Conférence de presse de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur la réforme de la coopération et sur les critères de choix des pays admis dans la zone de solidarité prioritaire, Paris le 11 février 1999.

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Circonstance : Réunion des conseillers de coopération et des directeurs d'agence en zone de solidarité prioritaire à Paris le 11 février 1999

Texte intégral

Il y a un an maintenant, le 4 février 1998 que le gouvernement, avec laccord du président de la République, a engagé la réforme du dispositif français de coopération. Lobjectif, nous lavions dit à lépoque était de donner plus de lisibilité, defficacité et de cohérence à notre coopération et de lui permettre doccuper une place que nous jugeons essentielle dans laction extérieure de la France.
Hier, le Conseil des ministres a accepté le décret créant le Haut conseil de la coopération. Le 28 janvier, il y a donc quelques jours seulement, le Premier ministre présidait le premier Comité interministériel de coopération internationale et de développement.
Le CICID et le Haut conseil sont deux instruments importants du nouveau dispositif de la coopération. Le Haut conseil parce que cest le lieu de réflexions et dimplication de la société civile, sachant que nous avons proposé - et obtenu - que les Français soient aussi impliqués au travers de la représentation nationale, puisquun débat au Parlement aura lieu sur notre politique de coopération internationale et de développement. Le CICID, parce que cest le lieu de la réaffirmation du caractère interministériel de cette coopération internationale qui implique et mobilise plusieurs ministères. Il y a évidemment le ministère de lEconomie et des Finances mais beaucoup dautres ministères sont concernés par cette politique extérieure en matière de coopération au développement, ou présence culturelle scientifique et technique.
Je ne crois pas que nous ayons ce matin le temps de rappeler tous les axes de cette réforme, toutes nos motivations ou les bonnes raisons que nous avions de la conduire. Je voudrais simplement en rappeler quelques points qui me paraissent importants.
· Dabord, accroître notre capacité de réaction aux transformations du monde. Cest un élément très important. En particulier mieux articuler la coopération bilatérale et notre présence dans les institutions multilatérales. Le rapport Tavernier qui a été rendu public il y a quelques semaines y insiste à raison : il faut que la France sache sexprimer peut-être plus fortement, mieux sappuyer sur le réseau damitié ou dalliance. La Francophonie peut nous y aider pour faire prévaloir, au sein de ces grandes instances internationales, des sensibilités qui nous sont propres. Je pense par exemple à la dimension sociale qui est souvent absente de certains raisonnements.
Prise en compte, aussi, des solidarités régionales à la fois parce que les intégrations régionales sont facteur de développement, mais parce quelles sont aussi facteur de paix. La ZSP dont nous parlerons tout à lheure a été dessinée en tenant compte de cette réalité. Nous avions beaucoup insisté, de la même manière à Dakar, lundi et mardi, dans le cadre de la renégociation des Accords de Lomé, sur cette dimension régionale qui devait désormais mieux structurer la relation entre lEurope et les pays ACP.
· Deuxième grand objectif, renforcer notre coopération dans les domaines essentiels de la formation, de la coopération scientifique et de laudiovisuel. Promotion de loffre extérieure française de formation, je ny insiste pas, vous avez eu loccasion dêtre associés au lancement dEdufrance en particulier. Renforcement de laudiovisuel extérieur, là aussi, je le cite pour mémoire, vous êtes très informé je pense des réformes qui sont actuellement conduites, à la fois sur CFI et TV5. Identification et fidélisation des élites bénéficiaires de nos aides et là, je fais
référence à laugmentation par exemple des crédits bourses accordés aux étudiants étrangers,
mais cest aussi en lien avec lagence Edufrance qui veut valoriser mieux loffre de formation supérieure française.
· Troisième point, porter une attention renouvelée aux pays en voie de développement, une attention nouvelle, sans vouloir jouer sur les mots : maintenir un flux daides publiques au développement significatif. La France vous le savez est aujourdhui deuxième donateur net daide publique au développement derrière le Japon, sensiblement devant les Etats-Unis. Ce nest pas seulement cette position qui nous préoccupe, il faut quaussi, en valeur absolue, nous arrivions à maintenir ce flux daide publique car nous considérons quil est indispensable si nous voulons avoir un rôle significatif en matière de coopération internationale. Contractualiser de manière plus systématique et évaluer aussi davantage lefficacité de notre coopération : tout à lheure, à loccasion de cette première réunion des chargés de mission et des responsables dagences du développement des pays de la ZSP, nous avons beaucoup insisté sur le besoin, à la fois dun partenariat authentique - ce qui signifie être capable de dire non à un projet qui nous paraît totalement décalé par rapport aux réalités de terrain -, mais aussi dêtre capable dévaluer lefficacité et éventuellement dapporter les inflexions voire dinterrompre des partenariats qui savéreraient finalement totalement inutiles.
· Quatrièmement, mieux associer la société civile à leffort de coopération. Cest le thème - auquel jattache une importance particulière - de la coopération décentralisée et de la mobilisation des ONG, des entreprises et des organisations syndicales, convaincus que nous sommes que le dialogue social peut aussi participer au développement. Avec tous ces nouveaux partenaires, il faut que nous soyons capables de définir des stratégies communes et contractualiser nos relations.
Pour répondre à toutes ces ambitions, le nouveau dispositif comprend le CICID et une réforme des structures administratives. Désormais il y a une administration unique, la Direction générale de la coopération internationale et du développement pour la coopération civile, la Direction de la coopération militaire et de défense pour la coopération militaire et des Services Extérieurs désormais unifiés. Les déménagements sachèvent, parce quil a fallu mettre en mouvement plusieurs centaines dagents dans des conditions toujours un peu difficiles. Jai eu loccasion tout à lheure de leur rendre hommage parce que jai pleinement mesuré leur inconfort, surtout que pendant le même temps, il fallait quand même que le travail continue.
Un budget unique désormais mais avec des crédits dintervention coopération identifiés : je rappelle que sur un budget global des Affaires étrangères dun peu plus de 20 milliards, les crédits coopération tels que nous appelons, représentent un peu plus de 10 milliards.
Enfin, création de la Zone de solidarité prioritaire. Nous avons fait prévaloir là aussi le besoin de rendre public la liste des pays concernés. Tous nétaient pas forcément sur cette ligne. Mais cest le point de vue que le Premier ministre a retenu. Il la dailleurs expliqué hier matin au Conseil des ministres, en réponse à une question posée sur les motifs de cette publicité. Comment répondre à vos questions si javais voulu vous dire que je ne savais pas. Ce point de vue, surtout, aurait été en contradiction avec la volonté affichée dune plus grande transparence dans notre politique de coopération. Lorsque je dis « transparence », ce nest pas seulement vis-à-vis de lopinion française, cest aussi vis-à-vis des pays concernés. Nous avons dessiné cette zone en affichant clairement les raisons objectives de cohérence régionale et aussi, parfois tout simplement pour tenir compte de certaines réalités humaines ou économiques auxquelles la France attache plus dimportance.
Je voudrais aussi rappeler aussi que ce concept de « Zone de solidarité prioritaire » doit être considéré comme une vocation. Le fait dy être ou den être, signifie que ces pays ont vocation à bénéficier des instruments de coopération que la France entend mobiliser dans cette zone. Ce nest pas un droit de tirage automatique. La qualité des projets qui nous seront proposés, les efforts accomplis par le pays, sa réalité objective, mais aussi les efforts accomplis en matière de démocratie ou de Droits de lHomme seront pris en compte. Tout cela qui sera apprécié afin de déterminer avec quelle intensité nous pourrons mobiliser les outils de coopération.
Il est vrai que le FAC sera mobilisable à lintérieur de la zone de solidarité prioritaire. Il est vrai aussi que lAgence française de développement interviendra le plus souvent à lintérieur de la zone de solidarité prioritaire, ce qui nécarte pas les interventions extérieures - dans des cas particuliers je tiens à le préciser.
Nous aurions pu, si jen avais eu le temps, vous présenter une carte, mais vous lavez tous en mémoire. Nous allons vous distribuer la liste.
Quelques chantiers restent ouverts quil nous faut conduire à leur terme : la révision et le renforcement du Fonds daide et de coopération, en tenant compte du fait quil est désormais adossé à la zone de solidarité prioritaire et larticulation avec lAgence française de développement qui est en très bonne voie. Elle est maintenant compétente pour les infrastructures en matière de santé et décoles. Ce matin nous en avons longuement parlé. Le besoin dune coordination est évidemment accru par ces évolutions. Il faut adapter aussi dautres instruments comme les protocoles financiers et le fond détude daide au secteur privé. Lorientation va se faire sur une logique de projets. Il y a aussi des chantiers ouverts concernant le renforcement des opérateurs culturels et scientifiques : je pense au rapprochement AFAA-Afrique en création ; je pense au rapprochement également au moins en réflexion, peut-être déjà un peu engagé entre le CIRAD et lex-ORSTOM, devenu Institut de recherche pour le développement. Vous ayant dit cela, je crois que je peux vous laisser le temps quand même de me poser quelques questions.
Q - Dans les objectifs que vous avez cités, vous navez pas parlé dempêcher que lon tue des gens et dencourager les réformes démocratiques. Je pense au Congo-Brazzaville. Quelle est la mission de la France là-bas, où nous avons dépensé tant dargent ? Ne faudrait-il pas que la communauté internationale envoie une force dinterposition ?
R - La réponse à la question de savoir si la paix, la prévention des conflits, la gestion des crises est aussi au coeur de nos préoccupations, est évidemment oui. Vous avez parlé de force dinterposition. Sil ny avait pas eu opposition de certains partenaires au sein du Conseil de sécurité lan dernier, il y aurait probablement eu une force dinterposition au Congo Brazzaville puisque cest de cela dont vous parlez. la France le souhaitait, encore eut-il fallu quil y ait, au sein du Conseil de sécurité, un consensus. Certains partenaires et non des moindres ont dit non à cette proposition. Il est advenu ce que vous savez. Nous avons pris acte dune situation de fait, nous ne pouvions guère faire autrement.
Depuis, nous avons suivi avec intérêt le processus démocratique engagé. La Conférence nationale était une réalité. Nous avons vu aussi la manière dont certains, dont on parle peu, se sont tout de suite engagés à faire à nouveau la guerre et ont appelé à nouveau à la révolte. On parle des atrocités commises par les uns, jai le regret de constater que tous en commettent. Je ne parle pas évidemment forcément des responsables mais de ceux qui agissent en leur nom. Je sais la manière dont certains sinspirant de certains responsables aujourdhui sont totalement sous influence. Ce que lon dit du comportement de certains laisse entendre que la drogue est probablement le moteur de certains, ce qui nous préoccupe beaucoup, même si ceux dont ils se réclament continuent dagiter les grands principes et les bons sentiments - ce qui nous gêne un peu. Nous avons dit au ministre du gouvernement de M. Sassou Nguesso puisquil sagit de lui, linquiétude que nous inspirait cette situation, le caractère inapproprié de certaines réactions militaires par rapport à une situation dont on nous disait quelle se caractérisait par la mobilité des combattants, ce qui est un peu contradictoire avec lutilisation de lartillerie lourde, puisque vous évoquiez cette situation.
Nous avons dit tout cela et nous avons aussi fait passer le message quil faudrait bien que des initiatives politiques soient prises pour se sortir de cette situation. Mais, je ne suis pas sûr que cela puisse sécrire dans une réforme, cest un peu plus compliqué. Tout ce que nous avons fait depuis, que ce soit en matière de coopération qui continue sur le plan culturel ou sur le plan scolaire, méritait probablement dêtre continué. Reste quen effet, un dispositif de coopération, aussi bon soit-il, ne peut pas faire limpasse sur les comportements des responsables. Je souhaite vraiment que la situation au Congo Brazzaville se stabilise et notre analyse est quelle ne pourra se stabiliser que sil y a des initiatives politiques. Cest le message que nous faisons passer. Je navais pas lintention ce matin de vous parler des dispositifs français que nous essayons de mobiliser, mais je suis à votre disposition si vous souhaitez que lon parle de la Guinée-Bissao ou du Centrafrique pour ne parler que de quelques sujets qui sont vraiment dactualité.
Q - Pouvez-vous commenter brièvement linclusion du Liban et de la Palestine dans la liste ainsi que labsence de pays comme le Nigeria ?
R - Sur le Liban et la Palestine se mêlent à la fois des considérations damitié traditionnelles - je pense en particulier au Liban : la Francophonie est un élément auquel nous sommes attentif ainsi que le rôle que le Liban peut, selon nous, jouer dans son environnement. Sagissant de la Palestine, il y a des raisons hélas statistiques qui font que la Palestine rentre tout naturellement dans cette zone à cause de sa situation économique et financière. Cest aussi un choix politique de la France que daider ce pays à se construire.
Lors de la préparation du CICID, la situation du Nigeria a été évoquée. Nous suivons de près le processus démocratique engagé. Les élections sont désormais proches - dans quelques semaines - et il a été convenu que, dès lors que ce processus démocratique serait achevé, le Nigeria avait vocation à entrer dans la zone de solidarité prioritaire. Cela veut dire que dans les mois qui viennent, peut-être pas forcément en attendant le prochain CICID, nous serons peut-être amené à intégrer le Nigeria dans cette zone. Ce qui est en particulier souhaité par les pays francophones qui lenvironnent.
Q - Et pour lEgypte ?
R - Ma remarque vaut pour le Nigeria et seulement pour le Nigeria. Mais, si lors de la réunion du prochain CICID nous constatons des changements et des progrès significatifs dans la situation par exemple du Soudan du point de vue de son évolution démocratique, où quelques signes positifs apparaissent, le fait que le Soudan vienne par exemple daccepter que lUNICEF enquête sur lesclavage fait partie des signes intéressants. Il appartiendra au CICID, prenant acte de ces situations nouvelles, de modifier la liste des pays concernés.
Q - Est-ce précisément la raison pour laquelle le Soudan ne fait pas partie de cette liste ?
R - Oui, globalement. Cest pour linstant la situation politique du Soudan avec lequel nous avons engagé un nouveau dialogue, mais je crois quil est encore un peu prématuré de préjuger des résultats de cette évolution.
Q - Quen est-il pour lEgypte alors ?
R - Pour lEgypte qui recueille une partie importante de nos moyens de coopération, il nest pas apparu nécessaire et utile que lEgypte figure dans la ZSP.
Q - Pourriez-vous nous donner quelques éléments sur les sortants sil y en a par rapport aux pays du champ et les entrants ?
R - Il ny a pas de sortant parmi les pays du champ, mais tous les pays africains ny sont pas. Vous sauriez comme moi faire la soustraction. Il doit y avoir 53 pays africains et 43 figurent sur la liste avec, peut-être, ce changement concernant le Nigeria demain. Vous voyez bien les quelques pays qui ne sont pas là, et ceux avec lesquels dailleurs nous navions pas de relation. La raison est quand même largement là : la Zambie, par exemple, nest pas un pays avec lequel nous entretenons des relations suivies.
Mais je lai dit, cette ZSP a par définition un caractère évolutif : certains pays seront appelés à en sortir - ce qui serait bon signe si cela veut dire quéconomiquement, ils nont plus besoin de la même coopération. Malheureusement ce pourrait être en tant que sanction à des situations politiques par trop désastreuses. Vous avez compris que le fait davoir fait loption dune ZSP large nous permet aussi de moduler à lintérieur de la ZSP lutilisation des outils de coopération et si nous devions sanctionner, nous avons des moyens de le faire. Il y a lexpulsion si vous mautorisez une comparaison sportive peut-être un peu hasardeuse et il peut y avoir des pénalités sifflées, hors-jeu, parfois même penalty. On peut limaginer. Cela veut dire, suspendre une coopération, ne plus utiliser un outil de coopération prévu, cesser de faire du FAC ou demander à lAgence de cesser dy travailler. Ce sont des choses possibles.
Q - Pouvez-vous nous préciser quels sont les critères de sélection pour être éligible à la ZSP ? Pourquoi est-ce que certains pays en sont et dautres pays, je prends un exemple pas en Afrique mais au Proche-orient, pourquoi le Liban et pas la Jordanie par exemple ? Est-ce pour des raisons historiques ?
R - Il peut même y avoir des choix politiques. Cest tout ce que je peux répondre sachant, je le répète que le fond, cest la situation économique de ces pays et notamment leur impossibilité davoir accès au marché des capitaux. Cétait la base et sy ajoutent des considérations régionales, la volonté de la France dintervenir davantage dans certaines parties du monde, la volonté aussi, par exemple pour les Caraïbes de développer des pays qui environnent les départements français dAmérique, sachant que ceux-ci ont plus besoin encore du développement de leur environnement. Sagissant des Caraïbes, cest une raison forte qui nous a amenée à proposer que Cuba et la République dominicaine par exemple fassent partie de la ZSP.
Q - Quels sont effectivement les critères, je vois des pays comme lAfrique du Sud, la Côte dIvoire, Maurice etc... je me demande si on peut les mettre sur le même pied dégalité que des pays comme le Mali ou le Sénégal ?
R - Non, ils ne sont pas sur le même pied dégalité mais ils ne bénéficieront pas non plus exactement du même traitement. Parce que je lai dit, à lintérieur de cette zone, les outils de coopération vont être utilisés avec des intensités variables, des modalités différentes selon les projets et la situation des pays concernés, en tenant compte de leur besoin et notamment de leur capacité contributive qui peut considérablement varier dun pays à lautre.
Il est vrai aussi que le fait de vouloir préserver une certaine cohérence régionale facilite par exemple les projets inter-Etats. Le Fonds daide et de coopération est de plus en plus amené à intervenir pour financer des projets relatifs à la santé, à léducation, dautres institutions qui concernent plusieurs états. Si nous nous limitons à des projets précis, trop limités géographiquement, « la peau de léopard », nous aurons quelques difficultés à mettre en marche des projets inter-Etats car ils reposent a priori sur une participation de chacun des Etats concernés. Je ne veux pas dire quelle sera la même, mais cest une des raisons qui nous ont amenés, dans lOcéan indien également dailleurs, au terme dune discussion qui a eu lieu entre lElysée et Matignon, à conserver les Seychelles et Maurice dont nous savons bien que la situation, si on regarde les revenus par tête dhabitant, nest évidemment pas comparable avec celle du Mali voire avec celle de certains voisins de lOcéan indien - je pense à Madagascar en particulier.
Q - LAfrique du Sud fait partie de la liste, ce pays a-t-il vocation à avoir les enveloppes de coopération culturelles scientifiques et techniques que nous lui consacrons augmenté, et lagence aurait-elle vocation à y faire du don en plus du prêt ?
R - Je ne veux pas vous dire là, quels sont, à lintérieur de la ZSP, les pays qui peuvent espérer voir augmenter les crédits de coopération et à contrario, ceux qui pourraient les voir diminuer car nous sommes dans une enveloppe relativement constante. Nous plaidons par contre pour une meilleure efficacité de nos interventions et nous pensons quil y a des marges de progression à faire dans ce domaine, incontestablement. Mais sagissant de lAfrique du sud, elle va bénéficier du FAC mais je ne crois pas que sagissant de lintervention de lAFD, elle soit susceptible de voir modifier les procédures actuelles puisquelle bénéficiait déjà de lAgence française de développement sur une base régionale.
Q - Concernant lEgypte, cest un pays francophone assez actif, je suis un peu surpris de ne pas la retrouver dans cette liste et concernant lAfrique australe, pourquoi la Namibie et pas le Botswana ou la Zambie. Quest-ce qui a fait quil y ait élimination dun grand nombre de pays dAfrique australe où sest rendu le président de la République il y a six mois ?
R - Je ne crois pas quil se soit rendu dans les pays qui ny sont pas. Il sest rendu dans les pays qui y sont et cest peut-être un début de réponse. Il est vrai que des discussions ont été engagées avec la Namibie, avant le voyage du président de la République et surtout depuis. A cette occasion, un certain nombre dengagements ont été pris qui justifient que la Namibie se retrouve dans la ZSP. Si, dans le courant de cette année ou plus tard, le choix est fait dentretenir des relations nouvelles avec la Zambie, pour prendre cet exemple, il appartiendra au prochain CICID de corriger à la marge le dessin de la ZSP. Mais il est vrai que si certains pays y sont, cest aussi à cause de cela.
Q - Et lEgypte ?
R - LEgypte aurait pu y figurer.
Q - Quest-ce que cela change dêtre dans la Zone de solidarité prioritaire ?
R - Le fait dy être donne accès à certains instruments dont on ne bénéficie pas si on ny est pas. Sagissant du FAC, cest clair. Ceci dit, avec lEgypte, qui a un autre niveau de développement, les relations sont plus au travers de protocoles financiers quau travers de crédits daide à la coopération ou daide au développement. La grande différence, elle est là. Il y a eu un débat pour lEgypte, mais là aussi, je ne préjuge pas lavenir. Au terme de cette discussion, il a été convenu que finalement, lEgypte cette fois ne serait pas dans la ZSP. Cest tout ce que je peux répondre.
Q - On a un peu le sentiment que ce que vous venez de décrire, et à partir daujourdhui, pour la publication de cette liste ZSP, peut-on dire quil y a une nouvelle conditionnalité de laide française ? Accessoirement, pouvez-vous nous en dire plus sur le Haut conseil, le président va-t-il être nommé, si oui, qui ?
R - Je pense que lon peut dire quil y a une nouvelle conditionnalité pour bénéficier de certaines formes daide à la coopération, tout ce qui touche à laide au développement en particulier. Je vous ai dit en commençant que ce serait de manière exceptionnelle que lAgence française de développement pourrait intervenir en dehors de la ZSP. Cela ne veut pas dire que les crédits de coopération culturelle, scientifique ou technique que nous mobilisons en Amérique latine où jétais la semaine dernière vont se tarir. Ce sont dautres outils pour une autre présence française, une autre forme de coopération, où le concept dinfluence a une part particulière.
Sagissant de la seconde question, le Haut conseil devrait être installé au mois de mars, me semble-t-il, plutôt dans la première quinzaine que dans la seconde.
Mais, je me garderais bien de mengager plus. Cest le Premier ministre qui va nommer le président, je ne suis pas en mesure aujourdhui - je le serai peut-être demain - de vous dire qui sera le président.
Q - Vous nous aviez dit le 28 janvier que vous ne pouviez pas rendre la liste publique tout de suite parce quelle allait être soumise au chef de lEtat. Je voulais savoir si la liste que nous avons aujourdhui est celle que vous avez arrêtée en CICID ou bien si le président de la République a fait sortir ou entrer des pays ?
R - Il y a eu quelques modifications, je ne vous dirai pas lesquelles.
Q - Dommage. Vous avez été interrogé sur le Congo, vous avez fait allusion à dautres conflits, il se trouve que dans cette liste, il y a à peu près tous les pays en conflit de lAfrique centrale, dun océan à lautre. Est-ce volontaire et dans ces conditions, est-il possible, en face de conflits qui sont.
R - Etre en guerre nest pas une condition nécessaire pour être dans la ZSP.
Q - Je comprends mais il nempêche que ce sont des conflits, pour la plupart très difficilement maîtrisables, dans lesquels souvent, on narrive même pas à trouver dinterlocuteurs. Quel type de coopération peut-on mener dans ces conditions-là ?
R - Parfois, presque aucune quand on est en situation particulièrement difficile. Il est arrivé au cours de lannée 1998 que certaines coopérations soient totalement arrêtées ou suspendues dans un certain nombre de ces pays. Parfois, il ne reste que la coopération que nous exercions au travers de la société civile, cest-à-dire en fait, de certaines ONG. Parfois, la coopération se réduit simplement à laide durgence ou à lenvoi dun hôpital de campagne. Cela sest déjà produit. Et puis, parce que nous croyons quil faut tout de même continuer, reprendre, chaque fois quune opportunité apparaît de recommencer à faire de la présence sur le plan scolaire ou de la santé, nous le faisons. Mais il est vrai que, parmi les causes de la sous-consommation parfois de certains crédits, il y a la guerre.
Q - Tout à lheure, vous avez laissé entendre que la France allait augmenter son volume daide ?
R - Non, jai dit quil fallait préserver le niveau, le flux daide publique au développement. Je nai pas dit que nous allions laugmenter, je ne vais pas prendre ce genre dengagements. Vous seriez le premier à me mettre en face de mes contradictions dans quelques mois. Jai dit que nous allions nous battre pour préserver le niveau daide publique au développement. Si nous pouvons laméliorer, nous le ferons avec empressement. Je rappelle quaujourdhui, nous sommes autour de 0,45 %, nous sommes loin des 0,70 % espérés il y a quelques années, loin des 0,60 % atteints en 1995, mais cétait au lendemain de la dévaluation du Franc CFA quil avait fallu en partie compenser. Cela avait tout de même beaucoup joué. Depuis, nous avons reculé, relativement moins que dautres et si nous avons gagné des places au classement, cest parce que dautres ont reculé plus que nous. Il est vrai quil y a eu, il faut le dire, pour le moins stagnation du niveau. Cela mérite quelques explications. Je ne reviens pas sur celles que jai données à loccasion du budget, il y a une aide parfois dajustement structurel qui se justifie par lamélioration relative des finances publiques de certains pays, mais il y a eu aussi une baisse tendancielle voulue de lassistance technique pour éviter que la substitution perdure dans des pays qui considèrent eux-mêmes quils doivent pouvoir mettre en place eux-mêmes les moyens nécessaires en matière dencadrement scolaire ou de santé. Cest vrai aussi que nous avons amélioré notre présence budgétaire (encore trop peu à mes yeux) dans les instances multilatérales de façon à y peser plus lourdement, nous intervenons beaucoup par le biais européen et on nen parle pas toujours suffisamment. Là encore, parmi les chantiers, il y a une meilleure relation entre les interventions européennes et nos interventions bilatérales. Cest dailleurs une préoccupation largement partagée par les autres pays européens et des discussions sont en cours sur ce point.
Certaines lignes budgétaires ont diminué, cétait normal, mais si nous voulons, dabord tenant compte de cette nouvelle ZSP, intervenir aussi dans les pays qui rentrent, il faut, pour le moins, même si lon fait des gains de productivité dans certains pays, maintenir le flux daide publique au développement, parce que nous allons en avoir besoin pour le redéployer.
Q - Vous disiez tout à lheure que le concept dinfluence avait eu son importance dans la définition de la zone. On peut le comprendre, mais pouvez-vous être plus précis en quoi ce concept est-il intervenu dans la définition de la zone et en quoi cela change par rapport à précédemment ?
R - Laction extérieure est un mélange à la fois de présence et dinfluence, y compris pour faire prévaloir, dans dautres pays du monde, les idées et les valeurs auxquelles nous tenons. Nous le disions tout à lheure au Sénat en parlant de la PESC. Il faut aussi quil y ait la volonté de porter un certain nombre de valeurs communes. Je crois que nous sommes dans cette situation par rapport au reste du monde sachant que linfluence ou la présence sorganise ou de manière bilatérale ou de manière multilatérale. Il est vrai que la ZSP est, pour nous, un lieu où nous aimerions pouvoir être plus influents pour aider au développement ou à la démocratie. Et la ZSP doit aussi répondre à ces objectifs.
Q - Vous rentrez de Dakar où il y a eu une réunion Union européenne-ACP, et justement le critère de bonne gouvernance a été mis en avant par les Européens comme critère essentiel dans les relations avec les pays ACP. Je voulais avoir votre avis sur cette question et cela peut-il sappliquer aux relations de coopération bilatérales...
R - Oui, bien évidemment. A Dakar et pour linformation de chacun, la question de la bonne gestion des affaires publiques - cest le nom que daucun appelle aussi « bonne gouvernance » - a été proposée par les Européens comme devant être ajouter aux trois éléments essentiels qui figurent déjà dans larticle 5 de la Convention et qui sont : le respect des droits de lHomme, lEtat de droit, la démocratie. Le quatrième élément est donc celui-ci. Lobjectif est en effet den faire lune des conditionnalités de laide européenne. En clair, sil ny a pas respect par le pays partenaire dun de ces éléments essentiels, lEurope est autorisée, au terme dune procédure de dialogue, à suspendre sa coopération. Cest ce qui se passe actuellement pour le Togo. Nous entendons en effet intégrer cet élément nouveau dans notre partenariat, dans notre relation avec les pays de la ZSP.
Q - Où en est-on au Togo à propos de la levée par lUnion européenne du gel de la coopération et de lappel lancé par les Européens au Togo ?
R - Il appartient aux pays européens de lexaminer et en effet, de répondre à cet appel que nous avons lu les uns et les autres. Il appartient sans doute aussi au Togo à poursuivre sur la voie du dialogue politique qui est engagé et qui je lespère va produire ses résultats, surtout si la procédure particulière des facilitateurs désignés, lun par la France, lautre par la Francophonie, le troisième par lEurope et le quatrième par lAllemagne. Cest Bernard Stasi qui a été désigné pour la France. Jespère quils vont très vite pouvoir se mettre au travail. Il y a pour linstant un débat sur le lieu. Tous les acteurs de ce dialogue qui se noue ne sont pas forcément daccord pour se réunir à Lomé. Jespère que très vite, on trouvera une solution à cette question.
Q - Un rapport doit être présenté au CICID par M. Villain. De quoi sagit-il ?
R - Vous faites allusion au rapport qui doit être présenté, chaque année devant le CICID et qui fait le bilan de notre coopération internationale et du développement. M. Villain est en effet celui qui est chargé de présider le groupe de travail interministériel qui rédigera ce rapport.
Q - Dans le cadre du dialogue européen, est-il envisageable de concevoir une initiative commune à trois, entre la France, lAllemagne et la Grande-Bretagne par exemple en matière de coopération et qui naurait pas trait directement au seul traitement de la dette.
R - Nous avons commencé de réfléchir à trois - ce qui ne veut pas dire que lon écarte les autres - parce quon a eu des occasions de se retrouver ensemble, et aussi pour des raisons de proximité politique parce que ces trois pays sont un peu plus engagés que dautres et quils pèsent aussi un peu plus lourd. Je ne peux pas préjuger encore du résultat de cette concertation qui commence mais je nécarte pas que nous soyons amenés éventuellement à nous exprimer ensemble de façon à pousser un peu lEurope à sexprimer mieux, dune seule voix. Dans ce domaine, jobserve que lEurope est souvent, de très loin, le premier donateur, surtout si on ajoute les crédits européens aux crédits que chacun des pays membres apportent en bilatéral, et pourtant ce nest pas forcément lEurope qui est la plus influente pour reprendre lexpression de tout à lheure. Cest vrai en Afrique-subsaharienne, cest vrai parfois même en Amérique latine, jen ai eu la preuve il ny a pas très longtemps. En Colombie, lEurope cest 60 % si jajoute lEurope aux pays européens. A lévidence, pour linstant, je ne suis pas sûr que lEurope pèse - si je puis dire dans tous les sens du terme -, à hauteur de laide publique quelle mobilise. Cest donc pour faire en sorte que, là encore, nous gagnions en présence et en influence.
Q - Puisque vous parlez de lAmérique latine, maintenant quil y a une communauté de vues en Europe, lEurope va-t-elle aller chasser sur les terres des Américains en Amérique latine, cest ce que vous nous dites ?
R - Cest une vilaine expression, on ne chasse pas. Mais, nous ne pensons pas non plus que la coopération avec lAmérique latine serait en quelque sorte réservée au grand voisin du nord, de la même manière que nous ne revendiquons pas lexclusivité dune relation entre lEurope et lAfrique subsaharienne. Si dautres veulent aider lEurope, et la France en particulier, à développer lAfrique subsaharienne, ils seront les bienvenus.
Q - Une question qui prolonge lautre. Des pays qui coopèrent avec lAfrique, vous navez pas parlé du Portugal. Est-ce quil y a quelque chose de prévu, et surtout par rapport à la conférence Europe-Afrique qui aura lieu au mois davril au Portugal, sait-on quels sont les thèmes qui seront abordés dans cette conférence ?
R - Je répondrai parce que je nai plus le temps dêtre long que notre coopération avec le Portugal dans ce domaine est excellente. Nous avons des relations très suivies aussi bien avec M. Gama, ministre des Affaires étrangères quavec M. Luis Amalo secrétaire dEtat chargé de la Coopération internationale et du développement. Des sujets dactualité nous retiennent un peu plus que dautres et à Dakar, évidemment, nous avons profité de loccasion qui nous était offerte pour parler de la Guinée-Bissao par exemple, puisque cétait un point important. Pour le reste, la préparation de la conférence Europe-Afrique se fait dans le cadre européen normal. Mais, je le répète, des relations damitié venant y ajouter, la relation entre le Portugal et la France est, dans ce domaine, très bonne
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 février 1999 )