Déclaration conjointe de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangéres et européennes et Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, sur le rugby, Paris le 24 juillet 2007.

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Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président,
Oui, aujourd'hui, j'ai décidé de "parler rugby", de m'approprier la langue de ce jeu pour en saisir l'esprit.
Habituée à d'autres sortes de mêlées, par la force des combats que j'ai dû mener, je dois avouer un faible tout particulier pour ce sport toujours pratiqué, quant à lui, par des gentlemen. J'ai dans ma carrière enduré quelques gros "bouchons" et quelques "caramels" qui me donnent une idée assez précise de la vigueur de vos échanges. Mais si le monde politique devait s'inspirer des règles de "l'Ovalie", alors ce sont les vertus du "décalage" qu'il faudrait plutôt mettre en exergue. Quel plus beau geste, en toutes circonstances, que de faire une belle passe permettant à ses partenaires de se trouver plus nombreux face à la défense adverse !
Le sens du collectif, le goût de l'effort, l'humilité, constituent bel et bien "l'éthos" de ce sport.
Né en Angleterre, enraciné dans la culture populaire du Sud-Ouest de la France, dès la fin du 19ème siècle, le rugby est un sport de la terre qui chante sa "gutturalité" ! International et local, transcontinental et régional, le rugby, à l'heure de la mondialisation, est le sport emblématique d'une modernité protégée des affres de la fadeur et de l'uniformisation.
A l'instar de la Francophonie, univers aux mille visages, l'ovalie résonne de tous les accents du monde.
Le fameux Haka des All blacks nous rappelle avec éloquence qu'il faut savoir puiser au fond de soi, tout au fond de la mémoire d'un peuple, la force nécessaire au combat, l'énergie qui permet de s'élancer.
Parler rugby, jusqu'au cri, c'est parler avec son coeur, comme savait si bien le faire pour des millions de téléspectateurs l'inoubliable Roger Couderc qui, dans une sorte de Haka occitan, encourageait "les petits".
Oui, pour parler haut, fort et loin, pour parler rugby, la langue française doit rester cette langue du coeur sans perdre ses accents !
Souhaitons donc qu'à l'occasion de cette Coupe du monde, pour la toute première fois organisée en terre francophone, notre langue puisse se faire entendre comme une langue de ferveur et d'espoir, et non pas simplement comme cette langue émondée, réservée par le monde à quelques rares élites.
Il faut insister sur ce point. L'opération "Oui je parle rugby" est une opération populaire. Elle doit pouvoir susciter la fierté de tous les francophones, établis sur les cinq continents, et le respect des non-francophones.
Elle s'adresse à nos amis supporteurs étrangers à qui, par hospitalité, nous devons faciliter la communication. Elle s'adresse au monde francophone qui doit pouvoir se retrouver dans ses différences à travers cet événement. Cette fête du rugby sera, à n'en pas douter, une fête du français sous toutes ses couleurs, une fête de la Francophonie qui témoigne de la richesse et de la vitalité de notre langue.
Vive le rugby !Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 juillet 2007