Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur la peinture dans la Renaissance italienne à l'occasion de l'exposition Arcimboldo, Paris le 13 septembre 2007.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Déjeuner d'inauguration de l'exposition "Arcimboldo" au Sénat le 13 septembre 2007

Texte intégral

Monsieur le Vice Président du Conseil et Ministre des Biens et activités culturelles de la République italienne,
Messieurs les Ambassadeurs d'Autriche et d'Italie,
Chère Madame Sylvia Ferino,
Mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis
C'est un très grand honneur et un réel plaisir, cher Francesco Rutelli de vous accueillir aujourd'hui, au Sénat de la République française, dans cette maison construite par Marie de Médicis et qui entretient, depuis si longtemps, une relation incomparable avec votre pays.
Lorsque j'ai souhaité que le Sénat reprenne la gestion du Musée du Luxembourg, j'ai voulu que notre Musée, qui fut aussi le premier Musée d'art moderne et contemporain, célèbre ses origines transalpines ; et j'ai demandé à Madame Patrizia Nitti - que je salue et remercie - de concevoir une programmation qui exalte la Renaissance italienne.
Le Sénat français, qui a exposé Raphaël, Botticelli, Véronèse, Titien et aujourd'hui Arcimboldo, est fier de l'éblouissant résultat de cette politique. Il est aussi infiniment reconnaissant de l'engagement, si enthousiaste et passionné à nos côtés, des autorités italiennes, des surintendants des biens culturels, des directeurs de vos prestigieux musées et des membres éminents des comités scientifiques que Madame Nitti a rassemblés autour de notre institution.
Cet engagement s'est déjà manifesté au plus haut niveau par la visite des Présidents Ciampi et Napolitano qui nous ont honorés de leur protection. Je suis heureux, au nom de mes collègues, d'accueillir aujourd'hui en votre personne, cher Francesco Rutelli, une personnalité aussi emblématique du gouvernement italien, un homme de culture respecté dans toute l'Europe, mais aussi, bien sûr, un ancien maire de Rome, qui, dans la Ville éternelle, a parachevé des réalisations architecturales remarquables qui ont donné une nouvelle jeunesse à votre capitale et inspiré bien des villes européennes. Je ne doute pas aussi que Madame Albanel, notre ministre de la Culture et de la communication, sera particulièrement intéressée de ce que vous lui direz de l'exemple italien, notamment pour l'enseignement de l'histoire de l'Art à l'école.
Au moment où le Président de la République, Nicolas Sarkozy, affirme son intention visionnaire de proposer à l'Europe un grand dessein pour faire de l'ensemble méditerranéen, une zone de dialogue et de prospérité, le Sénat est fier d'avoir été en quelque sorte, sur le plan culturel, un précurseur audacieux. Je le dis d'autant plus que, lorsque nous avons commencé, certains responsables d'alors nous expliquaient avec force que le public ne s'intéressait qu'à l'Égypte et aux impressionnistes et que nous étions bien déraisonnables d'exposer Raphaël.
C'est bien la preuve qu'en Culture comme en politique, il ne faut jamais mésestimer l'intelligence du public et ne jamais renoncer à proposer à nos concitoyens les voies les plus courageuses et les plus élevées.
Il est vrai que sur le plan politique, la relation de la France avec les pays de l'Europe méridionale, n'ont pas toujours eu la visibilité qu'elles méritaient, et qu'elles vont - je l'espère - retrouver.
Le Sénat, qu'anime une grande ambition pour la Culture, a voulu nouer des liens avec des institutions européennes prestigieuses et souhaite s'insérer dans une Europe de l'esprit qui est la seule qui vaille.
Je suis particulièrement heureux d'accueillir aujourd'hui Monsieur l'Ambassadeur d'Autriche dans ces salons qu'ont traversé Louis XVI et Napoléon, à quelques mètres de la statue que j'ai inaugurée dans le jardin, la première consacrée depuis des décennies à un personnage contemporain, Stefan Zweig, grand Européen. J'ai plaisir à saluer votre pays au rayonnement culturel si intense avec lequel la France partage - si vous me permettez l'expression - ...plusieurs histoires d'amour. Votre pays sera encore à l'honneur avec l'invitation de votre grand sculpteur Ernst Eisenmayer qui présentera en écho à Arcimboldo ses sculptures végétales dans le cadre de l'exposition d'automne.
Ici, aujourd'hui, comme par l'effet d'une baguette magique, se trouvent en quelque sorte convoqués des pans entiers de l'histoire universelle, l'empire romain et l'empire des Habsbourg. L'exposition que nous venons d'admirer, jette un éclat nouveau sur les fastes de la Cour de Vienne, et sur le règne brillant de Maximilien, dont l'humaniste Juste Lipse a dit que son entourage comptait plus d'érudits que tous les royaumes d'alors.
Qu'il me soit permis, à cet instant, d'exprimer ma profonde reconnaissance et l'hommage de mon admiration à la fée qui tient la baguette, je veux dire Madame Sylvia Ferino, responsable des peinture italiennes de l'illustre musée d'art historique de Vienne, commissaire de l'exposition Arcimboldo, qui a réalisé cette magnifique exposition que nous venons de découvrir et qui sera ensuite accueillie dans son Musée à Vienne.
Jamais une exposition aussi importante n'avait été consacrée à Arcimboldo. Jamais autant d'oeuvres de premier plan, pour certaines montrées pour la première fois, n'avaient été réunies, grâce à la générosité de prêteurs publics et privés, présents parmi nous et à qui je tiens à dire notre profonde gratitude. Jamais une exposition n'avait exploré si profondément le génie d'Arcimboldo pour évoquer notamment le metteur en scène des fêtes, des tournois de l'empereur Maximilien II ou du mariage de l'Empereur d'Espagne, son cousin Philippe II. Jamais un catalogue aussi riche, réalisé avec talent par Skira, n'avait été édité sur cette oeuvre étrange.
Je ne doute pas que cette exposition, qui bénéficie du concours précieux des fidèles partenaires médias que le Sénat a tenu à associer dès l'origine à son action culturelle, qui repose sur une scénographie remarquable, et a pu s`appuyer sur les capacités bien connues d'organisation de Monsieur Sylvestre Verger, fasse réfléchir le public nombreux qui la découvrira. Que tous trouvent ici l'expression de mes plus vifs remerciements et de ma sincère gratitude.
Je crois que notre hommage à l'Italie n'était pas le seul point précurseur de notre politique. Le choix de célébrer la Renaissance sera peut-être aussi - je l'espère - comme un signe avant-coureur de mutations prometteuses.
En effet, dans notre pays, celui de la Révolution, de Voltaire et Rousseau, et de Victor Hugo, nous avons parfois trop exclusivement tendance à ne nous percevoir que comme des enfants des Lumières, à donner plus d'importance au droit et à la politique, qu'aux choses de l'esprit.
Et pourtant, les Lumières portaient aussi en germe une vision de la nation qui a pu justifier bien des nationalismes, et un mode de pensée rationnel un peu froid dont parfois étaient absentes les nuances et les finesses qui font le sel des choses humaines.
Cette exposition nous rappelle que le Milanais de Vienne, Arcimboldo, vivait une époque où les frontières étaient moins dures, où les grands esprits et les grands artistes circulaient dans les cours d'Europe. Elle nous montre le lien intime entre l'Art et la politique de la Cour, lien qui s'est distendu dans beaucoup de pays. Elle illustre aussi, chère Sylvia Ferino, le lien intime qui existe entre les fantaisies potagères d'un artiste et les dernières recherches scientifiques des humanistes et des botanistes, désireux de balayer l'obscurantisme et de faire progresser la pensée.
C'est dire, chers amis, que ces expositions peuvent contribuer à nous donner la clé pour retrouver en Europe le chemin de l'esprit de la Renaissance, pour bâtir une Europe et un ensemble méditerranéen qui donnent la première place à la libre circulation des idées et des cultures, qui renoue avec l'optimisme du progrès scientifique et l'esprit de conquête des premiers découvreurs, bref qui crée une véritable communauté humaine de l'esprit, et une authentique communauté de projets.Source http://www.senat.fr, le 17 septembre 2007