Texte intégral
Chacun le sent bien, il se passe quelque chose en France. Une dynamique politique est lancée, qui bouscule les habitudes. Comme toute nouvelle période, celle que nous vivons suscite des interrogations, qui s'ajoutent à des malentendus plus anciens. Certains, en Allemagne, se demandent où va la France. Est-elle enfin capable de se réformer sérieusement ? D'amplifier ses relations avec ses principaux partenaires, au premier rang desquels l'Allemagne ?
La France est en marche. Elle est engagée dans une période de réformes profondes. Elle a la ferme intention d'approfondir sa relation privilégiée avec l'Allemagne. Pour nous, les succès économiques de cette dernière sont une source supplémentaire de motivation, et son poids politique dans la communauté internationale milite en faveur d'une relance du projet européen.
C'est le message de mon intervention, le 14 septembre 2007, aux « Rencontres franco-allemandes d'Evian », devant les dirigeants d'entreprises de nos deux pays.
Entre la France et l'Allemagne, l'amitié est profonde. Mais certains préjugés et non-dits persistent. Parlons-en clairement.
La France est-elle, comme il est dit souvent, un pays frileux, hostile à la mondialisation et à l'ouverture internationale ? Non. Si tel était le cas, comment expliquer qu'elle soit le troisième pays d'accueil des investissements dans le monde ? La France est plus ouverte aux investissements étrangers que l'Allemagne : le stock total d'investissements directs y représente 28% du PIB, contre 18% en Allemagne. Les investisseurs étrangers détiennent presque 47% des sociétés françaises cotées en bourse...
La politique industrielle française promeut-elle sans discernement des champions nationaux au détriment des entreprises étrangères ? Non. Quand l'Etat se soucie du sort d'une entreprise ou d'un secteur particulier, c'est parce que son rôle est aussi de veiller aux activités stratégiques du pays. Il s'agit là d'une conception normale du rôle de la puissance publique dans une économie de marché équilibrée. Elle ne me semble pas si différente de celle prévalant en Allemagne, notamment dans les Länder.
En fait, la France comme l'Allemagne mènent une politique de « Standort », pour assurer la compétitivité de leur territoire. Une politique ambitieuse de recherche et d'innovation, à l'image de l'initiative « High Tech Strategie » lancée en 2006 par la Grande Coalition. Une politique de soutien aux PME, à l'image de la « Mittelstandsinitiative » de 2006. La politique industrielle que la France appelle de ses voeux repose sur les mêmes convictions que celles qui fondent la « Standortspolitik » allemande.
Pourquoi le cacher ? La France admire les résultats économiques de l'Allemagne. Nous savons qu'ils sont le fruit des réformes ambitieuses menées depuis 2000. Nous mesurons la volonté et le sens des responsabilités, notamment de la part des syndicats, que nos amis allemands ont dû déployer.
Notre objectif est clair : faire preuve de la même efficacité réformatrice.
Premier indice de changement en France : les mentalités évoluent. Autrefois tabous, des vérités sont enfin clairement énoncées : non, l'entreprise n'est pas l'ennemie du salarié ; oui, le travail est une valeur ; oui, la mondialisation peut être une chance ; oui, il faut passer au cribles nos politiques publiques ; oui, la dette publique ne peut pas augmenter sans limites ; oui, il va falloir réduire les dépenses publiques.
Deuxième indice : dès son installation, mon gouvernement a mis en place un train de mesures d'une densité inégalée. Notre but est de créer un choc de confiance destiné à conquérir la croissance. Nous avons libéré le travail au-delà des 35 heures. Après des années de rationnement de l'activité, c'est une nouvelle culture du travail qui va s'imposer. Nous avons redonné la priorité à l'investissement, avec une fiscalité favorable aux PME. Une réflexion de fond sur l'ensemble de nos prélèvements obligatoires est en cours. Nous avons remis au coeur de notre politique économique l'intelligence, la formation, la recherche et l'innovation. Après 25 ans d'hésitation, la réforme des universités est enfin enclenchée. La recherche privée va faire l'objet d'un soutien exceptionnel. Des réformes structurelles sont engagées : les partenaires sociaux sont saisis de plusieurs chantiers cruciaux pour l'amélioration du fonctionnement du marché du travail. Une « commission pour la libération de la croissance », à laquelle participent plusieurs personnalités européennes éminentes, qu'on ne peut soupçonner de complaisance envers notre pays, travaille à des propositions qui seront intégrées dans la prochaine loi de modernisation de l'économie. Nous allons développer la concurrence et valoriser le goût d'entreprendre.
Tout cela, nous sommes déterminés à le faire en assainissant nos finances publiques. L'enjeu est de taille : trouver des possibilité d'économies dans un système « drogué » à la dépense publique. Nous avons lancé un processus de révision générale de nos politiques : dans tous les domaines, nous allons poser la question de la légitimité même de l'intervention publique. Nous allons aussi moderniser nos systèmes de protection sociale et assainir nos finances sociales, notamment en adaptant nos régimes de retraite. Nous tiendrons nos engagements européens en matière de finances publiques.
Certes, la réforme serait plus aisée si la conjoncture mondiale était meilleure. Mais nous n'avons pas le choix. La rupture est là. La France est au travail.
Fortes de leurs réformes et de leurs succès économiques, l'Allemagne et la France sauront faire entendre leur voix et promouvoir le rôle de l'Union européenne dans la régulation de la mondialisation.
Plus que jamais, la coopération franco-allemande est indispensable à la relance du projet européen. Le succès du Conseil européen de juin dernier, auquel nos deux pays ont oeuvré, nous donne une responsabilité éminente dans les prochaines années. Ensemble, avec nos partenaires, nous allons construire l'Europe de demain. Nous devons réfléchir à son architecture institutionnelle, à son fonctionnement démocratique, à ses missions, au contenu de ses politiques futures, à ses frontières.
La crise financière internationale récente prouve combien l'Allemagne a raison d'insister sur la transparence des marchés financiers, en particulier des fonds spéculatifs. L'Allemagne est aussi à l'origine du débat sur l'acquisition d'entreprises européennes stratégiques par des fonds souverains étrangers et non transparents. A l'initiative d'Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy, nous allons conduire une réflexion commune sur ces deux sujets.
Face à la concurrence des pays émergents, nous devons veiller à maintenir la compétitivité de nos entreprises. Cela passe aussi par une lutte déterminée contre les pratiques commerciales déloyales. L'Allemagne et la France plaident en Europe pour une politique efficace d'antidumping. Elles souhaitent aussi que l'Europe, à l'instar de leurs principaux partenaires, négocient à l'OMC le droit de donner aux PME un accès privilégié aux marchés publics. Elles sont également en pointe dans la lutte pour une meilleure protection de la propriété intellectuelle, colonne vertébrale de l'innovation.
La lutte contre le changement climatique est une priorité internationale. Le gouvernement allemand développe une politique ambitieuse en la matière. Mon gouvernement en a fait l'un des thèmes principaux de la grande concertation sur l'écologie que nous menons actuellement en France. Unissons nos efforts, comme l'ont fait la Chancelière et le Président à Heiligendamm, pour amener les Etats-Unis et les grands pays émergents à participer pleinement au dispositif qui succèdera au Protocole de Kyoto.
En matière d'énergie, nos deux pays travaillent ensemble en faveur d'une politique énergétique européenne à la fois efficace et respectueuse de l'environnement. En matière de politique spatiale, ils agissent de concert en faveur d'une véritable industrie spatiale européenne compétitive, et ils ont obtenu des réalisation prometteuses autour du système Galileo.
Enfin, dans le domaine de la gouvernance économique de la zone euro, plus que dans tout autre, évitons les malentendus. La France ne souhaite pas la modification des textes fondateurs. Elle ne remet pas en cause l'indépendance de la BCE. Elle recherche la possibilité d'un débat raisonnable et constructif. Les entreprises savent bien que le niveau actuel de notre monnaie n'est pas une donnée indifférente pour leur activité.
Je pourrais développer à l'infini la liste des domaines où nos deux pays coopèrent efficacement. Alors finissons-en avec les incompréhensions. Unissons nos efforts pour répondre aux défis immenses des prochaines années. Faisons-le avec cette audace qui, comme l'écrivait Goethe, « porte en elle génie, pouvoir et magie ».source http://www.ambafrance-de.org, le 27 septembre 2007
La France est en marche. Elle est engagée dans une période de réformes profondes. Elle a la ferme intention d'approfondir sa relation privilégiée avec l'Allemagne. Pour nous, les succès économiques de cette dernière sont une source supplémentaire de motivation, et son poids politique dans la communauté internationale milite en faveur d'une relance du projet européen.
C'est le message de mon intervention, le 14 septembre 2007, aux « Rencontres franco-allemandes d'Evian », devant les dirigeants d'entreprises de nos deux pays.
Entre la France et l'Allemagne, l'amitié est profonde. Mais certains préjugés et non-dits persistent. Parlons-en clairement.
La France est-elle, comme il est dit souvent, un pays frileux, hostile à la mondialisation et à l'ouverture internationale ? Non. Si tel était le cas, comment expliquer qu'elle soit le troisième pays d'accueil des investissements dans le monde ? La France est plus ouverte aux investissements étrangers que l'Allemagne : le stock total d'investissements directs y représente 28% du PIB, contre 18% en Allemagne. Les investisseurs étrangers détiennent presque 47% des sociétés françaises cotées en bourse...
La politique industrielle française promeut-elle sans discernement des champions nationaux au détriment des entreprises étrangères ? Non. Quand l'Etat se soucie du sort d'une entreprise ou d'un secteur particulier, c'est parce que son rôle est aussi de veiller aux activités stratégiques du pays. Il s'agit là d'une conception normale du rôle de la puissance publique dans une économie de marché équilibrée. Elle ne me semble pas si différente de celle prévalant en Allemagne, notamment dans les Länder.
En fait, la France comme l'Allemagne mènent une politique de « Standort », pour assurer la compétitivité de leur territoire. Une politique ambitieuse de recherche et d'innovation, à l'image de l'initiative « High Tech Strategie » lancée en 2006 par la Grande Coalition. Une politique de soutien aux PME, à l'image de la « Mittelstandsinitiative » de 2006. La politique industrielle que la France appelle de ses voeux repose sur les mêmes convictions que celles qui fondent la « Standortspolitik » allemande.
Pourquoi le cacher ? La France admire les résultats économiques de l'Allemagne. Nous savons qu'ils sont le fruit des réformes ambitieuses menées depuis 2000. Nous mesurons la volonté et le sens des responsabilités, notamment de la part des syndicats, que nos amis allemands ont dû déployer.
Notre objectif est clair : faire preuve de la même efficacité réformatrice.
Premier indice de changement en France : les mentalités évoluent. Autrefois tabous, des vérités sont enfin clairement énoncées : non, l'entreprise n'est pas l'ennemie du salarié ; oui, le travail est une valeur ; oui, la mondialisation peut être une chance ; oui, il faut passer au cribles nos politiques publiques ; oui, la dette publique ne peut pas augmenter sans limites ; oui, il va falloir réduire les dépenses publiques.
Deuxième indice : dès son installation, mon gouvernement a mis en place un train de mesures d'une densité inégalée. Notre but est de créer un choc de confiance destiné à conquérir la croissance. Nous avons libéré le travail au-delà des 35 heures. Après des années de rationnement de l'activité, c'est une nouvelle culture du travail qui va s'imposer. Nous avons redonné la priorité à l'investissement, avec une fiscalité favorable aux PME. Une réflexion de fond sur l'ensemble de nos prélèvements obligatoires est en cours. Nous avons remis au coeur de notre politique économique l'intelligence, la formation, la recherche et l'innovation. Après 25 ans d'hésitation, la réforme des universités est enfin enclenchée. La recherche privée va faire l'objet d'un soutien exceptionnel. Des réformes structurelles sont engagées : les partenaires sociaux sont saisis de plusieurs chantiers cruciaux pour l'amélioration du fonctionnement du marché du travail. Une « commission pour la libération de la croissance », à laquelle participent plusieurs personnalités européennes éminentes, qu'on ne peut soupçonner de complaisance envers notre pays, travaille à des propositions qui seront intégrées dans la prochaine loi de modernisation de l'économie. Nous allons développer la concurrence et valoriser le goût d'entreprendre.
Tout cela, nous sommes déterminés à le faire en assainissant nos finances publiques. L'enjeu est de taille : trouver des possibilité d'économies dans un système « drogué » à la dépense publique. Nous avons lancé un processus de révision générale de nos politiques : dans tous les domaines, nous allons poser la question de la légitimité même de l'intervention publique. Nous allons aussi moderniser nos systèmes de protection sociale et assainir nos finances sociales, notamment en adaptant nos régimes de retraite. Nous tiendrons nos engagements européens en matière de finances publiques.
Certes, la réforme serait plus aisée si la conjoncture mondiale était meilleure. Mais nous n'avons pas le choix. La rupture est là. La France est au travail.
Fortes de leurs réformes et de leurs succès économiques, l'Allemagne et la France sauront faire entendre leur voix et promouvoir le rôle de l'Union européenne dans la régulation de la mondialisation.
Plus que jamais, la coopération franco-allemande est indispensable à la relance du projet européen. Le succès du Conseil européen de juin dernier, auquel nos deux pays ont oeuvré, nous donne une responsabilité éminente dans les prochaines années. Ensemble, avec nos partenaires, nous allons construire l'Europe de demain. Nous devons réfléchir à son architecture institutionnelle, à son fonctionnement démocratique, à ses missions, au contenu de ses politiques futures, à ses frontières.
La crise financière internationale récente prouve combien l'Allemagne a raison d'insister sur la transparence des marchés financiers, en particulier des fonds spéculatifs. L'Allemagne est aussi à l'origine du débat sur l'acquisition d'entreprises européennes stratégiques par des fonds souverains étrangers et non transparents. A l'initiative d'Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy, nous allons conduire une réflexion commune sur ces deux sujets.
Face à la concurrence des pays émergents, nous devons veiller à maintenir la compétitivité de nos entreprises. Cela passe aussi par une lutte déterminée contre les pratiques commerciales déloyales. L'Allemagne et la France plaident en Europe pour une politique efficace d'antidumping. Elles souhaitent aussi que l'Europe, à l'instar de leurs principaux partenaires, négocient à l'OMC le droit de donner aux PME un accès privilégié aux marchés publics. Elles sont également en pointe dans la lutte pour une meilleure protection de la propriété intellectuelle, colonne vertébrale de l'innovation.
La lutte contre le changement climatique est une priorité internationale. Le gouvernement allemand développe une politique ambitieuse en la matière. Mon gouvernement en a fait l'un des thèmes principaux de la grande concertation sur l'écologie que nous menons actuellement en France. Unissons nos efforts, comme l'ont fait la Chancelière et le Président à Heiligendamm, pour amener les Etats-Unis et les grands pays émergents à participer pleinement au dispositif qui succèdera au Protocole de Kyoto.
En matière d'énergie, nos deux pays travaillent ensemble en faveur d'une politique énergétique européenne à la fois efficace et respectueuse de l'environnement. En matière de politique spatiale, ils agissent de concert en faveur d'une véritable industrie spatiale européenne compétitive, et ils ont obtenu des réalisation prometteuses autour du système Galileo.
Enfin, dans le domaine de la gouvernance économique de la zone euro, plus que dans tout autre, évitons les malentendus. La France ne souhaite pas la modification des textes fondateurs. Elle ne remet pas en cause l'indépendance de la BCE. Elle recherche la possibilité d'un débat raisonnable et constructif. Les entreprises savent bien que le niveau actuel de notre monnaie n'est pas une donnée indifférente pour leur activité.
Je pourrais développer à l'infini la liste des domaines où nos deux pays coopèrent efficacement. Alors finissons-en avec les incompréhensions. Unissons nos efforts pour répondre aux défis immenses des prochaines années. Faisons-le avec cette audace qui, comme l'écrivait Goethe, « porte en elle génie, pouvoir et magie ».source http://www.ambafrance-de.org, le 27 septembre 2007