Interview de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national, à "RTL" le 8 octobre 2007, sur sa position concernant les tests ADN prévus dans le cadre de la régulation de l'immigration en France, et sur la situation financière du Front national après les élections.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Bonjour, J.-M. Le Pen.

R.- Bonjour.

Q.- La France a donc battu les All Black.

R.- Oui.

Q.- Vous avez regardé le match, J.-M. Le Pen ?

R.- Je les ai tous regardés, moi.

Q.- Vous aimez le rugby ?

R.- Je suis un ancien pratiquant.

Q.- Un commentaire ?

R.- Ah oui, j'étais très content. La France n'a pas si souvent l'occasion de remporter des victoires pour qu'on ne se félicite pas de celle qu'elle remporte, fut-ce dans le rugby professionnel.

Q.- La France championne du Monde ?

R.- Je ne sais pas. La glorieuse incertitude du sport. Il faut préserver le suspens.

Q.- La question qui se pose, aujourd'hui, au Gouvernement, J.-M. Le Pen, c'est de savoir s'il doit ou pas maintenir des tests ADN pour l'aider dans sa régulation de l'immigration. Quels conseils lui donneriez-vous, J.-M. Le Pen ?

R.- Je trouve cette bataille dérisoire, non pas seulement par l'usage abusif qui est fait de ce mot ostracisé, n'est-ce-pas par la politique.

Q.- Vous parlez de quoi, là ?

R.- Je parle du mot "détail".

Q.- Ah, vous parlez du mot "détail".

R.- Vous avez bien compris !

Q.- Non, non ce n'était pas ma question.

R.- Je vous ai précédé, peut-être ?

Q.- Exactement.

R.- D'accord. En l'occurrence, on se souvient qu'en 1974, c'est le Gouvernement de Monsieur Chirac qui a établi le regroupement familial. Et ce regroupement familial a eu pour conséquences de transformer l'immigration de travail en immigration d'implantation, en immigration définitive. Alors, aujourd'hui, ce que je dis de façon claire, c'est que ça n'est pas les modalités de surveillance ou de contrôle de ce regroupement familial qui doivent être mis en place. Il faut supprimer le regroupement familial. Il y a trop d'immigrés en France. Cet excès considérable d'immigration pèse de façon négative sur tous les problèmes sociaux : le logement, le travail, l'école... Bref, je crois que c'est dans ce sens-là que peut-être il y aurait pu avoir rupture. Je constate qu'il y a une malheureuse continuité dans ce domaine-là comme dans tant d'autres dans la politique qui est menée par Monsieur Sarkozy.

Q.- Mais peut-être ne voulez-vous pas le commenter ! Mais l'utilisation des tests ADN en tant que tels, certains en sont choqués. Vous, vous en pensez quoi, J.-M. Le Pen ?

R.- Ah, oui écoutez, moi ça ne me choque pas particulièrement. Vous savez, les gens se mettent la morale là où ils veulent. Moi je crois que s'il y a des moyens de contrôle, on peut les employer d'autant qu'ils étaient volontaires et encadrés de toute une série de précautions qui doivent, je pense, rassurer les esprits démocratiques et humanitaires.

Q.- Alors, vous avez fait référence au mot qu'il ne faut plus employer sur la scène politique, J.-M. Le Pen. Je précise pour nos auditeurs : F. Fillon, Premier ministre, samedi, a dit à propos des tests ADN : "Les polémiques ont grossi jusqu'au ridicule, un détail en masquant l'essentiel". Et "détail", depuis que vous avez employé le mot, J.-M. Le Pen, on ne peut plus l'employer...

R.- C'est extraordinaire ; et d'ailleurs, ça marque la tyrannie intellectuelle qui règne dans ce pays. Il n'y a pas de liberté. Un simple mot utilisé par un homme politique de premier plan est frappé tout de suite de tas de difficultés. C'est extraordinaire, quand même çà !

Q.- C'est dire à quel point, J.-M. Le Pen, ce mot colle à votre personnalité.

R.- Non, pas du tout. C'est dire à quel point les lobbies qui gouvernent la pensée collective sont puissants et capables de diaboliser qui que ce soit, diaboliser et ruiner parce que je rappelle, quand même, que l'utilisation du mot "détail" m'a coûté 150 millions d'anciens francs.

Q.- Va-t-on qualifier les lobbies, ce matin, J.-M. Le Pen ?

R.- Ah, les lobbies ?

Q.- Oui, va-t-on les qualifier ?

R.- Ah, je ne sais pas, les lobbies...

Q.- Vous avez dit à quel point les lobbies...

R.- Est-ce qu'on a encore le droit d'employer le mot lobby ?

Q.- Je vous pose la question.

R.- Oui ce serait bien...

Q.- Ah, le mot "lobby", oui...

R.- Au moment où on parle du financement des syndicats ouvriers par les syndicats patronaux, ça peut être assez rigolo, en effet.

Q.- Bon, alors puisque vous en parlez, J.-M. Le Pen : le Front national est-il en faillite ?

R.- Ah non, il n'est pas en faillite. On est en faillite quand les actifs sont inférieurs aux passifs. Au Front national, Dieu merci, ses actifs sont supérieurs à son passif. Néanmoins, il n'en reste pas moins que nous connaissons une grave crise financière consécutive aux élections législatives dont on sait qu'elles vont nous coûter, je ne sais pas, l'équivalent de 10 à 12 millions d'euros.

Q.- Et alors, comment allez-vous vous en sortir ? Certains disent que vous pourriez vendre le siège du Front national, le "Paquebot" à Saint-Cloud ?

R.- A la limite, si vous voulez, comme c'est le gage le plus important, le bien le plus important que nous avons, si nous ne trouvons pas d'autres solutions, en particulier dans le domaine de l'emprunt ou d'autres solutions possibles, les rééchelonnements des dettes, eh bien on sera peut-être obligé de le vendre. Ce sont des choses qui arrivent ; mais je le regretterais pour ma part.

Q.- Mais vous ne l'excluez pas, ce matin. Dépêche AFP du 2 octobre, mardi dernier : "Des contacts directs ont déjà été pris avec d'éventuels acquéreurs pour le bâtiment".

R.- Ecoutez, en tous les cas, ils n'ont pas été pris par moi. Et comme c'est moi qui déciderais au dernier moment, je serais quand même je pense averti, aussi averti que vous, de la visite de vos confrères de L'Equipe ce matin.

Q.- Oui, ça c'est un peu codé ! Il y a beaucoup de monde en dehors du studio et je ne savais pas pourquoi ils étaient là. Voilà. On a lu, J.-M. Le Pen - c'est une information tout de même surprenante - que l'un de vos élus, Fernand Le Rachinel, a même pris une garantie juridique pour que, puisqu'il est votre imprimeur, sa dette puisse être honorée sur le siège du Front national. C'est pas très sympathique ça comme attitude ?

R.- Ah oui, c'est pas très sympathique, peut-être ; moi, je trouve que c'est un peu superflu d'autant qu'il affirme dans ses interviewes qu'il a une absolue confiance dans l'honnêteté de ses collègues et de ses amis du Front national. Néanmoins, je pense qu'il n'est peut-être pas seul dans ses intérêts et que ses avocats ou sa famille ou ses associés l'ont peut-être poussé à prendre une garantie purement formelle d'ailleurs, car elle ne serait mise en oeuvre que dans six mois.

Q.- Au fond, ceci est symbolique de ce qui se passe au Front national. On parle déjà de votre succession, J.-M. Le Pen. Votre fille...

R.- Ecoutez, on en parle depuis des années...

Q.- Mais là, officiellement, puisque votre fille va vous succéder. Elle n'en parle pas un peu trop tôt, J.-M. Le Pen ?

R.- Je ne sais pas si ma fille va me succéder.

Q.- Elle l'a dit.

R.- Après tout, elle a des qualités qui lui permettraient de se mettre sur les rangs ; et on ne voit pas pourquoi on l'écarterait parce qu'elle serait la fille de J.-M. Le Pen.

Q.- Mais elle n'en parle pas trop tôt ?

R.- Non. Ecoutez, moi... C'est une issue qui ne m'inquiète pas du tout. Je sais que nous sommes tous condamnés en sortant du ventre de notre maman. Par conséquent, un peu plus tôt, un peu plus tard. Dans mon cas, ce sera plutôt un peu plus tard.

Q.- Les élections municipales commencent aussi à beaucoup agiter les états-majors. On dit que le Front national dans les Alpes-Maritimes pourrait soutenir J. Peyrat, qui a été membre du Front national, et qui ne l'est plus depuis longtemps.

R.- Oui, ça c'est une hypothèse que notre fédération locale a évoquée. On verra. Certains disent que Peyrat n'aurait pas l'investiture de l'UMP, je ne sais pas.

Q.- Et s'il ne l'a pas ?

R.- Ah s'il ne l'a pas, c'est un événement qui permet peut-être d'autres configurations politiques.

Q.- Et donc, le Front national pourrait soutenir, le cas échéant, J.- M. Le Pen ?

R.- Eventuellement. Le Front national n'a pas de préjugés.

Q.- Vous-même, vous ne serez pas candidat aux élections municipales ?

R.- Non, je suis très rarement candidat. La seule fois où j'ai été candidat, j'ai d'ailleurs été élu conseiller du XXe arrondissement. C'était en 1983. J'ai d'autres terrains de chasse, si j'ose dire.

Q.- Là, à l'élection présidentielle, la prochaine, c'est ça ?

R.- Ah la prochaine, je ne sais pas. Mais vous savez, moi je ne dis rien. Je n'insulte pas l'avenir.

Q.- J.-M. Le Pen, qui n'insulte pas l'avenir.

Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 8 octobre 2007