Déclaration de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur les priorités de la prochaine Présidence française de l'Union européenne, à l'Assemblée nationale le 24 juillet 2007.

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Circonstance : Réception organisée pour la délégation pour l'Union européenne, à l'Assemblée nationale le 24 juillet 2007

Texte intégral


Monsieur le Président,
Madame et Monsieur les Députés,
Mesdames et messieurs les Administrateurs,
Je suis très heureux de vous accueillir ici dans ce Grand Salon du Quai d'Orsay, lieu chargé d'histoire comme vous le savez.
Je voudrais tout d'abord rendre hommage au président Lequiller et le féliciter à nouveau pour sa reconduction à la tête de la délégation. Nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises et nous avons évoqué ce que nous pourrions entreprendre pour renforcer notre coopération. Je tiens à souligner la passion du président pour l'Europe et sa grande volonté pour faire de la délégation un organe dynamique, créatif, doté d'une grande technicité dans le traitement des affaires européennes. Je sais que vous pouvez compter sur lui pour continuer dans cette voie, et faire en sorte que la Délégation joue un rôle encore plus significatif. Vous le savez, les échéances sont très importantes. Je ne reviens pas sur la relance de l'Europe que l'accord du Conseil européen de juin permet. Vous avez vu comment nous nous efforçons de nourrir cette dynamique. Je voudrais vous dire un mot de la Présidence française de l'Union européenne.
Nous sommes désormais à moins d'un an du début de la présidence et, comme vous l'imaginez, nous avons engagé sa préparation.
Sur le plan de l'organisation, qui est cruciale pour le succès de la présidence, le dispositif est aujourd'hui bien en place, sous la conduite de l'ambassadeur Claude Blanchemaison. Nous sommes en train de finaliser un projet de budget, qui sera soumis à l'Assemblée dans le cadre de la procédure budgétaire. Je vous signale ce point car il est indispensable que la présidence dispose des moyens de sa réussite, dans la ligne par exemple de ce que vient de réaliser la Présidence allemande. Nous comptons là aussi sur le soutien de la délégation.
La réflexion est également engagée sur les priorités politiques de la présidence, qui seront arrêtées le moment venu par le président de la République et par le Premier ministre.
Je peux d'ores et déjà vous dire que cette présidence se doit d'être exemplaire et doit être l'occasion de jeter les bases de la future Europe. A cette fin, il est apparaît nécessaire de mener à bien les nombreux chantiers en perspective autour de quatre priorités fondamentales, tout en vous disant qu'à ce stade, elles ne sont pas encore arrêtées ni par le président de la République, ni par le Premier ministre.
Le premier chantier est de construire une Europe de la croissance et de l'emploi. Ces sujets sont la clé de tout. Ce sont les objectifs de la Stratégie de Lisbonne partagés par l'ensemble des Etats membres et que la Présidence portugaise va encore développer dans les prochaines semaines, c'est une croissance retrouvée qui crée les conditions d'une nouvelle dynamique, c'est un potentiel de croissance plus élevé qui garantie une Europe influente dans le monde. Il n'y a ni secret, ni miracle en la matière mais du travail, de l'effort et de la pédagogie. Je le rappelle en ce domaine rien ne se fera sans un Eurogroupe fort, riche politiquement et apte à entretenir un dialogue équilibré, régulier avec la BCE, bien sûr dans le respect du traité et de l'indépendance de la Banque. Il n'y a ni tabou, ni chasse gardée lorsque l'on parle d'orientations économiques au service de la croissance. Les désordres et l'instabilité actuelle des changes, caractérisés par la sous-évaluation de certaines grandes monnaies, menacent, en raison de leur rythme essentiellement, mais aussi de leur niveau, l'emploi des salariés et leur activité en Europe. A compétitivité égale, il y a bien un avantage de change pour ceux qui ont une monnaie sous-évaluée par rapport à leur performance économique et nos entreprises sont plus pénalisées aujourd'hui qu'hier sur les marchés qui sont les plus profitables et les plus en croissance puisque c'est justement les monnaies de ces marchés, les monnaies asiatiques pour ne pas les citer, qui sont les plus sous-évaluées.
La deuxième est de faire en sorte que l'Europe protège mieux ses citoyens. Il s'agit de renforcer la dimension sociale, et de concrétiser les avancées dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, du droit de la famille, de l'asile et de l'immigration, par le moyen notamment, de coopérations renforcées qui nous permettent d'aller plus loin sans que l'opposition des autres nous empêche de construire une Europe plus proche des préoccupations des citoyens.
La troisième priorité, comme je l'évoquais plus haut, est de profiter de la présidence française pour jeter les bases de l'Europe du futur. L'Europe est désormais le cadre incontournable de notre politique énergétique et environnementale. Je m'en tiendrai à quelques évidences, que vous connaissez mieux que moi. Le Protocole de Kyoto, qui devra être actualisé, porte des engagements pour l'Union, pris par elle et géré ensuite par elle. Les permis d'émission de CO2, les limitations d'émissions de polluants, la fiscalité écologique, l'adaptation au changement climatique sont gérées au niveau communautaire. Dans le seul domaine de l'environnement la France aura à boucler dix accords politiques alors qu'en moyenne les autres présidences en ont cinq. Nous aurons de plus, avec nos partenaires britanniques à faire avancer ce vaste chantier de la fiscalité écologique et de l'incitation au développement de produits propres.
L'Europe du futur c'est aussi l'innovation. L'Europe ne sera forte dans le monde que si elle continue à être l'un des lieux privilégiés de création, d'invention, d'innovation. Ceci suppose des services financiers qui permettent à nos entreprises de trouver le financement dont elles ont besoin, ceci suppose un régime juridique de la propriété intellectuelle qui protège celui qui crée mais qui permet également à l'ensemble de l'économie de tirer parti des nouvelles idées. Ceci suppose enfin de renforcer les instruments et les politiques qui constitueront l'espace européen de la recherche, qui passe par des pôles universitaires d'excellence, un renforcement des échanges au titre d'un Erasmus élargi, de façon à créer une "génération Europe", des projets comme Galiléo qui structureront non seulement la compétitivité de notre économie mais garantiront l'indépendance stratégique de l'Europe face à la Chine, la Russie et les USA.
La quatrième, enfin, est de faire en sorte que l'Europe rayonne et soit influente dans le monde. Nous devons travailler bien sûr sur les instruments, pour lui permettre d'être plus efficace sur la scène internationale. Par exemple, aujourd'hui, les dirigeants chinois voient défiler pas moins d'une vingtaine de responsables qui représentent tous l'Europe. Cela nous pose un problème de cohérence mais aussi de crédibilité. Lorsque le traité sera entré en vigueur, l'Europe se verra doter d'un Haut Représentant pour les affaires étrangères, qui combinera la légitimité politique du Conseil et les moyens de la Commission européenne. Nous devrons en préparer l'arrivée.
Mais bien sûr nous ne devons pas attendre les instruments pour avancer. La Présidence française permettra un dialogue politique nourri avec de nombreux pays, les principaux émergents (Brésil, Chine, Russie, Inde). Elle devra également articuler l'initiative que nous sommes en train de porter pour une Union méditerranéenne et les acquis du Processus de Barcelone. Nos amis marocains que j'ai rencontrés ce matin à Bruxelles sont pleinement convaincus de la nécessité de cette approche. Je sais que ce sujet intéresse beaucoup d'entre vous ici présents. Et bien entendu, nous poursuivrons l'effort européen de développement pour les plus pauvres, et, en premier lieu en Afrique.
Il va sans dire que le soutien de votre délégation sera essentiel à l'action du gouvernement et je souhaite avoir avec vous un dialogue constructif et régulier. Vous savez que je serai toujours à votre disposition.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 juillet 2007