Interview de M. Hervé Morin, ministre de la défense, à RTL le 3 août 2007, sur la vente d'armes à la Libye et sur le rédéploiement de gendarmes affectés à des fonctions de gardes statiques.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Arzt.- Bonjour H. Morin. Donc, la Libye annonce avoir signé deux contrats d'armement avec EADS et une de ses filiales. Est-ce que vous confirmez que ces deux contrats ont bien été signés ?
 
R.- Je vais replacer ça dans le contexte. Un : je voudrais répondre à A. Vallini. Je trouve que, en disant d'affaire d'Etat, je trouve que cet esprit, j'allais dire quasiment systématique de démolition des succès du pays, démolition des succès de politique étrangère du pays est absolument ahurissant. On a là des infirmières et un médecin qui sont en geôle depuis huit ans ou grosso modo ; je ne sais combien de diplomates sont allés en Libye pour essayer de sortir ces femmes innocentes de leur situation. La France réussit et la seule chose qu'on trouve à faire c'est créer une polémique sur quelque chose que je vais replacer dans son contexte qui est...
 
Q.- Oui, parce que ma question, ce n'est pas exactement cela...
 
R.- Oui... Qu'est-ce qui s'est passé. Un : la Libye n'est plus sous embargo en matière de vente d'armes depuis 2003. C'est une résolution des Nations Unies. Il y a une décision européenne en 2004 sur le même sujet. Et, en effet, depuis 2004, la plupart des pays européens discutent avec la Libye pour leur vendre des armes, pour améliorer leur matériel...
 
Q.- Est-ce que le voyage de N. Sarkozy a accéléré les choses ?
 
R.- Non les choses n'ont pas accéléré. Je vais donner les éléments sur ces fameux, la fameuse vente de ces missiles Milan dont on parle et du système radio. C'est une discussion qui existait depuis des années. Et en fait, il y a même eu, ce qu'on appelle la CIEV, c'est à dire la Commission Interministérielle sur les Ventes d'armes, puisqu'à chaque fois qu'il y a une vente d'armes, même quand on vend des armes à l'Allemagne ou à l'Angleterre, il y a toujours cette fameuse commission, qui est une commission interministérielle qui donne son feu vert pour la vente d'armes. Cette commission s'est réunie en février 2007, c'est-à-dire avant que le président de la République ne soit en exercice. Et c'est sous l'ancien gouvernement et sous l'ancienne mandature que l'on a donné un accord de principe pour vendre des missiles à la Libye. Puis-je vous rappeler que les Russes ont vendu des missiles à la Libye, que les Italiens ont vendu des armes à la Libye, que les Britanniques ont signé un accord de coopération et de partenariat industriel avec T. Blair venant en Libye en 2006. Et là, et là quand c'est la France qui réussit quelque chose de formidable, qui nous replace au centre, de l'Europe centrale, c'est-à-dire que grosso modo les pays d'Europe centrale et orientale se disent la France est de retour.
 
Q.- Est-ce que je vais finir par savoir, H. Morin...
 
R.-... Et là, on a affaire à une polémique sur quelque chose qui était déjà engagé depuis trois ans...
 
Q.- Est-ce que vous pouvez répondre à la question : est-ce que ces contrats sont signés oui ou non ?
 
R.- Ils ne sont pas signés en tant que tels, formellement. Il y a une lettre d'intention de la Libye disant on souhaite acheter des missiles Milan sur lequel il y a déjà eu un accord, sur lesquels il y a déjà eu accord d'une commission interministérielle en février 2007. Et il y a une lettre d'intention aussi pour des systèmes radio.
 
Q.- Pourquoi la Libye dit-elle qu'ils sont signés ?
 
R.- Dès lors que les Libyens, dès lors qu'on est en discussion depuis des mois et des mois... Je vais dire presque des années, enfin au moins des mois, qu'il y a eu une commission interministérielle française disant on est d'accord pour les vendre en février 2007, il est logique qu'on aboutisse.
 
Q.- Quand aboutira-t-on votre avis ?
 
R.- Je ne sais pas. C'est à EADS de nous dire quand les conclusions seront... parce que, après, c'est un accord entre une entreprise et un pays. Ce n'est pas la France qui signe.
 
Q.- Donc, vous êtes en train de nous dire que c'est en train de se faire.
 
R.- Cela va se faire.
 
Q.- Bon. Et toute ressemblance avec des contreparties serait un pur hasard ?
 
R.- Je vous donne les éléments qui vous permettent de voir que cette affaire n'est pas une affaire qui s'est réglée en deux mois, qu'il y a même eu une commission interministérielle qui était de février 2007, c'est-à-dire...
 
Q.- Oui, oui, on ne va pas le répéter éternellement...
 
R.- Non, mais je vous le dis parce que vous avez l'air d'avoir du mal à le comprendre.
 
Q.- Surtout, l'autre question, c'est est-ce qu'il est légitime, est-ce que c'est normal de vendre à un pays comme la Libye des armements, sachant que dans le passé, avec la France, il y a même eu des affrontements à travers l'armée tchadienne, ?
 
R.- On a un pays qui est en voie de normalisation, un pays qui a renoncé à son programme de destruction massive, d'armes de destruction massive, un pays dont l'AIEA, l'Agence Internationale sur l'Energie Atomique, dit que c'est un pays qui se soumet à tous les contrôles, mêmes aux vérifications les plus approfondies. Nous avons donc, dès lors qu'on décide de faire en sorte qu'on crée les conditions d'un dialogue euro-méditerranée, dès lors qu'on souhaite que cette partie d'Afrique soit stabilisée, il faut bien discuter avec les puissances qui sont dans cette région, et parmi ces puissances...
 
Q.- On peut vendre des armes ?
 
R.-... Comme l'ont fait les Italiens, comme l'ont fait les Russes, comme le font les Anglais.
 
Q.- Sur le Darfour, la Libye peut avoir un rôle par rapport à cette force de l'ONU et de l'OUA ?
 
R.- Il est évident que le colonel Kadhafi, dans le cas des discussions que nous avons eues avec le Soudan, a forcément un rôle, puisque le colonel Kadhafi est considéré comme quelqu'un qui compte dans la région.
 
Q.- Je change de sujet. Vous êtes en train de redéployer les gendarmes qui sont affectés à des fonctions de gardes statiques. C'est surtout à Paris, devant les ambassades, les ministères, tout ça... Vous voulez récupérer du monde pour aller sur le terrain ?
 
R.- Non. J'avais toujours constaté, quand j'étais parlementaire, j'étais toujours surpris de voir des gendarmes qui, par exemple autour de l'Assemblée nationale, sont tous les cinquante mètres et qui contrôlent par exemple la sortie du parking de l'Assemblée nationale. Et moi, j'estime que les gendarmes, ils sont là pour être dans les brigades et pour assurer la sécurité de la population. Donc, j'ai demandé au Directeur général de la Gendarmerie nationale de faire le tour de toutes les gardes statiques dans le pays et de va regarder ça de près. J'ai commencé par donner l'exemple, c'est-à-dire l'Hôtel de Brienne, là où est le ministre de la Défense et son cabinet, on a réduit d'un tiers le nombre de postes. C'est autant de postes qu'on peut mettre dans les brigades que nous réclament en permanence les élus, députés, sénateurs.
 
Q.- Qu'est-ce que vous allez faire pour le château de Bity, en Corrèze ? Le château de Chirac, où il y a 25 militaires, un escadron de gendarmes ?
 
R.- On a demandé au Président de la République s'il était d'accord pour réduire les choses, parce qu'il fallait que ça se fasse convenablement, il ne fallait pas que ce soit...
 
Q.- L'actuel Président de la République ?
 
R.- Enfin, le précédent, Jacques Chirac, et donc, il a accepté l'idée d'une réduction progressive des présences de la gendarmerie autour du château de Bity.
 
Q.- Il en restera combien, au terme de cette réduction progressive ?
 
R.- On va réduire, dans un premier temps, de moitié. Et puis, en cours de l'année 2008, a priori, il n'y en aura plus.
 
Q.- Wolfeboro, c'est l'endroit où le Président Sarkozy va en vacances, vous confirmez ?
 
R.- Excusez-moi, mais le Président de la République ne m'appelle pas pour me dire où il part en vacances, donc je suis incapable de vous le dire.
 
Q.- Mais vos services pourraient le savoir ?
 
R.- Moi, je sais que je vais dans le Péloponnèse, et ça me suffit.
 
Q.- Et vous rencontrerez votre homologue grec, peut-être ?
 
R.- Nous sommes en effet en train d'essayer d'organiser une rencontre durant ces douze jours en effet.