Conférence de presse de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national, sur l'omniprésence de Nicolas Sarkozy dans les média tout l'été et la dégration de la situation du pays au plan interne et international, bénéfique à terme selon lui pour son parti, Paris le 7 septembre 2007.

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Circonstance : Rentrée politique du Front national - Conférence de presse du 7 sptembre 2007

Texte intégral

Mesdames et messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de votre présence, au sortir de vacances dont j'espère qu'elles vous ont été aussi agréables que réparatrices, après une année très chargée au plan électoral, et donc épuisante pour nous tous.
Initialement, cette conférence de presse devait s'inscrire dans le cadre de ce qu'il est coutumier d'appeler la rentrée politique française, mais en raison de l'activisme ininterrompu du Président de la République depuis son élection, c'est à se demander si l'on peut parler de " rentrée " !
Nicolas Sarkozy a en effet tenu la gageure d'occuper la première page de tous les journaux tous les jours de l'été.
D'effets d'annonce tonitruants, comme la loi sur le service minimum, en initiative " people ", comme le déplacement de madame Sarkozy en Lybie, le Président déploie une agitation médiatique tous azimuts, qui dessine les contours d'une politique proprement funambulesque, laquelle vise à endormir l'opinion tandis que les nuages, noirs, lourds et nombreux, s'accumulent à l'horizon.
Les efforts de communication du pouvoir ne peuvent en effet masquer la dégradation de la situation de notre pays, au plan interne comme au plan international.
I- Au plan interne, depuis quelques semaines, les mauvaises nouvelles succèdent aux mauvaises nouvelles.
Tandis que la plupart des experts indépendants et l'OCDE elle-même annoncent que la croissance française atteindra péniblement 1,8% en 2007, le gouvernement maintient contre vents et marées son objectif de 2,25%.
En somme, confrontés à de probables mauvais résultats, les pouvoirs publics semblent aujourd'hui répondre essentiellement par la méthode Coué.
Claude Guéant affirmait encore, la semaine dernière que, je le cite, " Nicolas Sarkozy ne se contentera pas de 2% de croissance ".
Cela ne relève plus de la pétition de principe mais du toupet le plus éhonté !
En réalité, le vrai chiffre - 1,7%- témoigne d'un rythme particulièrement décevant par rapport à celui de la zone euro, pour laquelle les prévisions, une fois de plus supérieures à la France, vont de 2,6 à 2,8% cette année.
Selon le très officiel institut suisse IMD, la France est d'ailleurs en queue de peloton dans le classement des 55 principales économies de la planète en 2007:
28ème sur 55 pour la compétitivité (la RFA est 16ème)
43ème sur 55 pour le chômage
53ème sur 55 pour la croissance
55ème sur 55 pour la politique budgétaire
Compte tenu de la chute des recettes fiscales induites par le ralentissement de la croissance et des engagements européens de monsieur Sarkozy, il ne lui reste plus, pour respecter le critère des 3% de déficit public, qu'à augmenter les impôts.
Vous aurez observé d'ailleurs que les pouvoirs publics sont beaucoup plus discrets sur la fameuse réforme fiscale, annoncée par tambours et trompettes depuis six mois:
la TVA sociale est, nous dit-on, en discussion,
la déductibilité des intérêts d'emprunt est limitée,
tandis que la franchise médicale, impôt sur les malades, s'annonce.
Au ralentissement de la croissance s'ajoute, hélas, le creusement des déficits : le déficit du régime général de la Sécurité sociale devrait atteindre 12 milliards d'euros cette année, et retrouver ainsi ses plus hauts niveaux, ceux de 2004 et 2005.
Inéluctablement, les autres soldes vont aussi se dégrader, comme celui des administrations publiques, au premier rang desquels figurera le déficit croissant du budget de l'Etat.
Déjà, et selon une information tombée ce matin même, celui-ci a atteint 47,44 milliards d'euros en juillet dernier, contre 38,17 milliards l'année précédente.
Enfin, le déficit commercial français va probablement atteindre en 2007 un niveau absolument historique : au premier semestre en effet, il est déjà de 15 milliards d'euros.
Après une année 2006 qui s'était soldée par un déficit record de 26,8 milliards d'euros, 2007 s'annonce encore pire.
L'Allemagne, premier exportateur mondial, a réalisé un nouvel excédent commercial de 16,5 milliards d'euros en juin dernier.
On peut évoquer la surévaluation de l'euro ou la faiblesse du tissu productif Français, il n'en reste pas moins que les responsables en sont les pouvoirs publics passés, au sein desquels Nicolas Sarkozy s'était illustré par exemple comme Ministre des Finances.
A l'aune de réalités macro-économiques douloureuses, à l'aune des difficultés de fin de mois pour chaque français, il est évident que notre hyper-Président se meut dans un contexte plus virtuel que vertueux.
Les Français eux-mêmes commencent à le percevoir : selon BVA, la côte de confiance du Chef de l'Etat a récemment perdu 4 points.
C'est que la présidentielle s'éloignant, l'opinion commence à quitter l'imaginaire présidentiel de la campagne pour regarder l'efficacité de la politique gouvernementale.
Sur le front de l'insécurité, par exemple, la situation ne cesse d'empirer : désormais, et c'est une nouveauté de l'aveu même des services de police, les bandes s'affrontent en plein Paris, comme à Pigalle ou à la gare du Nord.
En matière d'immigration, je me contenterai d'un seul exemple : à l'occasion de sa visite aux squatters d'Aubervilliers, la secrétaire d'Etat Rama Yade s'est offusquée de la décision d'expulsion du squat, prise à l'initiative de la municipalité communiste de la ville.
Celle-ci a d'ailleurs dénoncé par voie de presse ce " soutien affirmé aux squatteurs " !
C'est dire si les électeurs de droite ont été trompés sur les intentions du gouvernement !
C'est dire s'ils n'ont rien à attendre, en dépit des apparences, en dépit des promesses, en dépit des effets d'annonce !
Si vous me faites l'honneur d'assister à la conférence de presse qui suivra notre conseil National le 15 septembre prochain, je vous démontrerai, mesure par mesure, secteur d'activité ministérielle après secteur d'activité ministérielle, à quel point la politique sarkozienne ne marque aucune rupture, aucune vraie réforme, aucun changement de fond.
La politique du Président ne vise qu'à une chose : éviter le conflit avec les syndicats, avec les censeurs du politiquement-correct, avec les minorités agissantes.
Le problème, c'est qu'en politique, on ne peut pas éviter, à tout prix le conflit.
II- Il n'y a qu'un domaine dans lequel le Président de la République avance sabre au clair et à tout risque pour notre pays, c'est la politique étrangère.
La Présidence Sarkozy marque, c'était d'ailleurs annoncé, un net tournant atlantiste de la politique étrangère française : voyage privé aux Etats-Unis cet été, soutien à la politique américaine en Irak, dénonciation de l'Iran, voire de la Russie, autant de signes qui ont été très mal interprétés par différents acteurs de premier plan de la géopolitique mondiale.
La Russie, mise en cause dans la politique qu'elle pratique aux marches de son ancien empire, a répliqué en soutenant la candidature de l'ancien Premier ministre tchèque Josef Tosovsky à la Présidence du FMI.
Ni la France, ni d'ailleurs l'Europe, ne s'y attendait.
Le choix de Dominique Strauss-Kahn, produit de considérations de politique intérieure française - diviser la gauche, éloigner un concurrent - semblait ne poser aucun problème.
Mais on ne bouleverse pas brutalement les grands équilibres politiques internationaux sans en subir les conséquences.
En effet, la France s'était illustrée depuis longtemps dans une politique d'équidistance entre les Etats-Unis et la Russie, qui ménageait d'ailleurs les relations avec chacune de ces deux puissances.
En rompant avec sa ligne traditionnelle, et en marquant nettement sa préférence pour Washington, elle risque de s'attirer des inimitiés d'autant plus inutiles que notre pays partage avec la Russie la solidarité naturelle qui unit les pays de l'arc boréal.
Le rapprochement avec les Etats-Unis entraine aussi un changement d'image de la France dans le monde arabe.
A l'heure de la recrudescence de la menace terroriste en Europe, cela pourrait porter à conséquence.
Disons le tout net: la politique du Président nouvellement élu est un peu idéologique et un peu aventuriste. S'il est en tout cas une justice que je veux rendre à Jacques Chirac, qui fut pourtant mon pire ennemi, c'est que lui, au moins, avait su garder une ligne ménageant l'indépendance internationale de la France.
Mais l'indépendance nationale n'est pas une valeur de Nicolas Sarkozy.
Jugez-en par vous-même, mesdames et messieurs.
Par le biais d'un mini-traité qu'il a pensé et imposé à l'Europe entière, il n'a pas hésité à rendre vie à la Constitution européenne, pourtant enterrée par le peuple souverain en juin 2005 parce qu'elle consacrait la création d'un super-Etat et scellait la fin de la souveraineté française.
Nicolas Sarkozy est atlantiste et fédéraliste, et qui plus est, il laisse s'ouvrir de nouveaux chapitres de négociation avec la Turquie, prélude à l'adhésion de celle-ci, sur laquelle la France n'aura pas son mot à dire, puisque grâce au mini-traité qu'il veut faire adopter, cette adhésion sera votée à la majorité qualifiée.
Le Président de la République n'ignore pas que la majorité de nos concitoyens est opposé à une Constitution européenne et à l'adhésion turque. Mais le viol de la volonté populaire ne lui fait pas peur.
Nous saurons bientôt ce que les Français pensent de tout cela.
Une chose est sûre : ceux qui ont prétendu éradiquer le Front National vont en être pour leur frais.
Les erreurs des pouvoirs en place, jointes à la trahison des promesses, vont renvoyer le balancier de l'opinion vers les partis d'opposition, et singulièrement vers l'opposition nationale, ce qui, au regard de l'unanimisme sarkozien dans les grands media et au sein des sphères dirigeantes françaises, sera à coup sûr un bon service rendu à la démocratie.
Je vous remercie.
Source http://www.frontnational.com, le 10 septembre 2007