Déclaration de M. Jacques Voisin, président de la CFTC, sur la négociation sur les contrats de travail, la mobilité et la formation continue des salariés.

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La négociation sur le contrat de travail va être, pour le monde syndical, la plus difficile des négociations. D'abord, parce que l'idée d'une «séparabilité entre salariés et employeurs » a été lancée par Medef, ce qui laisse planer sur elle une certaine suspicion de la part du monde salarié. Ensuite, parce qu'elle suppose que les salariés ne voient plus d'inconvénient à quitter leur employeur, parce qu'ils ont le sentiment de retrouver facilement un poste, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Cette négociation sur le contrat de travail devra pourtant s'engager. La CFTC a la volonté d'étudier les demandes du Medef d'un peu plus de flexibilité et de sécurité juridique, si elle peut négocier une sécurisation des parcours de vie. Elle reconnaît que les clients se révèlent de plus en plus exigeants et imprévisibles dans un univers concurrentiel élargi. Si nous n'évoluons pas, l'emploi risquera de se délocaliser, de se tisser ailleurs.
Nous sommes sûrs que la guerre contre le chômage se gagnera par l'amélioration des compétences des salariés, de leurs qualifications et de leurs capacités d'adaptation aux évolutions de l'environnement. Nous voulons négocier comme préalable à toute évolution du contrat de travail, une sécurisation de leurs parcours de vie. Cette sécurisation procurerait à toute personne cherchant un emploi un accompagnement étroit qui lui permettrait non seulement de retrouver un emploi stable de qualité et rapidement mais lui permettrait aussi d'accroître sa qualification pour progresser dans sa carrière en étant acteur de sa vie professionnelle. Notre tâche sera donc, avant même d'attaquer le coeur de ce sujet du contrat de travail, d'imposer aux employeurs, que chaque salarié, s'il lâche un emploi même volontairement, puisse avoir les moyens d'en retrouver un autre de même qualité voire de qualité supérieure le plus rapidement possible.
Pour commencer, tout salarié qui choisira de quitter son employeur devra avoir une "bonne" qualification.
Nous entendons par là, une qualification demandée sur le marché du travail. Nous avons commencé à négocier cette "sécurité de qualification" il y a quatre ans, dans un accord sur la formation professionnelle repris par la loi du 4 mai 2004. Ces deux textes imposent aux entreprises de nouveaux dispositifs comme la période de professionnalisation, par exemple, qui permet à un salarié ayant eu un arrêt maladie, un congé sabbatique, un congé maternité etc. de se remettre à niveau. Ils instaurent un capital individuel d'heures de formation (DIF) pour tout salarié. Ils prévoient aussi que les salariés pourront demander la validation de leurs acquis de l'expérience (VAE) et faire des bilans de compétences, avoir des entretiens professionnels et un passeport formation, éléments-clefs du dialogue entre salarié et entreprise. Par ailleurs, la GPEC s'impose désormais aux employeurs. Elle a pour finalité d'anticiper les besoins futurs de l'entreprise afin de conforter l'emploi. La disparition progressive de Kodack, victime du numérique, illustre parfaitement l'accompagnement vers l'emploi des salariés, à travers ces nouveaux dispositifs. Mieux, il existe désormais des observatoires régionaux qui réalisent des études sur les évolutions économiques et techniques de chaque secteur et fournissent des indications sur les métiers d'avenir, des informations précieuses pour bâtir des plans de formation.
Mais cet arsenal, déjà très complet, est complexe, insuffisamment transparent et lisible.
Nombreux sont les salariés prêts à changer d'emploi qui ne savent pas comment bénéficier de l'ensemble de leurs droits. Ces salariés pourront réaliser leur projet qu'une fois que sera mis en oeuvre une réelle articulation entre l'ensemble des différents dispositifs existant avec des droits sociaux attachés à la personne et organisés collectivement. Le système doit être encore amélioré et simplifié, notamment par un accompagnement soutenu du service public de l'emploi pour toute personne qui en éprouve le besoin.
Nous devrons inventer des outils pour que le passage au chômage des salariés soit le plus court possible. C'est un point très délicat car nous devrons réfléchir à des propositions qui ne génèrent pas d'effets pervers. Car si un salarié licencié bénéficie d'un accompagnement personnalisé, d'un bilan de compétences etc. offert par le service public de l'emploi, son employeur aura tendance à se défausser de la formation qu'il lui doit sur l'ANPE-UNEDIC. Or, la CFTC est convaincue que les entreprises ont une responsabilité sociale à assumer que la formation professionnelle doit être délivrée dans le cadre de l'entreprise.
Nous devrons aussi améliorer le service public de l'emploi. Pour y arriver, une simple réforme de structure comme la fusion ANPE-UNEDIC n'est pas une solution. Il faudra chercher ailleurs... dans un développement des coopérations, comme par exemple dans l'informatique ou dans des collaborations concrètes ou encore dans la suppression des doublons existants.
En tout dernier lieu, la CFTC fera des propositions concrètes pour développer toutes les possibilités de mobilités à l'initiative des salariés. Elle proposera que tout salarié qui souhaiterait changer d'emploi puisse se faire accompagner par le service public de l'emploi alors qu'il n'est pas encore demandeur d'emploi. L'accompagnement doit être large (entretien, soutien, bilan de compétence ayant notamment pour finalité de relever les aptitudes et de déceler les compétences acquises, VAE, formation). Cette aide pourrait être proposée à un jeune, déclassé, victime d'une qualification qui ne correspond pas à l'offre du marché, à une personne en contrat précaire (CDD ou Intérim) ou en temps partiel subi, à un conjoint face à des difficultés de l'entreprise familiale, à un créateur d'entreprise qui a échoué.
Enfin, au regard du concept de "séparabilité" développé par le Medef, la CFTC a l'intention de faire une autre proposition. En plus du système actuel de traitement du licenciement, la CFTC propose l'instauration d'un second système de rupture des contrats de travail, système plus sécurisé pour les salariés (Bilan de compétences, formation, reclassement...) mais plus court pour les entreprises (délais de contestation et de prescription réduits,) et plus prévisible (en termes de coût). Le salarié pourrait opter pour l'un des deux systèmes, la nouvelle procédure lui permettant de bénéficier d'un accompagnement renforcé. Cet accompagnement, qui pourrait être réalisé par une entreprise extérieure, serait financé par l'entreprise qui ainsi assumerait sa responsabilité sociale. Ces propositions devraient permettre de faciliter les mobilités choisies par les salariés, de soutenir les salariés qui en ont besoin dans leur recherche d'autonomie afin de devenir acteur de leur vie professionnelle et de ne pas être soumis et impuissants face aux évolutions de l'environnement.Source http://www.cftc.fr, le 22 juin 2007