Texte intégral
J.-P. Elkabbach.- La semaine des rendez-vous à risque commence ; à propos du social surtout et de l'immigration, vos élus de la majorité sont soumis à rude épreuve. J.-F. Copé bonjour.
R.- Bonjour.
Q.- Ça coince, ça chauffe, il paraît que la mécanique sarkozyste tourne trop vite ; F. Bayrou n'est pas le seul à estimer que le climat se déglingue. Est-ce que c'est la perception de vos députés UMP ?
R.- Non, vous savez... enfin quand on regarde l'état du climat, alors c'est vrai qu'on lit un peu ce qui est écrit dans les journaux, ça c'est sûr mais enfin c'est vrai que ça ne suffit pas. Moi je fais quoi, je regarde les sondages, qui n'ont jamais été aussi hauts après seulement 4 mois de mandat présidentiel, et puis aussi ce que nous, les députés de l'UMP, on voit sur le terrain. Vous savez, on est 321, donc on a de quoi - sur les différents morceaux de France dont on a la charge - regarder comment les choses se passent. Moi, je vois surtout des Français qui soutiennent, qui sont impatients c'est vrai, mais qui voient aussi en quelques semaines beaucoup de choses se mettre en oeuvre. Donc je n'ai pas ce sentiment moi.
Q.- Ça, c'est de l'autosatisfaction que vous faites !
R.- Non mais... Je ne crois pas. Je sais bien qu'il vaut mieux avoir l'air de dire « oh la, la ! On est très inquiet », mais là désolé, ce n'est pas l'ambiance que je vois...
Q.- Alors prenons les problèmes. Le président de la République va donc révéler demain sa stratégie sociale, il promettait des réformes et il expliquera demain lesquels, dans quelles conditions, dans quel état d'esprit. Est-ce qu'il va les imposer au pas de charge, y renoncer ou alors les étaler dans le temps comme ça ?
R.- Je ne sais pas, moi je ne peux pas parler à sa place, je n'ai pas les éléments bien sûr de son discours. La seule chose que je peux dire c'est qu'aujourd'hui, nous, on n'est pas très inquiet quand on est député et qu'on voit la manière dont ça se passe. Parce qu'en réalité, depuis le début de son mandat, N. Sarkozy commence à imprimer une marque assez claire. Il y a un objectif, c'est toujours le même, il est très clair : tenir la parole que nous avons donnée aux Français, ça c'est majeur. Et la méthode c'est également toujours la même : on débat, on dialogue mais on a une obligation de résultat...
Q.- Mais vous mettez un délai aux réformes, vous avez entendu J.-C. Mailly de Force ouvrière...
R.- Oui, j'ai entendu Monsieur Mailly, mais il y a juste un sujet, il faut le temps du dialogue et du débat, d'ailleurs aussi bien avec les syndicats - je m'empresse de le dire - qu'au Parlement bien sûr, parce que c'est aussi le lieu de la démocratie. Mais enfin, en même temps on a beaucoup de choses à faire, donc il faut aussi qu'on ait un petit calendrier.
Q.- Même si les mentalités ont beaucoup évolué, est-ce que 2007 peut devenir - c'est dans l'esprit de quelques-uns - un 1995 bis ?
R.- Je ne crois pas, non. Et puis d'ailleurs, j'ai presque envie de dire « vous non plus », les temps ont changé, ça fait 12 ans. On voit bien maintenant que les Français sont très informés. Regardez encore, il y a eu un sondage hier qui montrait clairement qu'une écrasante majorité de Français considère qu'on ne peut pas faire deux poids deux mesures sur les régimes spéciaux de retraite. Il faut quelque part qu'on soit tous à la même enseigne par rapport aux grands enjeux de demain.
Q.- A terme, les régimes spéciaux devront disparaître ?
R.- En tout cas, il faut une réforme profonde de cela puisque aujourd'hui on voit bien, il y a des métiers pénibles qui ne donnent pas lieu à un régime spécial et des régimes spéciaux qui donnent lieu à des métiers qui ne sont plus pénibles.
Q.- Comment on procède, comment on procède ?
R.- Je crois qu'il faudra faire ça secteur par secteur, bien sûr il faut regarder dans le détail les choses. Il n'y a rien de pire que de jeter un anathème global sur tout ça. Mais enfin attention ! Il ne faut pas se tromper, ça n'est qu'un des aspects de la réforme des retraites ; les régimes spéciaux, c'est 5 % du problème...
Q.- Oui, oui, c'est la réforme des retraites...
R.- Ne perdons pas de vue qu'on a un rendez-vous global avec la réforme des retraites.
Q.- En 2008. M. Rocard dit « des compensations », l'Etat prendrait à sa charge des ristournes ou des aides demandées aux entreprises pour les retraites, mais la finalité c'est l'égalité ?
R.- Oui, c'est l'équité plutôt, je préfère ce mot, c'est l'équité, pas deux poids deux mesures.
Q.- Et comment faire avec des déficits qui augmentent ?
R.- C'est justement pour les atténuer qu'on fait ça, parce que dans l'immédiat ça coûte beaucoup d'argent à tout le monde.
Q.- Oui, mais si vous donnez des compensations ?
R.- Ah bien sûr ! Mais de toute façon, la baisse des déficits c'est un sujet plus vaste, il faut qu'on dépense moins et mieux, c'est ça la modernisation de l'Etat.
Q.- C'est la drôle d'équation. En revenant de Hongrie, N. Sarkozy a paraît-il expliqué qu'il faudra toutes les réformes pour gagner un point de croissance. Il veut 3 % de croissance. Il veut, il veut. Est-ce que la croissance se décrète, J.-F. Copé ?
R.- Oh non ! Elle n'est pas inscrite dans le marc, donc il y a des règles du jeu pour y parvenir. Et je crois que de ce point de vue, ce sera ça aussi les rendez-vous de cette semaine, les grands messages politiques. Il y a deux conditions majeures, au moins au-delà de la conjoncture internationale évidemment, mais il y a deux conditions majeures pour nous. La première c'est de les faire nos réformes de structure, et de les faire effectivement à rythme suffisamment soutenu parce que c'est indispensable. Et puis la deuxième chose, évidemment, c'est qu'il faut réformer les conditions du travail en France, il faut reparler de la durée du travail, il faut reparler du contrat de travail, il faut reparler de l'organisation du travail dans l'entreprise. Tant que la France travaillera moins que les autres pays, nous aurons ce retard et ce handicap.
Q.- Et ça, c'est du long terme.
R.- Ah non ! Non, non, si c'est trop long terme vous savez, il ne se passera plus rien, c'est maintenant que les choses doivent être mises en oeuvre.
Q.- Ce week-end, et C. Nay le rappelait, on a entendu deux voix critiques, F. Bayrou, qui ironise "l'absolutisme présidentiel" et qui dit : le Gouvernement a raté l'occasion de faire des réformes. Et puis D. de Villepin, qui vous a prévenu : pour avoir 3 % de croissance, il faut un changement de politique économique majeur.
R.- Changement, je ne crois pas changement mais je crois en revanche qu'il faut les faire ces réformes, et que ce qui a été annoncé doit maintenant commencer d'être mis en oeuvre, ce qui est d'ailleurs le cas. Et puis encore une fois, je reviens sur cette affaire du travail et de la durée du travail. Vous savez, moi je pense que la politique moderne commande qu'on ait les yeux rivés sur ce qui se passe dans les autres pays. Si on ne fait pas une comparaison permanente avec ce qui se passe ailleurs, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? On vit entre nous, en franco-français, et ce n'est plus les temps d'aujourd'hui. Il y a des endroits où ils ont résolu les problèmes, regardons comment ils ont fait. Le cas du chômage est typique. Regardez comment dans les pays du Nord de l'Europe, ils ont mis en place des systèmes de ce qu'on appelle la "flexsécurité" par exemple, qui fait qu'aujourd'hui on a des contrats de travail plus souples, et effectivement avec des entreprises qui marchent bien.
Q.- J.-F. Copé, puisque vous parlez des Européens, vous savez qu'ils n'apprécient pas les attaques contre J.-C. Juncker, le président de l'Eurogroup et contre la BCE, du style : avec ses taux élevés, disait N. Sarkozy, la BCE a handicapé les entrepreneurs et a fait le jeu des spéculateurs à propos de la crise financière. Ça c'est un peu dur comme critique, mais il y a une part de vérité ?
R.- Ecoutez ! Moi, au risque de vous choquer, je pense que N. Sarkozy a totalement raison. Il a raison de mettre les pieds dans le plat sur cette affaire. Et ça n'est pas être irrespectueux à l'égard de Monsieur Trichet, que simplement de dire aujourd'hui qu'on est dans un paradoxe invraisemblable. On a d'un côté une zone euro qui a une parité monétaire parmi les plus élevées du monde, et en même temps un taux de croissance qui est parmi les plus faibles. Alors c'est vrai qu'il faut mettre les pieds dans le plat sur ce sujet, ça n'est pas dans une logique évidemment d'être agressif à l'égard de qui que ce soit, mais juste de demander que ces questions-là ne soient pas interdites. Et je crois que c'est essentiel de le faire.
Q.- Oui, mais comment expliquer aux Européens que la France parle haut et fort, alors qu'elle a les déficits qu'elle a, alors qu'elle promet d'être prête à la rigueur en 2012 et pas en 2010, et que même Monsieur Juncker vous dit « amplifiez vos efforts pour réduire les dépenses publiques, faites vos réformes ».
R.- Ok, il faut faire ces réformes, on est bien d'accord et personne ne les remet en cause. Moi, je peux comprendre que nos partenaires soient un peu sceptiques de temps en temps par rapport aux différents pays membres, ça se fait souvent, il n'y a pas que la France. On a été sceptique à d'autres moments vis-à-vis de l'Allemagne, de l'Italie, de l'Espagne, c'est le jeu normal de partenaires qui se parlent. Mais en même temps, oui il faut faire ces réformes, et d'ailleurs on s'est engagé à les faire, C. Lagarde l'a dit. Mais enfin en même temps, ce débat spéculateurs/entrepreneurs, il ne faut pas le voir au sens marxiste du terme, il faut le voir dans le débat entre : où on met les capitaux et où est-ce qu'on met les entreprises qui embauchent et qui investissent. Quel est notre problème ? Si aujourd'hui, nous sommes dans une situation dans laquelle on voit une Banque centrale qui, au moment d'une crise monétaire forte, injecte des milliards dans l'économie pour éviter la crise du crédit, c'est intéressant. Mais si dans le même temps, on ne réfléchit pas à la raison pour laquelle les taux d'intérêt sont élevés relativement plus qu'ailleurs, ce qui bloque nos entreprises, qu'est-ce que vous voulez, on ne fait pas le boulot... C'est les entreprises qui créent de l'emploi. C'est important d'avoir ça en tête quand même.
Q.- Oui mais comme la crise financière n'est pas finie, vous ne faites pas confiance à la BCE aujourd'hui ?
R.- Si, mais bien sûr que si, mais je dis simplement...
Q.- Mais vous lui demandez de réformer, de tenir compte d'autre chose ?
R.- Non, je dis que ça n'est pas que là que les choses doivent être évoquées, voilà. Ce n'est pas qu'une question de Banque centrale, c'est aussi une question politique, parce qu'aujourd'hui, c'est bien les politiques qui assument les responsabilités. D'ailleurs excusez-moi, vous me parliez du climat tout à l'heure, les sondages... pourquoi est-ce que les sondages sont aussi élevés aujourd'hui de la part des Français ? Ce n'est pas pour le plaisir, ce n'est pas pour nos beaux yeux, c'est parce qu'ils considèrent que là, cette fois la politique peut servir à quelque chose. Ça vaut peut-être la peine de regarder le message.
Q.- C'est ce que vous disent vos députés, est-ce qu'ils ne sont pas impatients de voir les réformes se faire ?
R.- Vous savez nous, en tant que députés de l'UMP, qu'est-ce qu'on fait toute la journée ? On est 321, on est 321 capteurs sur le terrain. Qu'est-ce qu'ils nous disent les gens ? Ils nous disent « attention ! On vous soutient mais ne reculez pas, ne calez pas parce qu'on ne vous a pas élus pour autre chose que de faire le boulot ».
Q.- Je prends un autre exemple, est-ce que sur un autre exemple, ils vous disent de ne pas caler ? La Commission des lois de l'Assemblée a adopté l'amendement Mariani qui devrait intégrer, s'il est voté, des tests génétiques vers la procédure du regroupement familial. La secrétaire d'Etat F. Amara, B. Kouchner se sont dit choqués par les tests ADN. Et vous-même ?
R.- Ecoutez, je crois que ça vaut... moi je ne le suis pas, il faut laisser le débat se faire naturellement, mais je crois que ça vaut peut-être la peine de raconter l'amendement jusqu'au bout. Il s'agit de tests ADN qui pourraient être demandés par les intéressés eux-mêmes, candidats à l'immigration, pour justement accélérer les procédures qui leur permettent de démontrer leur filiation dans le cadre du regroupement familial...
Q.- Mais est-ce qu'à terme, on ne va pas légaliser les statistiques selon l'origine raciale, ethnique...
R.- Non, non, ça c'est autre chose. Attendez il y a deux sujets, premièrement sur l'ADN... non mais attendez, sur l'affaire de l'ADN, pardon d'insister, c'est pour éviter les fraudes des faux papiers, des faux passeports et permettre à des gens de toute bonne foi de démontrer plus vite, par l'ADN, qu'ils sont tout à fait dans la filiation de celui qui demande le regroupement familial. Ça vaut la peine quand même...
Q.- Oui mais, en quoi ça permettrait J.-F. Copé de résoudre l'immigration clandestine ou d'intégrer les immigrés légaux ?
R.- C'est un des éléments. Le texte que présente B. Hortefeux est un texte qui est excellent, qui est courageux dans un pays où on en a assez avec les tabous, qui consiste à dire : une politique d'immigration moderne, c'est une politique d'immigration que l'on maîtrise. Ça fait des années que les Français le demandent.
Q.- Mais vous, président de l'UMP, des 321 dont vous parlez depuis tout à l'heure, est-ce que vous demanderez à tous ces élus UMP de voter ou de retirer cet amendement ?
R.- Ah non ! Je crois qu'aujourd'hui il faut en débattre, et puis bien sûr on verra comment les choses évoluent, sur cet amendement comme sur les autres. Vous savez, moi je souhaite que le Parlement, ce soit un lieu majeur de débat, c'est à ça qu'on travaille. Mon grand rêve, comme beaucoup de mes amis, c'est que le parlementaire de 2012 dans l'exercice de son mandat, c'est-à-dire la fin du mandat, se soit profondément transformé par rapport à ce qu'il est aujourd'hui...
Q.- C'est-à-dire qu'il contrôle le Gouvernement et qu'il exige des résultats du Gouvernement. Lui aussi demandera du chiffre, des résultats...
R.- C'est-à-dire que dans tous les pays modernes, dans toutes les grandes démocraties, il ne soit pas simplement celui qui appuie sur le bouton électronique pour voter la loi, mais aussi qui la débat profondément et qui exerce sa mission de contrôle de l'efficacité gouvernementale.
Q.- Dernière question très vite, vous allez organiser dans quelques jours à Strasbourg, vos premières journées parlementaires UMP. Qu'est-ce que vous allez faire comme novation ou alors on va retrouver le climat habituel de ces journées parlementaires hyper classiques ?
R.- Non, non, on va en faire plein des novations parce qu'en réalité l'idée, c'est d'avoir un débat qui soit tout à fait différent. Et on va, parmi les différentes idées nouvelles, ces débats vont permettre par exemple de confronter un panel de Français représentatif, comme disent les instituts de sondage, avec les députés et les sénateurs dans un débat très... comme on dit maintenant « TV show ».
Q.- F. Fillon, vous allez l'acclamer ou le siffler ?
R.- Mais comment ! On est là d'abord pour l'encourager, pour lui dire qu'il tienne bon au côté de N. Sarkozy...
Q.- Il se tienne face à N. Sarkozy ou au côté ?
R.- Ah la, la ! Ça, c'est des trucs qu'on raconte à Paris. Vous savez, il ne vous a pas échappé J.-P. Elkabbach... Moi, je ne suis plus au Gouvernement, moi la seule chose qui compte maintenant avec mes amis députés, la seule, c'est qu'on fasse le boulot. Et ça tombe bien, on le fait.
Q.- Bonne journée.
R.- Merci.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 17 septembre 2007
R.- Bonjour.
Q.- Ça coince, ça chauffe, il paraît que la mécanique sarkozyste tourne trop vite ; F. Bayrou n'est pas le seul à estimer que le climat se déglingue. Est-ce que c'est la perception de vos députés UMP ?
R.- Non, vous savez... enfin quand on regarde l'état du climat, alors c'est vrai qu'on lit un peu ce qui est écrit dans les journaux, ça c'est sûr mais enfin c'est vrai que ça ne suffit pas. Moi je fais quoi, je regarde les sondages, qui n'ont jamais été aussi hauts après seulement 4 mois de mandat présidentiel, et puis aussi ce que nous, les députés de l'UMP, on voit sur le terrain. Vous savez, on est 321, donc on a de quoi - sur les différents morceaux de France dont on a la charge - regarder comment les choses se passent. Moi, je vois surtout des Français qui soutiennent, qui sont impatients c'est vrai, mais qui voient aussi en quelques semaines beaucoup de choses se mettre en oeuvre. Donc je n'ai pas ce sentiment moi.
Q.- Ça, c'est de l'autosatisfaction que vous faites !
R.- Non mais... Je ne crois pas. Je sais bien qu'il vaut mieux avoir l'air de dire « oh la, la ! On est très inquiet », mais là désolé, ce n'est pas l'ambiance que je vois...
Q.- Alors prenons les problèmes. Le président de la République va donc révéler demain sa stratégie sociale, il promettait des réformes et il expliquera demain lesquels, dans quelles conditions, dans quel état d'esprit. Est-ce qu'il va les imposer au pas de charge, y renoncer ou alors les étaler dans le temps comme ça ?
R.- Je ne sais pas, moi je ne peux pas parler à sa place, je n'ai pas les éléments bien sûr de son discours. La seule chose que je peux dire c'est qu'aujourd'hui, nous, on n'est pas très inquiet quand on est député et qu'on voit la manière dont ça se passe. Parce qu'en réalité, depuis le début de son mandat, N. Sarkozy commence à imprimer une marque assez claire. Il y a un objectif, c'est toujours le même, il est très clair : tenir la parole que nous avons donnée aux Français, ça c'est majeur. Et la méthode c'est également toujours la même : on débat, on dialogue mais on a une obligation de résultat...
Q.- Mais vous mettez un délai aux réformes, vous avez entendu J.-C. Mailly de Force ouvrière...
R.- Oui, j'ai entendu Monsieur Mailly, mais il y a juste un sujet, il faut le temps du dialogue et du débat, d'ailleurs aussi bien avec les syndicats - je m'empresse de le dire - qu'au Parlement bien sûr, parce que c'est aussi le lieu de la démocratie. Mais enfin, en même temps on a beaucoup de choses à faire, donc il faut aussi qu'on ait un petit calendrier.
Q.- Même si les mentalités ont beaucoup évolué, est-ce que 2007 peut devenir - c'est dans l'esprit de quelques-uns - un 1995 bis ?
R.- Je ne crois pas, non. Et puis d'ailleurs, j'ai presque envie de dire « vous non plus », les temps ont changé, ça fait 12 ans. On voit bien maintenant que les Français sont très informés. Regardez encore, il y a eu un sondage hier qui montrait clairement qu'une écrasante majorité de Français considère qu'on ne peut pas faire deux poids deux mesures sur les régimes spéciaux de retraite. Il faut quelque part qu'on soit tous à la même enseigne par rapport aux grands enjeux de demain.
Q.- A terme, les régimes spéciaux devront disparaître ?
R.- En tout cas, il faut une réforme profonde de cela puisque aujourd'hui on voit bien, il y a des métiers pénibles qui ne donnent pas lieu à un régime spécial et des régimes spéciaux qui donnent lieu à des métiers qui ne sont plus pénibles.
Q.- Comment on procède, comment on procède ?
R.- Je crois qu'il faudra faire ça secteur par secteur, bien sûr il faut regarder dans le détail les choses. Il n'y a rien de pire que de jeter un anathème global sur tout ça. Mais enfin attention ! Il ne faut pas se tromper, ça n'est qu'un des aspects de la réforme des retraites ; les régimes spéciaux, c'est 5 % du problème...
Q.- Oui, oui, c'est la réforme des retraites...
R.- Ne perdons pas de vue qu'on a un rendez-vous global avec la réforme des retraites.
Q.- En 2008. M. Rocard dit « des compensations », l'Etat prendrait à sa charge des ristournes ou des aides demandées aux entreprises pour les retraites, mais la finalité c'est l'égalité ?
R.- Oui, c'est l'équité plutôt, je préfère ce mot, c'est l'équité, pas deux poids deux mesures.
Q.- Et comment faire avec des déficits qui augmentent ?
R.- C'est justement pour les atténuer qu'on fait ça, parce que dans l'immédiat ça coûte beaucoup d'argent à tout le monde.
Q.- Oui, mais si vous donnez des compensations ?
R.- Ah bien sûr ! Mais de toute façon, la baisse des déficits c'est un sujet plus vaste, il faut qu'on dépense moins et mieux, c'est ça la modernisation de l'Etat.
Q.- C'est la drôle d'équation. En revenant de Hongrie, N. Sarkozy a paraît-il expliqué qu'il faudra toutes les réformes pour gagner un point de croissance. Il veut 3 % de croissance. Il veut, il veut. Est-ce que la croissance se décrète, J.-F. Copé ?
R.- Oh non ! Elle n'est pas inscrite dans le marc, donc il y a des règles du jeu pour y parvenir. Et je crois que de ce point de vue, ce sera ça aussi les rendez-vous de cette semaine, les grands messages politiques. Il y a deux conditions majeures, au moins au-delà de la conjoncture internationale évidemment, mais il y a deux conditions majeures pour nous. La première c'est de les faire nos réformes de structure, et de les faire effectivement à rythme suffisamment soutenu parce que c'est indispensable. Et puis la deuxième chose, évidemment, c'est qu'il faut réformer les conditions du travail en France, il faut reparler de la durée du travail, il faut reparler du contrat de travail, il faut reparler de l'organisation du travail dans l'entreprise. Tant que la France travaillera moins que les autres pays, nous aurons ce retard et ce handicap.
Q.- Et ça, c'est du long terme.
R.- Ah non ! Non, non, si c'est trop long terme vous savez, il ne se passera plus rien, c'est maintenant que les choses doivent être mises en oeuvre.
Q.- Ce week-end, et C. Nay le rappelait, on a entendu deux voix critiques, F. Bayrou, qui ironise "l'absolutisme présidentiel" et qui dit : le Gouvernement a raté l'occasion de faire des réformes. Et puis D. de Villepin, qui vous a prévenu : pour avoir 3 % de croissance, il faut un changement de politique économique majeur.
R.- Changement, je ne crois pas changement mais je crois en revanche qu'il faut les faire ces réformes, et que ce qui a été annoncé doit maintenant commencer d'être mis en oeuvre, ce qui est d'ailleurs le cas. Et puis encore une fois, je reviens sur cette affaire du travail et de la durée du travail. Vous savez, moi je pense que la politique moderne commande qu'on ait les yeux rivés sur ce qui se passe dans les autres pays. Si on ne fait pas une comparaison permanente avec ce qui se passe ailleurs, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? On vit entre nous, en franco-français, et ce n'est plus les temps d'aujourd'hui. Il y a des endroits où ils ont résolu les problèmes, regardons comment ils ont fait. Le cas du chômage est typique. Regardez comment dans les pays du Nord de l'Europe, ils ont mis en place des systèmes de ce qu'on appelle la "flexsécurité" par exemple, qui fait qu'aujourd'hui on a des contrats de travail plus souples, et effectivement avec des entreprises qui marchent bien.
Q.- J.-F. Copé, puisque vous parlez des Européens, vous savez qu'ils n'apprécient pas les attaques contre J.-C. Juncker, le président de l'Eurogroup et contre la BCE, du style : avec ses taux élevés, disait N. Sarkozy, la BCE a handicapé les entrepreneurs et a fait le jeu des spéculateurs à propos de la crise financière. Ça c'est un peu dur comme critique, mais il y a une part de vérité ?
R.- Ecoutez ! Moi, au risque de vous choquer, je pense que N. Sarkozy a totalement raison. Il a raison de mettre les pieds dans le plat sur cette affaire. Et ça n'est pas être irrespectueux à l'égard de Monsieur Trichet, que simplement de dire aujourd'hui qu'on est dans un paradoxe invraisemblable. On a d'un côté une zone euro qui a une parité monétaire parmi les plus élevées du monde, et en même temps un taux de croissance qui est parmi les plus faibles. Alors c'est vrai qu'il faut mettre les pieds dans le plat sur ce sujet, ça n'est pas dans une logique évidemment d'être agressif à l'égard de qui que ce soit, mais juste de demander que ces questions-là ne soient pas interdites. Et je crois que c'est essentiel de le faire.
Q.- Oui, mais comment expliquer aux Européens que la France parle haut et fort, alors qu'elle a les déficits qu'elle a, alors qu'elle promet d'être prête à la rigueur en 2012 et pas en 2010, et que même Monsieur Juncker vous dit « amplifiez vos efforts pour réduire les dépenses publiques, faites vos réformes ».
R.- Ok, il faut faire ces réformes, on est bien d'accord et personne ne les remet en cause. Moi, je peux comprendre que nos partenaires soient un peu sceptiques de temps en temps par rapport aux différents pays membres, ça se fait souvent, il n'y a pas que la France. On a été sceptique à d'autres moments vis-à-vis de l'Allemagne, de l'Italie, de l'Espagne, c'est le jeu normal de partenaires qui se parlent. Mais en même temps, oui il faut faire ces réformes, et d'ailleurs on s'est engagé à les faire, C. Lagarde l'a dit. Mais enfin en même temps, ce débat spéculateurs/entrepreneurs, il ne faut pas le voir au sens marxiste du terme, il faut le voir dans le débat entre : où on met les capitaux et où est-ce qu'on met les entreprises qui embauchent et qui investissent. Quel est notre problème ? Si aujourd'hui, nous sommes dans une situation dans laquelle on voit une Banque centrale qui, au moment d'une crise monétaire forte, injecte des milliards dans l'économie pour éviter la crise du crédit, c'est intéressant. Mais si dans le même temps, on ne réfléchit pas à la raison pour laquelle les taux d'intérêt sont élevés relativement plus qu'ailleurs, ce qui bloque nos entreprises, qu'est-ce que vous voulez, on ne fait pas le boulot... C'est les entreprises qui créent de l'emploi. C'est important d'avoir ça en tête quand même.
Q.- Oui mais comme la crise financière n'est pas finie, vous ne faites pas confiance à la BCE aujourd'hui ?
R.- Si, mais bien sûr que si, mais je dis simplement...
Q.- Mais vous lui demandez de réformer, de tenir compte d'autre chose ?
R.- Non, je dis que ça n'est pas que là que les choses doivent être évoquées, voilà. Ce n'est pas qu'une question de Banque centrale, c'est aussi une question politique, parce qu'aujourd'hui, c'est bien les politiques qui assument les responsabilités. D'ailleurs excusez-moi, vous me parliez du climat tout à l'heure, les sondages... pourquoi est-ce que les sondages sont aussi élevés aujourd'hui de la part des Français ? Ce n'est pas pour le plaisir, ce n'est pas pour nos beaux yeux, c'est parce qu'ils considèrent que là, cette fois la politique peut servir à quelque chose. Ça vaut peut-être la peine de regarder le message.
Q.- C'est ce que vous disent vos députés, est-ce qu'ils ne sont pas impatients de voir les réformes se faire ?
R.- Vous savez nous, en tant que députés de l'UMP, qu'est-ce qu'on fait toute la journée ? On est 321, on est 321 capteurs sur le terrain. Qu'est-ce qu'ils nous disent les gens ? Ils nous disent « attention ! On vous soutient mais ne reculez pas, ne calez pas parce qu'on ne vous a pas élus pour autre chose que de faire le boulot ».
Q.- Je prends un autre exemple, est-ce que sur un autre exemple, ils vous disent de ne pas caler ? La Commission des lois de l'Assemblée a adopté l'amendement Mariani qui devrait intégrer, s'il est voté, des tests génétiques vers la procédure du regroupement familial. La secrétaire d'Etat F. Amara, B. Kouchner se sont dit choqués par les tests ADN. Et vous-même ?
R.- Ecoutez, je crois que ça vaut... moi je ne le suis pas, il faut laisser le débat se faire naturellement, mais je crois que ça vaut peut-être la peine de raconter l'amendement jusqu'au bout. Il s'agit de tests ADN qui pourraient être demandés par les intéressés eux-mêmes, candidats à l'immigration, pour justement accélérer les procédures qui leur permettent de démontrer leur filiation dans le cadre du regroupement familial...
Q.- Mais est-ce qu'à terme, on ne va pas légaliser les statistiques selon l'origine raciale, ethnique...
R.- Non, non, ça c'est autre chose. Attendez il y a deux sujets, premièrement sur l'ADN... non mais attendez, sur l'affaire de l'ADN, pardon d'insister, c'est pour éviter les fraudes des faux papiers, des faux passeports et permettre à des gens de toute bonne foi de démontrer plus vite, par l'ADN, qu'ils sont tout à fait dans la filiation de celui qui demande le regroupement familial. Ça vaut la peine quand même...
Q.- Oui mais, en quoi ça permettrait J.-F. Copé de résoudre l'immigration clandestine ou d'intégrer les immigrés légaux ?
R.- C'est un des éléments. Le texte que présente B. Hortefeux est un texte qui est excellent, qui est courageux dans un pays où on en a assez avec les tabous, qui consiste à dire : une politique d'immigration moderne, c'est une politique d'immigration que l'on maîtrise. Ça fait des années que les Français le demandent.
Q.- Mais vous, président de l'UMP, des 321 dont vous parlez depuis tout à l'heure, est-ce que vous demanderez à tous ces élus UMP de voter ou de retirer cet amendement ?
R.- Ah non ! Je crois qu'aujourd'hui il faut en débattre, et puis bien sûr on verra comment les choses évoluent, sur cet amendement comme sur les autres. Vous savez, moi je souhaite que le Parlement, ce soit un lieu majeur de débat, c'est à ça qu'on travaille. Mon grand rêve, comme beaucoup de mes amis, c'est que le parlementaire de 2012 dans l'exercice de son mandat, c'est-à-dire la fin du mandat, se soit profondément transformé par rapport à ce qu'il est aujourd'hui...
Q.- C'est-à-dire qu'il contrôle le Gouvernement et qu'il exige des résultats du Gouvernement. Lui aussi demandera du chiffre, des résultats...
R.- C'est-à-dire que dans tous les pays modernes, dans toutes les grandes démocraties, il ne soit pas simplement celui qui appuie sur le bouton électronique pour voter la loi, mais aussi qui la débat profondément et qui exerce sa mission de contrôle de l'efficacité gouvernementale.
Q.- Dernière question très vite, vous allez organiser dans quelques jours à Strasbourg, vos premières journées parlementaires UMP. Qu'est-ce que vous allez faire comme novation ou alors on va retrouver le climat habituel de ces journées parlementaires hyper classiques ?
R.- Non, non, on va en faire plein des novations parce qu'en réalité l'idée, c'est d'avoir un débat qui soit tout à fait différent. Et on va, parmi les différentes idées nouvelles, ces débats vont permettre par exemple de confronter un panel de Français représentatif, comme disent les instituts de sondage, avec les députés et les sénateurs dans un débat très... comme on dit maintenant « TV show ».
Q.- F. Fillon, vous allez l'acclamer ou le siffler ?
R.- Mais comment ! On est là d'abord pour l'encourager, pour lui dire qu'il tienne bon au côté de N. Sarkozy...
Q.- Il se tienne face à N. Sarkozy ou au côté ?
R.- Ah la, la ! Ça, c'est des trucs qu'on raconte à Paris. Vous savez, il ne vous a pas échappé J.-P. Elkabbach... Moi, je ne suis plus au Gouvernement, moi la seule chose qui compte maintenant avec mes amis députés, la seule, c'est qu'on fasse le boulot. Et ça tombe bien, on le fait.
Q.- Bonne journée.
R.- Merci.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 17 septembre 2007