Texte intégral
Monsieur le Président du Conseil exécutif de l'UNESCO,
Monsieur le Président de la Conférence générale de l'UNESCO,
Monsieur le Directeur Général,
Mesdames et Messieurs les Ministres, mes chers Collègues,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et chefs des délégations permanentes
auprès de l'UNESCO.
? Je suis particulièrement heureux de participer, même brièvement , à cette 177ème session de travail qui s'inscrit dans le cadre des efforts entrepris par l'UNESCO pour contribuer au processus de réforme des Nations Unies.
Juste un mot peut être pour commencer sur le thème retenu : « faire face aux défis multidisciplinaires des sociétés du savoir et du changement climatique ». Je voudrais en effet insister sur deux aspects qui me paraissent essentiels.
Le premier c'est la notion de « défi multidisciplinaire » qui est au coeur du combat pour l'environnement. Car en effet, on constate bien aujourd'hui que tous les sujets et toutes les menaces sont liés. Qu'il existe une véritable chaîne de risques et de responsabilités. Chaîne de risques parce que les menaces interagissent les unes avec les autres. Chaîne de responsabilités parce que toutes les activités humaines contribuent, à des degrés divers, aux dérèglements climatiques : les transports, l'industrie, la construction, l'agriculture.
Il est donc absolument fondamental de décloisonner notre approche de la problématique environnementale, tant au niveau national -j'aurai d'ailleurs l'occasion de vous présenter rapidement les actions entreprises en France- qu'au niveau international.
Le second aspect sur lequel je souhaite insister c'est le fait de lier société de l'information, société du savoir et changement climatique. Dans le combat qui s'engage, l'information est absolument fondamentale. Je dirais même que tout part de l'information. Elle est aujourd'hui le plus puissant levier d'indignation et de conviction :
* Information de l'opinion publique sur les grandes urgences de la planète. La force des images est de présenter « les catastrophes en marche ». Les images ont ainsi la capacité de faire franchir un certain nombre de « seuils psychologiques » à l'opinion publique au-delà desquels l'action citoyenne se déclenche.
* Information scientifique pour disposer d'un diagnostic précis de l'état de la planète. Avant de fixer des objectifs à atteindre, il convient d'abord de savoir précisément d'où on part ; quel est le degré de l'urgence ; quelles sont les substances ou les activités nocives ; bref, retracer le fil des événements qui relie directement l'homme à la dégradation ; établir toute la relation de causes à effets afin de la briser.
* Information quotidienne aussi que l'on sous estime trop souvent. Nos concitoyens, en France ou ailleurs, sont parfaitement conscients des urgences environnementales. Ils sont prêts à agir et à s'engager. Cependant, personne n'est en mesure de répondre à la question que tout le monde se pose : « comment je fais, concrètement, tous les jours, pour protéger la planète ». Il s'agit alors de sensibiliser nos opinions publiques à tous ces gestes du quotidien qui permettent de changer la donne. Par exemple, j'ai réuni la semaine dernière l'ensemble des patrons des grands média français pour voir comment, au cours d'émissions grand public ou au sein des journaux, on peut donner des conseils pratiques aux Français pour modifier leurs comportements. Je sais que ce troisième degré de l'information pourra paraître à certains anecdotique. Mais je crois qu'au fond, la meilleure façon de militer pour la planète, c'est encore de consommer intelligemment.
Ma conviction profonde c'est que l'ONU fait face aujourd'hui à la plus grande menace qui pèse sur la paix mondiale depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. La situation va plus mal que ce que l'on dit et se dégrade plus vite que ce que l'on croit. Notre monde est confronté à un problème endémique et systémique de rareté : rareté des ressources fossiles, rareté de l'oxygène, rareté d'un climat tempéré, rareté des sols, rareté des espèces. Nous allons irrémédiablement vers l'épuisement parce que notre système de développement économique se construit en creusant les déficits écologiques. Aujourd'hui, nous prélevons plus que ce que l'écosystème peut produire. Si on ne fait rien, le choc risque d'être extrêmement brutal mettant les Gouvernements au pied du mur. Je ne vois pas comment les Gouvernements pourront gérer la pénurie, une pénurie imposée...
Mais au-delà, c'est toute l'espèce humaine qui à terme est menacée. Les conflits de demain, ils sont là. Les grandes épidémies de demain, elles sont là. Les grandes migrations humaines de demain, elles sont là. Le changement climatique est l'illustration tragique du mythe de la boîte de Pandore : une fois le couvercle ouvert, personne ne connaît l'étendue réelle des fléaux qui nous menacent. Là encore, je ne vois pas comment la gouvernance mondiale pourra gérer une pénurie imposée à l'échelle planétaire. C'est donc toute son architecture qu'il nous faut revoir. Bien entendu, la réforme des moyens opérationnels de l'ONU est importante pour disposer d'une force de frappe rationalisée et efficace dans chaque foyer d'urgence. Mais à mon avis, l'autre vrai sujet, c'est la création d'une organisation des Nations Unies globale et cohérente consacrée à la protection de l'environnement. Donc, quand vous parlez « réforme de l'ONU », je ne peux m'empêcher de penser à l'ONUE.
Je sais que ce n'est pas la seul sujet de préoccupation.
Je sais que partout dans le monde, des peuples souffrent de la guerre, de la famine, de la maladie. Qu'il faut réfléchir à de nouveaux moyens d'action et de prévention. Simplement, ma mission c'est aussi de dire que pour la France, le combat pour l'environnement est sans doute le plus grand combat laïque et humain de tous les temps ; le combat pour les Droits de l'Homme du 21ème siècle.
L'UNESCO a un rôle particulier à jouer dans cette refonte de la gouvernance mondiale autour des enjeux environnementaux. Je vois au moins trois raisons pour une implication maximale :
* D'abord, l'UNESCO joue un rôle fondamental dans les actions d'éducation notamment sur les questions environnementales.
* Ensuite, l'UNESCO n'a jamais cessé de travailler de façon totalement transversale : elle est à la fois sur des sujets économiques, sociaux, culturels. Or, la gouvernance mondiale en matière d'environnement a cruellement besoin de transversalité.
* Enfin, l'UNESCO est le trait d'union ou le dénominateur commun entre une myriade d'organisations liées à l'environnement : ONU-Eau, ONU-Océans (dont l'UNESCO assure le secrétariat), GIEC (l'UNESCO parraine avec d'autres le programme mondial de recherche sur le climat), Convention sur la diversité biologique...
Le simple énoncé de toutes ces organisations, de tous ces acteurs, démontre à lui seul qu'il manque un centre de gravité à cette galaxie. On ne peut pas mener une action efficace et de long terme avec des compétences et des moyens complètement fractionnés. Et puis c'est une question de logique : je vois mal comment aujourd'hui, on peut parler du climat sans parler des océans ; ou de biodiversité sans parler de réchauffement. On sait bien par exemple que les pôles jouent le rôle de réfrigérateur pour le reste du monde. Que la biodiversité a un impact décisif sur le climat. Que si la température augmente de seulement 2 degrés entre 15 % et 40 % des espèces seront menacées. Bref, il est grand temps de décloisonner les urgences et donc les modes opératoires. En septembre 2003 et lors de la Conférence de Paris en février 2007, la France a proposé de créer une Organisation des Nations Unies pour l'Environnement (ONUE). 52 pays se sont déjà déclarés amis de l'ONUE et soutiennent le projet. La France utilisera toute sa capacité d'action et de conviction au service de ce chantier.
? Cette puissance de conviction s'appuie sur une volonté ferme et inébranlable de se montrer exemplaire.
Je ne suis pas là pour donner des leçons mais seulement pour expliquer une démarche. L'objectif, il est simple : démontrer qu'une croissance soutenable est possible. Qu'il existe un chemin de développement de la prospérité et du respect. Qu'il vaut mieux anticiper des changements de toute façon inéluctables que de subir une société de restrictions. De nombreux économistes ou scientifiques ont inventé des systèmes prouvant que ce nouveau chemin de croissance existait. Le problème c'est qu'on n'est jamais parvenu à le démontrer, concrètement, dans les faits à l'échelle d'un Etat-Nation. Certes, des initiatives ont été prises dans les transports au Danemark par exemple ou sur les énergies renouvelables. Mais jamais aucun pays n'a tenté de réorganiser l'ensemble de ses structures économiques et sociales pour prendre le virage du développement durable. Je ne sais pas si nous y parviendrons. Peut être que la solution viendra d'ailleurs. Simplement, nous sommes en train de faire de la France un véritable laboratoire d'initiatives et d'expériences. Avec à la clef la création d'une véritable économie de l'alternative. C'est aux pays dits développés qu'il revient de démontrer que c'est possible.
La première étape fut le création d'un Ministère regroupant à la fois l'écologie, les transports, l'énergie, l'aménagement du territoire, l'habitat. C'est une expérience absolument inédite en Europe. Pour la première fois, le Ministre de l'Ecologie dispose de tous les leviers de l'alternative. Ainsi, nous avons complètement décloisonné l'action et réconcilié des compétences autrefois indépendantes voire concurrentes. Aujourd'hui, tous les périmètres des anciens ministères sont mis au service du développement durable : report modal, bâtiments à énergies positives, écologie urbaine...
La deuxième étape c'est le lancement d'une grande conférence des parties prenantes réunissant autour d'une même table l'ensemble des acteurs engagés dans le développement durable : Etat, collectivités locales, associations écologistes, partenaires sociaux. Nous avons pris le risque et la responsabilité d'un débat vrai et authentique pour poser toutes les contradictions de la société française. 300 participants, plus de mille heures de débats et un formidable bouillonnement d'idées, de propositions et d'initiatives. Nous venons juste de terminer la première étape consacrée à l'élaboration des propositions. Mais le débat continue sur des forums Internet ou dans des réunions organisées sur tout le territoire. Nous voulons que les Français s'approprient complètement les sujets ; qu'ils en parlent chez eux en famille, dans leur entreprise, dans les universités. Viendra ensuite le temps de la décision avec 15 à 20 programmes d'actions très opérationnelles dans tous les domaines : transport, construction, consommation (prix écologique),...
Ma conviction c'est que ce pari est gagnable si tout le monde avance en même temps :
C'est vrai à l'échelle d'un pays : nous allons mobiliser toute la chaîne économique, producteur, transporteur, consommateur. Nous allons sensibiliser les Français sur ces petits gestes du quotidien qui permettent de « voter en faveur de la planète ». Au fond, vous, moi, nous avons chaque jour l'occasion de prendre trois, cinq, dix décisions qui engagent en bien ou en mal l'avenir de notre monde (Exemple du Ministère : visioconférences, compensation carbone, audit).
C'est vrai aussi à l'échelle internationale : nous avons déjà réussi à mobiliser l'ensemble des Etats sur le problème de la couche d'ozone avec la signature du Protocole de Montréal dont nous fêtons les 20 ans. D'ailleurs, tout est parti de l'information : la multiplication des reportages sur le fameux « trou de la couche d'ozone » a déclenché un formidable mouvement dans l'opinion publique qui a fini par peser sur les Gouvernements. Résultat, aujourd'hui, on peut dire que le problème de la couche d'ozone est en passe de trouver une solution durable. Mon sentiment c'est que sur le climat, les esprits sont mûrs. Les choses commencent à bouger. C'est un formidable espoir à quelques mois de la conférence de Bali qui est, à bien des égards, un vrai rendez-vous de la dernière chance. Nous mettrons toutes nos forces dans la balance pour réussir l'après Kyoto et obtenir une vraie rupture sur la réduction des émissions mondiales de CO².
Alors, je ne suis ni sourd aux critiques, ni irresponsable. J'entends bien ceux qui me disent « mais tout cela va coûter trop cher ». Et le problème du coût, il est vrai au niveau « micro », c'est à dire de tous les petits arbitrages économiques du quotidien ; et il est vrai au niveau « macro », c'est à dire à l'échelle d'une économie.
Au niveau « local », c'est à dire de la France, je défends l'idée toute simple que ça ne coûte pas plus cher de prendre les transports en commun plutôt que la voiture ; que ça ne coûte pas plus cher d'économiser de l'énergie plutôt que d'en gaspiller ; que ça ne coûte pas plus cher d'utiliser des produits rechargeables plutôt que des produits jetables.
Au niveau « global », je suis convaincu que le coût de l'adaptation est bien moindre que le coût de la rupture brutale. Qu'il vaut mieux prévenir et anticiper que gérer l'incontrôlable. Que de toute façon notre système économique actuel est une impasse ; en tout cas, il est tout sauf un modèle de développement durable puisqu'il détruit son propre capital. L'écologie, ce n'est pas un coût, ni une charge mais un investissement.
Voilà ce que je voulais vous dire à l'occasion de cette 177ème session de travail. J'ai la profonde conviction que nous avons les capacités humaines, financières, technologiques de relever ce défi. J'ai aussi le sentiment que nos opinions publiques ont maintenant clairement conscience de la nécessité d'agir. Alors, j'ai envie de vous dire une chose : aidons les à passer à l'acte.
Je vous remercie. Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 3 octobre 2007
Monsieur le Président de la Conférence générale de l'UNESCO,
Monsieur le Directeur Général,
Mesdames et Messieurs les Ministres, mes chers Collègues,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et chefs des délégations permanentes
auprès de l'UNESCO.
? Je suis particulièrement heureux de participer, même brièvement , à cette 177ème session de travail qui s'inscrit dans le cadre des efforts entrepris par l'UNESCO pour contribuer au processus de réforme des Nations Unies.
Juste un mot peut être pour commencer sur le thème retenu : « faire face aux défis multidisciplinaires des sociétés du savoir et du changement climatique ». Je voudrais en effet insister sur deux aspects qui me paraissent essentiels.
Le premier c'est la notion de « défi multidisciplinaire » qui est au coeur du combat pour l'environnement. Car en effet, on constate bien aujourd'hui que tous les sujets et toutes les menaces sont liés. Qu'il existe une véritable chaîne de risques et de responsabilités. Chaîne de risques parce que les menaces interagissent les unes avec les autres. Chaîne de responsabilités parce que toutes les activités humaines contribuent, à des degrés divers, aux dérèglements climatiques : les transports, l'industrie, la construction, l'agriculture.
Il est donc absolument fondamental de décloisonner notre approche de la problématique environnementale, tant au niveau national -j'aurai d'ailleurs l'occasion de vous présenter rapidement les actions entreprises en France- qu'au niveau international.
Le second aspect sur lequel je souhaite insister c'est le fait de lier société de l'information, société du savoir et changement climatique. Dans le combat qui s'engage, l'information est absolument fondamentale. Je dirais même que tout part de l'information. Elle est aujourd'hui le plus puissant levier d'indignation et de conviction :
* Information de l'opinion publique sur les grandes urgences de la planète. La force des images est de présenter « les catastrophes en marche ». Les images ont ainsi la capacité de faire franchir un certain nombre de « seuils psychologiques » à l'opinion publique au-delà desquels l'action citoyenne se déclenche.
* Information scientifique pour disposer d'un diagnostic précis de l'état de la planète. Avant de fixer des objectifs à atteindre, il convient d'abord de savoir précisément d'où on part ; quel est le degré de l'urgence ; quelles sont les substances ou les activités nocives ; bref, retracer le fil des événements qui relie directement l'homme à la dégradation ; établir toute la relation de causes à effets afin de la briser.
* Information quotidienne aussi que l'on sous estime trop souvent. Nos concitoyens, en France ou ailleurs, sont parfaitement conscients des urgences environnementales. Ils sont prêts à agir et à s'engager. Cependant, personne n'est en mesure de répondre à la question que tout le monde se pose : « comment je fais, concrètement, tous les jours, pour protéger la planète ». Il s'agit alors de sensibiliser nos opinions publiques à tous ces gestes du quotidien qui permettent de changer la donne. Par exemple, j'ai réuni la semaine dernière l'ensemble des patrons des grands média français pour voir comment, au cours d'émissions grand public ou au sein des journaux, on peut donner des conseils pratiques aux Français pour modifier leurs comportements. Je sais que ce troisième degré de l'information pourra paraître à certains anecdotique. Mais je crois qu'au fond, la meilleure façon de militer pour la planète, c'est encore de consommer intelligemment.
Ma conviction profonde c'est que l'ONU fait face aujourd'hui à la plus grande menace qui pèse sur la paix mondiale depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. La situation va plus mal que ce que l'on dit et se dégrade plus vite que ce que l'on croit. Notre monde est confronté à un problème endémique et systémique de rareté : rareté des ressources fossiles, rareté de l'oxygène, rareté d'un climat tempéré, rareté des sols, rareté des espèces. Nous allons irrémédiablement vers l'épuisement parce que notre système de développement économique se construit en creusant les déficits écologiques. Aujourd'hui, nous prélevons plus que ce que l'écosystème peut produire. Si on ne fait rien, le choc risque d'être extrêmement brutal mettant les Gouvernements au pied du mur. Je ne vois pas comment les Gouvernements pourront gérer la pénurie, une pénurie imposée...
Mais au-delà, c'est toute l'espèce humaine qui à terme est menacée. Les conflits de demain, ils sont là. Les grandes épidémies de demain, elles sont là. Les grandes migrations humaines de demain, elles sont là. Le changement climatique est l'illustration tragique du mythe de la boîte de Pandore : une fois le couvercle ouvert, personne ne connaît l'étendue réelle des fléaux qui nous menacent. Là encore, je ne vois pas comment la gouvernance mondiale pourra gérer une pénurie imposée à l'échelle planétaire. C'est donc toute son architecture qu'il nous faut revoir. Bien entendu, la réforme des moyens opérationnels de l'ONU est importante pour disposer d'une force de frappe rationalisée et efficace dans chaque foyer d'urgence. Mais à mon avis, l'autre vrai sujet, c'est la création d'une organisation des Nations Unies globale et cohérente consacrée à la protection de l'environnement. Donc, quand vous parlez « réforme de l'ONU », je ne peux m'empêcher de penser à l'ONUE.
Je sais que ce n'est pas la seul sujet de préoccupation.
Je sais que partout dans le monde, des peuples souffrent de la guerre, de la famine, de la maladie. Qu'il faut réfléchir à de nouveaux moyens d'action et de prévention. Simplement, ma mission c'est aussi de dire que pour la France, le combat pour l'environnement est sans doute le plus grand combat laïque et humain de tous les temps ; le combat pour les Droits de l'Homme du 21ème siècle.
L'UNESCO a un rôle particulier à jouer dans cette refonte de la gouvernance mondiale autour des enjeux environnementaux. Je vois au moins trois raisons pour une implication maximale :
* D'abord, l'UNESCO joue un rôle fondamental dans les actions d'éducation notamment sur les questions environnementales.
* Ensuite, l'UNESCO n'a jamais cessé de travailler de façon totalement transversale : elle est à la fois sur des sujets économiques, sociaux, culturels. Or, la gouvernance mondiale en matière d'environnement a cruellement besoin de transversalité.
* Enfin, l'UNESCO est le trait d'union ou le dénominateur commun entre une myriade d'organisations liées à l'environnement : ONU-Eau, ONU-Océans (dont l'UNESCO assure le secrétariat), GIEC (l'UNESCO parraine avec d'autres le programme mondial de recherche sur le climat), Convention sur la diversité biologique...
Le simple énoncé de toutes ces organisations, de tous ces acteurs, démontre à lui seul qu'il manque un centre de gravité à cette galaxie. On ne peut pas mener une action efficace et de long terme avec des compétences et des moyens complètement fractionnés. Et puis c'est une question de logique : je vois mal comment aujourd'hui, on peut parler du climat sans parler des océans ; ou de biodiversité sans parler de réchauffement. On sait bien par exemple que les pôles jouent le rôle de réfrigérateur pour le reste du monde. Que la biodiversité a un impact décisif sur le climat. Que si la température augmente de seulement 2 degrés entre 15 % et 40 % des espèces seront menacées. Bref, il est grand temps de décloisonner les urgences et donc les modes opératoires. En septembre 2003 et lors de la Conférence de Paris en février 2007, la France a proposé de créer une Organisation des Nations Unies pour l'Environnement (ONUE). 52 pays se sont déjà déclarés amis de l'ONUE et soutiennent le projet. La France utilisera toute sa capacité d'action et de conviction au service de ce chantier.
? Cette puissance de conviction s'appuie sur une volonté ferme et inébranlable de se montrer exemplaire.
Je ne suis pas là pour donner des leçons mais seulement pour expliquer une démarche. L'objectif, il est simple : démontrer qu'une croissance soutenable est possible. Qu'il existe un chemin de développement de la prospérité et du respect. Qu'il vaut mieux anticiper des changements de toute façon inéluctables que de subir une société de restrictions. De nombreux économistes ou scientifiques ont inventé des systèmes prouvant que ce nouveau chemin de croissance existait. Le problème c'est qu'on n'est jamais parvenu à le démontrer, concrètement, dans les faits à l'échelle d'un Etat-Nation. Certes, des initiatives ont été prises dans les transports au Danemark par exemple ou sur les énergies renouvelables. Mais jamais aucun pays n'a tenté de réorganiser l'ensemble de ses structures économiques et sociales pour prendre le virage du développement durable. Je ne sais pas si nous y parviendrons. Peut être que la solution viendra d'ailleurs. Simplement, nous sommes en train de faire de la France un véritable laboratoire d'initiatives et d'expériences. Avec à la clef la création d'une véritable économie de l'alternative. C'est aux pays dits développés qu'il revient de démontrer que c'est possible.
La première étape fut le création d'un Ministère regroupant à la fois l'écologie, les transports, l'énergie, l'aménagement du territoire, l'habitat. C'est une expérience absolument inédite en Europe. Pour la première fois, le Ministre de l'Ecologie dispose de tous les leviers de l'alternative. Ainsi, nous avons complètement décloisonné l'action et réconcilié des compétences autrefois indépendantes voire concurrentes. Aujourd'hui, tous les périmètres des anciens ministères sont mis au service du développement durable : report modal, bâtiments à énergies positives, écologie urbaine...
La deuxième étape c'est le lancement d'une grande conférence des parties prenantes réunissant autour d'une même table l'ensemble des acteurs engagés dans le développement durable : Etat, collectivités locales, associations écologistes, partenaires sociaux. Nous avons pris le risque et la responsabilité d'un débat vrai et authentique pour poser toutes les contradictions de la société française. 300 participants, plus de mille heures de débats et un formidable bouillonnement d'idées, de propositions et d'initiatives. Nous venons juste de terminer la première étape consacrée à l'élaboration des propositions. Mais le débat continue sur des forums Internet ou dans des réunions organisées sur tout le territoire. Nous voulons que les Français s'approprient complètement les sujets ; qu'ils en parlent chez eux en famille, dans leur entreprise, dans les universités. Viendra ensuite le temps de la décision avec 15 à 20 programmes d'actions très opérationnelles dans tous les domaines : transport, construction, consommation (prix écologique),...
Ma conviction c'est que ce pari est gagnable si tout le monde avance en même temps :
C'est vrai à l'échelle d'un pays : nous allons mobiliser toute la chaîne économique, producteur, transporteur, consommateur. Nous allons sensibiliser les Français sur ces petits gestes du quotidien qui permettent de « voter en faveur de la planète ». Au fond, vous, moi, nous avons chaque jour l'occasion de prendre trois, cinq, dix décisions qui engagent en bien ou en mal l'avenir de notre monde (Exemple du Ministère : visioconférences, compensation carbone, audit).
C'est vrai aussi à l'échelle internationale : nous avons déjà réussi à mobiliser l'ensemble des Etats sur le problème de la couche d'ozone avec la signature du Protocole de Montréal dont nous fêtons les 20 ans. D'ailleurs, tout est parti de l'information : la multiplication des reportages sur le fameux « trou de la couche d'ozone » a déclenché un formidable mouvement dans l'opinion publique qui a fini par peser sur les Gouvernements. Résultat, aujourd'hui, on peut dire que le problème de la couche d'ozone est en passe de trouver une solution durable. Mon sentiment c'est que sur le climat, les esprits sont mûrs. Les choses commencent à bouger. C'est un formidable espoir à quelques mois de la conférence de Bali qui est, à bien des égards, un vrai rendez-vous de la dernière chance. Nous mettrons toutes nos forces dans la balance pour réussir l'après Kyoto et obtenir une vraie rupture sur la réduction des émissions mondiales de CO².
Alors, je ne suis ni sourd aux critiques, ni irresponsable. J'entends bien ceux qui me disent « mais tout cela va coûter trop cher ». Et le problème du coût, il est vrai au niveau « micro », c'est à dire de tous les petits arbitrages économiques du quotidien ; et il est vrai au niveau « macro », c'est à dire à l'échelle d'une économie.
Au niveau « local », c'est à dire de la France, je défends l'idée toute simple que ça ne coûte pas plus cher de prendre les transports en commun plutôt que la voiture ; que ça ne coûte pas plus cher d'économiser de l'énergie plutôt que d'en gaspiller ; que ça ne coûte pas plus cher d'utiliser des produits rechargeables plutôt que des produits jetables.
Au niveau « global », je suis convaincu que le coût de l'adaptation est bien moindre que le coût de la rupture brutale. Qu'il vaut mieux prévenir et anticiper que gérer l'incontrôlable. Que de toute façon notre système économique actuel est une impasse ; en tout cas, il est tout sauf un modèle de développement durable puisqu'il détruit son propre capital. L'écologie, ce n'est pas un coût, ni une charge mais un investissement.
Voilà ce que je voulais vous dire à l'occasion de cette 177ème session de travail. J'ai la profonde conviction que nous avons les capacités humaines, financières, technologiques de relever ce défi. J'ai aussi le sentiment que nos opinions publiques ont maintenant clairement conscience de la nécessité d'agir. Alors, j'ai envie de vous dire une chose : aidons les à passer à l'acte.
Je vous remercie. Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 3 octobre 2007