Interview de M. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO à RTL le 4 juillet 2007, sur la déclaration de politique générale de François Fillon, les négociations sur les contrats de travail et le service minimum dans les transports.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


Bonjour J.-C. Mailly.
Bonjour ...
Q- F. Fillon a prononcé, hier, son discours de politique générale, les députés l'ont majoritairement approuvé. Parmi les déclarations du Premier ministre, celle-ci : "L'allongement de la durée des cotisations pour la retraite n'est pas une option. Cet allongement aura lieu au terme de la procédure prévue par la loi", a dit F. Fillon. Cela veut dire qu'à partir de 2012, il faudra cotiser, pardon, 41 ans pour arriver à toucher sa retraite ?
R- Oui, bien sûr ! C'est la Loi telle qu'elle est. C'est bien pour ça - on en a parlé lors de notre Congrès, la semaine dernière - que nous, on dit : Attendez au 1er janvier 2008, on est à 40 ans. C'est ça, au 1er janvier 2008. Eh bien nous, on souhaite qu'on reste à 40 ans et qu'on rediscute globalement du dossier Retraites.
Q- Mais F. Fillon vous dit : C'est pas une option, on va le faire comme on l'a prévu dans la loi.
R- F. Fillon a le droit de dire ça, et nous, on a le droit de dire : on n'est pas d'accord. Donc, on verra au moment où on rediscutera du dossier Retraites ...
Q- Comment allez-vous faire ?
R- Quand le dossier Retraites va venir, ça fera partie des options qu'on voudra mettre sur la table. Justement.
Q- Et puis, il y a des déséquilibres financiers qui obligent à cotiser plus. C'est le raisonnement de F. Fillon.
R- Il y a des problèmes financiers sur les retraites. Personne ne nie qu'il y a des problèmes financiers. Au passage, ce n'est pas en cassant les régimes spéciaux qu'on réglera ces problèmes, mais il faut reposer le problème globalement sur la retraite, y compris les engagements qui n'ont pas été respectés : le fonds de réserve des retraites qui devait comporter 150 milliards d'euros, on en est à peine à 30 milliards. Donc, il faut avoir reposé globalement le problème des retraites sur les réformes structurelles de la société. Personne ne dit qu'il n'en faut pas. Il y a une méthode et après, il faut un vrai débat et aller au fond des dossiers.
Q- F. Fillon a dit aussi : "la mise en place des franchises médicales peut être une solution pour sauver la Sécurité Sociale".
R- Oui, là aussi, ça fait partie des points sur lesquels nous ne sommes pas d'accord. Parce que : qu'est-ce que ça veut dire une franchise ? Une franchise, ça veut dire - mettons, je dis n'importe quoi ! - 50 euros par an. Il y a des gens qui hésiteront à se soigner tant qu'ils n'auront pas dépenser les 50 euros. Donc, il va y avoir une limitation du recours aux soins. Après, il y a d'autres pistes qui sont envisagées, en fonction des revenus, comme ça peut exister dans d'autres pays. Il faut bien mesurer les effets qui peuvent être pervers de ces franchises-là. Classe moyenne, par exemple, qui dira : on va contribuer plus et on sera peut-être moins couvert. Donc remettre en cause, à un moment donné, la solidarité. Il y a des effets qui peuvent être dangereux. Donc, ça, ça suppose, mais là il n'y a pas urgence, c'est ce que le Premier ministre a dit, c'est une piste à discuter. Donc, il faudra discuter sérieusement de ce genre de pistes.
Q- Retraite, Sécurité Sociale, le problème est le même : il n'y a plus d'argent pour financer la solidarité.
R- Oui, ça c'est aussi un problème de croissance. S'il y a plus de croissance, il y aura plus aussi de recettes. Ecoutez, vous savez ...
Q- C'est magique, la croissance !
R- C'est un élément-clef en tous les cas, parce qu'on remarque bien que quand la croissance n'est pas là, les déficits se creusent. Vous savez, on parle du déficit de l'Assurance maladie ; mais si on met un objectif -tout le monde le dit d'ailleurs- qui est volontairement bas, vous êtes sûr que vous allez le faire crever, l'objectif. Vous allez passer au-dessus. Donc c'est un des éléments. Il y a un déficit de l'Assurance maladie, c'est évident, moins fort d'ailleurs que ce qu'il était avant 2004. Il s'est quand même relativement réduit. Ceci étant, il faut continuer à travailler sur ce qu'on appelle la maîtrise médicalisée avec les professions de santé. Il faut travailler du côté de l'hôpital également. Il y a n vrai travail à faire. Il faut poursuivre. Mais attention, à ne pas faire comme aux Etats Unis -je pousse- et puis, que certains Français ne puissent plus avoir accès aux soins.
Q- Le Premier ministre n'a pas parlé dans son discours du service minimum dans les transports publics. Cette impasse a un sens, selon vous ?
R- Si, il l'a cité. Il a cité le mot ou les mots. Il n'a pas développé mais il a parlé. Enfin, moi je l'ai entendu, en tous les cas. Non, mais là il y a encore des problèmes qu'on a indiqués au Gouvernement. Les fameuses 48 heures ! 48 heures avant un conflit ...
Q- De se déclarer ... Ca va être au Conseil des ministres aujourd'hui.
R- Oui, oui de se déclarer gréviste, c'est un des points sur lequel nous ne sommes pas d'accord. Pourquoi ne sommes-nous pas d'accord ? Si le salarié ne répond pas, il peut même être sanctionné. Cela veut dire que par définition, on va faire pression sur les salariés. Moi, je ne suis pas sûr que ce faisant, on va améliorer le climat social dans les entreprises. Cela risque de faire des tensions.
Q- Vous n'êtes pas d'accord mais ça va passer au coeur de l'été. La loi...
R- Ecoutez on verra. Elle sera adoptée ... Mais non, avec une majorité comme ça, elle sera adoptée. Mais il n'y a pas de remise en cause formellement du droit de grève en ce sens où il n'y a pas de réquisition et pas d'assignation. Mais il va y avoir des pressions sur les salariés, ça va créer des tensions dans les entreprises.
Q- Vous avez beaucoup de désaccords et pas beaucoup de moyens pour les faire valoir, J.-C. Mailly.
R- Ah attendez ! Ah là, là, vous savez comment c'est ! Attendez ! Non, non et puis il y a quand même des points sur lesquels nous allons être amenés à discuter. Moi, ce qui m'a surpris, hier, dans le discours du Premier ministre, moi j'aurais préféré qu'il dise sur la démocratie sociale, par exemple, sur les relations sociales : Ecoutez il y a des thèmes sur lesquels les syndicats et le patronat ont souhaité négocier, on les laisse négocier et on fera le point après. Tandis que là, il nous a donné un calendrier qu'il veut strict et il nous a dit : voilà où vous devez aboutir. Et si vous n'aboutissez pas à ce que je veux, eh bien il y aura un problème.
Q- Pour le contrat de travail, notamment.
R- Oui, mais le contrat de travail, on est tous contre.
Q- Le contrat de travail unique notamment...
R- Mais c'est la fusion UNEDIC-ANPE ... On va discuter de l'assurance chômage. C'est comme si, M. Aphatie, vous me disiez : voilà les questions que je vais vous poser, voilà ce que vous devez me répondre. Entre deux, vous faites ce que vous voulez. Non, je ne marche pas dans ce ...
Q- Je ne vous ai pas donné les questions et je ne connaissais pas vos réponses.
R- Non, je suis d'accord mais ...
Q- Vous trouvez une différence de tonalités puisque vous avez déjeuné avec N. Sarkozy lundi. Vous trouvez une différence de tonalités entre N. Sarkozy, le dialogue que vous avez eu avec lui, et F. Fillon, à la tribune de l'Asemblée nationale ?
R- On a eu un dialogue avec le président de la République. Il m'a invité. J'ai répondu à son invitation. Ce n'était pas une négociation. On ne négocie pas avec le président de la République. Mais j'ai pu lui exprimer : attention, là sur tel ou tel point, il a plus écouté qu'autre chose. Qu'on se comprenne bien ! Mais il voulait avoir en direct après le congrès de Force Ouvrière, les réactions à la fois des militants et sur les points clefs, quelles sont nos analyses. Il a écouté. Je lui ai expliqué, par exemple, sur un point qui nous tient à coeur : Que sur les fonctionnaires, plutôt que d'avoir
une lecture comptable : on en supprime un sur deux pour ceux qui partent en retraite, on a un vrai besoin de réflexion sur la réforme de l'Etat. Qu'est-ce qu'un Etat moderne, un service public moderne ? Si on est tous attachés à la République avec ses valeurs républicaines, qu'est-ce que ça suppose comme structures ? Il s'est montré intéressé sur ce type de pistes. On ne peut pas décider comme ça, un élément ou d'autres ...
Q- Vous savez, F. Fillon a dit : on ne remplacera pas - l'a redit, hier soir, sur France 2 -n ne remplacera pas un fonctionnaire sur deux ...
R- Oui, je voudrais bien voir comment il va faire !
Q- Il y a un méchant et un gentil dans l'exécutif, aujourd'hui ?
R- Ah, je ne dirai pas ça. Moi je connais mieux l'un que l'autre, d'abord.
Q- Vous connaissez qui ?
R- Je connais mieux le président de la République que le Premier ministre. C'est la vie, c'est ça. Mais en tous les cas, on a pu avoir une discussion franche et directe avec le président de la République, avec les désaccords, je l'ai bien senti. Mais au moins, après, chacun prendra ses responsabilités.
Q- Il n'y a pas un méchant, il n'y a pas un gentil ?
R- Moi, je ne vais pas m'amuser à ça. Non, on n'est pas en western.
Q- En sortant du restaurant avec N. Sarkozy, vous avez une phrase qui, moi, m'a amusé... D'ailleurs, c'est rare : déjeuner dans un restaurant, c'est-à-dire dans un lieu public, avec un président de la République.
R- Ah moi, c'est la première fois que ça m'arrive. Mais enfin, je ne suis pas secrétaire général depuis longtemps. Mais mon prédécesseur le faisait aussi, oui.
Q- En général, à l'Elysée, pas dans un restaurant.
R- Non, non, y compris au restaurant.
Q- D'accord. Alors, vous avez dit ceci en sortant du restaurant : "on ne négocie pas avec le président de la République, on confronte les points de vue. Ce n'est pas lui -le Président- qui va prendre les décisions sur tout". Oui, mais c'est N. Sarkozy qui prend les décisions sur tout. Vous voyez bien !
R- Mais attendez ! Pas tout, il ne va pas régler ...
Q- L'hyper-présidentialisation !
R- Non, mais ce n'est pas la première fois qu'un président de la République intervient en début de mandat notamment. Mais il ne va pas prendre les décisions sur tout. Quand on discute du service minimum, on discute aussi avec le ministre du Travail. C'est ça ce que je veux dire. Il ne va pas régler dans le détail.
D'accord. François ... ah pardon ! J.-C. Mailly, qui est plus ami avec N. Sarkozy
qu'avec F. Fillon. Merci.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 juillet 2007