Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur le rôle de la France dans le maintien de la paix au Liban, à Beyrouth le 28 juillet 2007.

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Circonstance : Déplacement au Liban les 28 et 29 juillet-déclaration devant les participants de la rencontre de la Celle Saint-Cloud, à Beyrouth le 28 juillet 2007

Texte intégral

Monsieur l'Ambassadeur,
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,

Nous nous retrouvons donc aujourd'hui ensemble, nous qui étions à La Celle Saint-Cloud, pour la majorité d'entre vous, il y a maintenant près de trois semaines. Comme le temps passe ! Je suis très heureux d'être au Liban. Je ne suis pas très heureux de ne plus être à La Celle Saint-Cloud, parce que je me demande si le dialogue n'y était pas plus facile qu'ici.
Je n'ai pas de réponse complète encore, mais mes amis et moi, MM. Bernard Emié et Jean-Claude Cousseran, ainsi que toute la délégation, nous sommes très obstinés. Nous avons fait quelques progrès. Vous avez fait quelques progrès. Cela ne peut pas être notre solution. Ce sera votre solution.
Nos sommes simplement là comme des amis, je le dis ici avec force et avec émotion. La France et moi personnellement, nous sommes les amis de chacun d'entre vous, que je connais très bien. Nous n'avons pas eu la même histoire avec tout le monde bien sûr. Mais nous sommes décidés, si nous le pouvons, à vous apporter pas forcément notre savoir mais notre amitié, pas forcément de miracle mais notre obstination. Nous allons continuer demain encore, et puis demain soir je rencontrerai au Caire un certain nombre de représentants de la Ligue arabe. Puis-je retournerai à Paris.
Et j'ai bien compris, en revenant le 28 juillet, comme nous l'avions tous promis, Jean-Claude Cousseran, Bernard Emié et moi-même, que la situation n'est pas facile en ce moment. Elle est même un peu plus tendue. Des élections approchent, qui ne facilitent pas la compréhension. Donc je suis prêt à revenir quand vous le demanderez, quand vous le souhaiterez, entre le 15 et le 20 août par exemple. Peut être sera-t-il plus facile de vous proposer à partir de ce que vous dites entre vous, et de ses va-et-vient entre les uns et les autres, quelque chose sur laquelle vous vous prononcerez.
Une dernière chose que je veux vous dire, avant qu'on ne prenne une petite photo de famille - il y a eu les photos de La Celle Saint-Cloud, il y a la photo ici à Beyrouth et il y en aura d'autres - ce matin j'ai rencontré beaucoup de dirigeants politiques, mais j'ai rencontré surtout ce qu'on appelle la société civile. Ils étaient dix, sélectionnés et très bien choisis pour représenter toutes les communautés par Bernard Emié. Entendre les représentants de la population libanaise, c'était très encourageant, très chaleureux et porteur de beaucoup d'espoir. Les Libanais ne font pas entendre assez leur voix. Ils ont décidé de faire une campagne pour l'unité, pour la souveraineté du Liban et pour la paix, et je trouve cela très bien. Cela nous a beaucoup encouragé à continuer, ce que nous ferons avec modestie, avec patience, mais à notre niveau. Nous ne sommes que des amis. Et nous ne prétendons pas avoir une influence particulière, mais nous avons des liens particuliers. Nous ne prétendons pas exercer une pesanteur, ou une pression politique, mais nous avons des relations culturelles et sentimentales très fortes avec le Liban.
Je remercie chacun d'entre vous d'être ici à l'ambassade de France, où vous vous trouvez chez vous. Nous nous retrouverons bientôt, et nous nous retrouverons avec certains d'entre vous que je n'ai pas vu, peut-être demain et ensuite à la fin du mois d'août. Mais je souhaite une seule chose : réfléchissez au fait qu'il n'y aura pas de paix véritable et de futur pour vos enfants sans que chacun d'entre vous accorde à l'autre un peu plus d'importance. Vous êtes des forts représentants de vous-mêmes, chacun d'entre vous. Vous n'aurez pas de résultat acceptable par tout le monde si vous ne donnez pas un peu de vous-mêmes à l'autre. L'autre, c'est cela qui compte au Liban.
Nous, nous sommes prêts à vous donner le meilleur de nous-mêmes. Vous ne trouverez peut-être pas la solution éternelle mais vous allez surmonter cette étape. Je sens que les points de vue ne sont pas tellement éloignés. Simplement, c'est une question de confiance. Et vous n'avez pas confiance les uns dans les autres. Il y a beaucoup de raisons à cela. 32 ans de guerre sur 64 ans d'existence, c'est quand même beaucoup. Vous n'avez pas confiance, mais c'est à vous d'essayer de bâtir ces ponts et d'établir cette confiance, cette relation avec les autres qui vous permettrait d'avancer. C'est pareil en France mais cela n'entraîne pas les mêmes conséquences. La confiance est quelque chose de mondialement inégal et très mal réparti. Il faut faire un effort à l'intérieur d'un pays comme le vôtre parce que c'est un pays merveilleux. C'est un petit pays mais qui a tellement de signification qu'il faut absolument que vous donniez cet exemple au monde. Et je suis sûr que vous le donnerez. Le monde en a vraiment besoin. Le Moyen-Orient en a besoin. Les rapports entre les chiites et les sunnites en ont besoin. Tout le monde en a besoin. Donnez cet exemple et vous verrez, vous serez vous-mêmes infiniment plus heureux.
Merci.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 juillet 2007