Interview de M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, à RTL le 24 août 2007, sur les relations franco-africaines et sur l'ouverture de la vie politique.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Arzt.- Bonjour J.-M. Bockel. Le 16 août, des policiers français qui accompagnaient le rapatriement de deux Guinéens sans papiers expulsés de France, ont été molestés en arrivant à Conakry, y compris par des policiers locaux, disent-ils. Est-ce qu'on peut parler d'un incident diplomatique ?
 
R.- Non, ça n'a pas été jusque là parce que les autorités guinéennes ont réagi aussitôt, ont compris qu'il y avait là un problème d'organisation. Il y a eu des contacts de part et d'autre pour que ces déplacements soient mieux préparés, qu'il y ait plutôt un comité d'accueil des autorités plutôt que ce qui s'est passé.
 
Q.- Organisé par qui ?
 
R.- Apparemment, il y a eu un petit peu de bousculade, et même plus que cela. Je pense d'ailleurs que, de manière générale, cette question des reconduites, qui va se poursuivre tant qu'on n'aura pas une ...
 
Q.- Y compris vers la Guinée ?
 
R.- Mais vers l'ensemble des pays où il y a de l'immigration illégale, eh bien ces choses-là s'organisent dans le respect, bien sûr, du droit International - nous sommes un État de droit - mais marquant là aussi une volonté de fermeté et de clarté dans la règle du jeu. Et je crois que de ce point de vue-là, cela contribuera aussi à aller vers une immigration mieux organisée, mieux structurée et non pas illégale, ce qui est mauvais pour tout le monde.
 
Q.- Les policiers en question vont recevoir de la ministre de l'Intérieur, la médaille pour acte de courage et de dévouement ?
 
R.- Écoutez, ils ont quand même vécu ... Imaginez la situation : des mouvements de foule, qui n'ont pas été maîtrisés, en tout cas dans un premier temps. Je pense qu'ils ont dû faire preuve de courage et de sang froid ; et je trouve cela tout à fait normal.
 
Q.- Et pour vous, l'incident est clos, donc ?
 
R.- Quand je vois la réponse des autorités guinéennes qui s'excusent et qui disent : "à l'avenir, on va mieux s'organiser avec les autorités françaises", je considère que l'incident est clos.
 
Q.- Autre affaire dramatique : la disparition de G.-A. Kieffer, il y a trois ans en Côte d'Ivoire. Selon un témoin retrouvé par France 3, il aurait été détenu pendant deux jours à la Présidence ivoirienne, puis exécuté. Si c'est le cas, le pouvoir ivoirien serait en cause ?
 
R.- Je crois que ce qui est important c'est que le Président N. Sarkozy ait reçu la famille.
 
Q.- Hier aussi ! C'est un peu par hasard ?
 
R.- Hier, oui. Certainement. En tout cas, cela montre sa volonté de faire respecter la transparence et le droit, en tout cas de soutenir une démarche de justice respectueuse de ses principes. Il n'est pas contradictoire de vouloir dialoguer avec les autorités ivoiriennes et de demander que la justice ivoirienne fonctionne en vertu là aussi de ses principes de droit que j'évoquais tout à l'heure et qui permettront de faire toute la lumière. Pour le moment, nous avons connaissance d'un témoignage. Il faut évidemment aller au fond des choses.
 
Q.- Sans rentrer dans le détail ; mais au-delà de ces cas précis, il y a une question plus générale en ce moment à propos de l'Afrique, c'est le discours de N. Sarkozy en juillet à Dakar qui visiblement n'a pas plu en Afrique, aux intellectuels, aux médias. Il parlait de l'homme africain. Qu'est-ce qui s'est passé qui fait que ...
 
R.- J'étais présent à Dakar. Cela a été un grand discours. Ca reste un grand discours fondateur. Cela change des discours parfois un peu convenus, un peu "planplan", les discours qu'on a envie d'entendre, qui finalement ne changent rien.
 
Q.- Apparemment, ça change, en tout cas.
 
R.- Il est normal que ce discours ait suscité débat. Dans ce débat, y'a des éléments de polémique. La polémique, je pense qu'elle naît surtout, je parle évidemment des gens qui s'expriment de bonne foi, d'un malentendu parce que franchement, le Président n'a jamais voulu opposer la responsabilité de la colonisation qu'il a dénoncée avec une sévérité extrême.
 
Q.- Et en disant, que les colonisateurs étaient sincères.
 
R.- Certains d'entre eux ! ... et d'autre part, la responsabilité, évidemment de l'Afrique aujourd'hui et de ses dirigeants. Responsabilité, surtout d'ailleurs ... il a surtout regardé l'avenir ; bien sûr, qu'il est parti de l'Histoire du passé ... et il est parti même de l'Histoire de l'âme africaine, comme il l'a dit, avant la colonisation ... Il a dit de très belles choses là-dessus qui, à mon avis, doivent remplir de fierté ceux qui peuvent entendre ce discours et il s'est tourné vers l'avenir en parlant, évidemment, d'un engagement volontaire et de la jeunesse africaine, et de l'élite de l'Afrique. En fait, c'est cette idée qu'aujourd'hui l'Afrique doit pouvoir elle-même, de par elle-même, surmonter un certain nombre de déterminants, bâtir son destin, bâtir aussi des choses ensemble. Nous serons, bien sûr, à ses côtés.
 
Q.- Il faudra faire un deuxième discours pour dire tout ça ?
 
R.- Mais c'est ça, le discours !
 
Q.- Mieux ? ...
 
R.- Un discours qui suscite débat, c'est déjà un discours réussi.
 
Q.- Une question sur B. Kouchner qui est le ministre des Affaires Étrangères, votre ministre de tutelle : est-ce qu'il est mal à l'aise en ce moment avec la diplomatie de l'Élysée ? On a pu lire, par exemple, dans le Figaro d'hier qu'il n'écartait pas l'idée de démissionner. Est-ce qu'il a des états d'âme ?
 
R.- Pour qui connaît et aime - c'est mon cas - B. Kouchner (moi je le connais depuis longtemps), c'est sa manière d'être. C'est-à-dire qu'il est enthousiaste. Là, il vient de réussir de manière tout de même formidable une mission extrêmement difficile en Irak et je crois que tout le monde le reconnaît et ça, c'est aussi la capacité, le talent de Bernard. En même temps, c'est quelqu'un qui n'a pas la langue de bois. Donc, à un moment donné, quand il a un moment de spleen, quand il a quelque chose à dire, il le dit. Mais croyez-moi, il inscrit sa démarche gouvernementale dans la durée, on le sent bien quand on travaille au quotidien, à ses côtés.
 
Q.- Et le Président Sarkozy répare tous ces moments de spleen ?
 
R.- Écoutez, moi je les vois ensemble, je les ai vus notamment dans des déplacements. Je peux vous dire que c'est des relations, à la fois de franchise, d'amitié, de chaleur humaine ; et vraiment, Bernard se sent très soutenu par le Président.
 
Q.- Parlons un tout petit peu de votre ancien Parti : le Parti Socialiste. Demain, S. Royal fait sa rentrée en Poitou-Charentes. A votre avis, elle est appelée à avoir un grand rôle à gauche ?
 
R.- Écoutez, je ne le sais pas. Elle a été candidate à l'élection présidentielle. Donc, elle jouera un rôle. J'observe que beaucoup d'autres essaient également de jouer un rôle. Actuellement, évidemment, ce n'est pas ma partie, mon affaire. Moi-même, je suis maintenant à mon modeste niveau, mais je crois que c'est important aussi comme ministre d'ouverture engagé dans une démarche de rénovation, non plus du PS, mais de la vie politique ...
 
Q.- C'est-à-dire ? Qu'est-ce que vous faites concrètement ?
 
R.- Je vais, à partir de la rentrée - les choses sont en train de se préparer- organiser et à partir de mon Club "Gauche Moderne", puisque je garde mes convictions de gauche, c'est d'ailleurs parce que j'ai cette conviction sociale libérale que j'ai été amené à accepter l'ouverture et à m'engager dans une démarche de réformes, mais aussi, si vous voulez de continuer à travers cette démarche sociale libérale, de permettre un dialogue entre des gens encore de gauche, entre des gens de droite qui donc depuis des années, sont sensibles à ma démarche de modernisation, un peu "blairiste". Donc je crois que je vais continuer ... Enfin, je crois, je suis sûr que je vais continuer ce travail, l'organiser, le structurer.
 
Q.- Aux municipales, il y aura une liste de droite, enfin UMP, contre vous à Mulhouse dans votre ville ?
 
R.- Non, il y aura une liste d'ouverture qui rassemblera et les socialistes qui me sont fidèles, et l'UMP, et les centristes, et les choses sont en très bonne voie.
 
Q.- Merci J.-M. Bockel.
 
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 24 août 2007