Interview de M. Bernard Van Craeynest, président de la CFE CGC à BFM le 9 juillet 2007, sur le bilan des contrats nouvelles embauches (CNE)et le contrat unique.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : BFM

Texte intégral


Nicolas Doze : Coup dur donc pour le Contrat Nouvelle Embauche, à quelques jours de son deuxième anniversaire le Cour d'Appel de Paris le juge non conforme à la convention 158 de l'Organisation Internationale du Travail. Alors cette décision intervient avant celle de l'OIT qui dira à l'automne si ce CNE est ou non conforme au droit international. Voilà la Cour d'Appel estime que la période de deux ans pendant laquelle le contrat peut être rompu sans motif prive le salarié des garanties du droit du travail. Alors dans l'immédiat, ce CNE reste valide, mais il est fragilisé, les entreprises peuvent en tout cas toujours continuer a embauché des CNE. Est-ce que vous pensez que la Cour d'Appel a sonné le glas du contrat ?
Bernard van Craeynest : Je le pense oui, comme nous le pensions depuis deux ans. Dans la mesure où nous avions tous souligné que cette période d'essai de deux était excessive par rapport à la terminologie européenne, qui précise que cette période doit être raisonnable, d'un délai raisonnable. Je pense que de toute façon, moi qui suit un ancien basketteur, le passage en force est une faute qui est sifflée par l'arbitre, ça vient d'être le cas, et en tout état de cause, je pense qu'heureusement que nous entamons avec le patronat des négociations autour du contrat de travail, pour faire en sorte précisément de recadrer ça de manière à éviter les excès et les dérives que nous connaissons depuis quelques années.
ND : Alors vous parlez effectivement d'un passage en force parce qu'il faut rappeler qu'il y a deux ans, ce CNE a vu le jour sur une ordonnance signée Dominique de VILLEPIN. Mais comment s'y retrouver aujourd'hui, Bernard VAN CRAEYNEST sachant que justement les Prud'hommes de Roubaix, ont récemment, au contraire, jugé que le CNE était conforme à cette fameuse convention 158 de l'Organisation Internationale du Travail ? Alors d'un côté on dit ce n'est pas conforme, de l'autre on nous dit c'est conforme, qui a raison ?
BVC : C'est tout le problème de la judiciarisation lorsqu'il y a incompréhension ou opposition sur différents textes, on sait pertinemment que par rapport à de mêmes données, des juridictions peuvent juger différemment, ce qui renforce bien évidemment l'insécurité juridique autour de ce type de contrat, d'où la nécessité de faire en sorte de bien clarifier tout cela, et aboutir à quelque chose d'équilibrer, aussi bien pour les employeurs que pour les salariés.
ND : Les chiffres de l'ACOSS et de la DARES disent que 45 % des CNE ont été rompu depuis la création du contrat par la démission de l'employé et 38 % par des licenciements dont des décisions de l'employeur. Il y a 900 000 CNE actuellement en cours. Depuis deux ans quel est bilan que vous faites de ce contrat ? Oui, effectivement il a été imposé, mais qu'est-ce que vous en pensez deux ans après ?
BVC : Ce qu'on peut en penser, c'est on va le voir dans quelques semaines, puisque nous arrivons au terme de la période de deux ans. C'est là où on va pouvoir en tirer un véritable bilan, en particulier pour voir si à l'issue de cette période de deux ans, les employeurs transforment ce CNE en CDI ou non ? Il est clair que ça a permis à quelques dizaines de milliers de salariés de trouver un emploi, ce qui est toujours une bonne chose. Il vaut mieux avoir de remplir son CV plutôt que d'y inscrire qu'on était à l'ANPE. Mais on voit bien la nécessité encore une fois, de clarifier l'ensemble des contrats de travail, pour faire en sorte que chacun puisse s'y retrouver.
ND : Alors Laurence PARISOT accuse la Cour d'Appel d'avoir rendu un arrêt politique, en adoptant une analyse économique, plus qu'une analyse juridique. La Cour dit « est paradoxal d'encourager les embauches en facilitant les licenciements. » Selon vous est-ce que c'est le rôle de la justice de prendre des positions sur les fondements de l'économie ?
BVC : Théoriquement la justice juge en fonction du droit et là je pense qu'en l'espèce ça a été le cas. Par rapport à cette période dite raisonnable pour juger si le salarié fait l'affaire ou non, on n'a pas besoin de deux ans pour s'en apercevoir, donc il était évident qu'on allait aboutir à ce type de résultat, que je considère pour ma part comme étant tout à fait conforme à la lettre et à l'esprit du droit.
ND : Alors Bernard VAN CRAEYNEST président de la CFE-CGC, est-ce que comme le PS et la CGT, vous demandez l'abrogation du Contrat Nouvelle Embauche et aussi le renoncement au contrat unique ?
BVC : D'une part sur le CNE je suis persuadé qu'il va mourir de sa belle mort, comme je l'ai dit déjà depuis plus d'un an. Et je pense qu'il sera naturellement remplacé par des formes de contrats mieux adaptées et pour ce qui est du contrat unique nous n'avons pas à la CFE-CGC de dogme particulier vis-à-vis de cela, simplement ce que nous soulignons, c'est que dans l'esprit qui a été indiqué par le président de la République, à savoir des droits qui iraient croissants en fonction de l'ancienneté, il faut être très attentif au fait qu'on ne créait pas de nouvelles inégalités parce qu'on sait qu'il y a des salariés qui ont la possibilité d'effectuer quasiment toute leur carrière dans la même entreprise. Ce qui n'est pas le cas de beaucoup d'autres qui galèrent de contrat en contrat. Donc ce contrat unique ne peut se concevoir qu'à partir du moment où on organise la transférabilité des droits d'une entreprise à l'autre et d'une branche à l'autre.
ND : Donc vous n'êtes pas contre la flexibilité qui vient pourtant d'être condamnée par la Cour d'Appel ?
BVC : Je ne suis pas contre des formes de flexibilité raisonnables, adaptées, qui permettent à notre économie de se développer et aux salariés de trouver un travail de qualité, bien rémunéré avec une bonne protection sociale. Source http://www.cfecgc.org, le 10 juillet 2007