Tribune de M. Hervé Morin, ministre de la défense, dans "La Tribune" du 18 juillet 2007, sur la Défense européenne, la future loi de programmation militaire et sur le rôle de la défense dans l'intégration sociale et le développement durable, intitulée "La défense, au coeur de la nation et de l'Europe".

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La défense, au coeur de la nation et de l'Europe
Le défilé des vingt-sept nations européennes sur les Champs-Elysées le 14 juillet est un symbole majeur de l'Europe en paix. Cette image forte pour des peuples qui se sont tant de fois déchirés montre tout le prix du projet européen. C'est la preuve de notre volonté de relancer la construction européenne et d'approfondir l'Europe de la défense.
Alors que la nation rend hommage à ses soldats, nous prenons conscience des enjeux considérables qui sont les nôtres. Le contexte international est instable. Le monde entier se réarme, sauf l'Europe, ce qui devrait nous interroger ; les convoitises pour l'accès aux matières premières et aux sources d'énergie risquent de générer des tensions. Les menaces s'ajoutent les unes aux autres : le terrorisme, la prolifération nucléaire avec la Corée du Nord et l'Iran, la situation au Proche-Orient... Alors que nous avons un niveau de richesse équivalent à celui des Etats-Unis, le budget que nous consacrons à notre équipement militaire est 2,5 fois moindre. Il est donc essentiel pour les démocraties de ne pas baisser la garde. La France doit maintenir une force de défense opérationnelle.
C'est pourquoi, à la demande du président de la République, j'ai engagé un travail d'analyse et de prospective. Un état des lieux, en cours, fait apparaître que notre outil militaire est efficace, adapté à la situation de notre pays, mais également fragile. Un nouveau Livre blanc, rédigé pour le début 2008, décrira les ambitions de la France en matière de défense et les ressources que nous voulons y consacrer. Ce sera l'occasion d'un véritable débat national. Parallèlement, une analyse sur les grands programmes d'armement et sur la cohérence physico-financière du modèle d'armée sera menée. Tout cela sera soumis au Parlement dans une loi de programmation militaire au printemps 2008. Pour que notre appareil militaire puisse remplir ses missions, il est nécessaire de maintenir notre effort de défense autour de 2 % du PIB. C'est l'engagement du président de la République. La responsabilité de notre génération est de donner une dimension plus ambitieuse à l'Europe de la défense, tout en maintenant notre engagement au sein de l'Otan.
Politique industrielle. Nous avons pour cela une fenêtre de tir : la réussite du Sommet de Bruxelles remet la France au coeur de la construction européenne, puis, au second semestre 2008, la France assumera la présidence de l'Union. Bientôt, un nouveau traité institutionnel permettra des coopérations renforcées, notamment en matière de défense car l'Europe de la défense avancera en s'appuyant sur un noyau dur de pays qui veulent assumer leur propre sécurité. Cela implique de donner corps à l'esprit de défense européen, en renforçant l'état-major de l'Union, en privilégiant le cadre européen pour les opérations extérieures, en développant des réalisations concrètes (par exemple, la force de gendarmerie européenne). Le président de la République a souligné la nécessité d'une vraie politique industrielle européenne face aux géants chinois ou américain. Il s'agit à la fois de construire des programmes communs et de réaliser une intégration européenne de l'industrie.
Enfin, la défense doit prendre toute sa part des réformes gouvernementales. D'abord, en matière d'égalité des chances. Le ministère, avec 30 000 embauches par an, est le premier recruteur en France de jeunes peu ou pas qualifiés. Je veux que nos armées, qui sont probablement le lieu dans la République où la promotion sociale a le plus de contenu, demeurent un exemple pour le pays. Je présenterai avant la fin de l'année des mesures pour que nos meilleures écoles, avec l'appui des lycées militaires, soient le lieu où les jeunes issus de milieux défavorisés, qu'ils soient français de longue date ou issus de l'immigration, puissent trouver leur chance.
La défense sera également un acteur de la politique de développement durable, par un plan d'action offensif de préservation de la biodiversité dans les espaces militaires, d'utilisation des énergies renouvelables, de soutien au développement de l'éco-industrie... Dans l'Histoire, aucun pays n'a connu le dynamisme et la prospérité sans posséder également un rayonnement international et une défense digne de ce nom. Le redressement intérieur que nous devons mener va de pair avec un juste effort de défense, qui est aussi l'une des conditions de la construction de l'Europe de la défense.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 juillet 2007