Texte intégral
S. Paoli - La sécurité, thème de polémique politique entre le Président de la République et le Premier ministre, est-elle affaire de moyens policiers ? La sécurité se mesure-t-elle à l'importance du budget qui lui est consacré ? La sécurité est-elle un thème de campagne en période électorale et un bilan le reste du temps ? Avant la publication des chiffres de la délinquance, vendredi prochain, L. Jospin réunit ce matin un Conseil de sécurité intérieure. Vous avez peut-être entendu au début du journal de G. Courchelle à 8h00, l'un des jeunes qui a été blessé samedi à la Défense ?
- "Non, je ne l'ai pas entendu, je le regrette..."
Il disait : "ils vont loin, ils vont de plus en plus loin." Il parlait de jeunes de 11, 12, 13 ans. Il parlait aussi d'un "nationalisme de quartier", comme une inspectrice des Renseignements généraux sur notre antenne ce matin. Est-ce que vous reconnaissez tout cela ?
- "Ce n'est pas un phénomène nouveau. En 1995, j'avais moi-même chargé les Renseignements généraux d'une mission générale de surveillance des banlieues. Cette tâche leur incombe toujours. Ils sont donc bien placés pour savoir de quoi ils parlent. On ne peut pas parler de la sécurité en isolant tel ou tel phénomène. C'est un ensemble de faits. C'est vrai qu'il y a d'abord un sentiment de déracinement et de non-appartenance à une collectivité, qu'elle soit locale ou nationale. Dès lors que ce sentiment existe, les jeunes essaient de recréer une société à eux. C'est le phénomène des bandes."
N'est-ce pas là que la difficulté commence car, à vous écouter, ce n'est pas seulement avec des moyens policiers que l'on peut résoudre...
- "Non, ça ne se fait pas uniquement avec des moyens policiers. La sécurité n'a jamais été uniquement un problème de moyens. C'est naturellement d'abord un problème de moyens. A ce propos, je regrette que les mesures que j'avais arrêtées en 1995 n'aient pas été poursuivies. Elles consistaient à recruter du personnel administratif pour affecter dans les banlieues des policiers expérimentés. C'est effectivement plus facile de recruter des standardistes ou des secrétaires qu'un policier pour lequel il faut au moins deux ans de formation. Le programme n'a pas été poursuivi. Je le regrette. En tout cas, il n'y a pas suffisamment de policiers dans les banlieues. Il faut davantage de présence policière, davantage de commissariats, davantage d'antennes de police. Dans le même temps, il faut sûrement dégager la police nationale d'un certain nombre de tâches qui peuvent être assumées par d'autres. Mais ce n'est qu'un aspect du problème."
Mais pourquoi fait-on toujours de la question de la sécurité un débat de politique politicienne, entre une lecture de droite et une lecture de gauche, alors qu'elle se pose de la même façon pour tout le monde ?
- "Parce que quand on est de gauche et qu'on n'est pas au Gouvernement, on accuse la droite de conduire une politique sécuritaire et quand la droite est dans l'opposition, elle renvoie à la gauche ce que la gauche disait auparavant."
Mais en attendant les problèmes restent ?
- "Oui, les problèmes restent. Il faut les prendre à l'origine, ce qui veut dire d'abord au niveau des familles. Si l'on est dans cette situation, c'est aussi parce que les familles ne jouent plus leur rôle, parce que les parent ont, dans de nombreux cas, abandonné leur tâche d'éducateurs. D'autre part, à l'école, on n'apprend plus à respecter un minimum de règles de la vie en société, l'enseignement de la morale n'existe plus, le civisme on l'enseigne quand on a le temps, etc. Il ne faut donc pas s'étonner de ce résultat. Dans le même temps, il faut également dire qu'on accepte, enfin qu'il y a une certaine incapacité de la part de l'Education nationale à rétablir en son sein, c'est-à-dire à l'école, un minimum de discipline. Quand on accepte que des collégiens insultent les professeurs sans qu'il y ait de réactions, il ne faut pas s'étonner du résultat. Troisième volet, et après j'en ai fini..."
D. Bromberger évoquait l'une des décisions envisagées par G.-W. Bush, s'agissant de l'école : il dit qu'on va juger les écoles sur les résultats. S'il n'y a pas de bons résultats, on supprime les crédits. Est-ce qu'il y a une piste pour vous, j'ai vu que vous écoutiez avec attention... ?
- "Bien entendu, mais en France on ne peut pas raisonner comme cela. Mais que l'on note au moins les professeurs - ce qui, je vous le rappelle au passage, ne se fait plus - les enseignants, les principaux de collège et les proviseurs en fonction des résultats obtenus, cela me paraîtrait tout à fait normal ! Parce qu'après tout, pourquoi l'école est-elle là ? Pour apporter aux jeunes la formation intellectuelle dont ils ont besoin, c'est-à-dire d'abord former le raisonnement et l'intelligence, leur permettre d'acquérir un certain nombre de connaissances. Le collège et le lycée ne sont pas une garderie ! On n'est pas là pour les occuper pour qu'ils ne soient pas ailleurs."
Et les parents ? La question de la suppression des allocations familiales s'était posée à une époque.
- "Oui, elles doivent être supprimées. Il faut mettre les parents devant leurs responsabilités mais aussi les chefs d'établissement. Les principaux de collège ou les proviseurs de lycée ont le devoir de signaler les jeunes gens qui n'assistent pas au cours. L'enseignement est obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans. Il faut donc que lorsqu'on s'aperçoit que depuis plusieurs jours - ou parfois semaines - les enfants ne viennent pas, premièrement, on doit le signaler aux parents et ensuite prendre les mesures nécessaires pour que les allocations familiales soient supprimées, après qu'on ait rappelé leur devoir aux parents. Cela me parait être le minimum. Enfin, il est bien évident qu'il y a aussi un problème de justice. De ce point de vue, il est non moins certain qu'il faut modifier l'ordonnance de 1945. Parce qu'on ne peut pas parler du problème des bandes sans parler du problème du caïdat, des petits caïds."
C'est ce que faisait le jeune garçon qui témoignait au début du journal. Il disait que c'était des modèles pour beaucoup d'autres...
- "Bien entendu ! Des jeunes de 13, 14 ans ont déjà été interpellés dix fois quatorze fois, quinze fois pour des agressions et ne sont pas poursuivis. Tout ceci en fait des héros lorsqu'ils reviennent dans les banlieues. C'est ce qui doit être modifié. Quant à la justice, elle doit se monter beaucoup plus sévère. Vous avez peut-être vu il y a quelques jours, dans mon département, que la police, après de nombreuses surveillances a arrêté deux jeunes gens qui s'étaient livrés à une quinzaine d'agressions sur des personnes âgées. On les a arrêtés, ils ont reconnus. On les a présentés à la justice et ils ont été immédiatement libérés ! Alors que voulez-vous que les policiers fassent ensuite ? La justice doit également assumer son rôle."
Le sondage du Monde démontrait bien que l'insécurité était la principale préoccupation des Français. Mais sur un sujet aussi important, comment se protéger de l'instrumentalisation politique ? Tout le monde dit que ce sera le principal enjeu de la prochaine présidentielle.
- "Je crois que ce sera difficile à éviter. Cela a déjà commencé : L. Jospin et J. Chirac se sont livrés à une partie de ping-pong par- delà la mer. On n'évitera pas que cela devienne un des enjeux de la prochaine campagne électorale. Il ne faut pas non plus qu'on bascule dans des extrêmes. L'idée d'un consensus dans le domaine de la sécurité est une idée irréaliste. Ce serait souhaitable mais il ne faut pas se faire d'illusion. Il faut que ceux qui connaissent les problèmes, quand ils élaborent des propositions, essaient de rester dans certaines limites raisonnables. Mais d'autre part, j'ajouterai que j'ai l'expérience de mon département où nous faisons beaucoup de choses en direction de la jeunesse et où nous essayons, au travers du sport et de leur attrait pour un certain nombre de disciplines représentées par de grands champions, de les attirer. Pourquoi ? Parce que chez les jeunes, il y a une agressivité latente qui est normale. Il faut faire en sorte qu'elle se déroule plutôt sur les terrains de sports qu'ailleurs. Pendant l'été, au lieu de laisser les jeunes n'importe où, nous en recevons 140 000 dans nos parcs et sur nos terrains de sports. On leur apprend aussi, au travers du sport, à respecter un minimum de règles et à respecter l'arbitre."
Vous êtes en campagne monsieur Pasqua ?
"Non, je ne suis pas en campagne, je dis simplement ce que nous faisons sur le terrain."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 30 janvier 2001)
- "Non, je ne l'ai pas entendu, je le regrette..."
Il disait : "ils vont loin, ils vont de plus en plus loin." Il parlait de jeunes de 11, 12, 13 ans. Il parlait aussi d'un "nationalisme de quartier", comme une inspectrice des Renseignements généraux sur notre antenne ce matin. Est-ce que vous reconnaissez tout cela ?
- "Ce n'est pas un phénomène nouveau. En 1995, j'avais moi-même chargé les Renseignements généraux d'une mission générale de surveillance des banlieues. Cette tâche leur incombe toujours. Ils sont donc bien placés pour savoir de quoi ils parlent. On ne peut pas parler de la sécurité en isolant tel ou tel phénomène. C'est un ensemble de faits. C'est vrai qu'il y a d'abord un sentiment de déracinement et de non-appartenance à une collectivité, qu'elle soit locale ou nationale. Dès lors que ce sentiment existe, les jeunes essaient de recréer une société à eux. C'est le phénomène des bandes."
N'est-ce pas là que la difficulté commence car, à vous écouter, ce n'est pas seulement avec des moyens policiers que l'on peut résoudre...
- "Non, ça ne se fait pas uniquement avec des moyens policiers. La sécurité n'a jamais été uniquement un problème de moyens. C'est naturellement d'abord un problème de moyens. A ce propos, je regrette que les mesures que j'avais arrêtées en 1995 n'aient pas été poursuivies. Elles consistaient à recruter du personnel administratif pour affecter dans les banlieues des policiers expérimentés. C'est effectivement plus facile de recruter des standardistes ou des secrétaires qu'un policier pour lequel il faut au moins deux ans de formation. Le programme n'a pas été poursuivi. Je le regrette. En tout cas, il n'y a pas suffisamment de policiers dans les banlieues. Il faut davantage de présence policière, davantage de commissariats, davantage d'antennes de police. Dans le même temps, il faut sûrement dégager la police nationale d'un certain nombre de tâches qui peuvent être assumées par d'autres. Mais ce n'est qu'un aspect du problème."
Mais pourquoi fait-on toujours de la question de la sécurité un débat de politique politicienne, entre une lecture de droite et une lecture de gauche, alors qu'elle se pose de la même façon pour tout le monde ?
- "Parce que quand on est de gauche et qu'on n'est pas au Gouvernement, on accuse la droite de conduire une politique sécuritaire et quand la droite est dans l'opposition, elle renvoie à la gauche ce que la gauche disait auparavant."
Mais en attendant les problèmes restent ?
- "Oui, les problèmes restent. Il faut les prendre à l'origine, ce qui veut dire d'abord au niveau des familles. Si l'on est dans cette situation, c'est aussi parce que les familles ne jouent plus leur rôle, parce que les parent ont, dans de nombreux cas, abandonné leur tâche d'éducateurs. D'autre part, à l'école, on n'apprend plus à respecter un minimum de règles de la vie en société, l'enseignement de la morale n'existe plus, le civisme on l'enseigne quand on a le temps, etc. Il ne faut donc pas s'étonner de ce résultat. Dans le même temps, il faut également dire qu'on accepte, enfin qu'il y a une certaine incapacité de la part de l'Education nationale à rétablir en son sein, c'est-à-dire à l'école, un minimum de discipline. Quand on accepte que des collégiens insultent les professeurs sans qu'il y ait de réactions, il ne faut pas s'étonner du résultat. Troisième volet, et après j'en ai fini..."
D. Bromberger évoquait l'une des décisions envisagées par G.-W. Bush, s'agissant de l'école : il dit qu'on va juger les écoles sur les résultats. S'il n'y a pas de bons résultats, on supprime les crédits. Est-ce qu'il y a une piste pour vous, j'ai vu que vous écoutiez avec attention... ?
- "Bien entendu, mais en France on ne peut pas raisonner comme cela. Mais que l'on note au moins les professeurs - ce qui, je vous le rappelle au passage, ne se fait plus - les enseignants, les principaux de collège et les proviseurs en fonction des résultats obtenus, cela me paraîtrait tout à fait normal ! Parce qu'après tout, pourquoi l'école est-elle là ? Pour apporter aux jeunes la formation intellectuelle dont ils ont besoin, c'est-à-dire d'abord former le raisonnement et l'intelligence, leur permettre d'acquérir un certain nombre de connaissances. Le collège et le lycée ne sont pas une garderie ! On n'est pas là pour les occuper pour qu'ils ne soient pas ailleurs."
Et les parents ? La question de la suppression des allocations familiales s'était posée à une époque.
- "Oui, elles doivent être supprimées. Il faut mettre les parents devant leurs responsabilités mais aussi les chefs d'établissement. Les principaux de collège ou les proviseurs de lycée ont le devoir de signaler les jeunes gens qui n'assistent pas au cours. L'enseignement est obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans. Il faut donc que lorsqu'on s'aperçoit que depuis plusieurs jours - ou parfois semaines - les enfants ne viennent pas, premièrement, on doit le signaler aux parents et ensuite prendre les mesures nécessaires pour que les allocations familiales soient supprimées, après qu'on ait rappelé leur devoir aux parents. Cela me parait être le minimum. Enfin, il est bien évident qu'il y a aussi un problème de justice. De ce point de vue, il est non moins certain qu'il faut modifier l'ordonnance de 1945. Parce qu'on ne peut pas parler du problème des bandes sans parler du problème du caïdat, des petits caïds."
C'est ce que faisait le jeune garçon qui témoignait au début du journal. Il disait que c'était des modèles pour beaucoup d'autres...
- "Bien entendu ! Des jeunes de 13, 14 ans ont déjà été interpellés dix fois quatorze fois, quinze fois pour des agressions et ne sont pas poursuivis. Tout ceci en fait des héros lorsqu'ils reviennent dans les banlieues. C'est ce qui doit être modifié. Quant à la justice, elle doit se monter beaucoup plus sévère. Vous avez peut-être vu il y a quelques jours, dans mon département, que la police, après de nombreuses surveillances a arrêté deux jeunes gens qui s'étaient livrés à une quinzaine d'agressions sur des personnes âgées. On les a arrêtés, ils ont reconnus. On les a présentés à la justice et ils ont été immédiatement libérés ! Alors que voulez-vous que les policiers fassent ensuite ? La justice doit également assumer son rôle."
Le sondage du Monde démontrait bien que l'insécurité était la principale préoccupation des Français. Mais sur un sujet aussi important, comment se protéger de l'instrumentalisation politique ? Tout le monde dit que ce sera le principal enjeu de la prochaine présidentielle.
- "Je crois que ce sera difficile à éviter. Cela a déjà commencé : L. Jospin et J. Chirac se sont livrés à une partie de ping-pong par- delà la mer. On n'évitera pas que cela devienne un des enjeux de la prochaine campagne électorale. Il ne faut pas non plus qu'on bascule dans des extrêmes. L'idée d'un consensus dans le domaine de la sécurité est une idée irréaliste. Ce serait souhaitable mais il ne faut pas se faire d'illusion. Il faut que ceux qui connaissent les problèmes, quand ils élaborent des propositions, essaient de rester dans certaines limites raisonnables. Mais d'autre part, j'ajouterai que j'ai l'expérience de mon département où nous faisons beaucoup de choses en direction de la jeunesse et où nous essayons, au travers du sport et de leur attrait pour un certain nombre de disciplines représentées par de grands champions, de les attirer. Pourquoi ? Parce que chez les jeunes, il y a une agressivité latente qui est normale. Il faut faire en sorte qu'elle se déroule plutôt sur les terrains de sports qu'ailleurs. Pendant l'été, au lieu de laisser les jeunes n'importe où, nous en recevons 140 000 dans nos parcs et sur nos terrains de sports. On leur apprend aussi, au travers du sport, à respecter un minimum de règles et à respecter l'arbitre."
Vous êtes en campagne monsieur Pasqua ?
"Non, je ne suis pas en campagne, je dis simplement ce que nous faisons sur le terrain."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 30 janvier 2001)