Interview de M. Jean-Michel Lemétayer, secrétaire général de la FNSEA, à France Info le 12 septembre 2007, sur la politique agricole, la production agricole et la remise en production des terres en jachère.

Prononcé le

Média : France Info

Texte intégral

Q- C'était hier le premier grand oral de N. Sarkozy, président, face aux agriculteurs. Passage réussi ?
R- On va dire plutôt oui, même s'il a fait une visite express dans les allées, je pense que l'accueil a été chaleureux de la part des éleveurs et des producteurs. Et puis, ce qui est plus important, c'est évidemment le discours qu'il a tenu. On n'est pas surpris sur sa volonté d'avancer quant à la réforme de la politique agricole européenne. J'ai tendance à dire rendez-vous en 2008, parce qu'il a beaucoup fixé ce cap par rapport à la réflexion qu'il souhaite faire mener avec ses collègues européens, chefs d'état et de gouvernement lorsque la France présidera l'Europe.
Q- Au second semestre 2008. C'est un changement quand même pour vous, et pour le monde agricole, Sarkozy l'urbain, ce n'est pas J. Chirac.
R- C'est vrai que ce n'est pas le président de la République (sic), mais quand j'ai été interrogé sur cette question avant la présidentielle, pour nous, je répondais la chose suivante et je n'ai pas changé : ce qui compte, ce sont les orientations et la détermination de la personne à mettre une politique agricole en oeuvre. Donc le président de la République s'est exprimé hier, a affiché de manière offensive une volonté à faire avancer les dossiers de politique agricole en resituant bien les sujets, c'est-à-dire que depuis le temps que nous disons qu'il vaudrait mieux que les producteurs vivent de la vente de leurs produits plutôt que d'avoir des débats permanents sur les soutiens à l'agriculture, c'est une bonne direction. S'il se donne rendez-vous à l'an prochain, c'est que d'ici là, il y a quelques négociations comme celles de l'OMC qui pourraient très vite venir contrebalancer de telles volontés.
Q- C'est un sujet qu'il avait effectivement abordé lors de la campagne électorale. Vous parliez des subventions, justement, il est applaudi quand il dit qu'il faut baisser le nombre et faire plus de production. Le PS, lui, dit ce matin, "attention, on voit se profiler la baisse des subventions avec l'arrivée de N. Sarkozy" ; est-ce quelque chose que la profession redoute ou pas du tout ?
R- On serait en droit de redouter cette approche de la réduction des subventions si dans le même temps le président de la République n'affichait pas la volonté et beaucoup de détermination quant à assurer la préférence communautaire et que lorsqu'il - parce que tout est lié - défend plutôt une politique des prix, il défend les produits agricoles européens au regard d'importations qui n'auraient pas les mêmes exigences en matière environnementale, sociale, en matière de qualité. Et évidemment, cela va ensemble. C'est vrai que si l'on venait à réduire les subventions - "les soutiens", on va dire - et que, dans le même temps, à l'OMC, on ouvrait davantage les frontières européennes sans avoir les mêmes exigences sur les produits, on mettrait très fortement l'agriculture en difficulté. Donc il faut regarder l'ensemble des orientations défendues par le président de la République pour être d'accord ou pas d'accord.
Q- Le discours reste quand même très général pour l'instant. Il est très applaudi, certes, mais vous dites qu'on attend les premiers résultats. Sur le papier, quand même, cette politique vous convient ?
R- Pourquoi dis-je que l'on attend, tout simplement parce que la bataille va être rude. Les orientations prises au plan européen depuis 1992 avec l'abandon, année après année, des mécanismes de gestion de marché et plus récemment mettant en place ce que l'on a appelé le découplage des aides, c'est-à-dire qu'à la limite, un producteur peut toucher des aides sans même avoir besoin de produire, j'allais dire que c'est à l'opposé des besoins de la planète qui aura besoin de nourrir deux à trois milliards d'habitants en plus. Et je pense que le fait de défendre une agriculture, sur le plan économique, une agriculture de production, me semble-t-il, va dans le bon sens.
Q- Faire remonter la production, donc. On voit notamment avec la hausse des cours du blé et celle du lait, qu'on a davantage besoin de produire ; c'est un changement, ça aussi, dans la politique générale.
R- Depuis 1992, nous gelons 10 % de nos terres, et quand on voit la flambée des cours des céréales, je trouve normal que l'on remette - je l'ai revendiqué il y a quelques mois auprès de la Commission européenne - il est heureusement décidé de remettre en production ces 10 % des terres gelées. Mais là où le Président est également attendu, c'est sur sa politique des prix, parce qu'il y a une totale interférence entre le prix des matières premières, le prix des céréales et évidemment l'augmentation du coût de l'aliment du bétail. Et aujourd'hui, les producteurs de porcs, de volailles, de lapins, globalement les producteurs de viandes...
Q- Ils l'ont d'ailleurs interpellé hier...
R- ...Ils l'ont dit très fort au président de la République hier qu'ils ont besoin d'une revalorisation de leurs prix payés à la production. Et tout cela est difficile à gérer dans la mesure où, par ailleurs, il y a ce débat sur le pouvoir d'achat.
Q- Une dernière question sur les réunions qui sont en cours pour préparer le "Grenelle de l'environnement". Il y a des groupes dans lesquels le dialogue est visiblement bloqué, c'est le cas dans le groupe 4, qui est le vôtre, celui de l'agriculture. Aucun accord pour l'instant sur quasiment aucune mesure. Le blocage porte par exemple sur les pesticides ; est-ce que vous pensez que les choses vont pouvoir évoluer dans le bon sens ?
R- Oui, je le pense. D'abord, nous participons à tous les groupes, la FNSEA est représentée dans les six groupes, donc il y a des groupes qui fonctionnent bien. Mais sur ce groupe plus spécifique à l'agriculture, il est évident que les efforts déjà engagés par l'agriculture doivent se poursuivre et je pense que les producteurs sont prêts à avoir une politique où l'on va être prudents et mesurés sur l'utilisation des phytosanitaires, des pesticides et des intrants, donc des engrais.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 septembre 2007