Interview de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de la consommation et du tourisme, à "La Croix" le 23 août 2007, sur les premiers chiffres de la fréquentation touristique estivale en France, et sur les orientations à prendre afin de répondre aux nouveaux besoins.

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Média : La Croix

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Q - Alors que la plupart des vacanciers vont reprendre le travail, quel premier bilan tirez-vous de l'été 2007 ?
R - Le début de la saison a été mitigé, avec une très belle avant-saison marquée par une très nette hausse de la fréquentation en avril et des mois de juin et juillet difficiles. En revanche, les réservations étaient bonnes pour août et la fréquentation n'est pas mauvaise.
Tout dépendra maintenant de ce que sera l'arrière-saison. On a déjà vu des mois de septembre qui pouvaient sauver un mauvais été.
On peut déjà dégager quelques points forts et quelques points faibles. Parmi les points forts, on note la très bonne tenue du quart sud-est, où les touristes se sont réfugiés, un tourisme urbain qui se porte bien, et le retour des touristes étrangers, notamment les Espagnols et les Britanniques, mais aussi, et c'est une surprise, vu le cours de l'euro, les Américains.
Parmi les points faibles, on note les difficultés de la côte atlantique et nord et la contre-performance de la montagne, qui est devenue la dernière destination touristique française derrière la campagne.
Q - La France reste la première destination mondiale. Ce premier rang est-il menacé ?
R - Nous sommes effectivement la première destination mondiale pour le nombre de touristes reçus, mais ce qui est important en économie, ce sont les recettes et, là, nous sommes troisièmes, derrière les États-Unis et l'Espagne.
Pour faire face à la concurrence, notre pays doit faire un effort collectif afin de s'adapter à la nouvelle donne de l'horizon 2020. Il faut savoir que le marché mondial du tourisme est en forte croissance - 5 % par an - et qu'en 2020 il aura doublé. Connaissez-vous beaucoup de marchés aussi porteurs où la France est dans le trio de tête ?
J'ai la conviction que le tourisme peut contribuer pour beaucoup au point de croissance supplémentaire que Nicolas Sarkozy appelle de ses voeux. Nous devons nous adapter dès maintenant pour recevoir les touristes de 2020.
Or, ils sont différents de ceux des années 1970 qui ont fait notre succès. Ils privilégient les séjours courts. Ils réservent au dernier moment. Et surtout, ils vont sur Internet et ils comparent, ce qui met la France face à de nouveaux concurrents, comme les pays émergents.
Q - Quels sont les points noirs à améliorer absolument ?
R - D'abord, il faut revaloriser certaines prestations. Je pense à la montagne, où notre offre date des années 1970, une époque où les gens voulaient skier toute la journée et regardaient peu leurs conditions d'hébergement.
Aujourd'hui, on skie en famille, quatre heures par jour, et on ne veut plus être logé n'importe comment. Autre exemple : l'exigence environnementale. Aujourd'hui, les touristes veulent se retrouver dans des lieux en communion avec la nature, des lieux qui respectent l'environnement. Nous devons donc veiller à toutes sortes de choses, comme le recyclage de l'eau pour arroser les golfs.
Ensuite, il y a la question du prix. Aujourd'hui, des tour-opérateurs proposent des semaines à 200 euros vers le Maghreb. Même si les prestations ne sont pas comparables, le touriste qui a un budget et qui choisit sa destination sur Internet, lui, il compare. Nous devons donc être très vigilants quant aux tarifs.
Enfin, il faut améliorer la qualité de l'accueil. J'ai pu constater que c'était en cours en me rendant à l'aéroport de Roissy. Il y a deux ans, le gouvernement a lancé le label Qualité Tourisme, que 10 % des établissements possèdent désormais.
De mon côté, je veux réorganiser le classement des hébergements touristiques, pour prendre en compte la qualité de l'accueil parmi les critères appréciés. Je souhaite mener cette réforme d'ici à la fin de l'année, pour que les touristes puissent en bénéficier en 2008.
Q - Seuls 2,6 % des touristes que nous recevons viennent de pays soumis à obligation de visa, soit la majorité des pays de la planète. Ne nous privons-nous pas d'une clientèle importante ?
R - Notre politique en matière de flux migratoires a été renforcée à juste titre, car il y a eu par le passé détournement de la filière touristique à des fins d'immigration. Il est vrai qu'il reste des progrès à faire.
En Russie, par exemple, nous ne parvenons pas à délivrer suffisamment de visas pour faire face à la demande touristique. J'ai attiré l'attention du ministre des Affaires étrangères sur cette situation à laquelle il faut remédier sans attendre.