Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur la reprise du dialogue inter-libanais et la future élection présidentielle au Liban, Beyrouth le 13 septembre 2007.

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Circonstance : Voyage de Bernard Kouchner au Proche-Orient du 10 au 13 septembre 2007 : entretien avec M. Fouad Siniora, président du conseil des ministres libanais le 13 à Beyrouth

Texte intégral

Merci de dire que je suis un ami du Liban et que la France est amie du Liban, de toutes les communautés libanaises. Si je suis passé plusieurs fois, et si je reviendrais volontiers, c'est en effet parce que la France peut, peut-être modestement, à sa place, accompagner le processus électoral.
Je me suis largement entretenu avec le Premier ministre, M. Fouad Siniora, et je suis heureux, aujourd'hui. Je suis satisfait parce que mes amis libanais ont accepté les uns et les autres, je crois, je veux le croire, d'entamer un dialogue fructueux avant l'élection présidentielle qui doit se tenir, selon la Constitution, à l'heure dite, le jour dit, et avec des candidats du consensus ou un candidat du consensus qui seront, qui sera discuté.
Je crois qu'il y a une petite perspective et je salue le geste d'ouverture, le geste d'homme d'Etat du président du Parlement, M. Nabih Berry.
Je salue aussi la réponse apportée hier soir par le Mouvement du 14 mars et que m'a expliqué aujourd'hui l'homme d'Etat, le responsable libanais, le Premier ministre libanais, M. Fouad Siniora. Je pense que ces deux gestes sont importants et qu'ils autorisent une vraie discussion en dehors de l'idéologie, en dehors de la théologie, en dehors des débats sur la Constitution, une vraie discussion politique pour pouvoir élire à la date et selon ce que prescrit la Constitution, un candidat à la présidence de la République.
J'appelle à la sagesse les pays d'alentour qui pour le moment ne se sont pas trop manifesté depuis un temps limité. Ils se manifestèrent beaucoup auparavant. J'espère, dans ce dialogue, que tous les Libanais, toutes les communautés libanaises pourront se retrouver et qu'à la bonne date, selon les règles légales et la Constitution, un candidat, - je ne sais pas lequel, je n'ai pas l'intention de m'en mêler, - pourra être élu président de la République libanaise. Et tout recommencera, le Liban sera beaucoup plus fort et je serai content pour mes amis.
Je remercie tous ceux qui ont participé de leur bonne volonté. Je remercie toute l'équipe de l'ambassade de France, l'ambassadeur, l'autre ambassadeur, M. Cousseran, tous les agents, les diplomates qui travaillent ici, au nom de la France, au nom du président de la République, M. Nicolas Sarkozy. J'espère que cette obstination, qui n'est peut-être pas terminée - je suis prêt à revenir -, cette obstination aura été un peu utile à sa modeste place. Merci.

Q - (Inaudible)
R - Vous savez, Madame, elle n'a pas laissé d'image négative. C'est moi que vous interrogez, pas la presse arabe, pas les journaux libanais, pas une idée de ce qu'on peut se faire d'un processus. C'est la vie politique, c'est toujours comme cela. Qu'est-ce que vous attendiez ? Qu'on dise "Ah merci M. Nabih Berry, vous êtes formidable !"? Ce n'est pas comme cela la vie politique. J'estime que cette réponse est une réponse positive. Je peux me tromper complètement. J'estime que quand on dit : on écartera la vision des 51 % et vous écarterez la vision des deux tiers, et nous parlerons enfin du seul problème, c'est-à-dire désigner des candidats, et que si on décide des candidats en commun, l'un sera élu et vous verrez, c'est peut-être comme cela que cela va se passer. Vous connaissez trop la politique pour penser que ce n'est pas un jeu de dupes aussi. Cela a ses règles, ses exercices de style, ses espèces de fausses colères, et puis ses vraies colères. Mais les vraies colères en politique ici s'appellent la guerre. Et nous n'en voulons pas.

Q - (Inaudible)
R - C'est possible. Si c'est utile. Je n'ai pas visité Damas moi-même. Mais nous avons envoyé un ambassadeur, c'est vrai. Nous ne visitons pas Damas tous les jours et nous avons dit très clairement aux Syriens : "si vous acceptez l'élection présidentielle à temps, selon le processus constitutionnel alors tout sera possible entre nos deux pays". Nous répétons cela : plus de crimes, plus d'attentats. Je sais, ce n'est pas seulement la Syrie qui est en question. Je sais. Mais, voilà, nous avons été très clairs.
Est-ce que je suis optimiste ? Vous savez, au Liban, on peut toujours être optimiste à long terme, les Libanais sont formidables, ils évoluent, du Nord au Sud, de la montagne à la mer. Ils sont différents et semblables, obstinés, et puis ils partent et puis ils reviennent. Et puis souvent ils s'assassinent. Drôle de pays. C'est celui que j'aime. Est-ce que je suis optimiste ? Un peu oui. Voulez-vous que je vous dise, j'ai senti, et je l'ai dit tout à l'heure dans l'ascenseur en quittant M. Siniora et je l'ai dit aussi en quittant M. Nabih Berry, j'ai l'impression que cela peut marcher. Et si par hasard, Madame, cela pouvait marcher, "Inchallah".

Q - (Inaudible)
R - Madame, j'ai le regret de vous dire que le président Sarkozy m'envoie comme messager. Le messager c'est le message. Je pense avoir vraiment son entier accord. 102 %.

Q - Qu'est-ce que vous avez de nouveau ?
R - Dites-moi, Madame, vous êtes libanaise ? Et qu'est-ce que vous avez de nouveau ?

Q - Mais vous venez pour nous aider.
R - Je viens pour vous écouter, pour essayer de comprendre que cela peut aller mieux. Pas que cela va aller mal. Vous avez reçu plein de messagers de malheur. Vous subissez des influences négatives et mortifères. Prenez une fois de temps en temps l'influence d'un type qui vous aime.

Q - (Inaudible)
R - Mais souvent ils se font peur, c'est un jeu dangereux. Il y a un jeu politique libanais comme il y a un jeu politique dans tous les pays du monde. Celui-là est particulièrement dangereux, puisqu'on a vu les résultats au Liban. Parfois et trop souvent.
Donc il faut mesurer à la fois la part du dialogue heurté, difficile, parfois brutal, du dialogue politique. Et je profite de votre question, Monsieur, pour dire que mes amis libanais doivent savoir que les injures à la télévision ou à la radio sont extrêmement dangereuses dans ce pays. Que l'espèce de brutalité qui régit les rapports politiques dans ce pays est extrêmement dangereuse. Alors vous voyez, il y a cette part là. Oui c'est prévisible mais en même temps dangereux.
Et puis il y a le jeu de l'extérieur, parce que tout cela se rapproche avec des influences qui, parfois, vont prendre des décisions ailleurs et qui jouent avec le Liban avec son intégrité, avec son autonomie, avec son indépendance, et qui souhaitent - certaines d'entre elles - que le Liban n'existe plus. Liban où les communautés se rencontreraient, les religions se rencontreraient et vivraient parce qu'elles l'ont fait pendant très longtemps quand même en bonne intelligence. Voilà ce que je veux dire. Evidemment il y une part de dialogue un peu heurté, politique habituel, et puis il y a aussi les influences extérieures.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 septembre 2007