Interview de M. Hervé Morin, ministre de la défense, avec I-Télé et France-Info le 27 septembre 2007, notamment sur la part allouée à la Défense dans le budget 2008 et sur la place de la France au sein de l'OTAN.

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Média : France Info - I-télévision

Texte intégral

Thomas Hugues : On parle ce soir de l'avenir de l'armée française avec le ministre de la Défense, Hervé MORIN. Je l'invite à nous rejoindre sur le plateau de "C'est vous qui le dites". Bonsoir. C'est la journée parlementaire du Nouveau Centre...
Hervé Morin : Bonsoir...
Thomas Hugues : Dont vous êtes le président.
Hervé Morin : Je vous remercie.
Thomas Hugues : Ce budget de 2008 là, qui se contente de stabiliser le déficit, allez-vous le voter alors que pendant la campagne présidentielle, aux côtés de François Bayrou, vous aviez fait, je ne pense pas me tromper, de la lutte contre les déficits, la pierre angulaire de toute action politique ? Est-ce que vous allez voter ce budget ?
Hervé Morin : Considérer qu'on en avait fait la pierre angulaire de toute action politique, c'est peut-être beaucoup dire. Ce qui est certain...
Thomas Hugues : Ça revenait souvent dans le discours de François Bayrou...
Hervé Morin : Ce qui est certain, c'est qu'entre les élections présidentielles et aujourd'hui, il y a eu un événement important qui ne vous a pas échappé qui est la crise financière et les risques qui pèsent sur la croissance mondiale. Il est donc logique qu'en fonction de ces éléments-là, le gouvernement, à mon sens, fait un budget sérieux, c'est-à-dire un budget où bien entendu il va falloir aller plus loin dans la lutte contre les déficits et on a quatre ans pour le faire. On ne peut pas, aujourd'hui...
Thomas Hugues : Pour l'instant, on se contente de stabiliser.
Hervé Morin : On ne peut pas, aujourd'hui, consacrer quarante milliards d'euros par an au service de la dette, c'est-à-dire quasiment le niveau du déficit budgétaire, quasiment la totalité du fruit de l'impôt sur le revenu. Et donc ce que moi, je crois, c'est que nous avons besoin bien entendu de continuer cette démarche. Les parlementaires du Nouveau Centre ont fait des propositions. Ces propositions ont eu un écho favorable du Premier ministre tout à l'heure qui est venu conclure les journées du Nouveau Centre, notamment sur une des propositions qui est le plafonnement des niches fiscales. Vous savez que vous pouvez payez, vous pouvez obtenir, quoi, être... avoir de gros revenus et grâce à la totalité des réductions d'impôts les unes avec les autres, vous pouvez, en quelque sorte, payer très peu d'impôts. Et donc l'idée de Charles de COURSON, c'est de dire : "On maintient l'ensemble de ces niches fiscales, de ces réductions d'impôts diverses et variées mais elles sont plafonnées pour qu'il y ait un peu plus de justice."
Bernard Thomasson : Si cet amendement n'est pas...
Hervé Morin : Si cet amendement...
Bernard Thomasson : Vous voterez ou non ? Parce que le porte-parole de votre groupe a dit, aujourd'hui, justement : "En l'état, le budget n'est pas votable."
Hervé Morin : Écoutez, ça c'est son appréciation...
Bernard Thomasson : C'est votre groupe.
Hervé Morin : Oui, d'accord mais enfin je peux aussi avoir une autonomie de pensée. Et cette autonomie de pensée me fait dire que si on veut bien regarder les choses, entre les priorités qui ont été fixées et qui font qu'on essaie d'aller vers ce qu'on appelle plutôt une politique de l'offre, c'est-à-dire faire en sorte qu'on soit vers la production, vers le travail, vers l'innovation, vers la recherche où il y a quand même des efforts importants d'effectués, on ne peut pas à la fois vouloir que l'économie soit relancée et en même temps avoir un budget de rigueur qui assoirait l'économie française. Et donc je crois qu'il faut trouver le juste équilibre. Si Charles de Courson, en plus, finit par obtenir gain de cause sur tout ou partie de ces propositions, eh bien c'est la preuve qu'il vaut mieux être dans la construction que d'être dans l'opposition.
Thomas Hugues : Allez, on va parler de votre ministère de la Défense, de ce budget, du budget de ce ministère. C'est, avec l'Éducation, celui qui supprime le plus de postes de fonctionnaires. Est-ce que ça ne risque pas de limiter finalement l'influence française, la capacité de se projeter sur des théâtres d'opération ou des terrains humanitaires, par exemple ?
Hervé Morin : L'objectif que j'assigne aux chefs d'état-major est extrêmement clair : on ne touchera pas aux forces opérationnelles dans les réductions d'effectifs, c'est-à-dire par le fait que le ministère de la Défense participe à l'effort que l'ensemble des ministères du gouvernement...
Thomas Hugues : Alors où on trouve les postes qu'on supprime... ?
Hervé Morin : Si, mais on les trouve dans les forces de soutien, on les trouve dans des réorganisations de l'administration centrale, on les trouve dans la mutualisation d'un certain nombre de services. Nous sommes engagés dans une politique qu'on appelle la revue générale des politiques publiques, c'est-à-dire de regarder là où on pourrait mieux dépenser. Et je peux vous assurer que même au ministère de la Défense, on peut faire mieux dans un certain nombre de domaines. Ce sont ces domaines-là qui sont examinés. On anticipe bien entendu dans la construction budgétaire parce qu'on annonce ça, on présente un budget en octobre mais qui n'est mis en oeuvre qu'en 2008. C'est... Cette mesure-là, vous voyez, elle a un immense avantage, c'est que grâce aux six mille suppressions d'emplois, nous allons pouvoir avoir le meilleur plan d'amélioration de la condition du personnel que nous n'avons jamais eu au ministère de la Défense...
Thomas Hugues : C'est-à-dire que vous allez mieux les payer...
Hervé Morin : Avec cent deux millions d'euros de mesures catégorielles au profit du personnel civil, au profit des militaires.
Bernard Thomasson : Est-ce que des projets sont remis en cause ? ...
Hervé Morin : Je termine là-dessus parce que c'est important...
Bernard Thomasson : Oui.
Hervé Morin : Il y a eu un rapport de rendu en janvier qui montrait qu'il fallait faire un effort de trois cent cinquante millions d'euros pour aligner les militaires sur les autres fonctionnaires en tenue, c'est-à-dire policiers et gardiens de prison. Cinquante millions d'euros seront consacrés dès 2008 pour que pour les gendarmes, pour les sergents et pour les militaires du rang, il y ait un alignement par rapport aux fonctionnaires en tenue. Si nous n'avions pas fait cela, si nous eh bien nous n'aurions jamais pu... Si nous n'avions pas supprimé ces emplois, nous n'aurions jamais pu avoir cent millions d'euros...
Thomas Hugues : D'accord. Donc de meilleures soldes pour les militaires. Mais je reprends la question...
Hervé Morin : Moi, je préfère une armée, je préfère une armée un peu moins nombreuse où on fait des efforts sur les forces de soutien, sur l'administration et où elle mieux équipée, mieux payée et mieux formée...
Thomas Hugues : On a bien compris, Hervé Morin. Mais je reprends la question de Bernard Thomasson : est-ce qu'il y a des projets qui vont s'interrompre ?
Hervé Morin : Non, parce que, par ailleurs, nous avons obtenu, pour l'équipement des forces armées, le respect à peu près total de la loi de programmation militaire, c'est-à-dire un effort de seize milliards d'euros sur l'équipement de nos forces armées.
Thomas Hugues : Il y a un livre blanc qui est prévu dans quelques semaines. Ça veut dire que la grande réforme, elle est pour après ? Qu'est-ce que vous... ? Vous parliez de priorité dans...
Hervé Morin : Il y a la revue générale des politiques publiques pour faire en sorte qu'on ait un meilleur fonctionnement du système. Il y a, par ailleurs, la revue générale des programmes, c'est-à-dire qu'on prend chaque programme d'armement et on dit, sur chaque programme : "Qu'est-ce qu'on a dépensé ? Qu'est-ce qui nous reste à dépenser ? Est-ce que la cible, c'est-à-dire le nombre d'équipements dont on compte se doter, est-ce que cette cible est la bonne ? Est-ce que... ? Est-ce qu'on ne pourrait pas mutualiser entre la marine et l'armée de l'air tel ou tel équipement ?" Bref, on est en train de faire un énorme travail pour notamment faire en sorte qu'on puisse financer les années suivantes. Parce qu'on a une vraie difficulté, il ne faut pas se cacher, c'est qu'à l'heure actuelle, on consacre seize milliards d'euros à l'équipement des forces armées mais que, compte tenu de toutes les commandes qui ont été effectuées les dernières années, on serait obligé d'aligner entre vingt et un et vingt-deux milliards à partir de 2010. Et bien entendu, on voit mal, compte tenu de la situation des finances publiques du pays, qu'on puisse consacrer six milliards d'euros de plus à l'équipement.
Bernard Thomasson : Est-ce que ça veut dire que le deuxième porte-avion... ?
Hervé Morin : Et donc on fait ce travail-là. Et troisième travail qu'on effectue...
Bernard Thomasson : Oui...
Hervé Morin : La commission du livre blanc qui fait une analyse stratégique, qui réfléchit sur les alliances, sur les missions des forces armées et sur les capacités. On va mutualiser l'ensemble de ces réflexions, on va les recouper et à partir de ça, on présentera une nouvelle loi de programmation militaire au printemps prochain.
Bernard Thomasson : Avec le deuxième porte-avion ou non ?
Thomas Hugues : Un deuxième porte-avion...
Hervé Morin : Écoutez, ça c'est le fruit du travail des prochains mois. On verra si on est capable et si on a besoin d'un second porte-avion.
Thomas Hugues : Alors il faut parler de l'OTAN. L'entrée dans l'OTAN. Que répondez-vous... ? Sous conditions, c'est ce qu'a dit Nicolas Sarkozy. Que répondez-vous à ceux qui disent que la France s'aligne petit à petit sur les positions américaines ?
Hervé Morin : Nous n'avons... J'ai moi-même abordé cette question en mettant sur la place publique un grand débat. Le président de la République veut que, sur les questions de défense, à travers le livre blanc, il y ait un grand débat national sur les questions de défense. Notre participation aux alliances fait partie de ce débat. Ce qu'a dit le président de la République, nous sommes parmi...
Thomas Hugues : Mais pourquoi on ne remet pas en cause la spécificité française là ? ...
Hervé Morin : ... Le président de la République n'a pas dit qu'on allait entrer au sein de l'OTAN. Le président de la République a dit : "Nous faisons partie des meilleurs élèves de l'OTAN." Nous participons à toutes les opérations militaires...
Thomas Hugues : C'est vrai...
Hervé Morin : Depuis la Bosnie avec l'OTAN. Nous participons financièrement à l'OTAN : 8 % ou 9 % du budget de l'OTAN. Le président de la République dit une chose : "Il y a deux préalables à lever, avant toute discussion sur la rentrée, l'entrée ou non de la France dans le commandement intégré de l'OTAN, c'est : un, qu'elle ait le niveau des commandements qui sont affectés à la France ; et deuxième condition préalable avant toute discussion là-dessus, c'est la construction de l'Europe de la défense et l'évolution, la transformation dans une vraie dynamique de cette Europe de la défense."
Bernard Thomasson : Et vous, c'est une bonne idée, vous trouvez, de rentrer dans le commandement intégré de l'OTAN ?
Hervé Morin : Je suis ministre de la Défense. J'ai des discussions avec le président de la République. Je suis...
Bernard Thomasson : Vous avez votre libre opinion.
Hervé Morin : Je suis soumis à une règle qui est, en la matière, d'avoir des conversations avec le chef des armées et non pas sur la place publique sur ces questions-là.
Bernard Thomasson : Demain, vous rencontrez les autres ministres de la Défense au Portugal ?
Hervé Morin : Oui, pour...
Bernard Thomasson : Vous allez aborder cette question de l'Europe de la défense ? ...
Hervé Morin : Oui, je vais commencer, dans le cadre bilatéral, avec un certain nombre de ministres de la Défense, à évoquer avec eux les conditions dans lesquelles on pourrait faire évoluer tel ou tel point de l'Europe de la défense.Source http://www.le-nouveaucentre.org, le 2 octobre 2007