Déclaration de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, sur le festival d'Avignon, Jean Vilar et le théâtre, Avignon le 7 juillet 2007.

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Circonstance : Inauguration des expositions de la maison jean Vilar à Avignon le 7 juillet 2007

Texte intégral


C'est un très grand plaisir pour moi d'être parmi vous aujourd'hui pour inaugurer ces deux expositions, et célébrer les soixante ans du Festival d'Avignon. Vous en avez brillamment dépeint les origines, Madame la Maire, et le chemin parcouru depuis cette journée de décembre 1946, où Jean Vilar faillit refuser le défi un peu fou de son ami Christian Zervos, de monter un spectacle dans la Cour d'honneur du Palais des Papes. « Lieu informe », « lieu théâtral impossible », répondit-il, avant d'y voir finalement le lieu idéal pour accueillir son projet d'offrir la culture des élites à tous les publics.
Dans cette maison qui porte son nom, sont présentées aujourd'hui les figures amies de tous ceux qui ont contribué à faire de sa Semaine d'art dramatique le Festival au rayonnement international que nous connaissons. Soixante compagnons de route photographiés par les plus grands, depuis les fondateurs, Yvonne Zervos, René Char, et le docteur Pons, jusqu'à tous ceux qui font vivre Avignon aujourd'hui, régisseurs, costumières, agents d'accueil, chauffeurs de bus et de taxis. Sans oublier les peintres illustres, découverts par le couple Zervos, Picasso, Giacometti, Chagall, Braque, Mondrian, Miro, pour ne citer qu'eux.
C'est une exposition magnifique, très émouvante, qui témoigne de la très belle aventure artistique mais surtout humaine que fut, et que continue à être ce Festival.
Il ne manquait que les spectateurs. Frédéric Fisbach les fait entrer sur scène dans la seconde exposition, « Dedans-dehors ».
« Pour nous, organisateurs et artistes du Festival, disait Jean Vilar, le monstre sacré n'est pas la scène, il est de l'autre côté des lumières qui nous aveuglent, il est du côté du public », ce public si respecté, toujours placé par Vilar au centre de son projet. Apprivoiser ce monstre sacré. Rencontrer les êtres par-delà les lumières éblouissantes, dans la situation singulière qu'ils vivent. Faire en sorte que spectateurs et acteurs respirent d'un même souffle et trouvent une complémentarité, jamais la même. Tel était le défi que releva Jean Vilar à Avignon et au TNP.
Telle est l'expérience que propose aujourd'hui Frédéric Fisbach dans le lieu qu'il dirige, le 104, et dans cette seconde exposition.
C'est un très bel hommage à ce « rêve éveillé » que poursuit le Festival depuis ses débuts. Et ce rêve, vous l'avez dit, nous le faisons tous, et nous le faisons encore. Chacun le nôtre.
Pour la littéraire que je suis, Avignon c'est soixante ans de passion des mots, de jouissance du verbe, de plaisir de la langue. De puissance de l'écriture dramatique, mais aussi poétique - et je suis très heureuse que Frédéric Fisbach donne à entendre cette année les Feuillets d'Hypnos de René Char. 237 fragments, qui mêlent amour, doute et engagement, 237 textes atemporels, qui interrogent et bousculent notre rapport au monde et aux autres. Oui, le créateur est un éclaireur, et l'écrivain, le poète, comme le dramaturge, en éclairant le monde, éclairent aussi les mots que nous utilisons pour le dire, pour le décrire, et pour agir en lui. J'assiste ce soir au spectacle d'un autre magicien des mots, Valère Novarina, dont j'admire la virtuosité et la liberté avec laquelle il réinvente la langue.
Si je devais donc, à mon tour, former un voeu pour le Festival d'Avignon, ce serait qu'il continue d'être ce lieu magique pour les mots, les mots classiques, de nos grands auteurs, les mots des avant-garde d'hier et d'aujourd'hui, les mots de toutes les langues, de toutes les cultures.
Je vous remercie.Source http://www.culture.gouv.fr, le 11 juillet 2007