence française. Monsieur Lequiller, c'est ainsi que nous allons préparer la Présidence française de l'Union européenne, qui débutera dans un an exactement. Et je veux rassurer M. Poniatowski : Bernard Kouchner et moi-même reviendrons bien sûr devant vous. Il s'agit d'un vaste chantier, pour lequel votre soutien sera indispensable.
Monsieur Lequiller, vous avez raison : nous devons revoir la manière dont nous parlons de l'Europe aux Français. La meilleure façon de préparer la Présidence française, c'est de sortir des cercles d'initiés et de convaincus, c'est de faire en sorte que les Français puissent débattre. C'est l'affaire de tous, du gouvernement, des élus, des associations, des syndicats, des fédérations professionnelles. Rien ne se fera sans débat. Rien ne se fera sans l'implication de nos concitoyens.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, vous avez raison : rien ne se fera sans les Français, pour renforcer notre place dans l'Europe, pour faire en sorte que cette Europe soit plus visible, pour aller vers une organisation plus politique et plus solidaire de l'Europe, dans le monde de demain : bref, pour garantir notre avenir et celui de nos enfants.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 juillet 2007