Texte intégral
Bonjour M. Hirsch.
Bonjour.
Q- Le président de la République vous a fixé un objectif dans une très officielle lettre de mission : réduire la pauvreté d'au moins un tiers en cinq ans. C'est réaliste ça, M. Hirsch ?
R- Ca va être difficile, c'est nécessaire. On ne peut plus avoir autant de gens sous le seuil de pauvreté comme on en a, on ne peut plus avoir de gens qui vivent dans ces conditions-là...
Q- C'est quoi le seuil de pauvreté ? Ca concerne combien de personnes ?
R- Ca concerne pratiquement 7 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté en France. Je vous reprends juste sur un point : le président de la République m'a pas fixé, simplement à moi, il s'est fixé aussi à lui cet objectif-là. Et c'est peut-être ça qui change. Ce n'est pas quelqu'un qui vient se fixer. C'est le président de la République, le Premier ministre et donc le Gouvernement. Et mon rôle, maintenant, ça va être de faire partager cet objectif à tous les acteurs qui concourent à cela. Je le dis depuis longtemps : la lutte contre la pauvreté c'est l'Etat, c'est aussi le patronat, c'est aussi les syndicats, c'est aussi les associations, c'est aussi les régions, c'est aussi les départements, c'est aussi les villes. C'est cet ensemble-là qu'il faut mobiliser sur cet objectif. Et tous ceux qui disent et qui ont dit, dont je suis, pendant des années qu'on pouvait mettre des sous dans la lutte contre la pauvreté mais que si on ne se fixait pas d'objectif, on pouvait avoir plus de dépenses sociales et toujours plus de pauvres, je pense qu'on est aujourd'hui obligés de faire tout à fait autrement.
Q- Et ça fait longtemps que l'Etat, les partenaires locaux luttent contre la pauvreté. Le RMI par exemple n'a jamais abouti. Le résultat est assez catastrophique, si on vous comprend bien.
R- Jamais avec un objectif comme cela.
Q- Mais l'objectif ça change quelque chose, l'objectif ?
R- C'est considérable. Je vais vous donner juste un exemple. Cela fait des années que les gens qui pensent qu'il faut des politiques sociales en France et en Europe, disent : si on a simplement des objectifs en matière de déficit budgétaire, si on a simplement des objectifs en matière économique et financière, le social sera toujours au deuxième plan. A partir du moment où pour la première fois les objectifs sur la pauvreté sont mis au même plan que les autres objectifs, vous allez voir que ça renverse la hiérarchie des choses. Alors effectivement, ça veut dire que des politiques comme celles du RMI, qui ont été conçues à un certain moment dans un certain contexte et dont on s'est aperçu au bout de dix ans qu'elles dérivaient vers un certain nombre d'effets pervers, il faut les remettre au service de la réduction de la pauvreté.
Alors l'Etat donne souvent des leçons mais il ne se les applique pas lui-même puisque par exemple on apprend qu'il doit, l'Etat, un milliard d'euros aux départements pour financer le RMI. Débrouillez-vous pour les départements.
R- Ce n'est pas tout à fait ça. C'est-à-dire qu'effectivement il y a une polémique entre les départements et l'Etat pour savoir ce qui s'est passé depuis le transfert du RMI aux départements. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on est en train de réformer profondément le RMI, l'ensemble des minima sociaux, qu'on ne fera bien entendu pas cette réforme sans savoir tirer cela au clair. C'est-à-dire sans avoir demandé à des personnalités indépendantes de regarder qui doit de l'argent et à quel montant à qui, pour qu'effectivement ça se fasse sur des bases nouvelles et saines.
Q- On va nommer une nouvelle commission pour savoir qui doit donner et à qui.
R- Non, ce n'est pas une commission. C'est que simplement vous avez entendu, l'Etat dit : c'est plus compliqué que ça, je dois moins. Les départements disent ils doivent plus. Et donc il y a un moment c'est normal, c'est à ça que servent non pas les commissions mais servent les gens qui sont impartiaux pour pouvoir dire où faut-il faire passer la barre.
Q- Et donc qui vous allez nommer pour faire ce travail ?
R- Il y a des commissions...
Q- Alors, vous voyez !
R- Pardon, excusez-moi. Il y a des instances dans lesquelles on trouve à la fois les élus locaux, les représentants de l'Etat. Je voulais dire par ça qu'on va pas créer une commission nouvelle, on va utiliser les gens qui sont reconnus pour le faire.
Q- On attendra le résultat. Alors pour lutter contre la pauvreté, votre outil c'est le RSA - le revenu de solidarité active - qui devrait permettre de cumuler une rémunération avec des minima sociaux. C'est ce que vous allez essayer de mettre en place, M. Hirsch ?
R- Oui c'est un des outils. Quand je dis que c'est un des outils, ça n'a pas l'ambition de résoudre l'ensemble des problèmes. Mais ça a l'ambition d'en traiter un qui est au coeur de tout. C'est-à-dire que le coeur de tout c'est quoi : c'est de dire que pour lutter contre la pauvreté de manière différente du système actuel, ça veut dire arrêter de compenser les effets causés par le système économique qui crée des pauvres et ensuite on dépense pour compenser plus ou moins. Si on veut repartir autrement, c'est - moi je le dis depuis longtemps - il faut qu'il y ait moins d'enfants pauvres par exemple, il faut que leurs parents puissent travailler. Que quand ils travaillent ça rapporte de l'argent. Qu'avec l'argent ils puissent se loger, et qu'ils puissent éduquer leurs enfants. Donc ça veut dire mettre le travail comme un socle. Que les revenus du travail soient le socle. Et au lieu d'avoir un système qui se substitue, dans lequel soit vous travaillez, et vous pouvez éventuellement être pauvre, soit quand vous ne travaillez pas on vous le compense, c'est d'avoir de la solidarité nationale qui vienne compléter le revenu du travail quand les revenus du travail sont insuffisants. C'est vraiment remettre les choses dans un sens totalement différent.
Q- Et donc ça, vous allez l'expérimenter avec une vingtaine de départements d'ici à la fin de l'année pour le généraliser ensuite. En année pleine, ça coûte combien le revenu social d'activité ?
R- Le revenu de solidarité active...
Q- ...de solidarité active pardon.
R- C'est justement ce qu'on va essayer de regarder par les expérimentations. Alors moi j'ai bien entendu. Hier je me suis fait engueuler et critiquer en disant : mais il ne met pas beaucoup d'argent dessus...
Q- à l'Assemblée Nationale par les députés.
R- ...Il ne met pas beaucoup d'argent, etc. Cela fait depuis le début que je dis la même chose. Je dis on va décridibiliser ce genre de réforme, si on commence par demander des milliards pour ensuite démontrer que ça ne marche pas. Alors nous on fait l'inverse. On demande des dizaines de millions et on les obtient pour la première fois, pour expérimenter à petite échelle...
Q- Vous avez besoin de combien pour commencer ?
R- ... 25 millions d'euros. On a multiplié par 50 ce qu'on avait. On avait 600.000 euros avant, pour faire ça. Maintenant, on a 25 millions d'euros pour le faire et on verra ensuite si ça marche. Quand je dis si ça marche, c'est-à-dire s'il y a effectivement plus de gens qui travaillent, s'il y a effectivement moins de pauvreté sur les petits territoires sur lesquels on va commencer, on pourra élargir. Et on sera crédible pour le faire.
Q- Vous avez présenté donc ce revenu de solidarité active au Parlement hier, à l'Assemblée Nationale, c'était votre baptême du feu, en même temps que C. Lagarde, puisque tout ça est dans le même projet de loi dit du paquet fiscal ; qui présentait un bouclier fiscal. Qu'est-ce que vous pensez du bouclier fiscal, M. Hirsch ?
R- J'aurais été particulièrement mal à l'aise si on s'était pas occupé des autres boucliers. Ce que je pense du bouclier fiscal, c'est qu'il a été inscrit dans le programme. Quand on m'a demandé de prendre ce travail, vous avez remarqué qu'on ne m'a demandé de me renier sur ce que je pensais.
Q- Non, je vous demande ce que vous pensez du bouclier fiscal ?
R- Je n'ai pas demandé non plus au président de la République et au Premier ministre de se renier sur ce qu'ils avaient écrit, ça aurait été totalement absurde. Je vais donc vous dire ce que j'en pense : c'est que, moi je me suis dit, là-dessus je ne vais pas avoir beaucoup d'influence. En revanche, qu'est-ce que j'ai entendu il y a 6 mois, ou il y a un an ou il y a un an et demi ? Les gens qui payaient l'ISF me disaient : oh ! la ! la ! si on mettait un bouclier, on aimerait vous donner un peu d'argent plutôt que de le donner dans les caisses de l'état. Quand on m'a dit que le bouclier fiscal avançait, je leur ai dit : tiens ! on pourrait peut-être les prendre au mot. Et donc demander que l'argent qu'ils peuvent payer à l'ISF et qu'ils étaient censés mettre dans les caisse de l'état, il aille en partie vers les entreprises d'insertion, vers l'économie solidaire. Et donc là, on va voir si effectivement ceux qui bénéficieront de ces allégements feront ce qu'ils nous disaient qu'ils feraient il y a 6 mois.
Q- Donc le bouclier fiscal, c'est bien ?
R- Non, ce n'est pas ce que je dis, mais j'ai le droit de répondre, pas par oui ou par non, à un certain nombre de questions. Bouclier sanitaire, mais je ne sais pas si vous pesez le fait qu'aujourd'hui on va mettre avec le RSA une sorte de bouclier qui fait que pour la première fois, on va plus imposer à 100% les pauvres qui reprennent du travail.
Q- J'ai lu - ce n'est pas facile d'être membre du Gouvernement - dans le Canard enchaîné du 27 juin que vous vouliez signer la pétition des Echos contre le rachat de B. Arnault, puis que Matignon vous a demandé de ne pas le faire au nom, justement, de votre appartenance au Gouvernement.
R- Non, ça ne s'est absolument pas passé comme ça. En fait ....
Q- Vous n'avez pas signé la pétition...
R- Je vais vous expliquer ce qui s'est passé, en deux secondes. Quand le journaliste des Echos m'a demandé, j'ai dit que ça me paraissait un peu bizarre comme membre du Gouvernement de pouvoir signer une pétition et mon nom a été mis quand même. J'ai demandé à ce qu'il ne le soit pas, comme je l'avais fait. C'est vérifiable auprès e ces sources sans aucune difficulté.
Q- Rien n'est simple... mais...
R- Rien n'est simple, absolument. La lutte contre la pauvreté, elle n'est pas simple. Je
n'ai jamais dit qu'elle était simple et elle sera pas simple par la suite.
M. Hirsch, invité de RTL ce matin, bonne journée.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 juillet 2007