Texte intégral
N. Demorand.- Bonjour à vous et bienvenue sur France Inter, F. Fillon. Aujourd'hui, la rentrée des profs avec 11.200 fonctionnaires de moins dans l'Education nationale ; votre ministre de l'Economie, C. Lagarde a décrit la situation, d'un mot, hier : plan de rigueur dans la Fonction publique. Vous reprenez le terme, ce matin ?
R.- Il faut de la rigueur dans la gestion des deniers publics, mais il faut aussi revaloriser le métier des enseignants et, d'une façon plus générale, la condition des fonctionnaires de notre pays. On ne peut pas ne pas réduire la dépense publique ; on est le pays d'Europe qui a le plus d'emplois publics ; on est celui qui fait le plus de dépenses publiques et on est naturellement celui qui a aujourd'hui l'endettement le plus élevé. On s'endette pour payer les salaires des fonctionnaires, on s'endette pour payer le fonctionnement quotidien de l'Etat. Cela n'est pas possible. N'importe quel Gouvernement, confronté à cette situation, doit réduire la dépense publique, et c'est ce que nous faisons, en engageant progressivement un plan de réduction des effectifs, d'amélioration du fonctionnement de l'Etat. Mais, en même temps, il faut revaloriser la condition des enseignants, il faut que les fonctionnaires soient mieux traités dans notre pays, il ne faut pas que le regard de l'opinion publique sur les fonctionnaires soit aussi critique que celui qui nous connaissons aujourd'hui.
Q.- Mais l'expression « plan de rigueur », vous semble-t-elle fidèle à la situation ?
R.- Il n'y a pas de plan de rigueur, il y a un effort constant pour réduire les dépenses de l'Etat. Vous savez que l'on a engagé une revue générale des politiques publiques, c'est-à-dire que l'on prend chaque politique publique, il y en a qui sont des politiques qui sont conduites depuis des années et des années, sans que personne ne se soit vraiment interrogé sur leur efficacité, sur leur résultat. On les prend une par une, on regarde ce que l'on peut améliorer, ce que l'on peut supprimer. Si on prend l'Education nationale, il y a 900.000 enseignants, il y a 12 millions d'élèves qui vont rentrer. Personne ne peut sérieusement prétendre qu'il n'y a pas des améliorations à apporter au fonctionnement de l'école. Il y a une foison d'options : il y a des problèmes de remplacements qui sont mal réglés, il y a les enseignants qui ne sont pas devant les élèves, parce qu'ils enseignent dans des disciplines qui sont des disciplines qui sont en perte de vitesse. Voilà. Comme dans toute organisation humaine, il y a dans l'Education nationale une optimisation nécessaire.
Q.- Mais, est-ce que l'on peut faire mieux, avec moins de gens ?
R.- Bien sûr qu'on peut faire mieux avec moins de gens, bien sûr et d'ailleurs c'est le défi auquel toutes les sociétés humaines sont confrontées : améliorer la productivité, améliorer la qualité de l'organisation. D'ailleurs, la meilleure preuve que l'on peut faire mieux, avec des effectifs moindres, c'est que la solution retenue depuis des années, qui a consisté à répondre au défi de l'école, simplement en recrutant des personnels, a abouti à un échec. Tout le monde constate aujourd'hui que l'école ne fonctionne pas mieux qu'hier.
Q.- Elle est en crise, d'après vous ? Il y a eu un rapport très sévère du Haut conseil de l'éducation, que vous aviez créé lorsque vous étiez ministre de l'Education nationale.
R.- On le sait, on le sait bien que l'école est en crise, on le constate tous, on constate que ses résultats ne sont pas ce qu'ils devraient être, on constate qu'elle a de plus en plus de mal à atteindre ses objectifs. Pour que l'école se renouvelle, pour que l'école sorte de cette crise, il faut qu'elle se concentre, d'abord, sur des objectifs plus clairs, ce que l'on a essayé de faire avec la loi de 2005, mais il faut aller plus loin encore, et puis il faut que l'on résolve des questions spécifiques, qui sont liées aux quartiers, qui sont liées à des publics en difficultés, qui sont liées... au fond, il faut individualiser de plus en plus les parcours. Et c'est pour ça que la grande innovation de la rentrée 2007, que N. Sarkozy a voulue, que le Gouvernement a mis en place, c'est les études surveillées, ce sont les études surveillées après 16h00. On va commencer dans les collèges des zones d'éducation prioritaire, pour les étendre l'année prochaine à tous les collèges.
Q.- Il n'y a pas de plan de rigueur, disiez-vous, c'est donc une bourde de votre ministre de l'Economie ?
R.- Non, mais... Il ne faut pas... Vous voyez, vous cherchez à opposer le ministre de l'Economie et le Premier ministre, vous n'y arriverez pas. C. Lagarde est ministre de l'Economie, elle a raison de dire qu'il faut de la rigueur dans la gestion...
Q.- Un « plan de rigueur » et « de la rigueur », c'est deux choses très différentes, F. Fillon.
R.- Ce n'est pas très différent dans son... enfin, elle s'exprimait sur une radio, même concurrente, et elle a dit, au fond, quelque chose qui correspond à sa fonction : il faut de la rigueur dans la gestion des dépenses publiques et c'est d'ailleurs dans mon rôle, en tant que Premier ministre, de faire en sorte que les objectifs de déficit sur lesquels nous nous sommes engagés, soient tenus.
Q.- Suez-GDF, ça y est, donc, la fusion est faite, on l'apprenait il y a un petit peu plus de ¾ d'heure maintenant. Votre réaction à l'émergence de ce nouveau groupe dans le paysage de l'énergie, F. Fillon.
R.- Vous savez, la question de la maîtrise de l'énergie va être une question centrale au cours des prochaines décennies. Et la question pour la France c'était : quelle est la meilleure solution pour affronter le défi de l'énergie ? Eh bien avec cette solution, on se dote d'un deuxième géant de l'énergie, qui va être le troisième ou le quatrième mondial, suivant le classement que l'on donne à GAZPROM, c'est-à-dire que la France va disposer, dans les quatre premières sociétés énergétiques mondiales, de deux entreprises. Et je pense que c'est un atout considérable, c'est un atout qui va nous permettre de structurer le marché de l'énergie en Europe, c'est un atout qui va nous permettre d'être un acteur majeur sur ce marché. Je pense que c'est une très belle opération, dont je me réjouis que ses présidents, les présidents des deux sociétés, l'aient rendue possible.
Q.- Privatisation ?
R.- Il y a forcément une privatisation dans la mesure où l'Etat n'est plus majoritaire, en tout cas n'est plus au-dessus de 50 % dans le capital de Gaz de France. L'Etat, enfin, le secteur public aura environ 40 % du nouveau groupe. 40 % de Gaz de France et de Suez, je pense que c'est mieux que 70 ou 80 % de Gaz de France tout seul.
Q.- On a réentendu le son dans le journal de P. Cohen, et vous savez comment parle N. Sarkozy, c'est un vieux son, qui a à peu près un an et demi, deux ans, dans lequel il dit, avec le style direct qu'on lui connaît : « Il n'y aura pas de privatisation. Point. Ce n'est pas la peine de barguigner, il n'y aura pas de privatisation ». Bon, privatisation, vous venez de le reconnaître, alors, comment expliquer ce revirement de point de vue, là ?
R.- D'abord, la situation est différente. En 2006, quand l'opération de fusion Gaz de France a été annoncée par le Gouvernement précédent, il s'agissait de sauver Suez, c'était une opération financière. Aujourd'hui, c'est une opération stratégique qui consiste à faire un groupe de l'énergie, c'était d'ailleurs un des obstacles sur lequel nous avons buté depuis trois mois : comment marier un groupe énergétique, Gaz de France, avec un groupe multi activités, Suez ? On l'a résolu en obtenant que Suez se sépare, filialise, ses activités en matière d'environnement. Deuxièmement, on a étudié toutes les autres solutions. J'avais dit, au début de l'été : la fusion est pertinente, mais il y a d'autres solutions. Donc, on a, avec N. Sarkozy, examiné toutes les autres solutions : l'alliance avec des producteurs de gaz, on a cherché d'autres solutions pour donner à Gaz de France la dimension qui lui permette d'être un acteur majeur dans le monde. On n'a finalement pas trouvé de meilleure solution que Suez et comme on est pragmatique, eh bien on va vers cette solution et je vous fais remarquer que N. Sarkozy, en l'espace de quelques années, aura permis de donner à la France un grand groupe, ALSTOM, dans le domaine industriel, restructurer EADS et aujourd'hui créer un géant de l'énergie.
Q.- Quel rôle avez-vous eu dans la gestion de ce dossier ? Parce qu'on entend parler de tout le monde, sauf de vous, F. Fillon, et de Matignon, et de la part que vous auriez pu y prendre.
R.- Mais ça n'a pas beaucoup d'importante, ce qui compte c'est les résultats. Matignon travaille, Matignon travaille dans l'ombre, Matignon était à toutes les réunions toute la journée d'hier, pilotait le travail technique, mais au fond, ça n'a pas d'importance ; je ne vais pas me livrer sur votre antenne à une comptabilité du travail des uns et des autres. Ce qui compte, c'est les résultats et puis c'est au fond la façon dont les Français jugent le tandem que nous formons avec N. Sarkozy. Et vous avez pu constater que sur ce sujet-là, il n'y a pas photo, ils le jugent avec beaucoup d'enthousiasme.
Q.- Il paraît qu'il parle de vous comme d'un collaborateur, F. Fillon, et que ça vous agace.
R.- C'est une expression que je ne reprendrai pas. Un collaborateur, c'est quelqu'un qui est appointé par un patron. Chez un homme politique - un homme politique c'est quelqu'un qui a des convictions, une légitimité, le suffrage universel. Maintenant, ce qui est vrai, c'est ce que j'ai d'ailleurs toujours dit, je l'ai même théorisé dans un livre avant d'être Premier ministre...
Q.- « La présidentialisation du régime ».
R.-... Je pense que le Premier ministre est là pour mettre en oeuvre la politique du président de la République. J'ai fait campagne avec N. Sarkozy, je me suis battu pour qu'il soit président de la République, j'ai travaillé avec lui à l'élaboration de son projet, ce n'est pas pour le lendemain lui causer des difficultés dans la mise en oeuvre d'un projet auquel j'adhère.
Q.- Mais, sincèrement et en toute franchise, au moment où vous avez accepté le job, comme on dit, est-ce que vous vous attendiez à ça ?
R.- Bien sûr, bien sûr. Nous avions, avec N. Sarkozy, depuis deux ans, construit non seulement notre projet politique mais la manière dont nous le mettrions en oeuvre.
Q.- Vous voyez comment l'émergence de personnages de l'Etat qui jusqu'à lors étaient dans l'ombre, je pense au secrétaire général de l'Elysée, C. Guéant, qui sur une radio concurrente, comme vous le diriez F. Fillon, faisait hier soir, avant vous, sa propre rentrée, omniscient sur tous les dossiers, ressemblant très étrangement, soit à un vice-président, soit à un Premier ministre bis.
R.- Non, vous... Je comprends que ce sujet vous passionne...
Q.- Eh bien c'est quand même...
R.-... il ne passionne vraiment pas les Français, vraiment pas les Français...
Q.- Oui, mais on ne sait jamais, c'est de nouveaux équilibres à l'intérieur de l'appareil d'Etat, c'est intéressant.
R.- Il y a quelque chose qui a changé et je pense qu'il faut que vous vous en rendiez compte : on veut la plus grande transparence dans notre système politique, et des gens qui occupent des responsabilités importantes, doivent pouvoir répondre aux questions de la presse. Il n'y a pas de pouvoir secret, il n'y a pas de personnage de l'ombre et je pense que de ce point de vue là, c'est une bonne chose. Donc, vous verrez au cours des mois prochains, d'autres personnalités de l'Etat qu'on n'avait pas l'habitude d'entendre, s'exprimer, je pense que c'est très bien et tout cela se fait dans une coordination qui est parfaite.
Q.- Mais le revers de l'hyper-Président, c'est l'hypo-Premier ministre ?
R.- Mais quelle importance cela a ?
Q.- Eh bien je ne sais pas...
R.- Ça a une importance pour vous ?
Q.- ...c'est quand même un poste important, non, dans la hiérarchie des pouvoirs au sein de la République.
R.- Moi, je sais quel est le travail que fait le Premier ministre pour permettre au Gouvernement de fonctionner. La question de savoir quelle est la part de médiatisation dans ce travail, elle m'intéresse peu. Moi, ce que je veux, c'est des résultats. Je veux que la politique que j'ai souhaitée, que j'ai largement contribué à déterminer avec N. Sarkozy, je veux qu'elle marche. Aujourd'hui, ce que je constate, c'est que ça marche, alors que dans la période précédente, ça ne marchait pas et ça ne marchait pas, en particulier, parce qu'il y avait une diarchie entre le Président et le Premier ministre, qui n'était pas saine.
Q.- D. de Villepin, précisément interrogé dans Le Parisien hier, dit en substance que l'état de grâce, le style, l'énergie, tout ça est parfait, formidable, mais que les politiques se jugent aux résultats. Comment prenez-vous ce rappel à la réalité ?
R.- Il a raison, il a eu quelques résultats, on aura les nôtres à la fin de ces 5 ans et on pourra juger. Je n'aime pas que l'on parle d'état de grâce, parce que je ne pense pas qu'il y ait d'état de grâce, je pense qu'on n'a jamais eu d'état de grâce, d'ailleurs. On agit, on voit d'ailleurs qu'il faut en permanence relancer la machine et c'est une des forces, je pense, de l'équipe gouvernementale que j'ai constituée avec N. Sarkozy, que d'être capable de relancer en permanence la machine, pour faire en sorte que les Français n'aient pas le sentiment que le Gouvernement s'assoupit, que le Gouvernement est fataliste, que le Gouvernement laisse les choses se faire.
Q.- A tout de suite, F. Fillon, on vous retrouve dans une petite dizaine de minutes pour « Inter-Active », vous répondrez à toutes les questions des auditeurs de France Inter.
[2ème Partie. « Inter-Active »]
Q.- Bienvenue dans « Inter activ' », 01 45 24 70 00 pour poser toutes vos questions à F. Fillon, le Premier ministre, notre invité sur France Inter depuis 08 h 20, ce matin. F. Fillon qui nous a dit, un, qu'il n'y avait pas de plan de rigueur dans la fonction publique ; deux, qu'il fallait pourtant tout faire pour réduire la dépense publique ; et trois, que tout allait bien à Matignon et dans le job de Premier ministre. C'est Laurent qui nous appelle de Paris pour commencer. Bonjour à vous Laurent. Bienvenue sur France Inter.
Laurent, Auditeur : Merci. Bonjour, monsieur Fillon. Bonjour. Laurent : Je voudrais revenir sur la fusion EDF/Suez. Donc, la fusion d'EDF avec SUEZ était initialement justifiée par le risque d'OPA d'ENEL au nom du patriotisme économique. Aujourd'hui, on ne parle plus de ce risque. Alors qu'est-ce qui justifie cette fusion aujourd'hui et quid des risques de hausse des prix pour les consommateurs ?
F. Fillon vous répond Laurent.
R.- Vous avez raison, et je disais tout à l'heure que cette fusion défensive s'est transformée en une fusion offensive. Il s'agit aujourd'hui de donner à la France un groupe énergétique de taille mondiale là où GDF souffrait d'une dimension trop petite pour être un acteur majeur sur le marché européen et sur le marché mondial de l'énergie et c'est pour ça que c'était très important pour nous que Suez ne conclue pas ce mariage en amenant ses activités d'environnement qui en faisaient un poids lourd qui aurait écrasé, qui aurait déséquilibré le mariage entre Suez et Gaz de France. Le marché de l'énergie en France il est ouvert, en Europe il est ouvert, il est ouvert déjà depuis un moment. Donc, toute la question pour nous c'est est-ce qu'on est passifs et on laisse les acteurs étrangers envahir le marché français ou est-ce que nous, au contraire, on structure notre marché, on structure nos entreprises pour être en mesure d'exercer un contrôle stratégique sur la question énergétique ? C'est ce qu'on fait avec ce groupe dans lequel la puissance publique aura près de 40 %. S'agissant des tarifs, d'abord, premièrement, je voudrais dire que jamais le contrôle des prix n'a démontré son efficacité par rapport à la concurrence. J'entendais tout à l'heure dans la revue de presse dire que la privatisation avait rarement conduit à la baisse des prix. Eh bien c'est faux. Si on prend l'exemple de France Télécom, ça a conduit à l'augmentation de l'offre de services et à la baisse des prix parce que le monopole n'est pas la meilleure façon d'assurer la défense du consommateur. Et puis enfin...
Q.- Donc, vous pensez que sur ce poste budgétaire qui est très important dans la structure des dépenses des ménages, l'énergie...
R.-... je pense que le risque n'est absolument pas dans la structure financière. Le risque il est après dans la question énergétique elle-même, c'est-à-dire l'abondance ou non des ressources.
Q.- Mais en tout cas, pour vous, la concurrence est une bonne chose.
R.- La concurrence est une bonne chose. Alors, j'ajoute que dans l'accord qui a été conclu, nous avons veillé à ce que le contrat de service public qui lie Gaz de France à l'Etat soit maintenu, c'est-à-dire que les conditions de ce contrat seront exactement les mêmes après la fusion qu'avant la fusion.
Q.- Stephan de Toulouse vous demande la chose suivante, F. Fillon, « Ne fallait-il pas mieux nationaliser Suez plutôt que privatiser GDF pour garder le contrôle de l'énergie ? ».
R.- Je pense qu'avec 40 %, l'Etat garde le contrôle de l'énergie.
Q.- Mais sur le fond de cette proposition vous avez dit qu'un certain nombre de propositions avaient été examinées.
R.- Non, je pense que ce n'est pas la vocation de l'Etat de posséder toutes les entreprises du pays, même dans le domaine énergétique. Ça aurait été d'ailleurs une opération extrêmement coûteuse pour le budget de l'Etat et je ne vois pas au nom de quoi les contribuables français devraient payer pour que l'Etat soit propriétaire de 100 % de ces activités énergétiques. Ce qui est important c'est d'avoir le contrôle. Nous avons le contrôle, nous dirigeons la stratégie.
Q.- Christophe nous appelle de Tours. Bonjour à vous Christophe.
Christophe, auditeur : Oui, bonjour. Bonjour, monsieur Fillon.
R .- Bonjour.
Q.- Christophe : Je voudrais savoir si vous approuvez la trahison de monsieur Sarkozy vis-à-vis de l'opinion publique quant à sa promesse faite devant l'Assemblée nationale de ne jamais privatiser GDF/EDF. Qu'avez-vous fait pour empêcher cette trahison, ce très grave couac devant le peuple français ?
Q.- Ah, les termes sont lourds là. F. Fillon vous répond Christophe.
R.- Ils sont lourds et donc ils indiquent clairement ce que pense l'auditeur et chacun est libre naturellement de penser ce qu'il veut. Ceci étant, j'ai répondu à cette question. D'abord, la situation est différente, N. Sarkozy avait raison de s'opposer à une opération purement financière qui aurait noyé Gaz de France dans l'ensemble de Suez, ça n'est pas le cas aujourd'hui, on voit que la mariage est équilibré et que l'Etat est en tout cas le premier actionnaire de ce nouvel ensemble. Et deuxièmement, il faut accepter que les responsables politiques puissent faire preuve de pragmatisme. Enfin, est-ce que au nom de cet engagement pris à un moment donné, il fallait accepter de laisser Gaz de France dans une situation d'isolement qui aurait conduit progressivement à sa marginalisation et qui aurait permis à des acteurs privés étrangers de prendre pied de façon importante sur le marché français ? Non, évidemment. Donc, N. Sarkozy a fait preuve de pragmatisme. Il l'a fait d'ailleurs dans une transparence totale, c'est-à-dire en indiquant à ses interlocuteurs, je pense en particulier aux organisations syndicales de Gaz de France, ce qu'il allait faire et pourquoi il allait le faire et je pense qu'il a eu raison.
Q.- Transparence, vraiment ? F. Hollande fustigeait, hier, le fait du prince et le fait que tout se passe au fond dans les coulisses du pouvoir sans qu'on sache vraiment quels sont les dessous des cartes.
R.- Ça, d'abord, s'il y a des choses qui ne se passent pas dans les coulisses du pouvoir c'est cette fusion dont tout le monde parle tout les jours, sur laquelle les présidents vont s'exprimer dans quelques instants parce que c'est à eux de dire, au fond, les détails de cette fusion. Quant au Parlement, naturellement, il aura toutes les informations qu'il dispose et son mot à dire au fur et à mesure que les choses se mettront en place.
Q.- Pierre-Marie nous appelle de Bretagne. Bonjour à vous Pierre- Marie.
Pierre-Marie, auditeur : Oui, bonjour.
R.- Bonjour.
Q.- Pierre-Marie : J'avais une question donc auprès de monsieur Fillon concernant la promesse de N. Sarkozy sur le crédit d'impôt sur les emprunts immobiliers. J'aurais voulu avoir une explication un peu plus détaillée concernant le refus et le refus... et je ne suis pas satisfait de la réponse de N. Sarkozy reboutant vers le Conseil constitutionnel. Je pense qu'il est entouré de juristes qui auraient pu lui permettre d'anticiper ce problème. Donc, j'ai aussi l'impression qu'on nous prend pour des imbéciles.
R.- Non, ça, je vous assure que personne ne vous prend pour des imbéciles.
Q.- Alors, un dossier mal ficelé ?
R.- Et pour avoir eu plusieurs fois l'occasion de voir des décisions, des textes que j'avais défendus au Parlement annulés ou modifiés par le Conseil constitutionnel, je peux vous dire qu'avec les meilleurs juristes du monde, on ne sait jamais ce que le Conseil constitutionnel va décider. Pourquoi ? Parce que autant de juristes, autant d'interprétations différentes, donc voilà. Le Conseil constitutionnel a dit sur la déduction des intérêts d'emprunt immobilier, « une mesure touchant les particuliers qui ont déjà emprunté dans les cinq dernières années est une mesure qui crée une inégalité entre les Français puisque en fonction de la date à laquelle ceux-ci avaient emprunté, cinq ans ou plus de cinq ans, la mesure s'applique ou ne s'applique pas ». Bon, c'est discutable. On avait, nous, une autre interprétation de la Constitution. Maintenant, le Conseil constitutionnel est souverain, personne ne peut lui imposer une décision, sauf à réviser la Constitution. Je pense que chacun comprendra qu'on ne va pas réviser la Constitution sur ce sujet. On a donc préféré renforcer l'effort sur les nouveaux propriétaires pour être plus incitatif à l'acquisition de son logement. Je pense que c'est une bonne formule.
Q.- Question de Loïc par Internet, il vous demande la chose suivante, « A quoi servent les ministres puisque monsieur Sarkozy multiplie les commissions qui dépendent que de lui ? N'est-ce pas le travail des ministres de réfléchir et de travailler sur ces différents sujets ? ».
R.- D'abord, les commissions ne dépendent pas que du président de la Républiques, ces commissions dépendent du Gouvernement. Si on prend l'exemple de la commission Attali, je crois pouvoir dire que c'est une initiative du Gouvernement et du Premier ministre que le choix de monsieur Attali. Et cette commission elle travaille en permanence avec le Gouvernement, c'est-à-dire que chaque semaine nous avons des échanges avec la commission pour voir où elle en est dans son travail. D'ailleurs, j'ai indiqué à monsieur Attali qu'au fur et à mesure que des idées innovantes et originales sortiraient de sa réflexion, nous nous réservions la possibilité de les mettre en oeuvre, sans même attendre la publication du rapport. Non, je pense que c'est au contraire une très bonne idée que d'ouvrir la réflexion à des personnalités venant d'horizon très divers,Attali en l'occurrence en est le symbole, et les ministres trouvent là une richesse dans laquelle ils puisent pour leur action.
Q.- La présence d'un psychanalyste, certes fameux, B. Cyrulnik, dans cette composition sur les freins qui existent en France sur la croissance vous semble pertinente ou...
R.-... c'est original, en tout cas.
Q.- Oui, c'est original, ça c'est sûr, mais est-ce que vous pensez qu'il y a vraiment un problème psychique ou un problème économique ?
R.- Non, mais je crois que c'est intéressant d'avoir tous les regards de la société et puis ça évitera que... on a souvent, quand on lance des réformes, des jugements très sévères de la part des psychanalystes, donc j'espère que cette fois-ci, étant associés aux réflexions, ils seront plus ouverts.
Q.- Il table sur 5 %, J. Attali dit 5 % de croissance en France, ça pourrait être ça, on peut y arriver...
R.-... non, ce que dit...
Q.-... mais on fait trois points de moins, en l'occurrence.
R.- Ce que dit J. Attali c'est que la croissance mondiale c'est 5 %.
Q.- Donc, pourquoi pas en France.
R.- Après tout, on peut se poser la question de savoir et aux Etats-Unis il y a des jours, il y a eu des époques, il y a de époques où on s'approche d'un taux de croissance de cette... voilà. Donc, pourquoi est-ce que l'Europe et la France seraient complètement à l'écart d'une possibilité de taux de croissance à 5 % ? Bon, pour l'instant, l'objectif du Gouvernement c'est un point de plus de croissance et déjà ce point-là il va falloir aller le chercher avec les dents et ça va être difficile.
Q.- Mais pourquoi, d'après vous, ne pouvons-nous avoir en France une croissance plus forte par rapport à d'autres pays, d'autres grandes démocraties, vous venez d'en citer une ?
R.- Parce qu'on a trop de rigidité. D'abord, parce qu'on est un pays riche et que les pays riches ont atteint un niveau de développement tel que chaque point de croissance supplémentaire est au fond marginalement plus difficile à aller chercher ; parce qu'on a une démographie dans tous les pays riches qui est une démographie plus faible que dans les pays émergents et la démographie est un élément aussi de la croissance ; et puis enfin, parce que s'agissant de la France spécifiquement, on a énormément de rigidités : chaque fois qu'on veut modifier quelque chose, adapter notre organisation aux évolutions du monde, on a des blocages. Et c'est la raison pour laquelle on a pris autant de retard et c'est pour ça qu'on veut mettre les bouchées doubles d'ici la fin de l'année en s'attaquant à tous les sujets de blocage de la croissance.
Q.- Est-ce que vous n'avez pas mangé, F. Fillon, votre pain blanc en faisant un certain nombre de mesures qui étaient des promesses de campagne de N. Sarkozy, je pense notamment à la question des allègements d'impôts, bouclier fiscal, à la question aussi des heures supplémentaires ? Quelles marges de manoeuvre budgétaires vous reste-il en main alors que la croissance est faible ?
R.- Les marges de manoeuvre budgétaires, aucun gouvernement depuis vingt ans n'en a eues justement parce que aucune réforme structurelle, ou en tout cas pas assez de réformes structurelles n'ont été engagées. Donc, les réformes qu'on a faites, elles visent à nous donner au contraire des marges. Si je considère que la croissance peut être au rendez-vous en 2008, c'est parce que je considère que les mesures qu'on a prises vont stimuler la croissance, il y en a d'autres à venir d'ailleurs. Il faut investir, il faut miser, pour gagner de la croissance, ben on a misé pour gagner de la croissance.
Q.- Mais vous avez misé sur la bonne solution ?
R.- La première des choses c'était de libérer le travail, même les socialistes à La Rochelle ont dit que la France avait un déficit de travail, donc si même F. Hollande le reconnaît, c'est que ça doit être vrai. Donc, les heures supplémentaires c'était très important. Il faudra sans doute aller plus loin d'ailleurs pour permettre à toutes les entreprises, et en particulier les grandes entreprises, de bénéficier de cette mesure. On est en train d'y réfléchir. C'était très important. La deuxième chose, c'était de revenir à un niveau de fiscalité qui soit comparable aux autres pays européens. Quand les grands quotidiens économiques de notre pays disent, « la France est désormais à la moyenne européenne en matière de fiscalité sur le revenu », pour moi c'est un encouragement considérable.
Q.- Philippe nous appelle de Suisse. Bonjour à vous Philippe et bienvenue sur France Inter.
Philippe, auditeur : Bonjour.
Bonjour.
Q.- On vous écoute.
Philippe : Est-ce que vous m'entendez ?
Q.- Parfaitement bien.
Philippe : Très bien. Monsieur le Premier ministre, bonjour.
R.- Bonjour.
Philippe : Pour réformer, il faut du courage et ça n'est pas très populaire. Ma question : est-ce qu'à la différence de tous les gouvernements qui vous ont précédé depuis une trentaine d'années, vous saurez pour réformer risquer l'impopularité ?
R.- F. Fillon vous répond. C'est une question sur laquelle j'ai déjà un peu donné puisque s'agissant de la réforme des retraites ou de la réforme de l'école, je n'ai pas eu peur d'affronter une certaine impopularité. Je considère d'ailleurs que c'est un peu mon rôle en tant que chef du Gouvernement de faire les choses difficiles et je n'hésiterai pas une seconde à défendre les réformes qui me paraissent essentielles pour l'avenir de notre pays. Ce qui compte pour moi, c'est qu'à la fin du quinquennat de N. Sarkozy, on ait réellement levé les blocages de la croissance, qu'on n'ait pas fait semblant de le faire comme ça a été si souvent le cas dans le passé. Alors, je ne sais pas d'où nous appelait notre auditeur des montagnes suisses que j'affectionne particulièrement, il devait être très très haut dans l'Oberland bernois ou dans le Valais, mais je veux lui assurer que quelque chose a changé en France et qu'il y a une vraie volonté de changement.
Q.- Mais pourtant, sur l'université, vous vous êtes arrêté au milieu du guet et sans doute pour éviter justement cette impopularité et le risque d'un mouvement étudiant ou autres.
R.- Non, moi je n'accepte pas du tout cette remarque parce que la réforme que nous avons faite de l'université, c'est-à-dire la réforme qui consiste à donner une gouvernance autonome aux universités, c'est une réforme qui aurait provoqué une révolution il y a cinq ans et c'était ça qui était important. Enfin, j'en sais quelque chose, j'ai été ministre de l'Enseignement supérieur en 93. Souvenez-vous, A. Devaquet, la réforme que j'avais proposée en 93, les tentatives de L. Ferry... Tout a échoué devant la force des conservatismes. Eh bien, on a débloqué cette situation. Ça faisait 25 ans qu'elle était bloquée. Alors, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres réformes à faire à l'université, mais on a fait le plus important, c'est-à-dire donner la possibilité aux universités d'élire des présidents qui soient des vrais patrons et qui puissent avoir du courage.
Q.- Vous irez plus loin sur la TVA sociale ? Où en est exactement le Gouvernement ?
R.- La TVA sociale on l'examine comme une possibilité d'améliorer la compétitivité de l'économie française et de créer des emplois. C'est une possibilité parmi d'autres, c'est une possibilité que nous n'utiliserons que si nous avons la démonstration qu'elle est réellement efficace. Il y a des exemples étrangers mais il n'y en a pas tant que ça, il y a l'exemple danois et il y a l'exemple allemand, on est en train de les regarder de très près. En tout cas, nous, nous ne nous interdisons aucune réflexion, pour nous il n'y a pas de tabou. Si la TVA sociale c'est une bonne solution pour relancer l'économie et donner aux entreprises françaises des armes pour embaucher, on l'utilisera. Si la TVA sociale ça se traduit par une augmentation des prix, par une baisse du pouvoir d'achat des Français, eh bien on ne l'utilisera pas.
Q.- Que préconise le rapport Besson qui doit vous être remis cette semaine ? Quand d'ailleurs ?
R.- Comme il ne m'est pas remis encore, je ne peux pas vous dire ce qu'il préconise.
Q.- Il paraît qu'il n'y a pas de date sur votre agenda pour le recevoir.
R.- Non, parce qu'on travaille tranquillement. Vous avez vu sur Suez comment on a fait : on a travaillé pendant trois mois. Vous nous interrogiez presque tous les jours, enfin vous, je dirais les médias pour savoir quand est-ce qu'on allait prendre une décision, on a pris la décision quand on a eu le sentiment qu'on avait trouvé la voie de passage, que l'accord était équilibré. Sur ces questions-là, c'est la même chose. Et s'agissant de la TVA sociale, de toute façon c'est un sujet qui s'il devait venir en discussion ferait d'abord l'objet d'une concertation très étroite avec les partenaires sociaux.
Q.- Fahimay nous appelle de Besançon. Bonjour à vous, bienvenue sur France Inter. Fahimay, auditrice : Oui, bonjour. Monsieur Fillon, bonjour.
R.- Bonjour.
Q.- Fahimay : Je souhaiterais vous poser une question concernant la suppression des charges sur les heures supplémentaires. Les petits salaires, les SMIC et un peu au-delà, s'ils ont la possibilité et la chance de faire des heures supplémentaires, comment il faudrait faire pour améliorer sa retraite étant donné que ces heures supplémentaires ne sont plus soumises à charge ?
R.- Non, pas du tout...
R.- F. Fillon vous répond. Alors, je vous réponds tout de suite, les cotisations retraites continuent... enfin, le salaire continue d'ouvrir des droits à la retraite, y compris avec les heures supplémentaires, c'est-à-dire que c'est l'Etat qui paie la différence. Mais le fait d'avoir des charges moins élevées sur les heures supplémentaires ne prive pas des droits sociaux.
Q.- Dominique qui nous appelle d'Alsace vous pose la question suivante et ça sera le dernière de cette « Inter activ' », « Que comptez-vous faire, F. Fillon, pour réduire le train de vie de l'Etat quand on voit que vous avez multiplié le nombre des conseillers au Gouvernement ou que vous prenez », nous dit Dominique, « le Falcon au lieu d'inaugurer la ligne Est du TGV ? ».
R.- Oui, bon, d'abord, c'est un très mauvais procès parce qu'on était en pleine campagne législative ; j'habite dans la Sarthe et il n'y a pas encore de ligne TGV entre la Sarthe et Strasbourg. Le jour où il y en aura une, je le prendrai. Je pense avoir été l'un des plus grands utilisateurs de TGV puisque je le prenais trois fois ou quatre fois par semaine depuis quinze ans. Quant au nombre de conseillers, il n'a pas du tout augmenté, il est même plus faible que dans les gouvernements précédents. Ce n'est pas ça le sujet, le sujet c'est sur les plus de mille milliards de dépenses de l'Etat, comment est-ce qu'on réduit le déficit ? Et pour réduire le déficit, il faut parfois peut-être avoir un peu plus de conseillers qui réfléchissent et un peu moins de dépenses inutiles. On est en train de le faire, c'est la première fois qu'on passe réellement en revue toutes les politiques publiques pour regarder si elles sont toujours efficaces. On va fusionner des organismes qui faisaient la même chose avec des effectifs et avec sans doute des modes de fonctionnement qui n'étaient pas efficaces pour le public.
Q.- Allez, restez avec nous, F. Fillon, je vous propose d'écouter avec nous le « Cartier libre » de Caroline Cartier. C'est un édito sonore en quelque sorte. Samedi soir, dans les jardins de la Fondation Cartier, à Paris, il y avait de la guitare dans l'air, c'était le championnat de France d'Air Guitare, ce qui veut dire tout simplement faire semblant de jouer sur du rock endiablé mais sans avoir l'instrument. Et pour l'occasion, Un Poquito Senor avait revêtu son plus beau costume. « Cartier libre », donc de Caroline Cartier. (.../...) F. Fillon, vous avez écouté ça d'un air concentré. Ça vous évoque quoi ?
R.- Vous parlez à un habitué des fêtes de Bayonne, donc je ne suis pas franchement dépaysé.
Q.- Bon, on peut donc prendre du plaisir à l'exercice d'un art même virtuel, hein, c'est ce qu'on retient de ces vrais-faux concours de guitare. Ça aussi c'est quand même réjouissant comme nouvelle, non.
R.- Je ne sais pas ce que c'est qu'un vrai-faux concours de guitare, mais vous allez sûrement m'expliquer.
Q.- On va vous donner le CD. Merci infiniment en tout cas d'avoir été avec nous ce matin sur France Inter.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 3 septembre 2007
R.- Il faut de la rigueur dans la gestion des deniers publics, mais il faut aussi revaloriser le métier des enseignants et, d'une façon plus générale, la condition des fonctionnaires de notre pays. On ne peut pas ne pas réduire la dépense publique ; on est le pays d'Europe qui a le plus d'emplois publics ; on est celui qui fait le plus de dépenses publiques et on est naturellement celui qui a aujourd'hui l'endettement le plus élevé. On s'endette pour payer les salaires des fonctionnaires, on s'endette pour payer le fonctionnement quotidien de l'Etat. Cela n'est pas possible. N'importe quel Gouvernement, confronté à cette situation, doit réduire la dépense publique, et c'est ce que nous faisons, en engageant progressivement un plan de réduction des effectifs, d'amélioration du fonctionnement de l'Etat. Mais, en même temps, il faut revaloriser la condition des enseignants, il faut que les fonctionnaires soient mieux traités dans notre pays, il ne faut pas que le regard de l'opinion publique sur les fonctionnaires soit aussi critique que celui qui nous connaissons aujourd'hui.
Q.- Mais l'expression « plan de rigueur », vous semble-t-elle fidèle à la situation ?
R.- Il n'y a pas de plan de rigueur, il y a un effort constant pour réduire les dépenses de l'Etat. Vous savez que l'on a engagé une revue générale des politiques publiques, c'est-à-dire que l'on prend chaque politique publique, il y en a qui sont des politiques qui sont conduites depuis des années et des années, sans que personne ne se soit vraiment interrogé sur leur efficacité, sur leur résultat. On les prend une par une, on regarde ce que l'on peut améliorer, ce que l'on peut supprimer. Si on prend l'Education nationale, il y a 900.000 enseignants, il y a 12 millions d'élèves qui vont rentrer. Personne ne peut sérieusement prétendre qu'il n'y a pas des améliorations à apporter au fonctionnement de l'école. Il y a une foison d'options : il y a des problèmes de remplacements qui sont mal réglés, il y a les enseignants qui ne sont pas devant les élèves, parce qu'ils enseignent dans des disciplines qui sont des disciplines qui sont en perte de vitesse. Voilà. Comme dans toute organisation humaine, il y a dans l'Education nationale une optimisation nécessaire.
Q.- Mais, est-ce que l'on peut faire mieux, avec moins de gens ?
R.- Bien sûr qu'on peut faire mieux avec moins de gens, bien sûr et d'ailleurs c'est le défi auquel toutes les sociétés humaines sont confrontées : améliorer la productivité, améliorer la qualité de l'organisation. D'ailleurs, la meilleure preuve que l'on peut faire mieux, avec des effectifs moindres, c'est que la solution retenue depuis des années, qui a consisté à répondre au défi de l'école, simplement en recrutant des personnels, a abouti à un échec. Tout le monde constate aujourd'hui que l'école ne fonctionne pas mieux qu'hier.
Q.- Elle est en crise, d'après vous ? Il y a eu un rapport très sévère du Haut conseil de l'éducation, que vous aviez créé lorsque vous étiez ministre de l'Education nationale.
R.- On le sait, on le sait bien que l'école est en crise, on le constate tous, on constate que ses résultats ne sont pas ce qu'ils devraient être, on constate qu'elle a de plus en plus de mal à atteindre ses objectifs. Pour que l'école se renouvelle, pour que l'école sorte de cette crise, il faut qu'elle se concentre, d'abord, sur des objectifs plus clairs, ce que l'on a essayé de faire avec la loi de 2005, mais il faut aller plus loin encore, et puis il faut que l'on résolve des questions spécifiques, qui sont liées aux quartiers, qui sont liées à des publics en difficultés, qui sont liées... au fond, il faut individualiser de plus en plus les parcours. Et c'est pour ça que la grande innovation de la rentrée 2007, que N. Sarkozy a voulue, que le Gouvernement a mis en place, c'est les études surveillées, ce sont les études surveillées après 16h00. On va commencer dans les collèges des zones d'éducation prioritaire, pour les étendre l'année prochaine à tous les collèges.
Q.- Il n'y a pas de plan de rigueur, disiez-vous, c'est donc une bourde de votre ministre de l'Economie ?
R.- Non, mais... Il ne faut pas... Vous voyez, vous cherchez à opposer le ministre de l'Economie et le Premier ministre, vous n'y arriverez pas. C. Lagarde est ministre de l'Economie, elle a raison de dire qu'il faut de la rigueur dans la gestion...
Q.- Un « plan de rigueur » et « de la rigueur », c'est deux choses très différentes, F. Fillon.
R.- Ce n'est pas très différent dans son... enfin, elle s'exprimait sur une radio, même concurrente, et elle a dit, au fond, quelque chose qui correspond à sa fonction : il faut de la rigueur dans la gestion des dépenses publiques et c'est d'ailleurs dans mon rôle, en tant que Premier ministre, de faire en sorte que les objectifs de déficit sur lesquels nous nous sommes engagés, soient tenus.
Q.- Suez-GDF, ça y est, donc, la fusion est faite, on l'apprenait il y a un petit peu plus de ¾ d'heure maintenant. Votre réaction à l'émergence de ce nouveau groupe dans le paysage de l'énergie, F. Fillon.
R.- Vous savez, la question de la maîtrise de l'énergie va être une question centrale au cours des prochaines décennies. Et la question pour la France c'était : quelle est la meilleure solution pour affronter le défi de l'énergie ? Eh bien avec cette solution, on se dote d'un deuxième géant de l'énergie, qui va être le troisième ou le quatrième mondial, suivant le classement que l'on donne à GAZPROM, c'est-à-dire que la France va disposer, dans les quatre premières sociétés énergétiques mondiales, de deux entreprises. Et je pense que c'est un atout considérable, c'est un atout qui va nous permettre de structurer le marché de l'énergie en Europe, c'est un atout qui va nous permettre d'être un acteur majeur sur ce marché. Je pense que c'est une très belle opération, dont je me réjouis que ses présidents, les présidents des deux sociétés, l'aient rendue possible.
Q.- Privatisation ?
R.- Il y a forcément une privatisation dans la mesure où l'Etat n'est plus majoritaire, en tout cas n'est plus au-dessus de 50 % dans le capital de Gaz de France. L'Etat, enfin, le secteur public aura environ 40 % du nouveau groupe. 40 % de Gaz de France et de Suez, je pense que c'est mieux que 70 ou 80 % de Gaz de France tout seul.
Q.- On a réentendu le son dans le journal de P. Cohen, et vous savez comment parle N. Sarkozy, c'est un vieux son, qui a à peu près un an et demi, deux ans, dans lequel il dit, avec le style direct qu'on lui connaît : « Il n'y aura pas de privatisation. Point. Ce n'est pas la peine de barguigner, il n'y aura pas de privatisation ». Bon, privatisation, vous venez de le reconnaître, alors, comment expliquer ce revirement de point de vue, là ?
R.- D'abord, la situation est différente. En 2006, quand l'opération de fusion Gaz de France a été annoncée par le Gouvernement précédent, il s'agissait de sauver Suez, c'était une opération financière. Aujourd'hui, c'est une opération stratégique qui consiste à faire un groupe de l'énergie, c'était d'ailleurs un des obstacles sur lequel nous avons buté depuis trois mois : comment marier un groupe énergétique, Gaz de France, avec un groupe multi activités, Suez ? On l'a résolu en obtenant que Suez se sépare, filialise, ses activités en matière d'environnement. Deuxièmement, on a étudié toutes les autres solutions. J'avais dit, au début de l'été : la fusion est pertinente, mais il y a d'autres solutions. Donc, on a, avec N. Sarkozy, examiné toutes les autres solutions : l'alliance avec des producteurs de gaz, on a cherché d'autres solutions pour donner à Gaz de France la dimension qui lui permette d'être un acteur majeur dans le monde. On n'a finalement pas trouvé de meilleure solution que Suez et comme on est pragmatique, eh bien on va vers cette solution et je vous fais remarquer que N. Sarkozy, en l'espace de quelques années, aura permis de donner à la France un grand groupe, ALSTOM, dans le domaine industriel, restructurer EADS et aujourd'hui créer un géant de l'énergie.
Q.- Quel rôle avez-vous eu dans la gestion de ce dossier ? Parce qu'on entend parler de tout le monde, sauf de vous, F. Fillon, et de Matignon, et de la part que vous auriez pu y prendre.
R.- Mais ça n'a pas beaucoup d'importante, ce qui compte c'est les résultats. Matignon travaille, Matignon travaille dans l'ombre, Matignon était à toutes les réunions toute la journée d'hier, pilotait le travail technique, mais au fond, ça n'a pas d'importance ; je ne vais pas me livrer sur votre antenne à une comptabilité du travail des uns et des autres. Ce qui compte, c'est les résultats et puis c'est au fond la façon dont les Français jugent le tandem que nous formons avec N. Sarkozy. Et vous avez pu constater que sur ce sujet-là, il n'y a pas photo, ils le jugent avec beaucoup d'enthousiasme.
Q.- Il paraît qu'il parle de vous comme d'un collaborateur, F. Fillon, et que ça vous agace.
R.- C'est une expression que je ne reprendrai pas. Un collaborateur, c'est quelqu'un qui est appointé par un patron. Chez un homme politique - un homme politique c'est quelqu'un qui a des convictions, une légitimité, le suffrage universel. Maintenant, ce qui est vrai, c'est ce que j'ai d'ailleurs toujours dit, je l'ai même théorisé dans un livre avant d'être Premier ministre...
Q.- « La présidentialisation du régime ».
R.-... Je pense que le Premier ministre est là pour mettre en oeuvre la politique du président de la République. J'ai fait campagne avec N. Sarkozy, je me suis battu pour qu'il soit président de la République, j'ai travaillé avec lui à l'élaboration de son projet, ce n'est pas pour le lendemain lui causer des difficultés dans la mise en oeuvre d'un projet auquel j'adhère.
Q.- Mais, sincèrement et en toute franchise, au moment où vous avez accepté le job, comme on dit, est-ce que vous vous attendiez à ça ?
R.- Bien sûr, bien sûr. Nous avions, avec N. Sarkozy, depuis deux ans, construit non seulement notre projet politique mais la manière dont nous le mettrions en oeuvre.
Q.- Vous voyez comment l'émergence de personnages de l'Etat qui jusqu'à lors étaient dans l'ombre, je pense au secrétaire général de l'Elysée, C. Guéant, qui sur une radio concurrente, comme vous le diriez F. Fillon, faisait hier soir, avant vous, sa propre rentrée, omniscient sur tous les dossiers, ressemblant très étrangement, soit à un vice-président, soit à un Premier ministre bis.
R.- Non, vous... Je comprends que ce sujet vous passionne...
Q.- Eh bien c'est quand même...
R.-... il ne passionne vraiment pas les Français, vraiment pas les Français...
Q.- Oui, mais on ne sait jamais, c'est de nouveaux équilibres à l'intérieur de l'appareil d'Etat, c'est intéressant.
R.- Il y a quelque chose qui a changé et je pense qu'il faut que vous vous en rendiez compte : on veut la plus grande transparence dans notre système politique, et des gens qui occupent des responsabilités importantes, doivent pouvoir répondre aux questions de la presse. Il n'y a pas de pouvoir secret, il n'y a pas de personnage de l'ombre et je pense que de ce point de vue là, c'est une bonne chose. Donc, vous verrez au cours des mois prochains, d'autres personnalités de l'Etat qu'on n'avait pas l'habitude d'entendre, s'exprimer, je pense que c'est très bien et tout cela se fait dans une coordination qui est parfaite.
Q.- Mais le revers de l'hyper-Président, c'est l'hypo-Premier ministre ?
R.- Mais quelle importance cela a ?
Q.- Eh bien je ne sais pas...
R.- Ça a une importance pour vous ?
Q.- ...c'est quand même un poste important, non, dans la hiérarchie des pouvoirs au sein de la République.
R.- Moi, je sais quel est le travail que fait le Premier ministre pour permettre au Gouvernement de fonctionner. La question de savoir quelle est la part de médiatisation dans ce travail, elle m'intéresse peu. Moi, ce que je veux, c'est des résultats. Je veux que la politique que j'ai souhaitée, que j'ai largement contribué à déterminer avec N. Sarkozy, je veux qu'elle marche. Aujourd'hui, ce que je constate, c'est que ça marche, alors que dans la période précédente, ça ne marchait pas et ça ne marchait pas, en particulier, parce qu'il y avait une diarchie entre le Président et le Premier ministre, qui n'était pas saine.
Q.- D. de Villepin, précisément interrogé dans Le Parisien hier, dit en substance que l'état de grâce, le style, l'énergie, tout ça est parfait, formidable, mais que les politiques se jugent aux résultats. Comment prenez-vous ce rappel à la réalité ?
R.- Il a raison, il a eu quelques résultats, on aura les nôtres à la fin de ces 5 ans et on pourra juger. Je n'aime pas que l'on parle d'état de grâce, parce que je ne pense pas qu'il y ait d'état de grâce, je pense qu'on n'a jamais eu d'état de grâce, d'ailleurs. On agit, on voit d'ailleurs qu'il faut en permanence relancer la machine et c'est une des forces, je pense, de l'équipe gouvernementale que j'ai constituée avec N. Sarkozy, que d'être capable de relancer en permanence la machine, pour faire en sorte que les Français n'aient pas le sentiment que le Gouvernement s'assoupit, que le Gouvernement est fataliste, que le Gouvernement laisse les choses se faire.
Q.- A tout de suite, F. Fillon, on vous retrouve dans une petite dizaine de minutes pour « Inter-Active », vous répondrez à toutes les questions des auditeurs de France Inter.
[2ème Partie. « Inter-Active »]
Q.- Bienvenue dans « Inter activ' », 01 45 24 70 00 pour poser toutes vos questions à F. Fillon, le Premier ministre, notre invité sur France Inter depuis 08 h 20, ce matin. F. Fillon qui nous a dit, un, qu'il n'y avait pas de plan de rigueur dans la fonction publique ; deux, qu'il fallait pourtant tout faire pour réduire la dépense publique ; et trois, que tout allait bien à Matignon et dans le job de Premier ministre. C'est Laurent qui nous appelle de Paris pour commencer. Bonjour à vous Laurent. Bienvenue sur France Inter.
Laurent, Auditeur : Merci. Bonjour, monsieur Fillon. Bonjour. Laurent : Je voudrais revenir sur la fusion EDF/Suez. Donc, la fusion d'EDF avec SUEZ était initialement justifiée par le risque d'OPA d'ENEL au nom du patriotisme économique. Aujourd'hui, on ne parle plus de ce risque. Alors qu'est-ce qui justifie cette fusion aujourd'hui et quid des risques de hausse des prix pour les consommateurs ?
F. Fillon vous répond Laurent.
R.- Vous avez raison, et je disais tout à l'heure que cette fusion défensive s'est transformée en une fusion offensive. Il s'agit aujourd'hui de donner à la France un groupe énergétique de taille mondiale là où GDF souffrait d'une dimension trop petite pour être un acteur majeur sur le marché européen et sur le marché mondial de l'énergie et c'est pour ça que c'était très important pour nous que Suez ne conclue pas ce mariage en amenant ses activités d'environnement qui en faisaient un poids lourd qui aurait écrasé, qui aurait déséquilibré le mariage entre Suez et Gaz de France. Le marché de l'énergie en France il est ouvert, en Europe il est ouvert, il est ouvert déjà depuis un moment. Donc, toute la question pour nous c'est est-ce qu'on est passifs et on laisse les acteurs étrangers envahir le marché français ou est-ce que nous, au contraire, on structure notre marché, on structure nos entreprises pour être en mesure d'exercer un contrôle stratégique sur la question énergétique ? C'est ce qu'on fait avec ce groupe dans lequel la puissance publique aura près de 40 %. S'agissant des tarifs, d'abord, premièrement, je voudrais dire que jamais le contrôle des prix n'a démontré son efficacité par rapport à la concurrence. J'entendais tout à l'heure dans la revue de presse dire que la privatisation avait rarement conduit à la baisse des prix. Eh bien c'est faux. Si on prend l'exemple de France Télécom, ça a conduit à l'augmentation de l'offre de services et à la baisse des prix parce que le monopole n'est pas la meilleure façon d'assurer la défense du consommateur. Et puis enfin...
Q.- Donc, vous pensez que sur ce poste budgétaire qui est très important dans la structure des dépenses des ménages, l'énergie...
R.-... je pense que le risque n'est absolument pas dans la structure financière. Le risque il est après dans la question énergétique elle-même, c'est-à-dire l'abondance ou non des ressources.
Q.- Mais en tout cas, pour vous, la concurrence est une bonne chose.
R.- La concurrence est une bonne chose. Alors, j'ajoute que dans l'accord qui a été conclu, nous avons veillé à ce que le contrat de service public qui lie Gaz de France à l'Etat soit maintenu, c'est-à-dire que les conditions de ce contrat seront exactement les mêmes après la fusion qu'avant la fusion.
Q.- Stephan de Toulouse vous demande la chose suivante, F. Fillon, « Ne fallait-il pas mieux nationaliser Suez plutôt que privatiser GDF pour garder le contrôle de l'énergie ? ».
R.- Je pense qu'avec 40 %, l'Etat garde le contrôle de l'énergie.
Q.- Mais sur le fond de cette proposition vous avez dit qu'un certain nombre de propositions avaient été examinées.
R.- Non, je pense que ce n'est pas la vocation de l'Etat de posséder toutes les entreprises du pays, même dans le domaine énergétique. Ça aurait été d'ailleurs une opération extrêmement coûteuse pour le budget de l'Etat et je ne vois pas au nom de quoi les contribuables français devraient payer pour que l'Etat soit propriétaire de 100 % de ces activités énergétiques. Ce qui est important c'est d'avoir le contrôle. Nous avons le contrôle, nous dirigeons la stratégie.
Q.- Christophe nous appelle de Tours. Bonjour à vous Christophe.
Christophe, auditeur : Oui, bonjour. Bonjour, monsieur Fillon.
R .- Bonjour.
Q.- Christophe : Je voudrais savoir si vous approuvez la trahison de monsieur Sarkozy vis-à-vis de l'opinion publique quant à sa promesse faite devant l'Assemblée nationale de ne jamais privatiser GDF/EDF. Qu'avez-vous fait pour empêcher cette trahison, ce très grave couac devant le peuple français ?
Q.- Ah, les termes sont lourds là. F. Fillon vous répond Christophe.
R.- Ils sont lourds et donc ils indiquent clairement ce que pense l'auditeur et chacun est libre naturellement de penser ce qu'il veut. Ceci étant, j'ai répondu à cette question. D'abord, la situation est différente, N. Sarkozy avait raison de s'opposer à une opération purement financière qui aurait noyé Gaz de France dans l'ensemble de Suez, ça n'est pas le cas aujourd'hui, on voit que la mariage est équilibré et que l'Etat est en tout cas le premier actionnaire de ce nouvel ensemble. Et deuxièmement, il faut accepter que les responsables politiques puissent faire preuve de pragmatisme. Enfin, est-ce que au nom de cet engagement pris à un moment donné, il fallait accepter de laisser Gaz de France dans une situation d'isolement qui aurait conduit progressivement à sa marginalisation et qui aurait permis à des acteurs privés étrangers de prendre pied de façon importante sur le marché français ? Non, évidemment. Donc, N. Sarkozy a fait preuve de pragmatisme. Il l'a fait d'ailleurs dans une transparence totale, c'est-à-dire en indiquant à ses interlocuteurs, je pense en particulier aux organisations syndicales de Gaz de France, ce qu'il allait faire et pourquoi il allait le faire et je pense qu'il a eu raison.
Q.- Transparence, vraiment ? F. Hollande fustigeait, hier, le fait du prince et le fait que tout se passe au fond dans les coulisses du pouvoir sans qu'on sache vraiment quels sont les dessous des cartes.
R.- Ça, d'abord, s'il y a des choses qui ne se passent pas dans les coulisses du pouvoir c'est cette fusion dont tout le monde parle tout les jours, sur laquelle les présidents vont s'exprimer dans quelques instants parce que c'est à eux de dire, au fond, les détails de cette fusion. Quant au Parlement, naturellement, il aura toutes les informations qu'il dispose et son mot à dire au fur et à mesure que les choses se mettront en place.
Q.- Pierre-Marie nous appelle de Bretagne. Bonjour à vous Pierre- Marie.
Pierre-Marie, auditeur : Oui, bonjour.
R.- Bonjour.
Q.- Pierre-Marie : J'avais une question donc auprès de monsieur Fillon concernant la promesse de N. Sarkozy sur le crédit d'impôt sur les emprunts immobiliers. J'aurais voulu avoir une explication un peu plus détaillée concernant le refus et le refus... et je ne suis pas satisfait de la réponse de N. Sarkozy reboutant vers le Conseil constitutionnel. Je pense qu'il est entouré de juristes qui auraient pu lui permettre d'anticiper ce problème. Donc, j'ai aussi l'impression qu'on nous prend pour des imbéciles.
R.- Non, ça, je vous assure que personne ne vous prend pour des imbéciles.
Q.- Alors, un dossier mal ficelé ?
R.- Et pour avoir eu plusieurs fois l'occasion de voir des décisions, des textes que j'avais défendus au Parlement annulés ou modifiés par le Conseil constitutionnel, je peux vous dire qu'avec les meilleurs juristes du monde, on ne sait jamais ce que le Conseil constitutionnel va décider. Pourquoi ? Parce que autant de juristes, autant d'interprétations différentes, donc voilà. Le Conseil constitutionnel a dit sur la déduction des intérêts d'emprunt immobilier, « une mesure touchant les particuliers qui ont déjà emprunté dans les cinq dernières années est une mesure qui crée une inégalité entre les Français puisque en fonction de la date à laquelle ceux-ci avaient emprunté, cinq ans ou plus de cinq ans, la mesure s'applique ou ne s'applique pas ». Bon, c'est discutable. On avait, nous, une autre interprétation de la Constitution. Maintenant, le Conseil constitutionnel est souverain, personne ne peut lui imposer une décision, sauf à réviser la Constitution. Je pense que chacun comprendra qu'on ne va pas réviser la Constitution sur ce sujet. On a donc préféré renforcer l'effort sur les nouveaux propriétaires pour être plus incitatif à l'acquisition de son logement. Je pense que c'est une bonne formule.
Q.- Question de Loïc par Internet, il vous demande la chose suivante, « A quoi servent les ministres puisque monsieur Sarkozy multiplie les commissions qui dépendent que de lui ? N'est-ce pas le travail des ministres de réfléchir et de travailler sur ces différents sujets ? ».
R.- D'abord, les commissions ne dépendent pas que du président de la Républiques, ces commissions dépendent du Gouvernement. Si on prend l'exemple de la commission Attali, je crois pouvoir dire que c'est une initiative du Gouvernement et du Premier ministre que le choix de monsieur Attali. Et cette commission elle travaille en permanence avec le Gouvernement, c'est-à-dire que chaque semaine nous avons des échanges avec la commission pour voir où elle en est dans son travail. D'ailleurs, j'ai indiqué à monsieur Attali qu'au fur et à mesure que des idées innovantes et originales sortiraient de sa réflexion, nous nous réservions la possibilité de les mettre en oeuvre, sans même attendre la publication du rapport. Non, je pense que c'est au contraire une très bonne idée que d'ouvrir la réflexion à des personnalités venant d'horizon très divers,Attali en l'occurrence en est le symbole, et les ministres trouvent là une richesse dans laquelle ils puisent pour leur action.
Q.- La présence d'un psychanalyste, certes fameux, B. Cyrulnik, dans cette composition sur les freins qui existent en France sur la croissance vous semble pertinente ou...
R.-... c'est original, en tout cas.
Q.- Oui, c'est original, ça c'est sûr, mais est-ce que vous pensez qu'il y a vraiment un problème psychique ou un problème économique ?
R.- Non, mais je crois que c'est intéressant d'avoir tous les regards de la société et puis ça évitera que... on a souvent, quand on lance des réformes, des jugements très sévères de la part des psychanalystes, donc j'espère que cette fois-ci, étant associés aux réflexions, ils seront plus ouverts.
Q.- Il table sur 5 %, J. Attali dit 5 % de croissance en France, ça pourrait être ça, on peut y arriver...
R.-... non, ce que dit...
Q.-... mais on fait trois points de moins, en l'occurrence.
R.- Ce que dit J. Attali c'est que la croissance mondiale c'est 5 %.
Q.- Donc, pourquoi pas en France.
R.- Après tout, on peut se poser la question de savoir et aux Etats-Unis il y a des jours, il y a eu des époques, il y a de époques où on s'approche d'un taux de croissance de cette... voilà. Donc, pourquoi est-ce que l'Europe et la France seraient complètement à l'écart d'une possibilité de taux de croissance à 5 % ? Bon, pour l'instant, l'objectif du Gouvernement c'est un point de plus de croissance et déjà ce point-là il va falloir aller le chercher avec les dents et ça va être difficile.
Q.- Mais pourquoi, d'après vous, ne pouvons-nous avoir en France une croissance plus forte par rapport à d'autres pays, d'autres grandes démocraties, vous venez d'en citer une ?
R.- Parce qu'on a trop de rigidité. D'abord, parce qu'on est un pays riche et que les pays riches ont atteint un niveau de développement tel que chaque point de croissance supplémentaire est au fond marginalement plus difficile à aller chercher ; parce qu'on a une démographie dans tous les pays riches qui est une démographie plus faible que dans les pays émergents et la démographie est un élément aussi de la croissance ; et puis enfin, parce que s'agissant de la France spécifiquement, on a énormément de rigidités : chaque fois qu'on veut modifier quelque chose, adapter notre organisation aux évolutions du monde, on a des blocages. Et c'est la raison pour laquelle on a pris autant de retard et c'est pour ça qu'on veut mettre les bouchées doubles d'ici la fin de l'année en s'attaquant à tous les sujets de blocage de la croissance.
Q.- Est-ce que vous n'avez pas mangé, F. Fillon, votre pain blanc en faisant un certain nombre de mesures qui étaient des promesses de campagne de N. Sarkozy, je pense notamment à la question des allègements d'impôts, bouclier fiscal, à la question aussi des heures supplémentaires ? Quelles marges de manoeuvre budgétaires vous reste-il en main alors que la croissance est faible ?
R.- Les marges de manoeuvre budgétaires, aucun gouvernement depuis vingt ans n'en a eues justement parce que aucune réforme structurelle, ou en tout cas pas assez de réformes structurelles n'ont été engagées. Donc, les réformes qu'on a faites, elles visent à nous donner au contraire des marges. Si je considère que la croissance peut être au rendez-vous en 2008, c'est parce que je considère que les mesures qu'on a prises vont stimuler la croissance, il y en a d'autres à venir d'ailleurs. Il faut investir, il faut miser, pour gagner de la croissance, ben on a misé pour gagner de la croissance.
Q.- Mais vous avez misé sur la bonne solution ?
R.- La première des choses c'était de libérer le travail, même les socialistes à La Rochelle ont dit que la France avait un déficit de travail, donc si même F. Hollande le reconnaît, c'est que ça doit être vrai. Donc, les heures supplémentaires c'était très important. Il faudra sans doute aller plus loin d'ailleurs pour permettre à toutes les entreprises, et en particulier les grandes entreprises, de bénéficier de cette mesure. On est en train d'y réfléchir. C'était très important. La deuxième chose, c'était de revenir à un niveau de fiscalité qui soit comparable aux autres pays européens. Quand les grands quotidiens économiques de notre pays disent, « la France est désormais à la moyenne européenne en matière de fiscalité sur le revenu », pour moi c'est un encouragement considérable.
Q.- Philippe nous appelle de Suisse. Bonjour à vous Philippe et bienvenue sur France Inter.
Philippe, auditeur : Bonjour.
Bonjour.
Q.- On vous écoute.
Philippe : Est-ce que vous m'entendez ?
Q.- Parfaitement bien.
Philippe : Très bien. Monsieur le Premier ministre, bonjour.
R.- Bonjour.
Philippe : Pour réformer, il faut du courage et ça n'est pas très populaire. Ma question : est-ce qu'à la différence de tous les gouvernements qui vous ont précédé depuis une trentaine d'années, vous saurez pour réformer risquer l'impopularité ?
R.- F. Fillon vous répond. C'est une question sur laquelle j'ai déjà un peu donné puisque s'agissant de la réforme des retraites ou de la réforme de l'école, je n'ai pas eu peur d'affronter une certaine impopularité. Je considère d'ailleurs que c'est un peu mon rôle en tant que chef du Gouvernement de faire les choses difficiles et je n'hésiterai pas une seconde à défendre les réformes qui me paraissent essentielles pour l'avenir de notre pays. Ce qui compte pour moi, c'est qu'à la fin du quinquennat de N. Sarkozy, on ait réellement levé les blocages de la croissance, qu'on n'ait pas fait semblant de le faire comme ça a été si souvent le cas dans le passé. Alors, je ne sais pas d'où nous appelait notre auditeur des montagnes suisses que j'affectionne particulièrement, il devait être très très haut dans l'Oberland bernois ou dans le Valais, mais je veux lui assurer que quelque chose a changé en France et qu'il y a une vraie volonté de changement.
Q.- Mais pourtant, sur l'université, vous vous êtes arrêté au milieu du guet et sans doute pour éviter justement cette impopularité et le risque d'un mouvement étudiant ou autres.
R.- Non, moi je n'accepte pas du tout cette remarque parce que la réforme que nous avons faite de l'université, c'est-à-dire la réforme qui consiste à donner une gouvernance autonome aux universités, c'est une réforme qui aurait provoqué une révolution il y a cinq ans et c'était ça qui était important. Enfin, j'en sais quelque chose, j'ai été ministre de l'Enseignement supérieur en 93. Souvenez-vous, A. Devaquet, la réforme que j'avais proposée en 93, les tentatives de L. Ferry... Tout a échoué devant la force des conservatismes. Eh bien, on a débloqué cette situation. Ça faisait 25 ans qu'elle était bloquée. Alors, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres réformes à faire à l'université, mais on a fait le plus important, c'est-à-dire donner la possibilité aux universités d'élire des présidents qui soient des vrais patrons et qui puissent avoir du courage.
Q.- Vous irez plus loin sur la TVA sociale ? Où en est exactement le Gouvernement ?
R.- La TVA sociale on l'examine comme une possibilité d'améliorer la compétitivité de l'économie française et de créer des emplois. C'est une possibilité parmi d'autres, c'est une possibilité que nous n'utiliserons que si nous avons la démonstration qu'elle est réellement efficace. Il y a des exemples étrangers mais il n'y en a pas tant que ça, il y a l'exemple danois et il y a l'exemple allemand, on est en train de les regarder de très près. En tout cas, nous, nous ne nous interdisons aucune réflexion, pour nous il n'y a pas de tabou. Si la TVA sociale c'est une bonne solution pour relancer l'économie et donner aux entreprises françaises des armes pour embaucher, on l'utilisera. Si la TVA sociale ça se traduit par une augmentation des prix, par une baisse du pouvoir d'achat des Français, eh bien on ne l'utilisera pas.
Q.- Que préconise le rapport Besson qui doit vous être remis cette semaine ? Quand d'ailleurs ?
R.- Comme il ne m'est pas remis encore, je ne peux pas vous dire ce qu'il préconise.
Q.- Il paraît qu'il n'y a pas de date sur votre agenda pour le recevoir.
R.- Non, parce qu'on travaille tranquillement. Vous avez vu sur Suez comment on a fait : on a travaillé pendant trois mois. Vous nous interrogiez presque tous les jours, enfin vous, je dirais les médias pour savoir quand est-ce qu'on allait prendre une décision, on a pris la décision quand on a eu le sentiment qu'on avait trouvé la voie de passage, que l'accord était équilibré. Sur ces questions-là, c'est la même chose. Et s'agissant de la TVA sociale, de toute façon c'est un sujet qui s'il devait venir en discussion ferait d'abord l'objet d'une concertation très étroite avec les partenaires sociaux.
Q.- Fahimay nous appelle de Besançon. Bonjour à vous, bienvenue sur France Inter. Fahimay, auditrice : Oui, bonjour. Monsieur Fillon, bonjour.
R.- Bonjour.
Q.- Fahimay : Je souhaiterais vous poser une question concernant la suppression des charges sur les heures supplémentaires. Les petits salaires, les SMIC et un peu au-delà, s'ils ont la possibilité et la chance de faire des heures supplémentaires, comment il faudrait faire pour améliorer sa retraite étant donné que ces heures supplémentaires ne sont plus soumises à charge ?
R.- Non, pas du tout...
R.- F. Fillon vous répond. Alors, je vous réponds tout de suite, les cotisations retraites continuent... enfin, le salaire continue d'ouvrir des droits à la retraite, y compris avec les heures supplémentaires, c'est-à-dire que c'est l'Etat qui paie la différence. Mais le fait d'avoir des charges moins élevées sur les heures supplémentaires ne prive pas des droits sociaux.
Q.- Dominique qui nous appelle d'Alsace vous pose la question suivante et ça sera le dernière de cette « Inter activ' », « Que comptez-vous faire, F. Fillon, pour réduire le train de vie de l'Etat quand on voit que vous avez multiplié le nombre des conseillers au Gouvernement ou que vous prenez », nous dit Dominique, « le Falcon au lieu d'inaugurer la ligne Est du TGV ? ».
R.- Oui, bon, d'abord, c'est un très mauvais procès parce qu'on était en pleine campagne législative ; j'habite dans la Sarthe et il n'y a pas encore de ligne TGV entre la Sarthe et Strasbourg. Le jour où il y en aura une, je le prendrai. Je pense avoir été l'un des plus grands utilisateurs de TGV puisque je le prenais trois fois ou quatre fois par semaine depuis quinze ans. Quant au nombre de conseillers, il n'a pas du tout augmenté, il est même plus faible que dans les gouvernements précédents. Ce n'est pas ça le sujet, le sujet c'est sur les plus de mille milliards de dépenses de l'Etat, comment est-ce qu'on réduit le déficit ? Et pour réduire le déficit, il faut parfois peut-être avoir un peu plus de conseillers qui réfléchissent et un peu moins de dépenses inutiles. On est en train de le faire, c'est la première fois qu'on passe réellement en revue toutes les politiques publiques pour regarder si elles sont toujours efficaces. On va fusionner des organismes qui faisaient la même chose avec des effectifs et avec sans doute des modes de fonctionnement qui n'étaient pas efficaces pour le public.
Q.- Allez, restez avec nous, F. Fillon, je vous propose d'écouter avec nous le « Cartier libre » de Caroline Cartier. C'est un édito sonore en quelque sorte. Samedi soir, dans les jardins de la Fondation Cartier, à Paris, il y avait de la guitare dans l'air, c'était le championnat de France d'Air Guitare, ce qui veut dire tout simplement faire semblant de jouer sur du rock endiablé mais sans avoir l'instrument. Et pour l'occasion, Un Poquito Senor avait revêtu son plus beau costume. « Cartier libre », donc de Caroline Cartier. (.../...) F. Fillon, vous avez écouté ça d'un air concentré. Ça vous évoque quoi ?
R.- Vous parlez à un habitué des fêtes de Bayonne, donc je ne suis pas franchement dépaysé.
Q.- Bon, on peut donc prendre du plaisir à l'exercice d'un art même virtuel, hein, c'est ce qu'on retient de ces vrais-faux concours de guitare. Ça aussi c'est quand même réjouissant comme nouvelle, non.
R.- Je ne sais pas ce que c'est qu'un vrai-faux concours de guitare, mais vous allez sûrement m'expliquer.
Q.- On va vous donner le CD. Merci infiniment en tout cas d'avoir été avec nous ce matin sur France Inter.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 3 septembre 2007