Texte intégral
G. Bonos : Bonjour F. Chérèque.
Bonjour.
Q- G. Bonos : Si on a coutume de dire que, socialement, c'est la rentrée qui risque d'être chaude, on peut sans doute prévoir un été au moins agité, du moins lourd de dossiers qui risquent d'être récurrents, à commencer par le service minimum qui vient sur le devant de la scène législative, qui revient cette fois au Sénat. Bref, le moment de vérité. Vous nous direz jusqu'où vous êtes prêt à aller. Un autre secteur risque fort de devenir une bombe à retardement, un secteur que vous connaissez bien, celui de la santé, puisque si l'on en croit Le Parisien, un rapport du Gouvernement devrait mettre à jour que les 30.000 médecins hospitaliers ont déjà épargné 1 million de jours de congé. 1 million ! Comment on gère une situation pareille, selon vous, si tant est qu'elle puisse être gérable ? Dans la série des sujets qui fâchent, il y a aussi, bien sûr, et on commence par cela, les inquiétudes sur EADS et l'emploi qui s'y rattache. Sur EADS, hier, on a trouvé un compromis, on en a mis un à chaque étage de manière à faire vraiment un, de part et d'autre du Rhin. Vous analysez cela comment ?
R- Comme une bonne chose. La CFDT, depuis qu'on reparle des difficultés financières, économiques et industrielles d'Airbus, depuis maintenant donc une bonne année, dit depuis le début qu'il faut une réforme de la gouvernance, une réforme simple, c'est-à- dire un décideur à chaque étage. C'est ce qui a été fait, et il me semble qu'à ce niveau-là, c'était la décision minimum à prendre.
Q- G. Bonos : Mais est-ce que ce n'était pas une décision trop politique et pas assez business : on met une fois un Allemand, puis un Français, puis un Allemand, puis un Français, et ainsi de suite...
Q- P. Mabille : Pour compléter la question, est-ce qu'on peut vraiment dire qu'après cela, malgré tout, et même si vous êtes content, qu'EADS est une entreprise comme les autres, ou est-ce que du fait de son actionnariat spécifique, notamment de l'actionnariat public français, ça reste néanmoins un objet un petit peu particulier, dans le paysage industriel européen ?
R- Tant qu'il y aura un actionnariat "big fort", EADS ne sera pas totalement une entreprise comme les autres. Mais je rappellerai que dans les entreprises françaises ou européennes, ce n'est pas un cas unique. Le problème d'EADS, au-delà de son actionnariat, c'est un problème de gouvernance et de pilotage de l'ensemble. Alors, on peut toujours faire la fine bouche en disant "c'est une cote équilibrée, politique", mais ceci dit, il fallait bien commencer par quelque chose, et dans le temps, dans cinq ans, les choses vont changer petit à petit, je l'espère, des modes de direction, de
management normaux seront mis en place dans cette entreprise.
Q- G. Bonos : Donc, on est plutôt sur le bonne voie, si on vous comprend bien. Néanmoins, certains de vos collègues syndicalistes sur place craignent quand même, notamment au niveau d'Airbus, de voir une partie des emplois partir plutôt en Allemagne, puisque maintenant, c'est T. Enders, un Allemand qui est le patron, et en tout cas, ils sont un peu tristes pour l'emploi.
R- Le directeur général, monsieur Gallois, est le patron réel. C'est lui qui fait le plan social. Honnêtement, je vais vous dire, il y a quelques relents un peu nationalistes chez nos camarades majoritaires à Airbus et EADS. Je le dis très clairement, il ne faut quand même pas aller trop loin dans cette démarche-là. Les travailleurs d'Airbus, qu'ils soient français ou allemands sont tous à défendre. Donc, on ne va pas rallumer une guerre franco-allemande sur ce sujet-là. Faisons confiance...
Q- G. Bonos : Surtout qu'en général, on les perd.
R- Au niveau industriel, oui. Faisons confiance à monsieur Gallois. Et ce que je souhaite maintenant, c'est qu'on rentre dans une négociation du plan Power8, parce que maintenant, c'est ça le sujet. Le sujet c'est "puisqu'on a un interlocuteur unique sur le plan, maintenant, négocions avec lui la mise en place de ce plan et n'oublions pas que les salariés qui eux s'en foutent de savoir si c'est un patron allemand ou français, mais qui travaillent dans ses sous-traitants, et qui eux ont un patron qui est un patron de sous-traitant, qui n'a pas de réponse à leur donner aujourd'hui.
Q- P. Mabille : Pour changer de sujet, un autre gros sujet de l'actualité qui démarre aujourd'hui : la loi sur le service minimum, qui est donc discuté au Parlement, est-ce que vous êtes satisfait des équilibres qui ont été trouvé dans ce texte ? Vous, vous dites qu'il y a des incohérences ? Par exemple, à propos du délai de huit jours, vous dites pourquoi attendre huit jours, et s'il ne faudrait pas plutôt un médiateur, immédiatement, en cas de grève, pour essayer de l'arrêter le plus vite possible ?
R- Tout d'abord, [il faut] dire qu'on a évité le pire dans cette loi. On a évité le pire, qui était un système de réquisition qui aurait été une atteinte inacceptable au droit de grève. Ce sujet-là n'est pas sur la table, c'est-à-dire en réalité, il n'y a pas de service minimum derrière, parce que la Constitution étant ce qu'elle est, on ne peut pas porter atteinte au droit de grève. C'est la première chose. Par contre, on soulève une incohérence, un paradoxe - paradoxe plutôt : on fait tout pour empêcher les grèves, c'était la démarche de la CFDT, tout faire pour le dialogue par la négociation dans ces entreprises, d'accord de prévention des conflits, mais en cas d'échec du dialogue, on ne prévoit pas, comment dirais-je, une deuxième chance à ce dialogue et on fait comme si la grève devait se dérouler huit jours, et on attend huit jours pour compter les troupes, pour savoir si on est légitime ou pas. Donc, l'assemblée c'est important : en cas d'échec du dialogue, c'est-à-dire deux jours avant la grève, les gens se décident s'ils font grève ou pas, [il faudrait] refaire une démarche de médiation interne ou externe de l'entreprise. Il faudra le discuter dans les entreprises pour faire en sorte que les grèves ne s'enclenchent pas, ou durent le moins longtemps possible...
Q- P. Mabille : Vous souhaitez que cela soit mis dans la loi lors de la discussion ?
Q- G. Bonos : Le déclenchement tout de suite ?
R- Le mieux, si vous voulez, ç'aurait été le bon sens. Malheureusement, en France, le
bon sens ce n'est pas toujours à l'ordre du jour. Le mieux c'est que tout cela se passe
par la négociation dans les entreprises...
[...]
Q- P. Mabille : La question du dialogue social vous l'avez abordée, on a vu N. Sarkozy jouer un peu au chat et à la souris avec les syndicats ; il a reçu, ensuite il a manié un peu le chaud, le froid, c'est un peu comme « Tom & Jerry », il cherche à les attraper ! Donc il a fixé un cadre de réformes, plutôt pour l'automne, qui est extrêmement ambitieux : réforme du marché du travail, réforme du contrat de travail, on parle maintenant... il a envoyé une lettre de mission à C. Lagarde, on parle du travail du dimanche, on parle de lever un certain nombre de blocages à la croissance, à l'emploi. Est-ce que le rythme des réformes sera tenu, qu'est-ce que vous allez dire à madame Lagarde quand vous allez la rencontrer dans quelques instants ?
R- Je vais la rencontrer ce matin et on va surtout insister sur la méthode, parce que je crois qu'il faut qu'on se reprécise qui fait quoi et quand et comment. Je prends un exemple : on a rencontré le président de la République, il nous a dit clairement qu'il nous laissait la possibilité de négocier sur le marché du travail, sujet qu'on a abordé depuis le mois d'octobre 2006. Donc on n'a pas attendu un nouveau président de la République pour se préoccuper de ce problème-là entre partenaires sociaux, syndicats, patronat. Dans la lettre de mission de madame Lagarde, sous respect du dialogue social, dit-il, il faut aller très vite sur la Sécurité sociale professionnelle - on ne sait pas trop ce que c'est réellement, mais je comprends bien que c'est les parcours professionnels, l'accompagnement des salariés - d'ici 2008, c'est-à-dire le temps de la négociation pour nous, il annonce une fusion rapide de l'ANPE-Unedic. Or on sait très bien qu'avant d'aller sur cette fusion ANPE-Unedic, il faut savoir qu'est-ce qui va sortir de cette négociation entre partenaires sociaux, c'est-à-dire qu'est-ce qu'on veut faire en terme d'accompagnement des chômeurs ? C'est un sujet de la négociation, donc vous voyez il y a deux choses qui se télescopent.
Q- P. Mabille : Vous dites "c'est brouillon, désordonné..."
Q- G. Bonos : Voilà, c'est...
R- Je dis si c'est pour nous maintenir sous pression, bon, après à la limite, on a l'habitude d'être sous pression, mais on a besoin de travailler en confiance et la confiance ça veut dire "laissez-nous négocier ; notre objectif ce n'est pas vous empêcher de faire des réformes, notre objectif il est le vôtre, c'est de trouver des solutions pour les salariés qui sont dans des situations de précarité ou d'exclusion, quand ils sont au chômage". Donc nous nous sommes engagés sur une négociation sur le marché du travail...
Q- G. Bonos : Et sur un temps...
R- Jusqu'à la fin de l'année, on fera le bilan en commun à la fin de l'année. Ou on réussit un accord et à ce moment-là c'est en fonction de cet accord qu'on décide de la suite. Et la suite qu'est-ce que c'est ? La position de l'ANPE vis-à-vis de l'Unedic et vice-versa. La formation professionnelle continue, on a des sujets aussi, c'est dans la lettre de mission de madame Lagarde ; tous ces sujets-là qui seront les conséquences de cette négociation.
Q- P. Mabille : Donc ce sont des sujets pour 2008, pour vous ?
R- Oui.
Q- P. Mabille : Ça ne peut pas figurer dans une loi éventuelle de modernisation de l'économie qui serait présentée fin 2007 ?
R- Eh bien, écoutez, si on met dans une loi les thèmes qui doivent sortir de la négociation, ce qui veut dire qu'on ne laisse pas les partenaires sociaux négocier jusqu'au bout. D'où la clarification qu'on doit faire avec madame Lagarde ce matin. Je ne suis pas très inquiet mais j'ai besoin de cette clarification pour négocier en toute confiance.
Q- G. Bonos : Et est-ce qu'il y a des points d'achoppement d'ores et déjà sur lesquels on sait que vous allez vous tendre ou en tout cas sur lesquels vous allez rester ferme, je pense notamment justement à la fusion ANPE-Unedic ?
R- Mais sur la fusion ANPE-Unedic...
Q- G. Bonos : Personne n'en veut aujourd'hui...
R- Attendez, attendez, je vais vous dire moi notre approche à la CFDT ; on ne va pas parler de la fusion ANPE tant qu'on ne sait pas pour quoi faire. C'est quand même assez étonnant, on nous parle des institutions mais on ne nous parle pas du chômeur ! Nous, on veut parler du chômeur. Donc la négociation c'est le marché du travail, c'est-à-dire l'entrée dans le travail pour le jeune qui est qualifié ou pas qualifié, c'est le parcours professionnel avec ses ruptures, sortie de l'emploi quand on est licencié, retour à l'emploi quand on retrouve un travail. Et la fin de carrière. En fonction des accompagnements qu'on décidera pour le chômeur, du niveau d'indemnisation, de l'accompagnement retour à l'emploi, du niveau de formation qu'on va lui donner, on va décider ensuite est-ce qu'on a besoin d'une fusion ANPE-Unedic ou pas ? Je dis bien est-ce qu'on a besoin d'une fusion ANPE-Unedic ou pas ou plutôt qu'est-ce qui doit être fait en commun entre l'ANPE et l'Unedic et qu'est-ce qui doit être toujours de la responsabilité des partenaires sociaux. Nous ce que l'on souhaite c'est de garder, comment dirais-je, un pouvoir de décision sur l'indemnisation, c'est-à-dire ce que le salarié cotise...
Q- G. Bonos : Ce qui remet dans la caisse, quoi...
R- Après, le reste, on a commencé de mettre des choses en commun, donc il faut aller peut-être plus loin, mais permettez qu'on en parle après plutôt qu'on en parle d'une façon prématurée, sans savoir ce que l'on veut faire pour les chômeurs.
Q-. Mabille : Compte tenu de la décision récente du tribunal, qu'est-ce que vous dites sur le CNE ; il est mort, il doit mourir, il faut le remplacer, le contrat unique reste à définir va s'y substituer ?
R- Le sujet...
G. Bonos : Je vous rappelle que deux cours d'appel ; Paris et Bordeaux, ont retoqué le CNE.
R- Oui, mais le sujet du CNE est maintenant...
Q- P. Mabille : Donc un chef d'entreprise il signe encore un CNE aujourd'hui dans cette situation ?
R- Oh ! Il serait un petit maso. Ça veut dire que son contrat il est entaché d'une illégalité certaine. Je suppose que le Gouvernement va vouloir aller en cassation pour attendre un petit peu. Mais ce que l'on sait... Mais à la limite, maintenant qu'on sait que le CNE est mis de côté, reste entier le problème de la négociation du contrat de travail, or c'est le sujet de la négociation avec le patronat. On a fait une mise à plat, je l'ai dit, pendant dix ans, on a constaté qu'il y avait 24 contrats de travail et on voulait une simplification. Est-ce qu'il faut trois ou quatre contrats de travail en fonction des différentes situations. Alors deux remarques : un, on n'est pas sur le contrat unique, aucun dans les syndicats de salariés et patronaux veut du contrat unique, mais on n'est pas dans la multiplication des contrats non plus, on est dans la simplification. Donc en fonction de ça, combien de contrats en fonction des réalités professionnelles, en fonction de la situation des salariés, la situation des entreprises. C'est ça l'enjeu de cette négociation.
Q- P. Mabille : Jusqu'où vous êtes prêts à aller sur la simplification et la facilitation de la rupture ?
R- Ah ! Bah, ça on verra bien dans la négociation puisque vous me parlez de rupture...
Q- G. Bonos : Plus de garanties, plus de flexibilité ?
R- Vous me parlez de rupture, moi je vous parle d'accompagnement de sécurité, donc vous voyez bien qu'on est dans une négociation classique de donnant-donnant, c'est-à- dire quel est l'accompagnement du chômeur, quelles sont les mesures qu'on prend pour qu'il y ait moins de précarité pour les salariés et à côté de ça, est-ce que les entreprises ont besoin de souplesse et quelle souplesse ? Ça, ça fait partie de la négociation, je ne vais pas vous dire aujourd'hui le détail, mais l'équilibre est autour de ces sujets-là.
Q- P. Mabille : Le travail le dimanche, c'est une question sur laquelle vous êtes prêts à avancer aussi ou pas du tout ?
R- Sur le travail du dimanche il y a eu un rapport du Conseil économique et social il y a maintenant deux mois. Ce rapport du Conseil économique et social était plutôt sur un statu quo. Alors c'était quand même, je rappelle, un rapport qui était soutenu par le patronat et la plupart des syndicats de salariés. Donc plutôt statu quo avec une possibilité de débattre de certaines souplesses dans certaines zones, mais surtout pas une ouverture générale du travail le dimanche, et je ferais remarquer que depuis le début de cette semaine, qui se plaint le plus de l'éventuelle libéralisation du travail le dimanche ? Ce sont les employeurs des petits magasins.
Q- G. Bonos : Et les élus locaux.
R- Oui mais les élus locaux mais pourquoi ? Parce que c'est la mort des centres villes. C'est la mort du commerce.
Q- P. Mabille : Ca dépend peut-être des limites qui sont accordées peut-être.
R- Attendez ! Mais ça veut dire que les... attendez, le débat je vois bien, le débat est quand même entre libéralisation totale par rapport... et alors que certains, comment dirais-je, grandes surfaces sont pas très favorables à ça.
Q- G. Bonos : Mais il y a des pays aussi où c'est ouvert le dimanche. Ca n'empêche pas les centres villes de marcher très bien.
R- Ca je veux le voir. En termes de magasins de centres villes, à part les magasins de luxe et de haut de gamme, il ne reste plus grand-chose dans les centres villes. Allez à Londres, on parle toujours des soldes à Londres, luxe et haut de gamme. Les magasins de proximité dont vous avez besoin en terme d'épicerie, en terme de besoins de première nécessité, vous l'avez plus. Vous êtes obligé de prendre votre voiture pour aller dans le magasin, dans le môle ou autre. Donc derrière ça, il nous
faut au minimum avoir une réflexion. Et d'ailleurs c'est la proposition du Conseil économique et social. Poussons la réflexion en terme d'évolution de la société avant de prendre les décisions d'aller plus loin. J'espère que madame Lagarde relira ce rapport, si elle ne l'a pas encore lu, se rendra compte que ce n'est pas un rapport totalement fermé mais surtout on est contre la libéralisation à outrance.
Q- G. Bonos : Je le disais en intro tout à l'heure, Le Parisien montrait hier "une bombe à retardement", selon ses propres termes : les 35 heures à l'hôpital donnent aujourd'hui 30.000 médecins qui ont totalisé un million de jours de congé épargnés. Cela veut dire qu'il y en a qui vont pouvoir partir en retraite pratiquement avec plusieurs années d'avance. Comment on fait ? Vous connaissez bien le secteur en plus.
R- Oui mais plusieurs années d'avance ! Je veux voir déjà.
Q- G. Bonos : Comment on gère un million de jours de congé engrangés par 30.000 médecins ? Est-ce que c'est gérable ?
R- Un des problèmes de cet accord sur les 35 heures... Il faut d'abord souligner que cet accord de 35 heures pour les médecins n'a pas été négocié par les organisations syndicales de salariés. Je me souviens bien, j'étais encore responsable dans les hôpitaux, c'est les syndicats de médecins. Et je me souviens bien à l'époque, le ministre de la Santé, monsieur Kouchner, n'était quand même pas très favorable aux 35 heures chez les médecins en disant : "Quand même ! Faire travailler les médecins 35 heures par rapport à leur niveau de formation, de leurs responsabilités, c'était un petit peu décalé". Et il me semble qu'on a oublié de faire une distinction dans les hôpitaux entre la responsabilité de manager, le niveau de formation des médecins, leurs responsabilités et le temps de travail. Je pense que là, il y a une erreur de faite, honnêtement. Je pense que le sujet des médecins à cette époque-la, c'était plutôt leurs conditions d'exercice, en particulier leurs conditions d'exercice de garde, plutôt que les 35 heures. L'erreur a été faite mais les conséquences n'ont pas été anticipées. Et donc maintenant on va avoir une vraie difficulté...
Q- G. Bonos : C'est un mur.
R- Oui mais je pense qu'il va falloir peut-être renégocier avec certains médecins l'allongement, qu'ils ne partent pas à la retraite. Je vous rappelle qu'une des discussions de la future réforme des retraites, ça va être le départ à la retraite éventuellement plus tard mais surtout le cumul emploi-retraite. Donc je pense que ce problème de cumul emploi-retraite se posera aussi pour les médecins.
Q- P. Mabille : C'est formidable de vous entendre dire ça aujourd'hui, mais alors ce qui est valable pour les médecins à très haut niveau de qualification, pourquoi ce ne serait pas valable dans le secteur privé, pour un certain nombre de cadres, peut-être qu'aujourd'hui... Le système des 35 heures est t-il encore adapté ? On voit bien qu'il y a des pressions ? Je laisse tomber le sujet des heures sup. Il n'a pas vraiment traité la question du rachat des jours de RTT pour les cadres, mais est-ce que - et ça fait partie de la lettre de mission dont est chargé madame Lagarde - est-ce qu'il va pas y avoir une vaste période de renégociation des conventions et éventuellement une négociation peut-être plus souple dans les entreprises sur le temps de travail à l'avenir ?
R- Deux choses. Vous connaissez beaucoup de cadres dans les entreprises qui ont des comptes épargne-temps de ce niveau-la ? Vous connaissez vous ?
Q- G. Bonos : Malheureusement non. J'aimerais bien.
R- Ah ben, oui. Mais pourquoi ? Non mais pourquoi ? Non mais attendez, vous me cherchez sur ce sujet-là. C'est normal parce qu'ils ont été bien négociés par des organisations syndicales responsables et que ce système-là n'a pas été mis en place. Donc c'est ça le problème. Cette négociation a été mal faite. Les conséquences de cette négociation n'ont pas été pensées alors que dans le privé, alors qu'on avait des responsables, ce problème-la a été soulevé. Déjà, c'est la première chose. Deuxième chose, pourquoi l'anticipation au niveau des qualifications a été possible dans le secteur privé et en particulier l'industrie avec le problème des ingénieurs et autres, au niveau de la réduction du temps de travail, et n'a pas été faite chez les médecins ? Ce problème de la qualification des médecins date bien avant les 35 heures. Donc je trouve qu'on met beaucoup de choses sur le dos des 35 heures à l'hôpital mais ce serait bien qu'on n'oublie pas la responsabilité de ceux qui ont mis en place le numerus clausus et qui n'ont pas prévu dans leur numerus clausus, le départ à la retraite d'une génération de médecins, d'infirmières et autres et qu'au lieu d'augmenter d'une façon suffisante les gens dans les écoles - il faut sept ans, je rappelle, pour former un médecin - dans les facultés de médecine, on continuait à baisser le numerus clausus. Ce qui nous a mis en difficulté pour l'avenir.
Q- G. Bonos : En guise de conclusion, est-ce qu'en fin de compte cette affaire des médecins, enfin des heures sup à l'hôpital n'est pas un peu le symbole du côté caricatural de la loi et du code du travail en France, qui est devenu vraiment une usine à gaz incompréhensible ?
R- Cela me fait plaisir que vous me disiez ça, parce que si j'entends ou si je lis bien la lettre de mission de madame Lagarde, vous n'imaginez pas le nombre de lois qu'on va rajouter. Donc quelle complexité demain ! Donc je dis : arrêtons de faire des lois. Je rencontrais le patron d'une grande entreprise qui me disait : mais dites-leur d'arrêter les lois. Je prends l'exemple de "ce travailler plus pour gagner plus", les heures supplémentaires. Mais je vais rappeler à madame Lagarde tout à l'heure qu'on a commencé la réduction du temps de travail avec monsieur De Robien, avec une loi qui prévoyait un aménagement et une organisation nouvelle du temps de travail, avec une annualisation du temps de travail pour augmenter la productivité des entreprises. Aujourd'hui, on va nous proposer des lois qui vont casser le système de productivité des entreprises. Je ne connais pas beaucoup de patrons de grands groupes industriels qui veulent revenir sur ces sujets-là, parce qu'ils savent très bien que la productivité horaire de leurs salariés a augmenté du fait de l'annualisation et d'une meilleure organisation du travail, mais aussi le temps de plages de repos pour leurs salariés. Donc arrêtons les lois qui cassent systématiquement ce que les autres ont fait avant. Il y a des défauts dans la loi Aubry 2, qui est une loi qui a appliqué d'une façon, je dirais unique et un peu dogmatique, la réduction du temps de travail partout. Mais ne cassons pas tout ce qu'on a négocié avant. La preuve : l'exemple de ces comptes épargne-temps dans le privé qui ont été bien négociés, ça n'amène pas les mêmes difficultés que dans le public pour les médecins.
G. Bonos : Merci F. Chérèque.
Merci.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 juillet 2007