Texte intégral
N. Demorand.- En diplomatie, les mots ont un sens. Pourquoi avoir employé le mot "guerre" concernant le dossier nucléaire iranien ?
R.- Oui un mot, un mot lourd que j'ai employé à dessein, pour dire qu'il fallait tout faire pour éviter cette guerre. Or, ce mot, sorti de son contexte, a fait le tour du monde, a suscité des commentaires multiples sans jamais se référer à ce que j'avais dit en réalité, et qui vient d'être rappelé pour part : il faut négocier, négocier, négocier pour éviter la guerre. Donc, cela n'a pas fait suffisamment réfléchir aux propos que j'ai tenus et qui s'adressent bien entendu à tous. Et je crois qu'il y a maintenant une diplomatie de la vérité, une diplomatie de l'action aussi, et qu'on ne doit pas se cacher derrière les mots.
Q.- Donc, vous maintenez le mot ?
R.- Mais je n'ai pas à le maintenir. Ce mot est là. J'ai dit qu'il fallait tout faire pour éviter le pire. Et on m'a demandé : le pire c'est quoi ? J'ai dit : le pire c'est la guerre. Le pire, ce n'est pas ce que je souhaite. Je n'ai pas dit le meilleur c'est la guerre ; je n'ai pas dit : mon choix, c'est la guerre. J'ai dit : le pire, ce qu'il ne faut jamais faire - je ne suis pas un va-t-en-guerre, je suis un "va-t-en-paix". Va-t-en-paix" depuis 40 ans ! J'ai pratiqué, pour les dénoncer, pour les adoucir, pour les empêcher, beaucoup de guerres. Et je revenais, Monsieur Demorand, du Moyen-Orient. Toute la semaine, j'ai passé mon temps à essayer, au mieux des intérêts de la France, de la diplomatie française, mais en réalité de tous, à déminer ce qui est vraiment, terriblement dangereux, de l'Irak la semaine d'avant, jusqu'au Liban, Israël, Palestine et puis tous les autres pays, Syrie, etc. Et nous avons, nous menons, nous nous efforçons de faire une diplomatie de la paix. Monsieur Demorand, vous vous intéressez aux médias, cette façon à travers le monde de lancer comme cela, comme une bombe, un seul mot sans l'exprimer...
Q.- Mais ce n'est pas n'importe quel mot, qui plus est dans la bouche d'un diplomate. Justement, la diplomatie c'est d'éviter la guerre.
R.- Oui, c'est ce que vous venez de dire, et vous avez prononcé le mot "guerre". C'est ce que j'ai fait. Arrêtons de me faire un faux procès. J'ai dit : il faut tout faire pour éviter la guerre.
Q.- Mais le monde entier s'est trompé alors ?
R.- Le monde entier ! Ecoutez, je ne vais pas dénoncer les complots. D'abord, Monsieur Guetta ne s'est pas trompé ; il a compris que s'efforcer de négocier... j'ai même dit de négocier sans relâche et sans craindre les rebuffades, j'ai dit que depuis, et nous le faisons... Le résident de la République, c'est quand même la politique de la France, le Premier ministre en a parlé... Le président de la République a dit sortir de cette terrible alternative : la bombe iranienne ou bombarder l'Iran. Alors on peut dire que ce n'est pas la guerre mais c'est la même chose. Ce n'est pas parce qu'on prononce un mot, ce n'est pas parce que j'ai prononcé le mot "guerre" que je prépare la guerre.
Q.- C'est le mot tabou tout de même dans cette région.
R.- Mais c'est tabou parce que nous sommes des hypocrites. Parce que la guerre dans cette région, elle a lieu depuis des années et des années. Presque 60 ans, Israël/Palestine. L'Irak c'est 2003 et c'est ce qui se passe. Alors, on en parle pour que cela s'arrête. On en parle parce que nous sommes en effet des pacifistes, au bon sens du terme. Et on ne craint pas, en se dissimulant derrière son petit doigt, de dire les mots justes, les mots convenables. C'est en effet, je crois, une diplomatie de la vérité et de la transparence.
Q.- C'est une diplomatie inquiétante en tout cas.
R.- Mais non, elle n'est pas inquiétante, pardonnez-moi. Je ne peux pas vous laisser dire ça.
Q.- La vérité et la transparence, c'est la guerre ?
R.- Mais attendez ! Vous pensez... Et si on dit : il n'y a pas de guerre, vous n'en faites pas ; et que cela se déclenche, on dira : tiens, vous ne nous avez rien dit. Je ne souhaite pas. En permanence, je travaille depuis que je suis dans ce ministère, pour que ces guerres soient évitées. Je le fais avec acharnement, pratiquement nuit et jour. Et tout le réseau diplomatique et nos 158 postes d'ambassadeur, etc. Et en ce moment, nous sommes en train d'expliquer, en donnant le texte exact, ce que j'ai dit. Je comprends qu'un peuple chargé d'histoire comme l'Iran veuille se doter d'un nucléaire civil. Légitimement. Je comprends qu'il veuille reprendre sa place dans le concert du monde, cet Iran. Légitimement aussi. Mais voilà, la communauté internationale ne souhaite pas ajouter à cette région extraordinairement dangereuse du nucléaire qui, potentiellement, aux dires de beaucoup d'experts et de presque tous les experts, et je vous demande de lire les livres qui paressent en ce moment, ils sont beaucoup plus violents et beaucoup plus alarmistes que je ne le suis. Ce pays, l'Iran, peut peut-être, et nous ne le souhaitons pas, se doter de la bombe atomique, ce qui ajouterait au danger.
Q.- L'Iran dit : la France s'aligne sur les positions américaines. Vous acceptez au moins cette réplique-là et est-ce vrai ?
R.- Je la refuse complètement et ce n'est pas vrai. Je suis allé en Irak sans les Américains, sans les prévenir, sans passer par leurs services, sans être protégé par eux. Je l'ai fait pour les Irakiens et parce que là aussi, il faut sortir de cette impasse, et sortir les Irakiens de ce tutoiement permanent avec les Américains. Je refuse cela. Nous ne basons plus, nous ne fondons plus notre diplomatie sur l'antiaméricanisme, ça c'est juste. Mais nous disons très clairement à nos "amis américains" comme on dit - comme je l'ai dit hier à nos amis russes - : quand nous avons des différences voire des divergences, eh bien, nous les révélons et nous en parlons ouvertement, de presque tout. Et personne n'a été choqué de ce que j'ai dit. Et j'ai parlé très...- enfin je parle de la Russie, n'est-ce pas - j'ai parlé très profondément et très longuement avec S. Lavrov, pour savoir ce que comptait faire la diplomatie russe. Parce qu'on pourrait éviter tout cela s'il y avait un retour avec des sanctions plus fortes au Conseil de sécurité. Pour le moment, cela ne se dessine pas. Donc, il y a d'un côté cette négociation acharnée, je la mène moi-même ; je rencontre les Iraniens, je leur téléphone toutes les semaines, je les ai vus à Paris. Notre envoyé, l'ambassadeur Cousserand retourne les voir, et les a vus encore il y a quelques jours. Donc, nous le faisons, nous nous acharnons. Et puis, il y a J. Solana, qui est le représentant de l'Europe. Et puis, c'est l'Europe qui a demandé- vous parliez des Américains - l'Europe c'est-à-dire les Allemands, les Anglais et les Français, le P3. C'est nous, qui avons demandé aux Américains, aux Russes et aux Chinois d'être avec nous. Et ceci a porté ses fruits. Il y a eu deux résolutions des Nations Unies. Certains constatent que cela n'est pas suffisant. Vous savez ce que demande la Communauté internationale - ce n'est pas moi, brandissant mon petit mot. La Communauté internationale demande qu'on arrête l'enrichissement de l'uranium qui, aux dires des experts, ne peut conduite qu'à la bombe atomique. Pour le moment, les Iraniens le refusent. Nous nous acharnons à le leur faire comprendre, je le répète, en négociant. Monsieur Al Baradai, le président de l'Agence internationale de l'énergie atomique, vient d'accepter une mission à la demande des Iraniens qui, jusque là, cachaient... il y avait une zone obscure pendant laquelle secrètement ils travaillaient sur le nucléaire. Là, ils proposent à Monsieur Baradaï de venir visiter ce qu'on appelle les zones d'ombre. C'est très bien si cela dure deux mois. Très bien, attendons.
Q.- Mais enfin, tous ces gens que vous citez ont été très critiques à votre égard, sur ce mot. Et j'ai l'impression que vous leur avez beaucoup plus compliqué la tache que simplifié, en parlant le langage de "la diplomatie de la vérité", comme vous le disiez ?
R.- Je ne suis pas sûr, mais je comprends leur réaction, puisque le mot était tout à fait sorti de son contexte. Puisqu'on n'avait pas, avant, négocié, négocié sans cesse et travaillé sur des sanctions. Puisqu'on n'avait pas, mais il faut prévenir, ça n'est pas faire la guerre que de la prévenir ; il faut l'éviter à tout prix. Je répète, Monsieur Demorand, j'ai dit : "le pire c'est la guerre, donc, il faut éviter le pire". A moins que je sois d'une perversité folle, à moins que je n'aie pas passé 40 ans de ma vie à essayer de les éviter, à mes propres dépens. C'est que ce que j'ai toujours fait, c'est ce que je sais le mieux faire. Je n'ai pas voulu déclencher de vacarme, j'ai voulu décrocher une réaction. Eh bien je vous remercie, on va peut-être parler des vrais problèmes qui nous assaillent à travers le monde, avec prudence, avec détermination, en négociant, en allant vers la paix.
Q.- B. Guetta a posé dans sa chronique six questions à la diplomatie française. J'en prélève une : la France a-t-elle ou non des propositions à faire sur les voies qui permettraient d'aider l'Irak cette fois-ci à sortir de son drame ? Quelles propositions concrètes après votre voyage ?
R.- Oui, je l'ai dit aussi : il faut, je crois, qu'un triangle s'installe qui comporte, pour le moment, l'armée américaine - parce qu'elle est là, même si elle doit publier un calendrier de retrait - le Gouvernement irakien et l'ONU. L'ONU doit prendre toute sa place, c'est-à-dire plus qu'elle n'en a maintenant. Il y a une nouvelle résolution des Nations Unies du 10 août dernier, qui demande à la Communauté internationale de prendre ses responsabilités dans diverses secteurs de la société civile - je prends la justice, cela peut être le développement, etc. J'ai demandé à mes collègues européens de se rendre là-bas - C. Bildt, le ministre des Affaires étrangères suédois l'a déjà fait - rien que pour ouvrir la porte, pour montrer que nous pensons avec eux à une solution. Je parle, eux, les Irakiens. Et j'espère que nous pourrons- ce sera à l'union européenne de se terminer bien entendu - prendre notre place dans la mise en application de cette résolution...
Q.- Donc, vous êtes maintenant dans une démarche collective ? Absolument. Pas au nom de la France ?
R.- Non seulement pas au nom de la France, mais nous n'avons pas l'intention d'envoyer le moindre soldat. Nous n'allons pas remplacer des soldats américains par des soldats européens. Pas du tout. Mais donner aux Irakiens la possibilité de reprendre leurs pays en main.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 19 septembre 2007
R.- Oui un mot, un mot lourd que j'ai employé à dessein, pour dire qu'il fallait tout faire pour éviter cette guerre. Or, ce mot, sorti de son contexte, a fait le tour du monde, a suscité des commentaires multiples sans jamais se référer à ce que j'avais dit en réalité, et qui vient d'être rappelé pour part : il faut négocier, négocier, négocier pour éviter la guerre. Donc, cela n'a pas fait suffisamment réfléchir aux propos que j'ai tenus et qui s'adressent bien entendu à tous. Et je crois qu'il y a maintenant une diplomatie de la vérité, une diplomatie de l'action aussi, et qu'on ne doit pas se cacher derrière les mots.
Q.- Donc, vous maintenez le mot ?
R.- Mais je n'ai pas à le maintenir. Ce mot est là. J'ai dit qu'il fallait tout faire pour éviter le pire. Et on m'a demandé : le pire c'est quoi ? J'ai dit : le pire c'est la guerre. Le pire, ce n'est pas ce que je souhaite. Je n'ai pas dit le meilleur c'est la guerre ; je n'ai pas dit : mon choix, c'est la guerre. J'ai dit : le pire, ce qu'il ne faut jamais faire - je ne suis pas un va-t-en-guerre, je suis un "va-t-en-paix". Va-t-en-paix" depuis 40 ans ! J'ai pratiqué, pour les dénoncer, pour les adoucir, pour les empêcher, beaucoup de guerres. Et je revenais, Monsieur Demorand, du Moyen-Orient. Toute la semaine, j'ai passé mon temps à essayer, au mieux des intérêts de la France, de la diplomatie française, mais en réalité de tous, à déminer ce qui est vraiment, terriblement dangereux, de l'Irak la semaine d'avant, jusqu'au Liban, Israël, Palestine et puis tous les autres pays, Syrie, etc. Et nous avons, nous menons, nous nous efforçons de faire une diplomatie de la paix. Monsieur Demorand, vous vous intéressez aux médias, cette façon à travers le monde de lancer comme cela, comme une bombe, un seul mot sans l'exprimer...
Q.- Mais ce n'est pas n'importe quel mot, qui plus est dans la bouche d'un diplomate. Justement, la diplomatie c'est d'éviter la guerre.
R.- Oui, c'est ce que vous venez de dire, et vous avez prononcé le mot "guerre". C'est ce que j'ai fait. Arrêtons de me faire un faux procès. J'ai dit : il faut tout faire pour éviter la guerre.
Q.- Mais le monde entier s'est trompé alors ?
R.- Le monde entier ! Ecoutez, je ne vais pas dénoncer les complots. D'abord, Monsieur Guetta ne s'est pas trompé ; il a compris que s'efforcer de négocier... j'ai même dit de négocier sans relâche et sans craindre les rebuffades, j'ai dit que depuis, et nous le faisons... Le résident de la République, c'est quand même la politique de la France, le Premier ministre en a parlé... Le président de la République a dit sortir de cette terrible alternative : la bombe iranienne ou bombarder l'Iran. Alors on peut dire que ce n'est pas la guerre mais c'est la même chose. Ce n'est pas parce qu'on prononce un mot, ce n'est pas parce que j'ai prononcé le mot "guerre" que je prépare la guerre.
Q.- C'est le mot tabou tout de même dans cette région.
R.- Mais c'est tabou parce que nous sommes des hypocrites. Parce que la guerre dans cette région, elle a lieu depuis des années et des années. Presque 60 ans, Israël/Palestine. L'Irak c'est 2003 et c'est ce qui se passe. Alors, on en parle pour que cela s'arrête. On en parle parce que nous sommes en effet des pacifistes, au bon sens du terme. Et on ne craint pas, en se dissimulant derrière son petit doigt, de dire les mots justes, les mots convenables. C'est en effet, je crois, une diplomatie de la vérité et de la transparence.
Q.- C'est une diplomatie inquiétante en tout cas.
R.- Mais non, elle n'est pas inquiétante, pardonnez-moi. Je ne peux pas vous laisser dire ça.
Q.- La vérité et la transparence, c'est la guerre ?
R.- Mais attendez ! Vous pensez... Et si on dit : il n'y a pas de guerre, vous n'en faites pas ; et que cela se déclenche, on dira : tiens, vous ne nous avez rien dit. Je ne souhaite pas. En permanence, je travaille depuis que je suis dans ce ministère, pour que ces guerres soient évitées. Je le fais avec acharnement, pratiquement nuit et jour. Et tout le réseau diplomatique et nos 158 postes d'ambassadeur, etc. Et en ce moment, nous sommes en train d'expliquer, en donnant le texte exact, ce que j'ai dit. Je comprends qu'un peuple chargé d'histoire comme l'Iran veuille se doter d'un nucléaire civil. Légitimement. Je comprends qu'il veuille reprendre sa place dans le concert du monde, cet Iran. Légitimement aussi. Mais voilà, la communauté internationale ne souhaite pas ajouter à cette région extraordinairement dangereuse du nucléaire qui, potentiellement, aux dires de beaucoup d'experts et de presque tous les experts, et je vous demande de lire les livres qui paressent en ce moment, ils sont beaucoup plus violents et beaucoup plus alarmistes que je ne le suis. Ce pays, l'Iran, peut peut-être, et nous ne le souhaitons pas, se doter de la bombe atomique, ce qui ajouterait au danger.
Q.- L'Iran dit : la France s'aligne sur les positions américaines. Vous acceptez au moins cette réplique-là et est-ce vrai ?
R.- Je la refuse complètement et ce n'est pas vrai. Je suis allé en Irak sans les Américains, sans les prévenir, sans passer par leurs services, sans être protégé par eux. Je l'ai fait pour les Irakiens et parce que là aussi, il faut sortir de cette impasse, et sortir les Irakiens de ce tutoiement permanent avec les Américains. Je refuse cela. Nous ne basons plus, nous ne fondons plus notre diplomatie sur l'antiaméricanisme, ça c'est juste. Mais nous disons très clairement à nos "amis américains" comme on dit - comme je l'ai dit hier à nos amis russes - : quand nous avons des différences voire des divergences, eh bien, nous les révélons et nous en parlons ouvertement, de presque tout. Et personne n'a été choqué de ce que j'ai dit. Et j'ai parlé très...- enfin je parle de la Russie, n'est-ce pas - j'ai parlé très profondément et très longuement avec S. Lavrov, pour savoir ce que comptait faire la diplomatie russe. Parce qu'on pourrait éviter tout cela s'il y avait un retour avec des sanctions plus fortes au Conseil de sécurité. Pour le moment, cela ne se dessine pas. Donc, il y a d'un côté cette négociation acharnée, je la mène moi-même ; je rencontre les Iraniens, je leur téléphone toutes les semaines, je les ai vus à Paris. Notre envoyé, l'ambassadeur Cousserand retourne les voir, et les a vus encore il y a quelques jours. Donc, nous le faisons, nous nous acharnons. Et puis, il y a J. Solana, qui est le représentant de l'Europe. Et puis, c'est l'Europe qui a demandé- vous parliez des Américains - l'Europe c'est-à-dire les Allemands, les Anglais et les Français, le P3. C'est nous, qui avons demandé aux Américains, aux Russes et aux Chinois d'être avec nous. Et ceci a porté ses fruits. Il y a eu deux résolutions des Nations Unies. Certains constatent que cela n'est pas suffisant. Vous savez ce que demande la Communauté internationale - ce n'est pas moi, brandissant mon petit mot. La Communauté internationale demande qu'on arrête l'enrichissement de l'uranium qui, aux dires des experts, ne peut conduite qu'à la bombe atomique. Pour le moment, les Iraniens le refusent. Nous nous acharnons à le leur faire comprendre, je le répète, en négociant. Monsieur Al Baradai, le président de l'Agence internationale de l'énergie atomique, vient d'accepter une mission à la demande des Iraniens qui, jusque là, cachaient... il y avait une zone obscure pendant laquelle secrètement ils travaillaient sur le nucléaire. Là, ils proposent à Monsieur Baradaï de venir visiter ce qu'on appelle les zones d'ombre. C'est très bien si cela dure deux mois. Très bien, attendons.
Q.- Mais enfin, tous ces gens que vous citez ont été très critiques à votre égard, sur ce mot. Et j'ai l'impression que vous leur avez beaucoup plus compliqué la tache que simplifié, en parlant le langage de "la diplomatie de la vérité", comme vous le disiez ?
R.- Je ne suis pas sûr, mais je comprends leur réaction, puisque le mot était tout à fait sorti de son contexte. Puisqu'on n'avait pas, avant, négocié, négocié sans cesse et travaillé sur des sanctions. Puisqu'on n'avait pas, mais il faut prévenir, ça n'est pas faire la guerre que de la prévenir ; il faut l'éviter à tout prix. Je répète, Monsieur Demorand, j'ai dit : "le pire c'est la guerre, donc, il faut éviter le pire". A moins que je sois d'une perversité folle, à moins que je n'aie pas passé 40 ans de ma vie à essayer de les éviter, à mes propres dépens. C'est que ce que j'ai toujours fait, c'est ce que je sais le mieux faire. Je n'ai pas voulu déclencher de vacarme, j'ai voulu décrocher une réaction. Eh bien je vous remercie, on va peut-être parler des vrais problèmes qui nous assaillent à travers le monde, avec prudence, avec détermination, en négociant, en allant vers la paix.
Q.- B. Guetta a posé dans sa chronique six questions à la diplomatie française. J'en prélève une : la France a-t-elle ou non des propositions à faire sur les voies qui permettraient d'aider l'Irak cette fois-ci à sortir de son drame ? Quelles propositions concrètes après votre voyage ?
R.- Oui, je l'ai dit aussi : il faut, je crois, qu'un triangle s'installe qui comporte, pour le moment, l'armée américaine - parce qu'elle est là, même si elle doit publier un calendrier de retrait - le Gouvernement irakien et l'ONU. L'ONU doit prendre toute sa place, c'est-à-dire plus qu'elle n'en a maintenant. Il y a une nouvelle résolution des Nations Unies du 10 août dernier, qui demande à la Communauté internationale de prendre ses responsabilités dans diverses secteurs de la société civile - je prends la justice, cela peut être le développement, etc. J'ai demandé à mes collègues européens de se rendre là-bas - C. Bildt, le ministre des Affaires étrangères suédois l'a déjà fait - rien que pour ouvrir la porte, pour montrer que nous pensons avec eux à une solution. Je parle, eux, les Irakiens. Et j'espère que nous pourrons- ce sera à l'union européenne de se terminer bien entendu - prendre notre place dans la mise en application de cette résolution...
Q.- Donc, vous êtes maintenant dans une démarche collective ? Absolument. Pas au nom de la France ?
R.- Non seulement pas au nom de la France, mais nous n'avons pas l'intention d'envoyer le moindre soldat. Nous n'allons pas remplacer des soldats américains par des soldats européens. Pas du tout. Mais donner aux Irakiens la possibilité de reprendre leurs pays en main.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 19 septembre 2007