Texte intégral
La CFDT a fait le choix de la confrontation directe des points de vue et des propositions. Une confrontation qu'elle mène sans tabous quant aux thèmes, à l'interne comme à l'externe, et sans exclusive quant aux interlocuteurs politiques de gauche comme de droite (exception faite des extrêmes). Telle qu'en témoigne notre démarche de rencontre et d'interpellation durant la campagne présidentielle, tels que le montrent également les thèmes difficiles que nous avons osé mettre en débat à notre dernier congrès. Je pense entre autres au service minimum, au contrat de travail, aux retraites, à la dette et à l'environnement.
Cette pratique de confrontation large s'inscrit dans notre démarche d'autonomie qui a fait du chemin depuis les leçons tirées des assises du socialisme des années 70 et la mise en oeuvre du recentrage sur notre métier de syndicaliste des années 80.
L'autonomie à l'égard de tout parti comme de toute idéologie fait aujourd'hui partie intégrante de l'identité de la CFDT.
Ce n'est pas un chemin semé de roses et si je rappelle avec insistance l'attachement à notre autonomie, c'est parce que la gauche et le PS en l'occurrence, persistent dans les faits à ne pas toujours l'admettre.
Les exemples de ce refus abondent : la réforme des retraites est le plus éclairant quand le principal reproche fait à la CFDT, voire le seul en réalité, ne tient pas tant au contenu de la réforme même s'il n'est pas parfait, mais d'avoir osé soutenir une réforme menée par un gouvernement de droite.
Vous n'imaginez pas les dégâts qu'ont pu faire chez nos militants et nos sympathisants les déclarations provocatrices au sein du PS appelant ceux qui ont soutenu la réforme des retraites d'un gouvernement de droite à voter dans le même sens à la présidentielle.
Au-delà du mépris affiché, quelle inconséquence politique !
Sans revenir sur ce qui a été dit aujourd'hui sur les causes de la défaite dans la campagne présidentielle, je voudrais retenir deux éléments qui me paraissent symptomatiques des difficultés de la gauche, du PS en l'espèce.
- Le boomerang des 35h par la loi (sondage TNS)
- la pression des minima sociaux, de la CMU sur la valeur travail.
Le manque de bilan, d'analyse, de propositions sur ces questions sur lesquelles se greffent beaucoup d'inégalités, a conforté l'idée que le PS oubliait le travail, en particulier des moins favorisés.
Au point que la droite a pu le capter sans encombre par son discours sur la valeur travail et lui imprimer comme une évidence le mirage du « travailler plus pour gagner plus ».
Le déficit de diagnostic de ce qu'est aujourd'hui le monde du travail, de ses difficultés et de ses attentes est sans aucun doute la principale faiblesse. Tant que le PS ne fera pas une place en interne à des militants venant de la société civile et du syndicalisme et qu'il ne sera pas dirigé que par des fonctionnaires, cela n'évoluera pas. Il ne s'agit pas de se contenter de leur prendre leurs idées mais bien de leur faire une place !
C'est un défi permanent pour nous tous mais la gauche accuse à mon sens un retard manifeste qui tient d'abord au fait qu'elle n'est toujours pas au clair sur l'économie de marché.
Sous la pression de l'extrême gauche, on assiste à une oscillation entre rejet et diabolisation.
Le mythe d'un système alternatif global rode toujours et entrave la construction d'une pensée critique et constructive à l'égard de celle- ci.
Agir et peser sur l'économie de marché, c'est non pas l'accepter telle qu'elle mais reconnaître son existence, sa logique et parfois ses contraintes.
Concernant la mondialisation, l'attitude est la même. Longtemps marquée par un discours alternatif comme s'il s'agissait de faire le choix entre accepter ou refuser la mondialisation alors qu'elle est là et qu'elle n'est pas uniquement synonyme d'effets négatifs.
Cette posture dénonciatrice porteuse d'aucune piste de transformation économique et sociale a pour conséquence le retard criant au niveau national comme européen de la construction d'une régulation efficace et contraignante.
Je pense qu'au fond le PS n'a jamais clairement rompu avec son engagement, en 81, de rupture avec le capitalisme au point qu'il n'ose plus en faire la critique.
Au pouvoir, il a composé avec la réalité et ses contraintes sans le dire vraiment, sans le conceptualiser : pratiquant un réformisme honteux non assumé, encore moins valorisé, affaiblissant du même coup l'idée même de réforme.
Dans l'opposition, misant paresseusement à terme sur la logique de l'alternance et le vote sanction, il a le plus souvent pratiqué l'opposition frontale peu soucieuse du respect et de la cohérence de la parole politique.
Comment ne pas être en colère, atterré et inquiet par exemple devant ceux qui vous reprochent d'avoir soutenu une réforme dont ils avaient, quasi au mot près, adopté le contenu quelques mois avant dans les colonnes de leur propre programme.
(je veux citer ici l'Hebdo des socialistes de février 2002).
Le second point sur lequel, la gauche n'est toujours pas au clair c'est le rôle et la place du syndicalisme et plus largement de la société civile.
Elle demeure, même si elle s'en défend, animée par une vision du syndicalisme du refus ; de celui qui est là pour dire non, pour exprimer les problèmes qu'il appartient au politique seul de régler.
Le propos peut paraître sans nuance mais quand on passe des déclarations d'intention aux exercices pratiques, il n'y a pas de véritable reconnaissance de l'autonomie syndicale.
La négociation et les partenaires sociaux restent perçus comme concurrents du pouvoir politique et législatif et incapables de construire une transformation sociale digne de ce nom.
J'en veux pour preuve le bras de fer qui nous a durement opposés au gouvernement Jospin sur la mise en oeuvre de l'accompagnement des chômeurs (PARE). Grossièrement accusés de vouloir contraindre les chômeurs à retrouver sous la pression un emploi. On en est aujourd'hui à regarder comment ce type d'accompagnement peut bénéficier à tous les demandeurs d'emploi. Ce fut d'ailleurs un des thèmes présents dans la campagne présidentielle.
J'ai aussi clairement à l'esprit le dossier des intermittents et l'incapacité de la gauche à admettre qu'une politique culturelle n'a pas à être financée par les cotisations sociales des salariés, a fortiori des plus modestes mais par l'impôt après un débat national clair qui devrait faire consensus.
Je pense aussi, c'est plus récent, à l'abstention du PS (on a frisé le vote contre) sur la loi sur le dialogue social. Une loi que les partenaires sociaux revendiquaient depuis longtemps et qui prévoit que désormais sur les champs qui les concernent, ils doivent avoir la main et pouvoir négocier s'ils le souhaitent avant toute initiative gouvernementale ou parlementaire.
Cette loi est aujourd'hui avec le débat parlementaire, à condition qu'il soit constructif, le seul outil de contre-pouvoir, la seule digue posée face au rouleau compresseur du volontarisme débordant du Président et de son gouvernement.
Quand je parle d'un débat parlementaire constructif, je pense au débat décevant sur le service minimum.
Le transport est un souci quotidien pour un grand nombre de salariés. Cette question méritait que l'opposition ait une position plus à l'écoute des usagers et davantage tournée vers l'intérêt général. Ce n'est la perception qu'a donnée le débat parlementaire focalisé sur un intérêt particulier qui relève de l'action syndicale (cf l'appréciation sur le service minimum dans le sondage). La prise en compte de l'intérêt général n'entravant en rien la capacité d'amendements constructifs sur la mise en oeuvre du service minimum.
Du syndicat courroie de transmission du politique, on est passé sur bien des sujets au politique courroie de transmission du syndicat y compris parfois dans ses demandes les plus corporatistes, au détriment du rôle d'arbitrage et de l'intérêt général. Quelle compréhension, quelle crédibilité pour les salariés et plus largement pour les citoyens ?
La démocratie sociale comme la démocratie politique a besoin de forces politiques capables de consensus sur des enjeux qui dépassent ou traversent tous les partis.
Alors quelles sont nos attentes, quels nouveaux rapports possibles entre les politiques et les syndicats ?
Nous attendons des politiques, de leur parti et de la gauche en particulier :
- une vision du monde tel qu'il est
- une capacité d'arbitrer en interne et de respecter ces arbitrages
- la mise en oeuvre d'une doctrine claire qui ne soit pas la synthèse molle ou le plus petit dénominateur commun
- une pratique de confrontation franche avec la société civile et respectueuse de son autonomie de pensée et d'action
- enfin, accepter que les partenaires sociaux construisent des compromis (ex sur le marché du travail)
Ces évolutions que nous attendons des politiques, nous les voulons aussi pour nous-mêmes car j'entends bien qu'il faille aussi balayer devant notre porte.
La faiblesse du mouvement syndical et de sa représentativité dans certaines catégories du salariat, les plus nouvelles et les plus fragiles, comme dans certaines entreprises, les plus petites en général, nous impose outre une certaine modestie, une remise en question.
Elle impose surtout un sursaut rapide pour asseoir une légitimité non contestable et indispensable à la conduite des évolutions nécessaires. Nous sommes bien loin des trente glorieuses et de la figure du syndicalisme industriel détenant la vérité et les attentes de tout le mouvement ouvrier.
Je ne reviendrai pas ici sur les propositions que nous avons faites en commun avec la CGT pour avancer sur cet objectif de renforcement de la légitimité syndicale, vous les connaissez.
Fort de cette démarche d'évolution, la meilleure façon de faire progresser les rapports du politique et du syndicalisme n'est certainement pas pour moi, la « participation intégrée » nous en avons fait l'expérience je l'ai dit, elle fait partie du passé.
Et sur ce point, il reste à clarifier l'idée que peuvent se faire certains de la sociale démocratie. Rappelons-le, historiquement basée sur la relation organique qui lie parti et syndicat, elle est aujourd'hui remise en cause chez beaucoup de nos voisins européens qui l'incarnent et la pratiquent.
C'est la confrontation directe, transparente et organisée des constats et des idées à l'image d'une démocratie vivante et vivifiante qu'il faut promouvoir.
Je retiens d'ailleurs que le sondage fait valoir que la rénovation des idées de la gauche est autant attendue de la société civile que de ses militants et bien plus que de ses dirigeants.
C'est donc à une ouverture et une confrontation large qu'appellent les constats de ce sondage.
Cette ouverture aux autres, la CFDT l'a inscrite dans ses priorités et les partenariats qu'elles mènent : qu'il s'agisse des autres organisations syndicales nationales, européennes ou internationales, des ONG, du mouvement mutualiste...
Aucun des défis que nous avons à affronter peut nous permettre d'agir seul, les uns comme les autres, qu'il s'agisse des questions d'environnement, de régulation économique, de vieillissement de la population ou encore de système de santé.
Ne pas agir seul ne signifie pas que chacun n'a pas à prendre ses propres responsabilités, à s'engager et à tenir ses engagements.
Pour ce qui nous concerne nous continuerons à nous engager à la place qui est la nôtre, celle d'une organisation confédérée qui a pour mission de défendre l'intérêt collectif des salariés et de contribuer à définir l'intérêt général.
Pour y répondre nous devrons au-delà du rapport de force à mener avec le patronat continuer à faire les arbitrages nécessaires entre les intérêts des salariés, même si c'est dur.
Notre tâche ni facile ni exempte d'erreurs, elle se heurte à tous les conservatismes mais j'ai la conviction que notre démarche est de mieux en mieux comprise, et je souhaite qu'elle le soit encore davantage et en particulier de la gauche....de gouvernement. Tout en souhaitant aux Gracques de l'aider à le faire.Source http://www.lesgracques.fr, le 14 septembre 2007
Cette pratique de confrontation large s'inscrit dans notre démarche d'autonomie qui a fait du chemin depuis les leçons tirées des assises du socialisme des années 70 et la mise en oeuvre du recentrage sur notre métier de syndicaliste des années 80.
L'autonomie à l'égard de tout parti comme de toute idéologie fait aujourd'hui partie intégrante de l'identité de la CFDT.
Ce n'est pas un chemin semé de roses et si je rappelle avec insistance l'attachement à notre autonomie, c'est parce que la gauche et le PS en l'occurrence, persistent dans les faits à ne pas toujours l'admettre.
Les exemples de ce refus abondent : la réforme des retraites est le plus éclairant quand le principal reproche fait à la CFDT, voire le seul en réalité, ne tient pas tant au contenu de la réforme même s'il n'est pas parfait, mais d'avoir osé soutenir une réforme menée par un gouvernement de droite.
Vous n'imaginez pas les dégâts qu'ont pu faire chez nos militants et nos sympathisants les déclarations provocatrices au sein du PS appelant ceux qui ont soutenu la réforme des retraites d'un gouvernement de droite à voter dans le même sens à la présidentielle.
Au-delà du mépris affiché, quelle inconséquence politique !
Sans revenir sur ce qui a été dit aujourd'hui sur les causes de la défaite dans la campagne présidentielle, je voudrais retenir deux éléments qui me paraissent symptomatiques des difficultés de la gauche, du PS en l'espèce.
- Le boomerang des 35h par la loi (sondage TNS)
- la pression des minima sociaux, de la CMU sur la valeur travail.
Le manque de bilan, d'analyse, de propositions sur ces questions sur lesquelles se greffent beaucoup d'inégalités, a conforté l'idée que le PS oubliait le travail, en particulier des moins favorisés.
Au point que la droite a pu le capter sans encombre par son discours sur la valeur travail et lui imprimer comme une évidence le mirage du « travailler plus pour gagner plus ».
Le déficit de diagnostic de ce qu'est aujourd'hui le monde du travail, de ses difficultés et de ses attentes est sans aucun doute la principale faiblesse. Tant que le PS ne fera pas une place en interne à des militants venant de la société civile et du syndicalisme et qu'il ne sera pas dirigé que par des fonctionnaires, cela n'évoluera pas. Il ne s'agit pas de se contenter de leur prendre leurs idées mais bien de leur faire une place !
C'est un défi permanent pour nous tous mais la gauche accuse à mon sens un retard manifeste qui tient d'abord au fait qu'elle n'est toujours pas au clair sur l'économie de marché.
Sous la pression de l'extrême gauche, on assiste à une oscillation entre rejet et diabolisation.
Le mythe d'un système alternatif global rode toujours et entrave la construction d'une pensée critique et constructive à l'égard de celle- ci.
Agir et peser sur l'économie de marché, c'est non pas l'accepter telle qu'elle mais reconnaître son existence, sa logique et parfois ses contraintes.
Concernant la mondialisation, l'attitude est la même. Longtemps marquée par un discours alternatif comme s'il s'agissait de faire le choix entre accepter ou refuser la mondialisation alors qu'elle est là et qu'elle n'est pas uniquement synonyme d'effets négatifs.
Cette posture dénonciatrice porteuse d'aucune piste de transformation économique et sociale a pour conséquence le retard criant au niveau national comme européen de la construction d'une régulation efficace et contraignante.
Je pense qu'au fond le PS n'a jamais clairement rompu avec son engagement, en 81, de rupture avec le capitalisme au point qu'il n'ose plus en faire la critique.
Au pouvoir, il a composé avec la réalité et ses contraintes sans le dire vraiment, sans le conceptualiser : pratiquant un réformisme honteux non assumé, encore moins valorisé, affaiblissant du même coup l'idée même de réforme.
Dans l'opposition, misant paresseusement à terme sur la logique de l'alternance et le vote sanction, il a le plus souvent pratiqué l'opposition frontale peu soucieuse du respect et de la cohérence de la parole politique.
Comment ne pas être en colère, atterré et inquiet par exemple devant ceux qui vous reprochent d'avoir soutenu une réforme dont ils avaient, quasi au mot près, adopté le contenu quelques mois avant dans les colonnes de leur propre programme.
(je veux citer ici l'Hebdo des socialistes de février 2002).
Le second point sur lequel, la gauche n'est toujours pas au clair c'est le rôle et la place du syndicalisme et plus largement de la société civile.
Elle demeure, même si elle s'en défend, animée par une vision du syndicalisme du refus ; de celui qui est là pour dire non, pour exprimer les problèmes qu'il appartient au politique seul de régler.
Le propos peut paraître sans nuance mais quand on passe des déclarations d'intention aux exercices pratiques, il n'y a pas de véritable reconnaissance de l'autonomie syndicale.
La négociation et les partenaires sociaux restent perçus comme concurrents du pouvoir politique et législatif et incapables de construire une transformation sociale digne de ce nom.
J'en veux pour preuve le bras de fer qui nous a durement opposés au gouvernement Jospin sur la mise en oeuvre de l'accompagnement des chômeurs (PARE). Grossièrement accusés de vouloir contraindre les chômeurs à retrouver sous la pression un emploi. On en est aujourd'hui à regarder comment ce type d'accompagnement peut bénéficier à tous les demandeurs d'emploi. Ce fut d'ailleurs un des thèmes présents dans la campagne présidentielle.
J'ai aussi clairement à l'esprit le dossier des intermittents et l'incapacité de la gauche à admettre qu'une politique culturelle n'a pas à être financée par les cotisations sociales des salariés, a fortiori des plus modestes mais par l'impôt après un débat national clair qui devrait faire consensus.
Je pense aussi, c'est plus récent, à l'abstention du PS (on a frisé le vote contre) sur la loi sur le dialogue social. Une loi que les partenaires sociaux revendiquaient depuis longtemps et qui prévoit que désormais sur les champs qui les concernent, ils doivent avoir la main et pouvoir négocier s'ils le souhaitent avant toute initiative gouvernementale ou parlementaire.
Cette loi est aujourd'hui avec le débat parlementaire, à condition qu'il soit constructif, le seul outil de contre-pouvoir, la seule digue posée face au rouleau compresseur du volontarisme débordant du Président et de son gouvernement.
Quand je parle d'un débat parlementaire constructif, je pense au débat décevant sur le service minimum.
Le transport est un souci quotidien pour un grand nombre de salariés. Cette question méritait que l'opposition ait une position plus à l'écoute des usagers et davantage tournée vers l'intérêt général. Ce n'est la perception qu'a donnée le débat parlementaire focalisé sur un intérêt particulier qui relève de l'action syndicale (cf l'appréciation sur le service minimum dans le sondage). La prise en compte de l'intérêt général n'entravant en rien la capacité d'amendements constructifs sur la mise en oeuvre du service minimum.
Du syndicat courroie de transmission du politique, on est passé sur bien des sujets au politique courroie de transmission du syndicat y compris parfois dans ses demandes les plus corporatistes, au détriment du rôle d'arbitrage et de l'intérêt général. Quelle compréhension, quelle crédibilité pour les salariés et plus largement pour les citoyens ?
La démocratie sociale comme la démocratie politique a besoin de forces politiques capables de consensus sur des enjeux qui dépassent ou traversent tous les partis.
Alors quelles sont nos attentes, quels nouveaux rapports possibles entre les politiques et les syndicats ?
Nous attendons des politiques, de leur parti et de la gauche en particulier :
- une vision du monde tel qu'il est
- une capacité d'arbitrer en interne et de respecter ces arbitrages
- la mise en oeuvre d'une doctrine claire qui ne soit pas la synthèse molle ou le plus petit dénominateur commun
- une pratique de confrontation franche avec la société civile et respectueuse de son autonomie de pensée et d'action
- enfin, accepter que les partenaires sociaux construisent des compromis (ex sur le marché du travail)
Ces évolutions que nous attendons des politiques, nous les voulons aussi pour nous-mêmes car j'entends bien qu'il faille aussi balayer devant notre porte.
La faiblesse du mouvement syndical et de sa représentativité dans certaines catégories du salariat, les plus nouvelles et les plus fragiles, comme dans certaines entreprises, les plus petites en général, nous impose outre une certaine modestie, une remise en question.
Elle impose surtout un sursaut rapide pour asseoir une légitimité non contestable et indispensable à la conduite des évolutions nécessaires. Nous sommes bien loin des trente glorieuses et de la figure du syndicalisme industriel détenant la vérité et les attentes de tout le mouvement ouvrier.
Je ne reviendrai pas ici sur les propositions que nous avons faites en commun avec la CGT pour avancer sur cet objectif de renforcement de la légitimité syndicale, vous les connaissez.
Fort de cette démarche d'évolution, la meilleure façon de faire progresser les rapports du politique et du syndicalisme n'est certainement pas pour moi, la « participation intégrée » nous en avons fait l'expérience je l'ai dit, elle fait partie du passé.
Et sur ce point, il reste à clarifier l'idée que peuvent se faire certains de la sociale démocratie. Rappelons-le, historiquement basée sur la relation organique qui lie parti et syndicat, elle est aujourd'hui remise en cause chez beaucoup de nos voisins européens qui l'incarnent et la pratiquent.
C'est la confrontation directe, transparente et organisée des constats et des idées à l'image d'une démocratie vivante et vivifiante qu'il faut promouvoir.
Je retiens d'ailleurs que le sondage fait valoir que la rénovation des idées de la gauche est autant attendue de la société civile que de ses militants et bien plus que de ses dirigeants.
C'est donc à une ouverture et une confrontation large qu'appellent les constats de ce sondage.
Cette ouverture aux autres, la CFDT l'a inscrite dans ses priorités et les partenariats qu'elles mènent : qu'il s'agisse des autres organisations syndicales nationales, européennes ou internationales, des ONG, du mouvement mutualiste...
Aucun des défis que nous avons à affronter peut nous permettre d'agir seul, les uns comme les autres, qu'il s'agisse des questions d'environnement, de régulation économique, de vieillissement de la population ou encore de système de santé.
Ne pas agir seul ne signifie pas que chacun n'a pas à prendre ses propres responsabilités, à s'engager et à tenir ses engagements.
Pour ce qui nous concerne nous continuerons à nous engager à la place qui est la nôtre, celle d'une organisation confédérée qui a pour mission de défendre l'intérêt collectif des salariés et de contribuer à définir l'intérêt général.
Pour y répondre nous devrons au-delà du rapport de force à mener avec le patronat continuer à faire les arbitrages nécessaires entre les intérêts des salariés, même si c'est dur.
Notre tâche ni facile ni exempte d'erreurs, elle se heurte à tous les conservatismes mais j'ai la conviction que notre démarche est de mieux en mieux comprise, et je souhaite qu'elle le soit encore davantage et en particulier de la gauche....de gouvernement. Tout en souhaitant aux Gracques de l'aider à le faire.Source http://www.lesgracques.fr, le 14 septembre 2007